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éternelle, où le retenaient, du reste, les souvenirs et les habitudes de toute sa vie, Thorwaldsen y avait acquis en quelque sorte droit de cité ; aussi les démarches pour le déterminer à changer de résidence i’avaient-elles trouvé inexorable. Le prince héréditaire de Danemark !ui avait écrit pour le presser’de venir à Copenhague prendre la direction des beaux-arts ; le roi Louis Ier lui avait offert, avec le titre de conseiller d’État, la place de professeur à. l’Académie de Munich. Thorwaldsen, tout eu protestant de sa reconnaissance et au besoin de ses regrets, n’en continuait pas moins de vivre à Rome en homme qui s’y sentait à peu près définitivement installé. Sa maison de la via Sistina, dans laquelle il avait formé une riche collection de monuments antiques et de peintures ; les hôtes illustres qu’il y recevait successivement, depuis les princes étrangers jusqu’à Walter Scott et Humboldt ; le patronage qu’il exerçait tant sur les artistes établis à Rome que sur ceux qui, comme Mendelssohn, y séjournaient seulement quelques mois, tout le détournait de l’idée d’aller ailleurs essayer d’une autre existence. Les événements de 1830 le firent changer d’avis, non pas que la révolution accomplie en France et dont on ressentait alors le contre-coup en Italie eût offensé autrement ses affections ou ses croyances, non pas qu’il eût la moindre envie de seconder activement le progrès de l’esprit nouveau ; il avait pu, à de certains moments, faire cause commune en apparence avec l’insurrection contre les pouvoirs établis, entrer, par exemple, lors du soulèvement de fa Grèce, en relation avec le comité philhellénique et élever un peu plus tard, aux frais de ce comité, un monument à la mémoire de Byron, mais son zèle révolutionnaire ne dépassait pas les limites de cette participation indirecte. D’un autre côté, le gouvernement sous lequel il vivait ne lui avait guère inspiré jusqu’alors que des sentiments proportionnés aux intérêts de sa propre sécurité et de son repos. Or, ce qui venait de se passer en Italie lui semblait compromettre assez gravement l’une et l’autre pour que la perspective d’un départ prochain ne répugnât plus à sa pensée. Les jours plus calmes qui suivirent ne dissipèrent pas si bien les inquiétudes ou les ennuis de Thorwaldsen qu’il renonçât à son projet de quitter l’Italie aussitôt qu’il aurait terminé ses tâches diverses. Il voulut même s’éloigner de Rome comme le choléra y entrait ; mais il fut contraint d’y rentrer le même jour, car les populations environnantes avaient établi une sorte de cordon sanitaire infranchissable autour de la ville pestiférée. Enfin, au commencement d’août 1S38, il s’embarqua sur une frégate envoyée par le roi de Danemark tout expivs à Livourne, emportant avec lui ses collections d’objets d’art, qu’il avait d’avance assurées par testament à sa ville natale, ainsi que tous les modèles de ses œuvres, installés aujourd’hui à Copenhague, dans le musée qui

porte son nom.

Le retour de Thorwaldsen en Danemark après une absence de quarante-deux ans, interrompue seulement par son séjour de quelques mois en 1820, eut à tous égards les caractères d’un véritable triomphe. Il faut lire dans les récits de ses biographes les détails de cette ovation, à laquelle participèrent toutes les classes de la société, depuis les membres du Parlement, de la municipalité et de l’Académie de Copenhaguejusqu’aux plus humbles des corps de métiers, depuis les princes de la famille royale, qui accueillirent comme l’un des leurs le fils illustre d’un simple ouvrier, jusqu’aux bourgeois de la ville, qui dételèrent ses chevaux pour traîner sa voiture par les rues. Quelques-uns de ces témoignages d’admiration pourront, à la distance où nous sommes de l’événement et des faits qui l’avaient précédé, paraître un peu plus passionnés que de raison. À ne considérer que la valeur intrinsèque de plus d’un souvenir évoqué en

cette occasion comme un immortel titre de gloire, on jugera peut-être que la gratitude nationale dégénérait en engouement. Excessive ou non, cette joie patriotique avait un principe trop louable pour qu’on n’en respecte pas l’effusion et la sincérité. Tant que l’artiste vécut, son atelier fut le point de mire de tous les regards, sa personne l’objet de tous les respects, et lorsqu’il mourut subitement en mars 1844, au moment où il venait de prendre au théâtre royal la place qu’il y occupait chaque soir, les témoignages du deuil et de la consternation unanimes prouvèrent assez qu’il n’uvait rien perdu de son autorité sur l’opinion. On peut dire sans exagération que, le jour de ses funérailles, la nation tout entière fit cortège au maître vénéré, et qu’en suivant jusqu’au seuil do l’église, où le roi et les grands corps de l’État l’attendaient, ce cercueil chargé de couronnes, chacun songeait bien inoins à s’acquitter d’un devoir de sa fonction ou de son métier qu’à obéir à ses sentiments intimes.

