rut. Les vieux chroniqueurs ne s’accordent pas à cet égard ; les uns disent qu’il se noya, les autres que le diable l’emporta. (Kotzebue, Histoire de Prusse.)
Un des plus grands poètes modernes de la Pologne, Adam Mickiewicz, a retracé les principales circonstances de la vie de Conrad Wallenrod, dont il a ennobli la fin. Il fait dire à son héros prisonnier : « ...Regardez tant de millions d’hommes perdus, vos villes en cendres, vos terres en feu. Entendez-vous les vents ? ils poussent des orages de neige ; là meurent de froid les débris de vos armées. Entendez-vous les hurlements des chiens affamés ? ils dévorent et se disputent les restes de ce repas. C’est moi qui l’ai fait ! Oh ! je suis grand et fier ! Tant de tètes de l’hydre coupées à la fois ! Il dit, jette un regard à travers les barreaux et tombe inanimé ! » (Adam Mickiewiez, Conrad Wallenrod.)
WALLENSTADT, ville de Suisse, canton de Saint-Gall, a 45 kilom. N.-O. de Coire, sur la rive orientale du lac de son nom et le chemin de fer de Zurich à Coire ; 2,000 hab.
WALLENSTADT (lac de), petit lac de
Suisse. Sa partie orientale se trouve dans le
canton de Saint-Gall, et sa partie occidentale
forme la limite de ce canton et de celui de
Glaris. La forme de ce lac, qui s’étend de l’E.
à l’O., est assez régulière, et sa largeur du
N. au S. presque partout la même (2 kilom.) ;
mais sa longueur de l’E. k l’O. est de 15 kilom.
500. Sa hauteur, au-dessus du niveau
de la mer, est de 500 mètres, et sa profondeur
de 150 mètres. La Seez, qui s’y jette à
Wallenstadt, et la Linth sont les plus considérables
des rivières dont il reçoit les eaux. Au S. et au N. de ce lac s’élèvent de hautes montagnes qui protègent le pays
contre les vents froids, et dont les rochers,
souvent coupés à pic et empêchant d’aborder,
s’enfoncent verticalement dans les eaux
du lac et produisent un effet pittoresque.
Pour compléter le tableau, ces rochers sont
entrecoupés de tapis d’une riche verdure, où
l’on aperçoit des hameaux et quantité d’habitations
éparses.
WALLENSTEIN ou WALDSTEIN (Albert-Wenceslas-Eusèbe
de), l’un des plus fameux
généraux de la guerre de Trente ans,
né en Bohême, en 1583, d’une famille ancienne
et peut-être d’origine allemande. Il
fut, pendant quelque temps, page du margrave
de Burgau, abjura le protestantisme,
bien plus par intérêt que par conviction,
voyagea dans la plupart des contrées de
l’Europe, fit un riche mariage à son retour
et devint veuf au bout de quatre ans. L’archiduc
Ferdinand, qu’il avait servi dans une
guerre contre les Vénitiens en lui amenant
300 cavaliers levés à ses frais, le nomma, k
la fin de la campagne, colonel des milices de
Moravie. Il ne put comprimer l’insurrection
de ce pays ; mais les sommes qu’il en rapporta
lui servirent à lever d’autres troupes,
qu’il mit au service de l’empereur. Envoyé
eu Bohème au commencement de la guerre
de Trente ans (1618), puis une seconde fois
en Moravie (1621), il combattit ses anciens
coreligionnaires, augmenta sa fortune par
des confiscations immenses et se justifia des
accusations portées contre lui à la manière
de Jugurtha, c’est-à-dire en corrompant les
personnages les plus considérables de la cour
impériale. En 1625, au moment où l’empereur,
qui se considérait comme le chef naturel
de la ligue catholique en Allemagne, était
épuisé d’hommes et d’argent et voyait décroître
la prépondérance de l’Autriche, qui
n’avait encore fourni que quelques corps
d’armée insignifiants, Wallensteiu offrit de
lever et d’entretenir une année à ses frais, à
la condition qu’on lui permit de la porter à
50,000 hommes. Il fit en effet des enrôlements
en Bohème, vint s’emparer du cours
de l’Elbe et agir de concert avec Tilly, sans
se mettre toutefois sous son commandement,
repoussa victorieusement, au pont de Dessau,
les attaques de Mansfeld (1626), qu’il
poursuivit jusqu’en Hongrie ; il combattit encore
dans ce pays Bethlen Gabor et ses alliés
les Turcs, mais ne se maintint que difficilement
et ne fut sauvé d’une ruine complète
que par les discordes de ses ennemis.
