Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 14, part. 3, Sois-Suj.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

STRÀ

Allemagne qu’on trouve do ces féroces naïvotés.

Mais "Werder dut bientôt reconnaître que les moyens d’intimidation ne lui suffisaient pas ; l’héroïque population de Strasbourg n’éprouvait qu’un frémissement de colère au spectacle de ses maisons effondrées, de ses rues incendiées. Vainement les rues entières du Dôme et de la Nuée-Bleue s’écroulaient sous les obus ; vainement les cadavres et les débrisfumants s’accumulaient partout, Strasbourg s’opiniâtrait à la défense, déjouant l’odieux calcul de Werder qui espérait que le bombardement de la ville elle-même amènerait promptement sa reddition. Le 21, il adressa une nouvelle sommation au général Uhrich, et le brave commandant répondit nomme la première fois. Le général prussien dut donc se résigner aux longueurs d un siège en règle et ne plus se borner à tuer des femmes et des enfants ; mais il voulut tenter encore un effort.

Dans la soirée du 23, Un épouvantable bombardement commença de Keh ! ; 28 pièces de place et l’artillerie badoise tonnèrent sur la ville et la citadelle, en même temps que 40 grosses pièces prussiennes agissaient de leur côté. Le 24, l’artillerie badoise obtint un triomphe sans précédent dans l’histoire des peuples civilisés : elle brûlait jusqu’au der-lier parchemin la bibliothèque de Strasbourg, trésor incomparable des travaux de l’esprit humain. Documents précieux, manuscrits, incunables, éditions rares, tout fut consumé, rien n’échappa à la rage dévastatrice de ces fils de la pieuse et docte Allemagne. Werder s’est élevé d’un seul coup a la hauteur d’Omar. Dans la nuit suivante, les obus s’abattirent sur tous les quartiers, broyant les femmes et les enfants jusqu’au fond des caves et les hommes autour des flammes" qu’ils cherchaient k éteindre. Notre artillerie répondait de son mieux, mais d’une manière tout k fait insuffisante ; de plus, elle ne savait presque plus de quel côté diriger ses coups, 1 ennemi avant eu l’idée, très-ingénieuse du reste, d établir des batteries volantes qui se déplaçaient continuellement pendant la nuit et déroutaient ainsi le pointage de nos canonniers. Le 25 août, la citadelle n’était plus tenable ; elle dut être abandonnée ; les magasins et autres bâtiments qu’elle renfermait étaient ruinés de fond en comble. L’hôpital militaire fut évacué de même et les malades transportés dans les salles basses du château servant de résidence à l’évêque, et qui n’est séparé de la cathédrale que par une place. On espérait que les Allemands respecteraient du moins cette flèche, l’admiration du monde entier depuis des siècles ; on ne connaissait pas encore le vandalisme qui animait ces mystiques Teutons. Le vieux chef-d’œuvre d’Erwin de Steinbach servit précisément de point de mire aux canonniers badois : la cathédrale devint leur objectif. Un premier obus dirigé contre elle atteignit les colonnes qui supportent la lanterne, le second la lanterne elle-même ; le troisième renversa la croix. Ohl ce sont d’habiles canonniers que tes Badois 1 Aussi, encouragés par d’aussi brillants résultats, ils continuèrent pendant les jours suivants à lancer leurs projectiles sur le magnifique édifice, qu’ils eurent la satisfaction d’endommager gravement.

Pendant que ces pieux Allemands affirmaient ainsi leurs sentiments religieux, l’évêque de Strasbourg essayait d’intervenir auprès du général de Werder et se rendait aux avant-postes de Schiltigheim. Introduit auprès du commandant en chef, il lui demanda s’il ne pourrait point se contenter de bombarder les ouvrages de défense en épargnant la ville ; mais il fut moins heureux que Léon Ier eu présence d’Attila aux. portes de Rome ; ce que le païen sauvage avait accordé, le chrétien et vertueux Werder le refusa. Et, comme pour mieux accentuer ce refus, c’est précisément pendant ce moment-là que les obus allemands crevaient le toit de la cathédrale. Mais la sauvagerie ne sulûsait pas à abattre l’indomptable énergie des défenseurs de Strasbourg, bien que huit cents familles se trouvassent déjà sans abri et que plusieurs magasins k poudre eussent fait explosion dans l’intérieur de la ville. Le patriotisme de la brave population résistait à toutes les terreurs et faisait face à tous les dangers. Ainsi, un corps de pompiers volontaires s’était formé et déployait une activité infatigable partout où s’allumait l’incendie ; pour les familles dont les demeures s’étaient effondrées, on construisit des abris blindés le long des remparts et l’on établit des cuisines populaires qui nourrirent des milliers d’indigents. Strasbourg se montrait bien la ville héroïque dont tout Paris alla couronner de fleurs la tière statue sur la place de la Concorde. Chaque jour, des bataillons entiers, drapeau en tête, se rendaient au pied de cette personnification de la noble cite, et chacun se faisait un honneur d’écrire son nom sur un registre ouvert à cet effet et qui restera le livre d’or de Strasbourg : hommage louchant rendu k la capitale de l’Alsace par la capitale de la France, étreinte aussi par les canons prussiens.