Le comte Cicognara, dans sa singulière partialité pour Canova.a presque exclu Thorwaldsen de son Histoire de la sculpture (Storia delta scultura) [Venise, 1813, 1816, 1818, 3 vol. in-fol, ]. Mais ce silence gardé par Cicognata sur Thorwaldsen n’a rien qui doive surprendre ; il confirme le jugement qu’on a porté de son livre. Sous le titre à’Histoire de la sculpture, l’auteur n’a réellement composé que l’histoire de la sculpture italienne, et c’est & l’égard des artistes français qu’il

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s’est montré particulièrement injuste. Le grand sculpteur danois était cependant bien connu de ce riche amateur qui avait visité curieusement les moindres ateliers de toutes les villes d’Italie. À l’époque même où il était à Rome, il n’y en avait pas de plus célèbre que celui de Thorwaldsen. Le voyageur qui avait quelque titre à. le pouvoir visiter, après avoir traversé la place Barberini, se dirigeait vers une rue étroite, à l’entrée de laquelle on apercevait d’énormes blocs du plus beau marbre de Carrare. C’était dans cette rue, sur laquelle s’élèvent directement les murs de marbre du palais Barberini, assez vaste pour servir de séjour au plus fier souverain de l’Europe, que le grand sculpteursuédois avait son atelier particulier. Cet atelier ouvrait sur un petit jardin encombré d’une armée de statues, de débris de bustes, de colonnes et de pierres brisées, chargées d’inscriptions. L’atelier, vaste et nu, n’était ni boisé ni peint. C’est là que Thorwaldsen a modelé ses plus grandioses compositions. Ceux qui l’ont vu travailler là. avec un feu qui le rendait insensible à tout ne sauraient oublier le caractère singulier de sa physionome. Son extérieur était frappant, original ; il l’eût été partout, mais il l’était doublement à Rome". Au milieu de ces têtes italiennes, d’une régularité si remarquable, ses traits d’homme du Nord paraissaient étranges et discordants. Sa personne et ses manières, sa parole et son action avaient quelque chose d’un géant et faisaient songer aux légendes Scandinaves, On se figure volontiers Thorwaldsen comme le dieu Thor lui-même, frappant avec son marteau des blocs de marbre semblables à des blocs de glace polaire. C’était le Nord dans tout son luxe de vigueur et dans toute sa simplicité. Trente ans de séjour en Italie n’avaient rien adouci, rien changé en Thorwaldsen ; les années avaient glissé sur lui sans agir physiquement sur cette âpre nature du Nord. Il n y avait en lui aucune de ces délicatesses achevées qui indiquent le goût naturel et comme instinctif du beau, apanage heureux et gloire du Midi ; mais, en revanche, il avait cette solidité d’intelligence, cette virile vigueur d’esprit qui suppléent atout ; il en montrait aussi les lignes extérieures : son front était vaste et révélait une pensée hardie et grande ; ses yeux étaient petits et de ce bleu dur des Goths et des Huns, mais brillants d’une lumière intellectuelle qui frappait au premier abord. La douceur de son caractère et la bonté du naturel germanique se montraient sur ses lèvres, dans son sourire honnête, mais dénué de grâce. Sa tète tout entière était ornée d’une forêt de cheveux en désordre et qui commençaient à blanchir ; ce couronnement donnait à l’ensemble un air vénérable et achevait le portrait.

