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qu’au seul côté décoratif de ces œuvres, et 1 artiste fut nommé décorateur en chef du théâtre de Drury Lane. Les Vues de Venise sont encore aujourd’hui dans la famille du marquis de Lansdowne. La Balai lie de Trafalgar, commandée par le gouvernement, fut exposée en 1836. La scène, très-dramatique, se déroule en un vaste cadre. Ses groupes, espacés et très-accidentés, sont reliés à la masse du milieu par des motifs très-ingénieux. À la suite de ce brillant succès, Stanfleld fut nommé membre de l’Académie royale de Londres (1837). Il quitta bientôt après l’Angleterre, pour aller parcourir une fois encore l’Itaie et la Suisse. Il visita aussi l’Espagne et exposa en 1841 le Château d’ischia vu du mâle, puis Lendemain d’un naufrage (1844) et, au Salon de 1847, une Vue du Texel, véritable réduction d’un décor d’opéra, les Troupes françaises passant à gué la Magra en 179e, œuvre sérieuse, que la gravure u popularisée en Angleterre, et le Vent contre marée, gravé par J. Wilhmore, reparut à l’Exposition de 1853, avec la Victoire remorquée à Gibraltar après la bataille de Trafalgar, grande composition que des gravures de tout genre ont fait connaître à toute l’Europe. Il ne restait plus à Stanfield, après les triomphes de sa brillante carrière, qu’à venir faire consacrer à Paris son beau talent. En 1855, il envoya à l’Exposition universelle : le Siège de Saint-Sébastieti, qui fait partie de la galerie de sir Samuel Peto ; le Château d’ischia ; le Passage de la Magra, que n’oils avons déjà nommé ; la Bataille de Hoveredo, le Fort de Tilbury, le Dogre hollandais. Le jury décerna au peintre une médaille de lre classe. La

Ïiresse française et le public rendirent égaement justice aux qualités de cette peinture robuste, de cette forme précise, savante et distingué©.

Stanrieid a encore exposé en 1855, à l’Académie de Londres, l’Abandonné, sujet tiré du Sketch-book, de W. Irving, et les Bruyères d’Eampstead. Il a envoyé à l’Exposition de 1867 a.Baie de Naples.

STANGÉRIE s. f. (stan-jé-rl — de Slanger, nom angl.). Bot. Genre de végétaux de la famille des cycadées, dont l’espèce type croît à Port-Natal : La stangérie paradoxale.

STAiNGlIELLA, bourg du royaume d’Italie, province de Padoue, district et mandement de Monselice ; 2,910 hab.

STANGUE s. f. (stan-ghe.— Ce mot vient du germanique : ancien haut allemand stanga, long morceau de bois, barre, perche, bâton ; anglo-saxon stœg, steng, Scandinave stauny, allemand stahge, danois slang, suédois staaitg, hollandais slang, steng, toutes formes qui se rattachent à la racine sanscrite sthû, se tenir debout). Ane. mar. Tige d’une ancre.

— Blas. Meuble de l’écu qui représente la tige droite d’une ancre de navire, traversée en sa partie supérieure, vers l’anneau, d’une pièce que l’on nomme trabe • Dupastiz de Montcotlain : D’argent, à l’ancre de sable, la stangue et la trabe d’azur.

STANGUETTE 3. f. (stan-ghè-te — dirai», de stangue). Mus. Barre de mesure.

STANHOPE s. f. (sta-no-pe — njom de l’inventeur). Typogr. Nom d’une presse de fonte inventée par lord Stanhope. Il On dit aussi presse À la Stanhope.

— Encycl. V. presse (t. XIII, p. 95).

STANHOPE, ville d’Angleterre, comté et à 48 kilotn. S.-O. de Durhara, sur la Wear ; 10,090 hab. Mines de houille. À l’O. de la ville, sur une érainence, on voit les ruines d’une forteresse, et aux environs une caverne curieuse remplie de stalactites. Dans le voisinage, belle résidence du comte de Carlisle.