Gabor fit sa paix avec l’empereur ; Mansfeld,
abandonné, essaya de s’enfuir vers l’Italie,
et Wallenstein effectua sa retraite avec les débris
d’une armée réduite au quart par les désertions
et les maladies. Il recruta cependant
de nouvelles troupes, traversa le Brandebourg,
s’empara de tout le pays entre la Baltique,
l’Elbe et le Weser et pénétra jusque
dans le Holstein et le Slesvig. Avant cette
époque même, il avait été nommé par l’empereur
duc de Friedland, de Mecklembourg,
prince du saint-empire, généralissime de la
flotte de l’Océan et de la mer Baltique, etc.
Lui-même commença, dès lors, à prendre le
titre d’altesse et l’autorité d’un dictateur sur
les princes et les peuples du nord de l’Allemagne.
Il avait augmenté son armée jusqu’au
chiffre énorme de 100,000 hommes ; cette armée
lui appartenait en propre, et il faisait
en réalité la guerre pour son compte, tout
en n’étant en apparence que le lieutenant de
l’empereur, dont il dédaignait le plus souvent
les ordres. Exécutant sur une vaste
échelle ce qu’avaient fait les anciens condottieri,
il ouvrit un immense marché d’hommes
qui faillit absorber tout ce qu’il y avait en
Europe de gens de guerre et d’aventuriers
de toutes les nations et de toutes les religions.
Son secret pour les attirer à lui et les
maintenir sous son autorité était de leur livrer
le peuple, biens et vies, âme et corps,
hommes, femmes et enfants. Cette prime effroyable
devait nécessairement lui attirer
tous les soldats de la terre. Il établit partout
le règne du soldat, ou plutôt du brigand. Le
sac des villes, les pillages et les massacres
qui suivent l’assaut, la dévastation de contrées
entières, renouvelés tous les jours sur
des villes ouvertes, sur des villages, sur des
pays sans défense, sans distinction d’amis
ou d’ennemis, de protestants ou de catholiques,
telles étaient les horreurs qui signalaient
sa marche et ses opérations. Toute
l’Allemagne du Nord fut ravagée ; les paysans
qui échappaient aux tueries mouraient de
faim sur les ruines de leurs chaumières incendiées ;
d’autres, cela est attesté par tous
les historiens de cette guerre barbare, se
nourrissaient de chair humaine. L’homme
qui présidait à toutes ces abominations, et
que certaines légendes, beaucoup plus littéraires
qu’historiques, voudraient faire passer
pour un grand général, n’était qu’un heureux
spéculateur qui avait judicieusement
calculé qu’en centralisant autour de lui la
presque totalité des mercenaires de l’Europe
il ferait la guerre à coup sûr, n’ayant plus
à combattre que des populations désarmées.
Il était, au reste, inaccessible à la pitié, n’avait
d’autre dieu que l’argent, d’autre foi
que les superstitions de l’astrologie, d’autre
but que d’acquérir de la puissance, des richesses,
une souveraineté indépendante, peut-être même la couronne de Bohême. Ferdinand, cependant, cédant aux cris d’horreur
qui s’élevaient de tous côtés contre ce
bourreau, ou plutôt aux injonctions des puissances,
des princes allemands et de la diète
de Ratisbonne (1630), osa ordonner la destitution
d’un homme dont la puissance était
formidable et les prétentions indépendantes
à peine dissimulées, et qui était de plus à la
tête d’une armée de 100,000 hommes qui ne
trouvaient que dans sa sûreté l’impunité de
leurs crimes. Wallensteiu affecta pourtant l’obéissance
et la résignation. Il rentra dans la
vie privée et vécut désormais dans ses immenses
domaines de Bohême et de Moravie
ou dans son palais de Prague, déployant un
luxe asiatique qui surpassait celui de la plupart
des souverains. Cependant, les victoires
de Gustave-Adolphe en Allemagne le firent
rappeler par Ferdinand. Il se laissa longtemps
supplier et ne consentit à reformer
ses bandes et à prendre de nouveau le commandement
qu’aux conditions d’être généralissime,
de disposer de tous les grades, de
gouverner exclusivement les pays conquis,
de conserver le produit des confiscations,
d’avoir seul le droit d’amnistie, d’être confirmé
dans tous ses titres, etc. De plus, l’empereur
ni son fils ne pourraient paraître à
l’armée sans son autorisation. En peu de
temps, il rassembla une armée immense et,
après quelques opérations en Bohème, se dirigea
sur Nuremberg, où il fut suivi par
Gustave-Adolphe, qui parcourait la Bavière
en triomphateur. Les deux armées restèrent
pendant trois mois en présence. Wallenstein,
quoiqu’il eût des forces supérieures, craignait
de se mesurer avec le héros suédois et refusa
obstinément le combat. Attaqué dans ses formidables
retranchements, il résista pendant
dix heures et ne put être forcé. À Lutzen
(1632), il perdit la bataille, malgré la mort
de Gustave au milieu de l’action, se retira
ensuite en Silésie, où il ouvrit des négociations
secrètes avec la Suède, la Saxe, le
Brandebourg et même la France, dans le but
secret de s’assurer la couronne de Bohême.