Thorwaldsen a été l’objet d’un grand nombre d’études biographiques et critiques : Leben und Werke des dânischen Bildhauers Thorwaldsen, von J.-M. Thiele (Leipzig, 1832, 2 vol. in-fol.) ; StatueebassirilievidiAb.Thorwaldsen incisi epublicati da Fed. Mori(Rome, 1811, in-fol.) ; Entrée d’Alexandre le Grand à Babylone, frise de marbre, par le même (Munich, 1835, in-fol,) ; Reumont, Thorwaldsen Gedâchmissrede (Berlin, 1844, iii-8») ; Hillerup, Thorwaldsen og hans Vaerker (Kjoebenh., 1841-1842,2 vol. in-fol.) ; L. de Loménie, M. Thorwaldsen, par un homme de rien (Paris, 1341, in-12) ; H. Ch. Andersen, B. Thorwaldsen (Kjoeb., 1844, traduit en allemand par J. Reuscher) ; Marcellin (A.), Mémoire sur la vie et les ouvrages de A. Thorwaldsen (Paris, 1848, in-S°). L’ouvrage le plus complet qui lui ait été consacré en France est celui de M. Eugène Pion : Thorwaldsen, sa vie et son œuvre (1867, in ; 12), avec trent-sept dessins de F. Gaillard, reproduisant les principales compositions du maître,

TIIOHY (Claude-Antoine), écrivain et naturaliste français, né en 1757, mort en 1827. On ne sait rien de particulier sur sa vie, consacrée entièrement’ a l’étude. Il a. beaucoup écrit, particulièrement sur la botanique, et a fait partie de diverses sociétés savantes. Nous citerons de lui : Annales originis magni Galtiarum 0.’. ou Histoire de la fondation du Grand Orient de France et des révolutions qui t’ont précédée (Paris, 1823, in-8o) ; Acta Latomorwn ou Chronologie de l’histoire de la franc-maçonnerie (Paris, 1815, 2 vol. in-8») ; Les roses peintes par J.-P. Redouté, décrites et classées selon leur ordre naturel (1817-1324) ; Prodrome de la monographie des espèces et variétés connues dugenre rosier (1820, in-12) ; Monographie ou. histoire naturelle du genre groseilles (1809, in-8o).

THORYME s. m. (to-ri-me). Entom. Genre d’insectes hyménoptères, de la famille des chalcidiens, type de la tribu des thorymiens, dont l’espèce type habite la Suède.

THQRYMIEN, IENNE adj. (to-ri-mi-ain, i-è-ne) — rad. thoryme). Entom. Qui ressemble ou qui se rapporte au thoryme.

— s. m. pi. Tribu d’insectes hyménoptères, de la famille des chalcidiens, ayant pour type le genre thoryme.

THOSOE, île de la mer du Nord, sur la côte occidentale de la Norvège, diocèse de Dronthehn, par 63° 37’ de latit. N. et 6» 7’ de longit. E.

THOTH ou TOTU, dieu égyptien que les Grecs ont assimilé à leur Hermès et les Latins à, leur Mercure. V. Mercurk et Hermès.

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THOTT (Othori, comte de), homme d’État danois, né en 1703, mort en 1785. Entré de bonne heure dans la carrière administrative, il devint, en 1735, membre du bureau d’économie politique et de commerce, que l’on venait de créer, ainsi que censeur de la monnaie. Il eut surtout le mérite d’affranchir le commerce des colonies danoises des entraves auxquelles il avait été soumis jusqu’alors et acquit, en 1749, l’île d’Aroô, qui appartenait au duc de Glueksbourg. Bibliophile éclairé, il avait réuni une bibliothèque qui ne renfermait pas moins de 121,915 volumes et de 4,154 manuscrits. C’est, au jugement du savant Brunet, la collection de livres la plus considérable qui ait jamais été formée par un simple particulier, et son catalogue, publié par Nyerup sous ce titre : Catalogus bibliotheegs Tholtsianœ (Copenhague, 17S8-1795, 12 vol. in-8<>), est un des ouvrages de bibliographie les plus utiles que l’on puisse rencontrer. À sa mort, il légua à. la Bibliothèque royale de Copenhague sept mille ouvrages publiés depuis la naissance de l’imprimerie jusqu’en 1530, et fit don à l’université de la même ville d’un capital de 5,000 thalers, destiné à l’achat d’autres livres. Enfin, il avait formé une collection d’antiquités et de tableaux, ainsi qu’un médaillier, dont le catalogue a été également publié sous ce titre : Thésaurus numismatum ex aura, argénto et sre, Grscorum et Romanorum neenon medii et recentioris svi (Copenhague, 1789, 2 vol. in-8o).

THOTTÉE s. f. (tot-té — de Thott, natur. allem.). Bot. Genre d’arbustes, de la famille des amtolochiées, dont l’espèce type croît en Asie,


THOU (pic de), montagne de France, sur le versant septentrional des Pyrénées, par 42" 44’ de latit. N. et 1« 59’ de longit. O., à 3,125 mètres d’altitude.


