Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 14, part. 3, Sois-Suj.djvu/195

Cette page n’a pas encore été corrigée
1012 SPIN SPIN SPIN SPIN


dans cette ville. Elle figura dans les fêtes brillantes qui furent données à ce prince, eut à plusieurs reprises l’occasion de l’entretenir et se prit pour lui d’une passion exaltée. Cependant on assure que son amour, quelque vif qu’il fût, resta toujours pur et dégagé des sens. Le départ du roi lui causa le plus grand chagrin, et l’absence n’affaiblit en rien l’affection qu’elle lui portait. « Tout aultre mist en oubly, dit d’Auton dans sa Chronique (tome II, p. 236), voires jusques à jamais plus ne vouloir coucher avecque son mary… » Thomassine saisit avec empressement toutes les occasions qui se présentèrent d’écrire à Louis XII : tantôt elle intercédait auprès de lui en faveur des malheureux qui avaient eu l’heureuse idée de s’adressera elle ; tantôt elle avait recours aux brillantes qualités de son esprit et à la tendresse de son cœur pour procurer tous les avantages possibles a sa pairie, dont elle ne perdit jamais de vue les intérêts. Aussi ses contemporains ne virentils dans ces égarements, dont ils surent tirer de grands avantages, qu’une passion épurée, débarrassée du grossier alliage des sens et digue du plus grand respect. En 1505, Louis XII, a’ors grièvement malade, passa pour mort pendant quelques jours. À cette nouvelle, Thomassine, accablée de douleur, s’enferma dans son appartement, ne voulut plus voir personne et succomba quelques jours après, emportée par une fièvre ardente. La république de Gènes lui fit de somptueuses funérailles, lui éleva un magnifique tombeau et députa deux de ses plus illustres citoyens à Louis XII pour lui porter cette triste nouvelle.

SPINOLA (Ambroise, marquis de), illustre capitaine italien, né à Gênes en 1571, mort à Castelnuovo-di-Serivia en 1630. Sa famille, une des plus riches et des plus influentes de Gênes, avait occupé les plus hautes fonctions dans ia république, où elle dirigeait, avec les Doria, le parti gibelin. Ambroise Spinola avait pour aïeule Thomassine, dont nous avons parlé plus haut, et son père, le marquis Philippe, avait épousé la fille du riche prince Grimaldo de Salerne. Il reçut une éducation brillante, puis remplit diverses charges pubiijues. Fendant ce temps, son frère cadet, Frédéric, suivait le métier des armes, prenait du service en Espagne (159S), battait, à. ia tête d’une escadre, uns flotte hollandaise et recevait de Philippe III le grade dégrand amiral d’Espagne. En apprenant les exploits do son frère, Ambroise Spinola se pritsoudain de passion pour l’art militaire et se mit à étudier avec ardeur les auteurs qui avaient écrit sur la stratégie et l’art des fortifications. Son frère étant venu sur ces entrefaites à Gênes, il se décida à entrer, comme lui, au service du roi d’Espagne. Grâce à son énorme fortune, il leva à ses frais 9, 000 hommes, quitta Milan en 1602 à la tête de sa petite armée, traversa la Suisse, la Franche-Comté et arriva à Gand, auprès de l’archiduc Albert, qui se trouvait dans la position la plus critique. Pour ses débuts, le général improvisé, dont le corps de troupes devint le noyau d’une armée considérable, se trouva en présence du général le plus renommé de son temps, Maurice de Nassau. Chargé de secourir Gavre, investi par ce dernier, Spinola échoua dans son entreprise, mais montra la plus grande habileté dans les marches stratégiques qu’il lit faire à sou corps d’armée dans un pays difficile. Pendant le siège d’Ostende, une partie de l’armée espagnole déserta, tandis que la troupe de Spinola, parfaitement payée par lui et soumise à une discipline sévère, restait inébranlable. Sou frère Frédéric ayant été tué d’un coup de canon dans un combat naval (26 mai 1603), Philippe III offrit à Ambroise de succéder à Frédéric comme amiral ; mais Spinola, ne se sentant pas de connaissances nautiques suffisantes, refusa et fut alors nommé commandant en chef de l’armée des Pays-Bas. Depuis deux ans, Ostende était assiégée sans succès par l’armée espagnole : chargé de réduire cette ville, Spinola continua a puiser dans sa fortune privée les sommes nécessaires pour lever deux nouveaux régiments étrangers, prit le commandement de l’armée assiégeante, dont il paya régulièrement la solde et où il rétablit la discipline, et fit exécuter autour de la place des travaux qui lui permirent de l’investir complètement, puis de la foudroyer par son artillerie. Eu même temps, il faisait échouer toutes les tentatives de Maurice de Nassau pour secourir Ostende, et, le 22 septembre 1604, cette ville était contrainte de capituler. Les talents militaires hors ligne dont Spinola avait fait preuve pendant ce siège lui acquirent une réputation européenne. S’étant rendu à Madrid, il y fut comblé d’honneurs par le roi, dont pendant trois ans il avait payé presque entièrement les troupes, comme s il eut fait la guerre pour son propre compte, dépensant des sommes énormes, qu’on ne lui rendit jamais. Spinola reçut" la décoration de la Toison d’or et fut maintenu dans son commandement, dont les attributions furent étendues à toute l’administration militaire. Pendant son voyage, il s’était arrêté à Paris et avait reçu l’accueil le plus fiutteur de la part de Henri IV. Ce prince, allié secrètement à Maurice de Nassau, interrogea Spinola sur ses projets de campagne, persuadé que le général ûii dirait le contraire de ce