Les victoires de Bernard do Saxe-Weimar,
le danger de Maximilien de Bavière, les injonctions
réitérées de l’empereur ne purent
le tirer de son inaction, interrompue quelque
temps après par des succès peu importants
en Silésie (1633). Il rentra ensuite en Bohême,
pays déjà épuisé et qu’il écrasa de
contributions énormes, continuant à désobéir
aux ordres de la cour de Vienne. Lassé à la
fin d’une longue dissimulation, il s’ouvrit à
Piccolomini d’un plan de défection qu’il avait
médité, réunit tous ses généraux et les lia
par écrit à la défense de sa cause personnelle ;
L’empereur, instruit par Piccolomini,
mit Wallenstein au ban de l’empire et le fit
assassiner à Égra (1634). Ainsi se termina la
destinée extraordinaire de cet homme encore
si puissant la veille, qui rêvait et qui eût
accompli peut-être la chute du trône impérial,
s’il n'eût lui-même brisé l’édifice de sa
fortune par une précipitation fiévreuse. Sa
trahison, longtemps contestée, est aujourd’hui
hors de doute. Ce personnage est traité
avec beaucoup trop de faveur par Schiller
(Guerre de Trente ans), qui ne craint pas de
le comparer à Gustave-Adolphe. La trilogie
de Wallenstein, du même poëte, appartient
plus à la poésie qu’à l’histoire.
« Albert Wallenstein, dit Sarrazin, eut l’esprit grand et hardi, mais inquiet, ennemi du repos, le corps vigoureux et haut, le visage plus majestueux qu’agréable. Il fut naturellement fort sobre, ne dormant quasi point, travaillant toujours, supportant aisément le froid et la faim, fuyant les délices et surmontant les incommodités de la goutte et de l’âge par la tempérance et par l’exercice ; parlant peu, pensant beaucoup, écrivant lui-même toutes ses affaires ; vaillant et judicieux à la guerre, admirable à lever et à faire subsister les armées, sévère à punir les soldats, prodigue à les récompenser, pourtant avec choix et dessein ; toujours ferme contre le malheur, civil dans le besoin ; d’ailleurs orgueilleux et fier, ambitieux sans mesure, envieux de la gloire d’autrui, jaloux de la sienne ; implacable dans la haine, cruel dans la vengeance, prompt dans la colère ; ami de la magnificence, de l’ostentation et de la nouveauté ; extravagant en apparence, mais ne faisant rien sans dessein et ne manquant jamais de prétexte du bien public, quoiqu’il rapportât tout à l’accroissement de sa fortune ; méprisant la religion, qu’il faisait servir à la politique ; artificieux au possible, et affectant de paraître désintéressé ; au reste, très-curieux et très-clairvoyant dans les desseins des autres, très-avisé à conduire les siens, surtout adroit à les cacher, et d’autant plus impénétrable qu’il affectait en public la candeur et la liberté et blâmait en autrui la dissimulation dont il se servait en toutes choses. Cet homme, ayant étudié soigneusement ta conduite et les maximes de ceux qui, d’une condition privée, étaient arrivés à la souveraineté, n’eut jamais que des pensées vastes et des espérances trop élevées, méprisant ceux qui se contentaient de la médiocrité. En quelque état que la fortune l’eût mis, il songea toujours à s’accroître davantage ; enfin, étant venu à un tel point de grandeur qu’il n’y avait que les couronnes au-dessus de lui, il eut le courage de songer à usurper celle de Bohême sur l’empereur ; et, quoiqu’il sût que ce dessein était plein de péril et de perfidie, il méprisa le péril, qu’il avait surmonté, et crut toutes les actions honnêtes, outre le soin de se conserver, en les faisant pour régner ».