STANHOPE (Jacques, ’ comte de), homme d’État et général anglais, né en 1673, mort à Londres en 1721. Son père ayant été envoyé comme plénipotentiaire en Espagne, il l’y suivit, se familiarisa avec la lapgue de ce pays, puis voyagea en France et devint, à Paris, un des compagnons de plaisir du duc d’Orléans. De là, il se rendit en Italie et servit comme volontaire dans l’armée du duc de Savoie ; Victor-Amédée II. En 1694, il alla prendre le commandement d’une compagnie anglaise, coopéra au siège de Namur, où il fut blessé, et attira sur lui par sa valeur l’attention du roi Guillaume, qui le nomma colonel. En 1702, Stanhope devint membre du Parlement, où il siégea pendant quinze ans et ne prit pendant longtemps que peu de part aux affaires publiques. Après avoir fait partie, en 1T02, de l’expédition de Cadix, il servit en Portugal, à la tête d’un régiment, sous les ordres du duc de Schomberg (1703), fut fait prisonnier, et, deux ans plus tard, il se distingua dans la campagne faite par lord Peterborough. Envoyé comme plénipotentiaire auprès de l’archiduc Charles en 1706, Stanhope négocia un traité avec ce prince (1707), fut nommé major-génëral et reçut en 1708 le commandement des forces anglaises dans la péninsule ibérique. Après avoir pris Port-Mahon et Minorque (1708), il fut fait prisonnier à Brihuega (1710), où il dut capituler après avoir repoussé à deux reprises l’armée du duc de Vendôme. De retour en Angleterre, il commença à s’occuper activement de politique, fit une guerre acharnée au parti tory, soit dans des articles de journaux, soit à lb tribune, et se lia intimement

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avec Horace "Walpole. Après l’avènement

de George Ier, les whigs étant arrivés au pouvoir, le comte de Stanhope devint membre du conseil privé et secrétaire d’État (1714). Ce fut à ce dernier titre qu’il négocia et arrêta avec Dubois les préliminaires du traité de la Triple Alliance (1717) et fit conclure celui de la Quadruple Alliance (1718). Nommé successivement, en 1717, premier lord de la trésorerie, chancelier de l’Echiquier, baron d’Elvaston’, vicomte de Mahon, puis comte(1718), il reprit, cette dernière année, ses fonctions de secrétaire d’État. Il mourut subitement à la suite d’une discussion dans laquelle il avait défendu, devant le Parlement, la politique du cabinet avec une telle véhémence qu’il se rompit un vaisseau dans la poitrine. Le roi, dont il avait gagné la faveur, le fit enterrer à "Westminster. C’était un générai habile, un politique aux idées libérales, à qui l’on doit un Mémorial concerning the constitution of the roman senate (Londres, 1721, in-4o).

STANHOPE (Charles, vicomte de Mahon, comte de), savant et pair d’Angleterre, petit-fils du précédent, né à Londres en 1753, mort dans la même ville en 1816. Sous le nom de lord Mahon, il fit ses études au collège d’Eton, puis se rendit à Genève, où il prit des leçons de Le Sage, qui lui donna le goût des sciences, et remporta a l’âge de dix-huit ans le prix proposé par l’Académie de Stockholm à l’auteur du meilleur traité sur le pendule. Le jeune savant se fit ensuite connaître en publiant un Traité sur les moyens de prévenir les pratiques frauduleuses dans la monnaie d’or mâ, in-4°) et Principes d’électricité (1779, in-4"), ouvrage rempli de vues nouvelles, notamment sur le choc en retour, et qui fut fortement loué par Priestley. En outre, il trouva un procédé pour brûler la chaux de façon à en faire Une sorte de ciment, inventa un nouveau procédé de stéréotypie, une presse typographique qui porte son nom, et imagina deux machines à calculer, l’une destinée à faire les opérations de l’addition et de la soustraction, l’autre pouvant résoudre les problèmes de la multiplication et de la division. Enfin, il s’occupa de perfectionner la navigation au moyen de la vapeur et de trouver un moyen de préserver les monuments de l’incendie. Doué d’un esprit curieux et très-ouvert, lord Stanhope porta dans la politique le mémo goût de progrès et de réformes que duns les sciences. Membre de la Chambre des communes de 1780 à 1786, il s’y prononça avec chaleur pour la réforme parlementaire, la liberté de la presse, l’abolition de la traite des noirs, et défendit l’indépendance des États-Unis d’Amérique. Son père étant mort en 1786, il hérita de ses titres et entra à la Chambre des lords. Là, il continua U faire une vive opposition à la politique de son beau-père William Pitt, et, lorsque la Révoiution française eut éclaté, il se montra son enthousiaste partisan. Le comte de Stanhope fonda alors un club à Londres pour en propager les principes en Angleterre, envoya à la Constituante des adresses de félicitation, écrivit h Condorcet des lettres au sujet de la traite des noirs, dont il demandait l’abolition, et publia une Apologie de la Révolution française en réponse aux diatribes de Burke (1791). L’année suivante, il défendit k la Chambre haute la liberté de la presse, publia un remarquable écrit intitulé Essay on juries (1792), et fit tous ses efforts pour emf)êcher le gouvernement anglais de déclarer a guerre à la République française. Se voyant impuissant à empêcher son pays de se lancer dans une guerre qui devait être d’une si longue durée, il résolut de renoncer à la vie politique et, après avoir publiquement protesté contre la politique du cabinet Pitt, il vécut dans la retraite jusqu’en 1800. À cette époque, on vit le comte de Stanhope reprendre sa place à la Chambre des lords et y commuer sa campagne en faveur de la paix, des mesures libérales, contre la traite des noirs, etc. Peu de temps avant d’être emporté par une hydropisie de poitrine, il fit voter un bill sur le nouveau système de poids et mesures et demanda qu’on procédât à la codification des lois anglaises, devenues inextricables. De son mariage avec Esther Pitt, il avait eu plusieurs filles, dont l’une fut la célèbre et excentrique lady Stanhope, mais point de fils. Il en eut trois de son second mariage avec Louise Grenville.

