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sidéré comme le renversement des vieilles mœurs, comme une monstruosité, comme l’abomination de la désolation. »

Arrivons aux préliminaires de la lutte.

Dans le duel, l’offensé envoie à l’offenseur deux témoins ou seconds, chargés d’obtenir de lui une réparation catégorique ou de lui proposer un cartel. En cas de refus, les conditions doivent être réglées sur l’heure et le combat suivre presque immédiatement. Adversaires et témoins ont à peine le temps de se reconnaître ; il faut marcher, il faut en finir. Dans les vendette corses, on procède avec moins de précipitation et d’une façon plus sérieuse. La famille outragée ne se jette pas ainsi sur ses ennemis avec une fureur aveugle ; elle convoque d’habitude en une sorte d’assemblée générale tous ses membres importants. Là, on examine la question sous toutes ses faces, on pèse mûrement l’offense, et, quand la chose est possible, on tente les voies de la conciliation. Les pourparlers durent quelquefois des années entières, et on ne s’arrête décidément à une résolution violente que lorsqu’on a perdu tout espoir d’une réparation volontaire. Les choses se passent donc froidement des deux parts, avec réflexion et calcul. Une fois la vengeance résolue, on en détermine la forme, on désigne celui qui en doit être l’instrument. C’est, sauf des circonstances exceptionnelles, un célibataire, qui, ne laissant après lui ni veuve ni orphelins, peut avec moins d’inconvénient exposer sa vie pour sa famille. Celui-là se regarde dès lors comme chargé d’une mission sacrée.

Avant de commencer les hostilités, on dénonce la guerre à l’ennemi au moyen de cette formule, en quelque sorte sacramentelle : « Garde-toi ! » Celui-ci, prévenu d’avance, a eu le temps de prendre ses précautions et de se préparer soit à la défense, soit à l’attaque, selon qu’il lui convient. M. G. Faure cite le trait d’un bandit offrant deux de ses cartouches à un homme que ses représentations et ses prières ne peuvent empêcher de se déclarer son ennemi, acceptant deux des siennes, et lui disant les larmes aux yeux : « Puisque tu le veux, eh bien ! que la destinée s’accomplisse ! Nous sommes en guerre ; à partir de demain, garde-toi ! »

Théodore Poli, bandit célèbre, établit dans la forêt d’Aïtone une cour martiale, devant laquelle devait être cité contradictoirement ou par défaut tout individu accusé d’un crime quelconque envers un des bandits ou envers la bande entière. Si la cour condamnait et que l’accusé fût présent, on lui donnait le temps de mettre ordre à sa conscience, après quoi on le fusillait. S’il était contumace, on lui notifiait la sentence en ces termes :

« Par arrêt de tel jour, tu as été condamné
à mort pour tel crime ; ainsi, garde-toi !
            « Signé : Théodore. »

Ces arrêts étaient affichés pendant la nuit à la porte du condamné, à celles de la mairie, de la justice de paix, du parquet et de la caserne.

La guerre, quoique déclarée, n’est pas encore inévitable. Désireux d’empêcher l’effusion du sang, des hommes de bien, que l’on nomme parolanti, s’interposent souvent entre les partis et font signer des trêves plus ou moins longues. Ils y réussissent fréquemment. Dans tous les cas, la trêve signée est inviolable ; y manquer volontairement, c’est se déshonorer sans retour, et ce que le Corse redoute par-dessus tout, c’est le déshonneur.