Wallenstein, trilogie dramatique de Schiller ;
représentée sur le théâtre de Weimar le
12 octobre 1798. Schiller conçut l’idée de
cette trilogie eu écrivant son histoire de la guerre de Trente ans., et, comme il était plutôt
poëte dramatique qu’historien, il se livra
à bien plus de recherches et parvint à force
d’érudition à rendre sa tragédie plus historique
que son récit. Dès l’abord, il avait songé
à écrire son Wallenstein en prose, car il voulait
le faire en vue du théâtre, où l’on avait
perdu l’habitude des vers. Cependant, il se
décida à employer l’ïambe et Gœthe lui écrivit
lui-même à ce sujet : « Toutes les œuvres
dramatiques devraient être en vers, et alors seulement on verrait qui est capable de faire
quelque chose ; mais maintenant il ne reste
au poëte qui veut être joué qu’à s’accommoder
aux exigences du théâtre, et, en ce sens,
on ne pouvait vous en vouloir de votre intention
d’écrire Wallenstein en prose. Toutefois,
si vous le considérez en lui-même et
comme une œuvre indépendante, il faut nécessairement
qu’il soit en vers. »
Mme de Staël, avec raison, a dit que Wallenstein était la tragédie la plus nationale qui ait été représentée sur le théâtre allemand. Lessing, en blâmant le goût français et en se ralliant à Diderot dans la manière de concevoir l’art dramatique, avait banni la poésie du théâtre. Schiller, dans le prologue de sa trilogie, exposa toute une nouvelle théorie : « Lorsque l’intérêt, disait-il, ne consiste pas dans une situation seulement ; quand il embrasse la vie humaine, quand la représentation doit nous rendre le charme des récits, alors les caractères se développent non plus relativement à une seule situation, mais relativement à l’ensemble. L’unité dramatique prend plus de largeur, et l’auteur doit, comme la destinée, unir les fils de l’action qu’il nous fait voir, et, comme l’historien, présenter les événements partant des causes et arrivant aux effets. C’est là ce qui constitue tout le génie de Shakspeare. » C’est ainsi que Schiller voulut que la tragédie ne fût pas indigne des hautes destinées du temps où il vivait. Wallenstein, pourtant, sous un point de vue, a peu de rapports avec les tragédies de Shakspeare. Ce n’est pas l’auteur anglais qui aurait été embarrassé de faire tenir eu un seul cadre l’action qui semblait trop multiple et trop longue à Schiller pour ne former que le nœud d’une seule pièce. Le poète allemand se tira d’affaire en composant trois pièces ; le Camp de Wallenstein, les Piccolomini, la Mort de Wallenstein.
La première, le Camp de Wallenstein, n’est, à vrai dire, qu’une introduction, le péristyle de ce magnifique palais que le génie du poète va construire. Il n’y a là ni action ni dénoûment ; mais c’est le tableau le plus exact, le plus animé de la vie et du caractère du soldat au XVIIe siècle. Seize années de guerre ont réuni sous un même drapeau les nationalités les plus diverses. Ce n’est pas une idée qui les guide, c’est la foi dans un homme qui les retient ensemble ; ce n’est pas la défense d’une cause commune qui les anime, c’est l’attrait d’une vie indépendante, aventureuse, l’espoir du gain et du butin. Schiller a admirablement peint ces scènes d’une soldatesque qui n’a d’autre loi que la discipline et d’autre morale qu’un dévouement aveugle pour son chef. Rien n’est plus original que l’arrivée d’un capucin au milieu de la bande tumultueuse des soldats ; il veut prêcher la modération et la justice dans un langage plein de quolibets et de calembours, entremêlés de citations latines ; mais il échoue dans sa tentative et manque même de se faire maltraiter, parce qu’il ose s’attaquer à Wallenstein, que les catholiques soupçonnaient déjà d’être en négociations avec Gustave-Adolphe, le défenseur du protestantisme. On croit que le sermon du capucin n’est pas de Schiller ; il lui fut envoyé par Goethe qui, lui-même, n’avait eu que la peine de le prendre dans les œuvres d’Abraham Santa-Clara, un moine populaire à l’époque de la guerre de Trente ans. Schiller se borna à versifier cette harangue. Le Camp de Wallenstein est écrit en vers rimés dans le mètre que Hans Sachs avait adopté pour ses comédies.