STAMIOPE (lady Esther), femme célèbre par son excentricité et son génie, fille du précédent, née à Londres en 1776, morte à Djihoun (Syrie) eu 1839. Elle était l’aînée des trois lidés issues du premier mariage de Charles, troisième comte Stanhope, avec Esther Pitt, fille du grand Chatham. Ni son père, absorbé par des préoccupations politiques, ni sa belle-mère, adonnée entièrement aux plaisirs du monde, ne surveillèrent son éducation ; reléguée à la campagne, entre les mains de gouvernantes et de domestiques, qu’elle traitait en esclaves, l’enfant s’éleva pour ainsi dire elle-même. À mesure qu’elle grandissait, on voyait se développer cette intelligence hardie, ce caractère despotique, cet indomptable orgueil qui devaient signaler cette femme extraordinaire et la jeter dans une existence irréguliôre et agitée. Les deux personnes qui lui plaisaient le pins étaient son cousin lord Camelford et sou oncle Pitt.

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L’admiration soutenue que lui inspira le premier peut laisser soupçonner chez elle l’existence d’un de ces sentiments tendres qui n’apparaissent nulle part ailleurs dans la vie de cette femme, « Quiconque osera s’attaquer à moi, disait-elle, me trouvera cousine de lord Camelford. C’est un vrai Pitt, celui-là ! » C’était en effet un homme impérieux, entêté, mais courageux et bienfaisant. Lady Stanhope voulut l’épouser ; la famille Chatham s’opposa au mariage. A vingt ans, lady Stanhope avait près de six pieds, un développement proportionnel du buste et de la taille, et n’était ni jolie ni belle. • Trop virile, dit un contemporain, c’était néanmoins un de ces êtres dont le front, les yeux, la prestance semblent éclairer ce qui les entoure. Son front, très-haut et droit, surmontait deux sourcils arqués d’un contour régulier et d’une finesse singulière ; elle avait les dents petites et blanches : l’œil d’un gris bleu, entouré par-dessous à un arc bleuâtre qui en rehaussait l’éclat ; le nez recourbé et disproportionné, la bouche délicate et rentrée, le menton beaucoup trop long. Quant à l’ovale du visage, il était pur et admirablement dessiné. »

Pendant que Pitt, maître du pouvoir qu’il dirigeait d’une main ferme, faisait la guerre à la France et aux idées révolutionnaires, lord Stanhope suivait une route diamétralement opposée-, il se liait avec les démocrates, donnait asile aux meneurs de l’opposition. Esther, qui avait conçu pour son oncle une admiration profonde, quitta l’hôtel Stanhope de l’aveu de sa mère et alla vivre près du ministre, qui n’avait pas de femme et dont elle gouverna désormais la maison. Pitt ne dédaignait paB ses conseils et n’avait point de secrets pour elle. Elle était redoutée, et cependant on l’estimait ; le vieux roi George fut un de ses plus ardents admirateurs.» Pitt, dit-il un jour, j’ai fait choix d’un nouveau ministre, et d’un ministre meilleur que vous.-Le choix de Votre Majesté doit être excellent.

— Oui, Pitt, oui, je vous le répète, et excellent général par-dessus le marché ! — Sire, dit Pitt embarrassé, Votre Majesté voudrat-elle me dire le nom de ce remarquable personnage ?