qu’il avait l’intention de faire. Spinola, pénétrant la pensée du roi, lui dévoila ses intentions réelles, ce qui fit dire à Henri IV:■ Les autres trompent en mentant ; cet Italien m’a trompé en disant la vérité. » De retour dans les Pays-Bas, le marquis de Spinola continua la guerre contre Maurice de Nassau, le força à lever le siège de. Gand, puis pénétra en Frise, soumit l’Over-Yssel, s’empara de Gral, de Rhiuberg, de Linghen et sut, par des marches savantes, déjouer toutes les combinaisons de Maurice de Nassau. Chargé, en avril 1607, de conclure une suspension d’armes, il se rendit auprès de Maurice, qui le reçut avec les plus grands témoignages d’estime et signa la suspension d’armes, suivie deux ans plus tard d’une trêve de douze ans. Pendant cette trêve, Spinola fit un voyage à Madrid, se rendit à diverses reprises k Gênes, où on lui offrit le pouvoir suprême, puis revint dans les Pays-Bas, où il continua à maintenir dans l’armée une grande discipline et a faire exécuter des travaux de défense. Ce fut lui qui, en 1610, empêcha l’ambassadeur de France d’enlever la princesse de Coudé et refusa à Henri IV l’extradition de cette princesse. Au début de la guerre de Trente ans (1620), Spinola s’empara d’une partie du Palatinat, puis revint dans les Pays-Bas, où, la trêve étant expirée, les hostilités recommencèrent. Après avoir pris Juliers, il assiégea Berg-op-Zoom; mais, attaqué à ta fois par Maurice et par Mansfeld, il dut battre en retraite, ce qu’il fit avec une grande habileté et sans se laisser entamer (1622). Deux ans plus tard, il reçut de Madrid l’ordre de s’emparer de Bréda, place forte réputée imprenable. Il alla camper devant cette ville, défendue par une nombreuse garnison et au secours de laquelle vint Maurice de Nassau. Malgré les immenses difficultés de l’entreprise, il força Bréda k capituler au bout de dix mois (5 juin 1625). Appelé à Madrid en 1628, il traversa la France, alla voir Louis XIII, qui assiégeait La Rochelle, et donna a ce prince, le conseil « de fermer le port et d’ouvrir la main, » c’est-à-dire d’empêcher les secours du dehors d’arriver et de payer largement l’armée pour l’amènera supporter plus facilement les iatiguesdu siège. Pendantqu’en France on suivait ses conseils, il arrivait en Espagne, où il ne put parvenir k dissuader le roi de continuer les hostilités. Malgré lui, il dut aller prendre le commandement d’une armée envoyée au secours du duc de Savoie, en guerre avec Louis XIII au sujet de la possession du duché de Mantoue. Il assiégea Casai, mais dut lever le siège à l’approche de l’armée française, beaucoup plus forte que la sienne, et se maintint dans le Montferrat jusqu’après le départ de Louis XIII et d’une partie de son armée. Spinola alla reprendre alors le siège de Casai, s’empara de la ville, mais ne put prendre la citadelle, défendue par le maréchal de Toiras, et demanda vainement à Madrid qu’on lui envoyât des renforts. Abreuvé de dégoûts, il tomba malade et mourut dans un château voisin de la ville. Maurice de Nassau, à qui on demandait un jour quel était le plus grand capitaine de l’époque, répondit : « Spinola est le second. » C’était, en effet, un homme de guerre du plus haut mérite, un savant stratégiste, qui joignait aux qjalités de l’homme de guerre une grande habileté poulles négociations, et, chose bien rare, surtout de son temps, un soldat plein de désintéressement et d’humanité. Il avait épousé Jeanne Bacciadonna, dontii eut deux fils : l’un, Philippe, fut président du conseil de Flandre à Madrid, l’autre, Augustin, entra dans les ordres et devint cardinal.