La seconde partie, les Piccolomini, n’a pas non plus de dénoûment. Elle montre les causes politiques qui préparèrent les dissensions entre les chefs et amenèrent la défection de Wallenstein. Ce général combattait au nom de l’Autriche contre les nations qui voulaient introduire en Allemagne la Réformation ; mais, séduit par la perspective de se créer à lui-même un pouvoir indépendant en obtenant des Suédois la couronne de Bohême, il cherche à substituer son autorité personnelle à celle de l’empereur qu’il représente. Toute l’action du drame est donc une lutte entre la fidélité et l’ambition. Parmi les officiers supérieurs qui entourent Wallenstein et que la jalousie plutôt que le sentiment du devoir pousse à contrarier ses desseins, se placent au premier rang les deux Piccolomini, le père et le fils, l’un espion placé auprès de Wallenstein et son successeur déjà secrètement désigné ; l’autre, Max Piccolomini, amoureux de la fille du général, refusant de croire à la trahison de l’homme qui a été son bienfaiteur et d’entrer dans les voies tortueuses de son père, auquel il exprime son indignation sur le rôle odieux qu’il lui voit jouer dans une fort belle scène qui clôt cette seconde partie. Rien n’est plus intéressant que le contraste des deux caractères de Max et de Thécla, fille de Wallenstein, que toutes ces physionomies de traîtres ou d’ambitieux qui les entourent. Cette seconde partie contient l’exposition de l’action dans toute son étendue. Schiller peint dans tous ses détails le théâtre sur lequel les événements tragiques vont se dénouer. Là encore il fait preuve de cette grande connaissance du cœur qu’il avait. Les intérêts personnels des généraux sont en jeu ; l’ambition, le goût du danger, un mélange de bravoure et d’orgueil, avec une faiblesse et une pauvreté de caractère, résultats du manque d’instruction, de l’habitude de l’obéissance passive et du respect pour le succès, voilà à grands traits le tableau qu’il nous présente. La patrie et l’honneur national n’ont aucune prise sur ces hommes.
Après ces deux avant-propos, alors que l’on connaît tous les personnages, qu’on a pu voir se développer leurs caractères, on arrive, dans la Mort de Wallenstein, à l’action principale. L’intérêt est allé en croissant ; on s’est familiarisé avec le héros et son entourage, et l’on attend avec anxiété le dénoûment.
Wallenstein, trop engagé dans sa trahison pour revenir sur ses pas et rentrer dans le devoir, passe avec une partie de son armée dans les rangs des Suédois. C’est en vain que le superstitieux général a consulté les astres et que son astrologue, Seni, lui a conseillé une fuite déshonorante ; trahi par ses nouveaux alliés les Suédois, abandonné par ses compagnons d’armes, il est assassiné dans son palais, sur un ordre de l’empereur, transmis par Ottavio Piccolomini, et dont Butler, ennemi privé de Wallenstein, précipite l’exécution pour ne pas laisser à Wallenstein le temps d’un recours en grâce auprès du souverain. Max Piccolomini, désespéré de la trahison de son père et de la révolte du duc, cherche et trouve bientôt une mort glorieuse dans un engagement contre les Suédois, et sa fiancée prend le voile dans un couvent où l’on a placé le tombeau de son amant.
Au-dessus de l’action plane le personnage principal, Wallenstein, tour à tour astucieux, généreux, calculateur et superstitieux, prétendant régler toutes choses et devenu le jouet du hasard. Au reste, Schiller connaissait parfaitement le personnage historique dont il a fait son héros : « Le Wallenstein de l’histoire, dit-il dans une lettre datée de 1799, ne fut pas grand ; le Wallenstein poétique n’a jamais dû l’être. Dans l’histoire, il avait les présomptions en sa faveur ; on le pouvait croire un grand général, parce qu’il était heureux, puissant et hardi ; mais il était plutôt l’idole de la soldatesque envers qui il se montrait magnifique et royalement libéral, et qu’il maintenait, aux dépens de tout le monde, en grand honneur. Mais, dans sa conduite, il fut flottant et indécis ; dans ses plans, fantastique et excentrique, et dans la dernière action de sa vie, dans sa conjuration contre l’empereur, faible, incertain et même malhabile. » Le caractère de Max Piccolomini est également très-intéressant et l’intérêt qu’il répand sur la pièce risque même d’en altérer l’unité. La scène où il parait pour la dernière fois est une des plus belles qu’il y ait au théâtre. « Cet ensemble des trois pièces de théâtre qui forment le poème de Wallenstein, dit M. de Barante, a un intérêt progressif d’un tout autre genre que nos tragédies, mais qui a aussi son charme et son pouvoir. On croit voir se dérouler peu à peu devant soi des événements naturels dont on reconnaît les causes, dont on prévoit les résultats. Le propre du talent dramatique, c’est de créer des per-