— Parbleu, vous lui donnez le brasl reprit le roi en montrant du doigt Esther. Je n’ai pas en Angleterre d’homme d’État qui la surpasse, ni de femme qui fasse plus d’honneur à son sexe. Soyez fier d’elle, monsieur Pitt, elle a toutes les grandes qualités de notre sexe et du sien I » C’était aussi l’avis de Pitt, qui se plaisait à la comparer aux héroïnes de Rome. Les tendances misanthropiquesde la jeune fille se développaient

dans une situation si exceptionnelle ; à vingt-trois ans, elle savait tout ce que la vie de l’homme d’État peutapprendre, ce que pèse un patriote, ce que peut valoir un homme de cour. Elle fit des colonels, défit des secrétaires d’État, rallia des partisans et contre-signa plus d’une pension et d’une ordonnance à la placéet sous les yeux de son oncle, qui riait en la regardant. Elle faisait une guerre à mort à tout ce que la société anglaise, prude et affeclée, tenait pour respectable ; le sentimentalisme et la philanthropie étaient surtout l’objet de ses implacables sarcasmes. Un des rares hommes qu’elle estimait était Brummel, le chef des dandies, aussi impertinent qu’elle, chez qui elle aimait le dédain des préjugés et le mépris pour ses copistes de tout rang.

Elle vécut ainsi, toute-puissante, redoutée de tout le monde, jusqu’à la mort du grand ministre en 1808. Elle comprit alors qu’elle n’avait plus rien à espérer à la cour et que la société anglaise allait se venger cruellement. Elle se retira quelque temps à Builth, dans une chaumière du pays de Galles ; puis, profondément dégoûtée et blessée, elle partit pour l’Orient en 1810. Jeune et impétueuse, elle avait vécu d’une vie trop forte pour sa raison. La mort du grand politique, que personne ne pleurait, avait violemment frappé cette ardente imagination. Elle n’était ni assez riche ni assez indépendante pour braver les inimitiés qu’elle avait soulevées, La haine de l’Angleterre devint chez elle, comme chez Byron, une maladie incurable.

Après avoir erré quelque temps en Grèce et en Égypte, lady Stanhope finit par planter sa tente au milieu de la Syrie. La situation anarchique de cette contrée était pour cette femme aventureuse un attrait de plus. Pendant les vingt années qu’elle passa dans ce pays, elle assista aux luttes de l’émir Béchir contre la Porte, les1 Diuses, les Arabes, les Turcs et contre ses propres lieutenants, des diverses populations entre elles, du pacha d’Acre contre Ibrahim-Pacha, fils de Méhémet. Lady Stunhope se déclara en faveur de l’autorité de la Porte. Elle avait fait peu de bruit à son arrivée, et l’émir, croyant se faire d’elle un appui, lui avait concédé comme habitation un vieux couvent de grecs schismatiques, nommé Mar-Elias ; elle y demeura quelques années ; puis changeant de retraite, elle choisitpour résidence définitive Djihoun, non loin de Saïda. C’est là, sur une des croupes les plus escarpées du mont Liban, qu’elle construisit son singulier palais, amas confus de maisonnettes basses, labyrinthe inextricable, où tout était disposé pour le mystère, semé de trappes et de cachettes. C’est là qu’elle vécut environnée d’esclaves barbares, auxquels elle imposait par la violence et l’habileié, entourée de po STAN

pulations ennemies qui la respectaientcomme un être mystérieux, en proie aux douleurs morales et physiques les plus intenses, consultant les astres, interrogeant le sort, jouant à la fois la pythonisse et la reine asiatique. Elle avait renoncé définitivement aux habitudes européennes, adopté le costume et les mœurs orientales. À sa porte étaient plantés deux énormes pieux destinés à empaler ses ennemis, et elle s’était procuré un bourreau. Nous devons, pour rendre hommage à la vérité, reconnaître que lady Stanhope n’utilisa que rarement ce sinistre fonctionnaire, simple épouvantait destiné à faire respecter la maitresse de la population et de ses gens. On la nommait la reine de Tadmor. Elle ne se contentait point de passer pour prophètesse ; elle s’entoura d’une armée de devins, parmi lesquels on remarquait un Français nommé Loustaunau, vieillard à longue barbe blanche, qui errait de village en village la Bible à la main, prédisant la venue d’un nouveau Messie, et un Arabe, un docteur du nom de Metta, qui dans ses accès de frénésie prophétique annonçait que le trône d’Orient appartenait à cette étrangère et qu’elle deviendrait plus puissante que le sultan. La sibylle du Liban se déclara en faveur du sultan contre l’émir Béehir, contre Méhémet-Ali et la civilisation européenne. On peut la regarder comme l’un des principaux fauteurs de l’insurrection qui s’alluma dans la montagne. Elle anima les ûruses, leur fournit de l’argent et des armes et traita de puissance à puissance avec les pachas.