La vendetta est une guerre qui admet l’embuscade, les surprises, le guet-apens, toutes les ruses possibles ; mais elle exclut sévèrement le vol. La vengeance, non le pillage, est son but. Il faut lire, dans les récits spéciaux, les traits de courage, d’ingéniosité, d’héroïsme et aussi de férocité auxquels elle a donné lieu. La vendetta fit pendant des siècles de l’île de Corse une arène sanglante et la couvrit de ruines. « Tantôt, dit M. Faure, on perçait de meurtrières les murs latéraux de sa maison, dans le but d’en défendre de tous côtés l’approche par un feu plongeant et croisé ; tantôt on murait à hauteur d’homme ses fenêtres, pour que les balles venues du dehors ne pussent atteindre que les plafonds ou tout au plus le haut des murs intérieurs. Ici, on creusait des souterrains, afin de communiquer sans être vu d’une maison à l’autre ; là, on construisait des tours crénelées, d’où on pouvait dominer les alentours ; quelquefois on braquait devant sa porte de petites pièces de campagne, et, au moyen de cette artillerie, on tenait à distance ses adversaires. Si l’on se décidait à sortir dans la campagne, ce n’était qu’après le rapport des espions chargés de surveiller les mouvements de l’ennemi ; des guides ou éclaireurs allaient en avant pour explorer la route et se tenaient sur les flancs pour assurer la marche, et pendant ce temps-là des chiens dressés à ce genre de service s’en allaient de tous côtés, battant les buissons et les makis, et, s’ils tombaient sur la trace d’un individu suspect, donnaient aussitôt l’alarme par leurs aboiements répétés. Ce que les uns faisaient pour la défense, les autres le faisaient pour l’attaque ; mais on finissait toujours par se rencontrer, et c’est alors qu’on se livrait de sanglantes batailles... » Ces luttes ont amené le dépeuplement de l’île. « Dans un village de 500 âmes, dit M. Faure, un vieillard nous raconte avoir vu, dans l’espace d’un an, tuer jusqu’à quatre-vingts personnes ! » À quelques lieues de Bastia, sur la route orientale, on montre deux maisons de belle apparence, voisines l’une de l’autre et dont les murs sont percés de meurtrières, les portes closes et les fenêtres murées. Le silence et la désolation en sont aujourd’hui les seuls habitants. Si vous interrogez le moindre petit enfant, il vous racontera que ces maisons étaient, il y a quelque vingt ans, le séjour de deux familles riches et puissantes. Une inimitié les divisa, et, à la suite des combats qu’elles se sont livrés, l’une et l’autre ont été presque littéralement anéanties.

Le pardon est une lâcheté. Honte et malédiction sur l’enfant ingrat et dénaturé qui répudierait l’héritage de sang ! Quand un homme est mort assassiné, son corps est placé sur une table, et des femmes, la fille, la veuve du mort, des amies, viennent chanter ou déclamer devant le cadavre des complaintes qu’elles improvisent et dont le thème est invariablement la vengeance. On appelle cette lamentation funèbre voceru, buceratu.

Nous donnons comme spécimen de cette poésie le chant suivant, que nous empruntons aux Notes sur la Corse de M. P. Mérimée :

Lamentation funèbre du Niolo.

     Je filais mon fuseau
           Quand j’entendis un grand bruit ;
           C’était un coup de fusil
           Qui me tonna dans le cœur ;
           Il me sembla que quelqu’un me dit :
           « Cours, ton frère meurt ! »

           Je courus dans la chambre, en haut,
           Et je poussai précipitamment la porte,
           « Je suis frappé au cœur ! »
           Il dit, et je tombai comme morte.
           De n’être pas morte alors, moi aussi,
           C’est pour moi quelque consolation.
             (Je puis me venger.)

           Je veux mettre des chausses d’homme,
           Je veux acheter un pistolet,
           Pour montrer ta chemise (sanglante).
           Aussi bien personne n’attend
           Pour se faire couper la barbe
           Que la vengeance soit accomplie.

           Pour te venger,
           Qui veux-tu que ce soit ?
           Notre vieille mère, près de mourir ?
           Ou ta sœur Marie ?
           Si Lario n’était pas mort,
           Sans carnage l’affaire ne finirait pas.

           D’une race si grande,
           Tu ne laisses qu’une sœur,
           Sans cousins germains.
           Pauvre, orpheline, sans mari...
           Mais pour te venger,
           Sois tranquille, elle suffit !

La chemise sanglante de l’homme assassiné est gardée dans sa famille comme un souvenir de vengeance ; on la montre de temps à autre aux parents et aux enfants pour les exciter à punir le meurtrier. Quand les enfants sont grands, on la leur remet comme une succession qui leur appartient et qu’ils ne peuvent repousser sans un déshonneur ineffaçable.

Jusqu’à ce que la vengeance soit accomplie, les parents se laissent croître la barbe et portent des vêtements de deuil.