THOU (Christophe de), magistrat français, né à Paris en 1508, mort dans la même ville en 1582. Il appartenait à une famille noble originaire de l’Orléanais et dont plusieurs membres avaient acquis de hautes positions dans la magistrature. Christophe de Thou avait été successivement conseiller et avocat du roi au siège de la table de marbre, contrôleur en la chancellerie, prévôt des marchands de la ville de Paris, lorsque Henri II le nomma, en 1554, président au parlement de cette ville. Ardent catholique, il fut l’organe du parlement, qui refusait d’enregistrer l'édit de tolérance du 17 janvier 1562, et accusa le gouvernement de la reine mère de favoriser l’établissement d’une religion nouvelle au détriment du catholicisme. Cette même année, il succéda à Le Maistre comme premier président du parlement. Après le massacre de la Saint-Barthélemy, on vit ce magistrat, dont le caractère était naturellement doux et bienveillant, approuver Charles IX, dans un discours public, d’avoir ordonné cette épouvantable boucherie et appliquer au roi la maxime de Louis XI : « Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner. » Pendant les troubles qui agitèrent le règne de Henri III, de Thou se fit remarquer par sa modération, se prononça contre la Ligue, dans laquelle il voyait un danger pour le trône, mais y adhéra néanmoins lorsque le roi s’en fut déclaré le chef (1576). Ce magistrat, qui jouit de son temps de la considération la plus haute, soumit les avocats à une rigoureuse discipline, rédigea les Coutumes de France et apporta un zèle extrême au jugement des procès criminels. Il était lettré, savant et avait réuni un grand nombre de matériaux, dans le but d’écrire une histoire de France. Il aimait le luxe, la magnificence et fut le premier habitant de Paris qui ait eu un carrosse. Son fils lui fit élever par Prieur un admirable mausolée.


THOU (Nicolas de), prélat, frère du précédent, né à Paris en 1528, mort au château de Villebon (Seine-et-Oise) en 1598. il devint successivement conseiller clerc au parlement, archidiacre de l’Église de Paris, abbé de Saint-Symphorien de Beauvais et évêque de Chartres (1573). Lors des troubles qui éclatèrent sous Henri III, bien qu’il fût partisan de la cause royale, il évita prudemment de se prononcer formellement pour le roi ou pour la Ligue. Sa position, du reste, était difficile, car la ville de Chartres, après avoir chassé les troupes royales, avait accueilli avec enthousiasme le duc de Mayenne et reconnu comme roi le cardinal de Bourbon, sous le nom de Charles X. Dans cette situation, il dut, par crainte de s’exposer aux fureurs de la multitude, publier des mandements, dans lesquels il exhortait à l’obéissance envers le cardinal de Bourbon. Après la mort de Henri III, il entretint une correspondance secrète avec Henri IV, s’attacha à lui gagner des partisans, le reçut dans son palais et présida, en 1591, une assemblée d’évêques qui déclara « nulle, injuste et suggérée par la malice des étrangers ennemis de la France » l’excommunication lancée par Grégoire XIV contre Henri IV. Deux ans plus tard, l’évêque de Chartres fut choisi pour instruire ce prince dans la religion catholique et le sacra, en 1594, dans sa cathédrale. On lui doit, entre autres écrits : Norma pie vivendi (Paris, 1575, in-4o) ; Instruction des curés pour instruire le simple peuple dans le diocèse de Chartres (Paris, 1579, in-4o) ; Manière d’administrer les sacrements de l’Église (Paris, 1580) ; Brief recueil et explication de la messe (1598, in-4o) ; Cérémonies observées au sacre et couronnement de Henri IV, roi de France (1594).