Dans la nuit du 25 au 26, le bombardement devint épouvantable : Strasbourg ressemblait à une mer de flamme ; le général de Werder crut pouvoir enfin se flatter que les ■ moyens d’intimidation ■ avaient produit leur effet et que le moment psychologique

•uv.

STRA

était arrivé. Il fit donc cesser le feu le 28 à quatre heures du matin, et, à six heures, envoya de nouveau sommer la place d’ouvrir ses portes. « Strasbourg, répondit le général Uhrich, se défendra k outrance. » Ainsi le bombardement n’avait produit aucun des résultats qu’en attendait Werder ; il n’avait réussi qu’à couvrir son nom d’une honte ineffaçable par le massacra inutile d’êtres sans défense et la destruction de monuments vénérés du monde entier. Il fallut recourir aux tranchées et aux parallèles, comme les Français et les Anglais devant Sébastopol, dont ils n’ont jamais songé à incendier les maisons et les monuments. Ce progrès dans l’art de prendre les villes est dû entièrement aux Allemands ; personne ne le leur contestera. Il fallut, enfin, s’en prendre aux remparts et aux divers " ouvrages de défense, mais en combinant cette attaque avec la continuation du bombardement. Werderne put jamais renoncer au bénéfice d’une idée si ingénieuse. En conséquence, on dut faire venir à grands frais d’Allemagne des canons de gros calibre pour battre les remparts en brèche. Les Allemands choisirent pour point d’attaque le front nord-ouest de la place, compris entre la porte de Pierres et la porte de Saverne, point qui, n’offrant pas d’obstaeles de terrain, facilitait les travaux d’approche ; néanmoins, dans le but de renforcer ce front, le génie français avait établi en avant du corps de place un certain nombre d’ouvrages que les assiégeants devaient enlever successivement avant de songer à donner l’assaut à l’enceinte. Le général Uhrich, avec les forces restreintes dont il disposait, ne pouvant exécuter des sorties fructueuses, l’ennemi mit à profit cette inaction forcée pour se rapprocher de la place de plus en plus ; dans la nuit du 28 août, ses avant-postes n’en étaient plus qu’à 400 pas, formant un rideau derrière lequel les pionniers allemands creusaient le terrain et préparaient les travaux d’attaque. Dans la nuit du 29 au 30, l’ennemi put ouvrir une première parallèle, k 800 pas environ en avant des glacis, parallèle en arrière de laquelle furent établies dix batteries et qui s étendait de Schiltigheim à Kônigshofîen, embrassant ainsi tout le front nord-ouest et ouest de la place, sur une longueur de 6,000 pas. Dans cette même nuit, l’assiégeant réussit à creuser près de 8 kilomètres de tranchées, sans que la garnison de Strasbourg conçût le moindre soupçon de ces travaux, exécutés par une nuit des plus obscures. À six heures du matin, l’artillerie allemande ouvrait un feu formidable et réduisait au silence les canons français, trop peu nombreux sur ce point. Le général Uhrich essaya bien de le renforcer, mais sans pouvoir arriver à lutter avantageusement avec les pièces prussiennes, ni comme nombre, ni comme précision de tir, ni comme force de pénétration ; l’infériorité de notre artillerie, à tous les points de vue, on ne saurait trop le répéter, était manifeste.