Il n’y a, du reste, disons-le, point de différence de rang devant la vendetta ; la vendetta ne distingue point entre le riche ou le pauvre, le noble ou le roturier. Le moindre berger, s’il est offensé, déclare fièrement la guerre aux plus importantes familles et quelquefois les oblige à capituler honteusement.

Il n’y a qu’une seule exception aux règles générales de la vendetta : c’est le cas où une femme séduite venge elle-même son honneur, ce qui s’est vu fréquemment, en frappant de la balle ou du stylet celui qui l’a trompée. Dans ce cas, l’offense est vengée, et il n’y a pas de vendetta.

M. Mérimée a cité un trait qui peint d’une façon bien caractéristique la passion de vengeance qui possède les Corses. Un homme étant mort de la fièvre, ses amis vinrent l’embrasser, et ils lui disaient : Oche tu fossi morto della mala morte, t’avremna vindicato ! « ô que n’es-tu mort de la male mort (assassiné), nous t’aurions vengé ! » Certes, un esprit aussi profondément vindicatif ne se modifie pas facilement ; des mœurs pareilles, invétérées depuis tant de siècles, ne se transforment pas du jour au lendemain au gré des lois. Aussi, depuis l’annexion de la Corse à la France, les différents gouvernements ont-ils constamment travaillé à combattre la vendetta sans faire de grands progrès, si ce n’est pourtant depuis ces dernières années, où les statistiques constatent une diminution sensible du chiffre des meurtres.

D’ailleurs, il y eut des gouvernements qui s’y prirent mal. La Restauration, qui tenait la Corse en suspicion, déploya des rigueurs excessives ; le jury fut supprimé, et ce furent des cours martiales qui jugèrent les cas de vendette, lesquelles avaient presque toutes, il est vrai, un caractère politique ; ces commissions très-partiales prononcèrent plusieurs condamnations à mort, qui tombèrent justement sur des innocents, paraît-il, et exaspérèrent la population. Les vendette contre les agents d’un pareil régime se multiplièrent, et les bandits, s’affiliant aux sociétés secrètes du continent, aux carbonari, devinrent un danger beaucoup plus redoutable. La gendarmerie, composée exclusivement de continentaux, ignorants du pays et de la langue corse, était impuissante contre des ennemis qui avaient tous les habitants pour complices. Un bandit fameux, Théodore Poli, auquel tous les autres obéissaient, soutint une guerre en règle contre la force publique qui, en presque toutes les rencontres, eut le dessous. Enfin, en 1821, le conseil général de la Corse, énergiquement secondé par le général de Montélégier et le vicomte de Suleau, préfet du département, proposa au gouvernement d’ordonner lu formation d’un bataillon de voltigeurs corses, composé de 400 volontaires armés à la légère et exclusivement destiné à coopérer avec la gendarmerie dans cette guerre difficile.

Ce bataillon, institué par une ordonnance de 1822, rendit de grands services jusqu’en 1845, époque à laquelle le général de Saint-Simon crut devoir retirer aux voltigeurs corses le droit de faire des prises eux-mêmes et voulut les réduire au rôle de pourvoyeurs de la gendarmerie. Il y eut une décadence immédiate, et, de 1845 à 1850, la nombre des bandits contumaces s’éleva à 500 ou 600. En 1850, on réorganisa les voltigeurs corses sous le nom de gendarmerie mobile, et le conseil général demanda au gouvernement de prohiber temporairement toute espèce d’armes sur le territoire corse. En même temps qu’on engagea une guerre acharnée contre les bandits, l’article 248 du code pénal contre les receleurs fut appliqué dans toute sa rigueur, et on emprisonna impitoyablement tout individu convaincu d’avoir donné asile à des contumaces. La loi qui prohibait les armes sous des peines correctionnelles sur tout le territoire de l’île fut enfin votée en 1853 ; prorogée en 1857, elle paraît avoir eu d’excellents effets, si l’on s’en rapporte aux statistiques officielles : la moyenne des meurtres, qui, dans les trente-huit années précédentes, était de 102, qui depuis 1848 était de 125, serait descendue depuis l’application de cette loi à 22, puis à 16, et semble devoir diminuer encore.