THOU (Jacques-Auguste de), célèbre historien et magistrat français, né à Paris le 8 octobre 1553, mort dans la même ville en 1617. Il était fils de Christophe de Thou, premier président du parlement de Paris, eut pour précepteurs les meilleurs maîtres de son temps et poursuivit ses études dans les diverses universités du royaume ; il alla jusqu’à Valence, en Dauphiné, pour y suivre les leçons de Cujas, qui y professait le droit en 1571. Revenu à Paris, il y assista au mariage de Henri de Navarre avec Marguerite de Valois et à la Saint-Barthélemy, odieux massacre qui laissa dans son esprit des traces ineffaçables et le disposa à la tolérance religieuse, qui fut une des maximes de toute sa vie. Sa famille le destinait à l’état ecclésiastique et le plaça, en 1572, auprès de son oncle, Nicolas de Thou, alors chanoine de Notre-Dame, et qui fut peu après appelé à l’évêché de Chartres. Il accompagna ensuite Paul de Foix en Italie et visita Florence, Padoue, Bologne, Naples, moins en touriste qu’en étudiant, car, s’attachant principalement aux villes qui possédaient des universités célèbres, il s’y mettait en rapport avec les maîtres dont les travaux inauguraient la renaissance des lettres et des sciences. À son retour en France, il fut pourvu par son père d’une charge de conseiller clerc au parlement de Paris (1576), puis envoyé pour négocier une entente avec les chefs du parti protestant, réunis à Bordeaux (1581). C’est là qu’il connut Montaigne, alors maire de la ville. Cette mission remplie, ne se sentant pas de vocation ecclésiastique, il résigna ses bénéfices et fut nommé maître des requêtes au parlement (1586). L’année suivante, il obtint la survivance d’un de ses oncles, président à mortier, et se maria. Les guerres de religion désolaient alors la France. Henri III venait d’être forcé de quitter Paris, à la journée des Barricades. Le roi chargea de Thou de lui préparer un asile en Normandie, projet auquel il ne fut pas donné suite, mais qui n’en valut pas moins à de Thou le brevet de conseiller d’État (1588). Il accompagna en cette qualité Henri III aux états généraux de Blois, mais n’assista pas à l’assassinat du duc de Guise ; six jours auparavant, le roi l’avait envoyé à Paris, chargé d’une mission secrète qu’il eut beaucoup de peine à remplir, la nouvelle de la mort de Guise, arrivée presque en même temps que lui, ayant violemment soulevé la capitale. Il fut ensuite chargé, avec Schomberg et Duplessis-Mornay, de négocier l’accord du roi de France avec le roi de Navarre, puis il alla solliciter, en Allemagne et en Italie, des secours d’hommes et d’argent pour Henri III. Ce fut à Venise qu’il apprit la mort de ce prince, et il accourut aussitôt auprès de Henri IV, qui lui témoigna la même confiance que son prédécesseur. Toujours au premier rang, avec Sully, parmi les conseillers du monarque, il négocia, en 1594, le raccommodement du jeune duc de Guise avec la cour, figura aux conférences de Loudun et eut enfin l’honneur de rédiger les articles du célèbre édit de Nantes, qui opéra la pacification du royaume (1598). En 1600, il assista, en qualité de commissaire, à la conférence de Fontainebleau et y défendit avec force les libertés de l’Église gallicane, déjà attaquée, pour complaire au pape, par une partie du clergé. En 1616, il négocia encore le traité de Loudun, conclu entre le prince de Condé et la régente, Marie de Médicis. Ce fut son dernier acte politique.

Depuis 1595, il était président à mortier et il espérait être appelé, à la mort d’Achille de Harlay, au poste de premier président. Après la mort de Henri IV, Marie de Médicis le combla d’égards et, voulant éloigner Sully, partagea le maniement des finances entre trois contrôleurs, de Thou, Châteauneuf et Jeannin. Il accepta ces fonctions, quoiqu’elles fussent peu compatibles avec ses goûts et ses connaissances, mais il ressentit un vif dépit de ce que, le poste de premier président étant devenu vacant en 1611, la régente y nomma Nicolas de Verdun ; il se plongea dès lors plus que jamais dans ses études favorites, que l’activité de sa vie comme magistrat et comme diplomate ne lui avait jamais fait abandonner. C’est en 1591 qu’il avait commencé d’écrire, sous le titre d’Histoire de mon temps, une des plus vastes compositions historiques qu’on eût jusqu’alors entreprises. Il en publia les dix-huit premiers livres en 1604, et les idées de tolérance qu’il y exprimait soulevèrent contre lui de telles clameurs de la part du clergé, qu’il fut sur le point de renoncer à l’achèvement de son ouvrage. Henri IV ne put pas même le défendre des censures de la cour de Rome. L’Histoire de mon temps fut mise à l’index en 1609, et, ce qu’il y a de curieux, c’est que dans le même catalogue, publié en cette année, des livres abominables dont la lecture est éminemment corruptrice figure l’arrêt du parlement qui condamnait le régicide Jean Chàtel. Sous la régence, il se remit à son grand ouvrage, qu’il voulait pousser jusqu’à la mort de Henri IV ; mais il s’interrompit une seconde fois pour écrire ses Mémoires ; l’Histoire de