Le général Uhrich ne se contentait pas de résister de son mieux aux efforts des assiégeants, il adressait des appels désespérés au ministre de la guerre. Le 27 août il lui écrivait : « Strasbourg est perdu si vous ne venez pas immédiatement à notre secours, à II appelait en même temps k son aide le général Félix Douay, qu’il croyait à Belfort et qui, à cette heure, marchait avec l’armée de Châlonsvers l’entonnoir de Sedan. Le lendemain, une partie du conseil municipal sollicitait du général Uhrich l’autorisation de se rendre auprès de Werder pour négocier une interruption de ce barbare bombardement ; mais le général repoussa cette proposition, qui n’eût amené, selon lui, qu’un redoublement de feu de la part de l’ennemi, en lui donnant à penser que nous attendions une armée de secours. Une petite partie de la population, exaltée par tant de souffrances, demandait la capitulation et proférait des menaces de mort contre le général Uhrich, qui ne se laissa point ébranler. Alors un certain nombre de familles, poussées par le désespoir, sortirent de Strasbourg et se présentèrent aux uvant-postes ennemis, dans 1espoir qu’on les laisserait franchir les lignes d’investissement ; mais elles furent impitoyablement rejetées dans la place par les Badois. Le lendemain, elles renouvelèrent cette tentative, et non-seulement n’obtinrent pas plus de succès, mais encore se virent dépouiller des effets qu’elles emportaient. Jamais, dans l’histoire des peuples civilisés, on ne vit d’ennemis, nous ne dirons pas moins généreux, ce serait trop demander k des Allemands, mais moins humains.

Dans la nuit du 31 août au L" septembre, deux nouvelles batteries prussiennes furent établies et deux cheminements débouchèrent en zigzag de la première parallèle, tandis qu’une deuxième parallèle était ouverte, s’étendant de Schiltigheim à la route d’Oberhausbergen. Cette nuit fut une des plus meurtrières du siège, car le bombardement intérieur continuait son œuvre de destruction, et de nombreuses victimes tombèrent encore aussi bien parmi les habitants que parmi les troupes 3e la garnison. Ce qui contribuait k accentuer le caractère odieux de ce siège, c’est que Werder forçait les habitants des villages voisins a creuser les tranchées, ce qui paralysait la défense des assiégés auxquels il répugnait de tirer sur des compatriotes. Ce qui achevait de porter au corn STRA

ble les douloureuses anxiétés du général Uhrich, c’était la situation désespérée où se trouvait la France. Il connaissait la position de Bazaine bloqué devant Meiz, ainsi que la déroute de Beaumont, après laquelle Mac-Mahon allait se jeter dans le gouffre de Sedan. Dès que la défaite du général de Failly fut connue du général de Werder, celui-ci s’empressa d’en informer le général Uhrich, qui répondit à ce nouveau " moyen d’intimidation » par uns sortie vigoureuse qui nous coûta 175 hommes tués ou blessés. Le brave colonel Kiévet, déjà blessé antérieurement, péritdans cette rencontre. Lesoh’, Werder était informé du désastre de Sedan, et le lendemain matin il envoyait au général Uhrich une quatrième sommation qui n’obtenait pas plus de résultat. Mais il était évident que la résistance devenait de plus en plus difficile devant les préparatifs de l’ennemi, qui s’accumulaient tous les jours, et, comme l’avait dit M. de Bismarck k M. Jules Favre, le siège de Strasbourg n’était plus qu’une affaire d’ingénieurs. Le 3 septembre, le parc de siège de l’ennemi recevait deux nouveaux modèles de bouches à feu dont l’effet devait être terrible : 12 pièces rayées de 24 court, appelées à faire brèche indirectement, et 2 mortiers rayés de om,21. L’attaque avait pour objectif les lunettes 52 et 53, situées en avant de la porte de l’ierres et qui étaient flanquées très-efficacement par la lunette 44, projetée au nord-ouest de la porte de Saverne. C’est sur ce dernier point que l’assaillant dirigea d’abord ses coups.