Vendetta (la), opéra en trois actes, paroles de MM. Léon et Adolphe, musique de M. de Ruolz ; représenté à l’Académie royale de musique le 11 septembre 1839. Le sujet de cet ouvrage a été tiré du célèbre roman de M. Mérimée, Columba. On a remarqué plusieurs chœurs d’une bonne facture, et particulièrement le chœur des chasseurs. Duprez, Massol, Levasseur et Mlle  Nathan ont concouru à cette représentation.


VENDEUR, EUSE s. (van-deur, eu-zerad. vendre). Personne dont la profession est de vendre : Une vendeuse de poisson. Entre le vendeur et l’acheteur, il existe un antagonisme radical. (F. Bastiat.) Le courtage pour le papier sur Paris n’est payable que par le vendeur. (Proudh.) || Personne qui vend, qui fait un acte de vente ; en ce sens le féminin est VENDERESSE.

Faux vendeur, Celui qui vend à faux poids ou à fausse mesure.

Vendeur d’allumettes, Homme qui débite des niaiseries, des bagatelles.

Vendeur de marée, Vendeur de volaille, Nom donné autrefois à certains officiers préposés à la vente de la marée, de la volaille.

Vendeur d’orviétan, de mithridate, Charlatan qui débite ses drogues sur les places publiques. || Médecin qui se vante d’avoir des remèdes pour toutes sortes de maux. || Hâbleur, en général.

Vendeur de fumée, Homme qui fait parade d’un crédit qu’il n’a point et qui cherche à en tirer quelque avantage :

Tous ces beaux suffisants dont la cour est semée
Ne sont que des tricheurs et vendeurs de fumée.
              Regnard.

Vendeur de chrétiens, de chair humaine, Nom qu’on donnait aux officiers recruteurs. || Nom qu’on a donné ensuite aux agents de remplacement.

Être fait comme un vendeur de cochons, Être mal bâti ou mal vêtu.

— Prov. Il y a plus de fous acheteurs que de fous vendeurs, Les marchands calculent mieux leurs intérêts que les chalands.

— Allus. hist. Vendeurs chassés du temple, Allusion à une action de Jésus-Christ, qui s’emploie pour stigmatiser les profanateurs, dans quelque ordre que ce soit, ceux qui font marché de choses respectables, de ce qui devrait être l’apanage exclusif de l’art, des lettres, des sciences et, en général, de l’intelligence et du talent.

« La pâque des Juifs étant prochaine, Jésus fit son entrée à Jérusalem.

« Et il trouva dans le temple des marchands qui vendaient des bœufs, des brebis et des colombes, et les changeurs y étaient assis,

« Et ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous hors du temple, ainsi que les brebis et les bœufs, et il renversa l’argent des changeurs et les tables ;

« Et il dit aux marchands : « Il est écrit : Ma maison est une maison de prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs. »

« Il est dans Paris plus d’un auteur qui se faufile dans la littérature au moyen d’un volume acheté au rabais ou d’un article écrit par une amie. Il est temps de chasser du temple de la littérature les vendeurs qui s’y installent effrontément. »
                 (Figaro.)

« Le tumulte des sens, les suggestions de la vanité, les conseils de l’ambition avaient fait taire dans leur âme les chastes voix de la muse. D’autres, après s’être posés en prédicateurs
d’un art nouveau, avaient démenti dans la pratique leurs théories spécieuses. D’autres encore, patriciens de l’intelligence,
déshonoraient dans l’orgie leurs titres de noblesse. Il y en avait qui, au lieu de chasser les vendeurs du temple, y proclamaient de leur propre voix et y installaient de leurs propres mains la vente et le marché, l’agiotage et les enchères. »
                Armand de Pontmartin.

« La foule qui encombrait la place Bourbon
et ébranlait les grilles de l’Assemblée se
dispersa devant nous. Un de nos bataillons
entra au pas de charge dans la Chambre et
chassa du temple de la loi, non point les vendeurs, mais les larrons. Les autres bataillons se postèrent aux environs et dans les cours mêmes de l’Assemblée. »
                   De Molènes.