Lamartine a donné un récit curieux d’une visite qu’il fit à cette femme extraordinaire en 1838. à II me parut, dit-il, que ses doctrines religieuses étaient un mélange habile, quoique confus, des différentes religions au milieu desquelles elle s’est condamnée à vivre, mystérieuse comme les Druses, résignée comme le musulman, et fataliste comme lui ; avec le juif attendant le Messie, et avec Je chrétien professant l’adoration du Christ et la pratique de sa morale. Ajoutez à cela les couleurs fantastiques et les rêves surnaturels d’une imagination échauffée par la solitude et la méditation. »

Lady Stanhope recevait peu de visiteurs européens ; Lamartine fut un des rares voyageurs qu’elle vit avec plaisir. Le duc Maximilien de Bavière étant venu visiter Djihoun, elle se déroba à sa vue.

Les dernières années de lady Stanhope furent tristes. Ses machinations politiques avaient échoué ; ceux qu’elle avait soutenus étaient soumis ; elle se trouvait sans fortune, sans ami, n’ayant auprès d’elle que son médecin qui l’avait accompagnée lors de son départ de l’Angleterre. Une fièvre continuelle la minait ; elle tombait dans des accès de rage qui ressemblaient à des attaques d’épilepsio ou d’hystérie, se roulant à terre, hurlant des jualédictions contre l’Angleterre et contre l’Europe. À la fin, la pension que lui faisait le gouvernement anglais ayant été placée sous le séquestre, pour donner un gage à ses nombreux créanciers, la reine de Tadmor arriva aux dernières limites de la détresse. Elle avait vendu tout ce qu’elle possédait de précieux ; il ne lui restait même plus as^ez de tusses pour offrir du café à ses hôtes ; ses vêtements tombaient en lambeaux. Elle renvoya alors son médecin, fit tuer ses chevaux, qu’elle ne pouvait plus nourrir, et seule, dans ce château qui tombait en ruine, n’ayant plus même de toiture à sa propre chambre, où la pluie et le vent pénétraient, elle mourut subitement. On l’enterra dans le couvent de Mar-Elias.

Stanhope (MÉMOIRES DE LADY). Ces mémoires sont des conversations entre lady Stanhope et le docteur M... Le docteur n’a pas suivi jour par jour l’existence exceptionnelle de « la reine de Tadmor. » Une assez longue séparation, suivie d’un retour presque définitif, explique une lacune asseii considérable qu’il a laissée subsister dans cette curieuse * histoire. Indigeste et diffus, ce livre est un trésor de faits et de détails caractéristiques, se rapportant non-seulement à l’héruïne. do l’ouvrage, mais encore à quelques personnages célèbres. C’est ainsi qu’on y trouve ce qui suit sur Napoléon I« : • Buonaparte avait ’ quelque chose de naturellement grossier. Sa grandeur était empruntée tantôt à Ossian, tantôt à César, aujourd’hui à un livre, demain à quelque autre, et de tout cela il composait avec assez d’art un semblant de grand homme ; mais il n’avait pas de grandeur réelle. Quant au meurtre du duc d’Enghien, dont il a été fait tant de bruit, je ne partage pas l’horreur commune. Pour le bien de la Erance, le premier consul aurait bien pu immoler, s’il l’avait fallu, toute la famille des Bourbons. J’aurais trouvé cela fort simple ; mais, en trop d’occasions, Buonaparte a manqué de cœur. » Elle cite ces paroles de Put, prenant congé d’un grand personnage : «Toutes les fois que je pourrai faire la paix, soit avec un consul, soit avec tout autre représentant du gouvernement français, pourvu toutefois qu’il m’offre les garanties nécessaires, je n’y manquerai certes pas. » — à M. Put, ajoute lady Stanhope, professait pour les Bourbons un mépris souverain. • Les traits de mœurs, sur cette même époque, abondent dans les Souvenirs de la prophètesse du Liban. Un jour, le fameux Brummel eut la fatuité de lui de-