Le 8 septembre, l’attaque de la lunette 44 commença, et le feu de 1 ennemi fut si terrible que nos soldats durent bientôt évacuer cet ouvrage. Le lendemain, 19 batteries, tirant à démonter ou à ricochet, ouvrirent l’attaque proprement dite et réduisirent l’artillerie de la place à renoncer à la lutte. Dés qu’une pièce apparaissait aux remparts, le feu convergent des batteries de siège la mettait aussitôt hors de combat. L’ennemi ne cessait pas de construire de nouvelles batteries, et cela avec d’autant plus do facilité que le général Uhrich négligea toujours d’éclairer le terrain pendant la nuit, afin de se rendre compte des travaux et des projets de l’ennemi. Dès que la lunette 44 tut réduite au silence, la batterie de gros mortiers rayés se joignit aux autres pour battre le front d’attaque ; 98 pièces rayées et 40 mortiers tonnèrent à la fois contre les lunettes 52 et 53, et bientôt les deux bastions du front d’attaque furent tellement bouleversés qu’ils perdirent tout aspect d’ouvrages réguliers. En même temps, du côté des Badois, 40 pièces rayées et 12 mortiers ne cessaient de vomir leurs projectiles contre la citadelle, dont ils ralentirent le" feu au point que les troupes badoises purent bientôt s’établir dans l’Ile des Epis, située sous le feu immédiat de cette citadelle.

Le général deWerder avait informé le général Uhrich du désastre sans précédent que nous venions de subir k Sedan j mais le commandant de Strasbourg, dans une intention facile k saisir, avait cru devoir garder pour lui cette désolante nouvelle, eu sorte que, jusqu’au 12 septembre, les Strasbourgeois durent se croire encore sujets de l’Empire. On s’était ému en Europe de cette guerre sauvage faite à des femmes et k des enfants, et une députation de l’association internationale de Genève venait de s’adresser au général de Werder, pour lui demander, au nom de l’humanité, de laisser émigrer vers le territoire hospitalier de la Suisse les malades, les vieillards et les enfants. Le général prussien n’osa pas affronter le cri de réprobation universelle qu’il craignait de soulever, et la députation entra k Strasbourg. La patriotique cité apprit alors la vérité : la capitulation de Sedan, la captivité de Bonaparte, les batailles autour de Metz où Bazaine était bloqué, la marche des Allemands sur la capitale et la proclamation de la république. Malgré la consternation que la nouvelle des premiers événements jeta dans tous les cœurs, favènement de la république fut salué avec ivresse à Strasbourg, et chaque habitant, comme dans toute la France, s’accrocha à ce suprême espoir, k cette dernière branche de salut. Le préfet, M. Pron, fut déclaré déchu de ses fonctions, et la commission municipale mit à sa tête, en qualité de maire, un républicain savant et dévoué, M. Kuss, qui devait mourir de douleur le jour même où Strasbourg cessa d’appartenir à la France. Un nouveau préfet, M. Valentin, put pénétrer dans Strasbourg au péril de sa vie. « Déguisé en paysan, dit M. Jules Claretie, il était parvenu k entrera Schiltigheim ; là, à travers les soldats prussiens, sautant dans la tranchée, il arriva, recevant par derrière le feu des Allemands, par devant celui des Français, jusqu’aux remparts, se jeta dans l’eau des fossés, aborda sous les balles et dit : « Je suis votre prisonnier, menez-moi de > suite à votre général. » Une fois en présence du général Uhrich, M. Valentin découd la manche de son habit, en retire le décret officiel qui le nomme préfet de Strasbourg, et est installé à la préfecture. La légende s’emparera de ce trait d’un courage civique bien rare, et le nom de M. Valentin sera, malgré son court passage dans l’administration du département envahi et de la

ville k demi minée, inséparable de celui de

STRA

1129

Strasbourg. » (Histoire de la révolution de

1870-1871).

G ra.ee à, la généreuse intervention de la députation de Genève, 2,500 personnes environ purent sortir de la ville assiégée : de Werder crut alors avoir assez fait pour l’humanité, d’autant- plus qu’il comptait sur la famine pour amener plus promptement la reddition de la place. Il savait que les légumes frais étaient épuisés depuis un mois et qu’on avait déjà commencé à abattre les chevaux pour nourrir la garnison et les pauvres. D’un autre côté, les munitions commençaient à faire défaut. « N’ayant pas assez de poudre, dit un témoin oculaire, la garnison se voyait réduite à garnir les grenades de sable pour donner le poids nécessaire ; naturellement, ces projectiles ne causaient que peu de mal à l’ennemi. »