Vendeurs chassés du temple (LES), tableau du Bassan ; au musée de Madrid. On lit dans l’Évangile selon saint Matthieu : « Jésus entra dans le temple et il en chassa tous ceux qui y vendaient ou qui y achetaient. Il renversa même les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de pigeons. » Ce n’était pas dans le temple proprement dit, mais dans l’atrium gentium, sorte de vestibule entouré de portiques élevés, que s’étaient installés les vendeurs. Toutefois, la plupart des peintres qui ont représenté cette scène lui ont donné pour théâtre l’intérieur même du sanctuaire. Jacques Bassan ne s’est pas borné à commettre cette erreur ; il a introduit toutes sortes d’animaux et de marchandises dans les représentations qu’il a faites de l’épisode dont il s’agit ; il a peint ainsi de véritables foires qui lui ont fourni l’occasion de montrer son talent à reproduire les bêtes et les ustensiles les plus divers. Le musée de Madrid a deux tableaux de lui sur ce sujet ; le plus important est placé dans la salle des chefs-d’œuvre, qui s’appelait naguère la salle d’Isabelle. Des compositions, conçues dans le même esprit et exécutées par François et par Léandre Bassan, se voient au musée de Dresde et au palais Doria, à Rome. Le tableau de François a été gravé par Ph.-And. Kilian. Un tableau de Jacques Bassan a été gravé par P. Chenu.

Parmi les maîtres italiens qui ont peint les Vendeurs chassés du temple, nous citerons : Giotto (église de Santa-Maria-dell’Arena, à Padoue), Bonifazio (au palais ducal de Venise), Benedetto Castiglione (musée du Louvre), le Corrége (musée du Belvédère), le Guerchin (au palais Brignole-Sale, à Gênes), Luca Giordano (gravé par Delaunay, dans la Galerie du Palais-Royal), B. Manfredi (gravé par Jean Haussart, dans le Cabinet Crozat), Pannini (au musée de Madrid), Dom. Parodi (église de Santa-Maria-della-Vallicella, à Rome), Carlo Saraceno (autrefois dans la galerie Giustiniani), F. Solimena (gravé par P. A. Martini), Paul Véronèse (collection Yarborough, en Angleterre), Federigo Zuccaro (gravé par C. Cort, 1568), etc.


Vendeurs chassés du temple (LES), tableau de Jouvenet ; au musée de Lyon. Le Christ, suivi de ses disciples, descend les marches du temple et chasse les marchands qui encombrent les abords du lieu sacré ; des changeurs, assis devant une table, ramassent en toute hâte leur argent ; des vendeurs de colombes et de volailles emportent leurs paniers ; deux hommes cherchent à retenir des taureaux effrayés ; un troupeau de moutons se débande ; une femme s’enfuit avec son enfant qui crie. Cette composition, peinte sur une toile de près de 7 mètres de longueur, était autrefois placée dans l’église de Saint-Martin-des-Champs, à Paris. Elle a été gravée par Gaspard Duchange. Il y en a au musée du Louvre une répétition avec quelques changements, qui a été exécutée pour servir de modèle de tapisserie aux Gobelins.

Des tableaux sur le même sujet ont été peints par Nicolas Colombel (gravé par Michel Dossier), Claude Halle (autrefois dans la cathédrale de Paris), Valentin (musée de l’Ermitage), Adolphe Yvon (Salon de 1845), Jordaens (musée du Louvre), etc.


Vendeurs chassés du temple (LES), célèbre eau-forte de Rembrandt. Le Christ, armé d’une poignée de verges, met en fuite la troupe mercantile ; debout sur le devant de la composition, il lève son fouet sur un changeur dont la table culbute et qui, saisi d’effroi, ramasse une partie de ses écus ; un gentilhomme (la scène n’a rien d’hébraïque), qui traitait sans doute d’une affaire avec ce vendeur d’argent, se penche vivement en arrière, le dos tourné au spectateur. Tout près de ce groupe, à gauche, deux négociants, assis dans la pénombre et dont l’un est coiffé d’un bonnet persan, paraissent absorbés dans un entretien ; mais un Oriental qui se sauve se tourne vers eux comme pour les prévenir de ce qui se passe. À côté de cet Oriental, un