Cependant les Allemands ne cessaient d’entasser les batteries ; chaque jour ils en établissaient de nouvelles. Leurs coups étaient surtout dirigés contre le bastion il, par lequel ils espéraient pénétrer dans le corps de la place. En même temps leur génie poursuivait vigoureusement ses travaux, et, dans la nuit du 15 septembre, le couronnement du chemin couvert avait lieu à la sape volante, sur une longueur de 50 pas, devant les deux faces de la lunette 53. Dans la journée qui suivit, la garnison de la citadelle essaya contre l’île des Epis une sortie que repoussa l’infanterie badoise, appuyée par les batteries de Kehl. Bientôt nos troupes durent évacuer la lunette 53, qui fut aussitôt occupée par l’ennemi ; la lunette 52 ne tarda pas k subir le même sort, et la perte de ces deux ouvrages avancés dut dès lors faire prévoir la chute prochaine et inévitable de la patriotique cité.

Le 23 septembre, 6 pièces de 24 court commencèrent à battre en brèche la face droite du bastion 11, tandis que le lendemain 4 pièces du même calibre entamaient la même opération contre la face gauche du bastion 12. Au bout de trois jours, il était évident que quelques coups allaient sufrire k rendre la brèche entièrement praticable. Pendant ce temps-là, le bombardement continuait épouvantable et faisait de nombreuses victimes ; 200 canons en batterie tonnaient contre la ville, rétrécissant de plus en plus leur cercle de fer et de feu. Le 24, le grand-duc de Bade crut devoir intervenir personnellement, et il adressa au général Uhrich une longue lettre pour le piier de ne pas prolonger davantage une lutte devenue impossible. Le général refusa encore ; mais la situation n eh était pas inoins désespérée : les remparts du front d’attaque étaient ruinés au point de ne plus pouvoir offrir le moindre refuge à nos soldats : terre-pleins, traverses, abris, tout n’était plus qu’un amas informe recouvrant les pièces démontées et renversées. Au bastion 11, la brèche s’ouvrait sur une largeur de près de 30 mètres ; le bastion 12 était également bouleversé ; toutefois, l’ennemi ne se proposait pas de pénétrer dans la place par ce point, car il savait qu’un mur fermait le terre-plein du côté de la ville. La citadelle n’était pas plus en mesure d’offrir un refuge aux assiégés, tant elle avait été écrasée par les batteries badoises ; tous les abris blindés étaient percés à jour et les communications avec la place étaient même devenues des plus dangereuses et des plus difficiles. Le moment était donc arrivé où l’assaillant, avec les moyens formidables dont il disposait, pouvait livrer un assaut décisif, et le général de Werder avait fixé pour cette lutte suprême la nuit du 28 septembre. Cependant, préférant toujours une capitulation, il voulut essayer encore d’un dernier et effroyable bombardement. Dans l’après-midi du 27, 200 pièces ouvrirent sur la ville un feu d’une iiitensité inouïe : obus, bombes et fusées incendiaires s’abattirent de toutes part3 sur la malheureuse cité ; si cet horrible bombardement avait duré une heure de plus,

Strasbourg n’eût plus été qu’une mer de feu. Tout k coup, vers cinq heures et demie, un pavillon blanc s’éleva sur la tour de la cathédrale : le général Uhrich s’était enfin résigné ù hisser le signal de la capitulation, qui couronnait si tristement sa carrière de soldat. Devant les ravages du bombardement et sous ta menace d’un assaut immédiat, il avait soumis au conseil de défense la question de savoir si l’on pouvait résister à cet assaut avec quelques chances de succès, ou si le moment était arrivé de capituler. Après eil avoir longuement délibéré, le conseil, à l’unanimité, répondit négativement à la première question, affirmativement à la seconde, et il autorisa le général Uhrich k faire arborer immédiatement le drapeau blanc pour indiquer au général de Werder que l’on était prêt à entrer en négociations avec lui pour la reddition de la place.

À la vue du pavillon parlementaire, annonçant la chute de la patriotique cité, des hurrahs frénétiques éclatèrent dans les Hgnes allemandes ; officiers et soldats abandonnaient batteries et tranchées pour courir aux renseignements. Par suite d’an malentendu, la nuit était déjà assez avancée quand les négociateurs purent Se reaacn trer sous une tente à Kôuigshotfen. Les Français étaient représentés par le colonel Ducasse et le lieateuant-colonel Mangin ; à deux heures du matin, ils apposaient leurs signatures k la capitulation suivante :

14*