SPINOPORE s. m. (spi-no-po-re — du lat. spuia, épine, et de pore). Zooph. Syn. de pagre, genre de polypiers, du groupe des milléporés.

SPINOSA, philosophe hollandais. V. Spinoza.

SPINOSISME, autre orthographe du mot spinozisme. V. Spinoza.

SPINOSISTE s. m. V. SPINOZISTE.

SPINOSO, bourg du royaume d’Italie, province de la Basilioate, district de Potenza, mandement de Monteinurro ; 2, 713 hab. Aux environs, beau pont romain, près duquel Annibal défit Clauilius Nero.

SPINOZA ou SPINOSA (Baruch), illustre philosophe, né à Amsterdam (Hollande) le 24 novembre 1632, d’une famille de juifs portugais, mort le 21 février 1677, d’une phthisie pulmonaire. Ses parents, qui étaient de iiche3 commerçants, lui firent donner une éducation distinguée. En même temps que les langues classiques, le jeune Spinoza apprit l’hébreu et acquit des notions étendues sur l’histoire politique, religieuse et critique du judaïsme et des livres qui lui servent da monuments n ; itionaux. Son esprit lucide lui fil entrevoir de bonne heure dans la tradition judaïque une foule de côtés peu familiers à ceux qui l’entouraient. Il leur demandait en vain des explications qu’ils ne pouvaient lui fournir. Il prit le parti de se taire désormais et de rechercher par ses travaux personnels la solution des problèmes qui se posaient chaque jour à son intelligence. Sa réserve n’était pas telle qu’il ne parlât quelquefois de sa manière de concevoir les choses de la religion & ses coreligionnaires, que la liberté extrême du jugement de Spinoza était bien


faite pour scandaliser. On en parla au consistoire israélite d’Amsterdam, qui fit venir le jeune homme.et le somma de s’expliquer sur les opinions qu’on lui prêtait.

Cet examen de ses doctrines acheva de le perdra dans l’esprit des rabbins ; on lui intima l’ordre de ne plus reparaître à la synagogue.. Spinoza ne demandait pas mieux ; mais un isolement absolu était dangereux. Il fit semblant de se rapprocher du "christianisme, auquel il n’accordait pas plus de valeur qu’au judaïsme, afin d’éviter d’être inquiété. Ce fut un de ses nouveaux amis chrétiens, Van den Ende, qui lui enseigna les langues anciennes. Van den Ende était médecin et possédait une fille distinguée par sa beauté et son savoir ; Spinoza conçut pour elle un amour ardent, qu’il ne parvint pas à lui faire partager ; mais la jeune fille l’aida dans ses études, et c’était lui rendre un double service. En effet, en lui inspirant l’amour de la science, elle le mettait à même de l’oublier et, en outre, elle lui préparait un avenir de gloire que Spinoza était loin do supposer. Il se mit à étudier les œuvres de Descartes, dont tout le monde savant s’occupait alors, et n’eut bientôt plus d’autre souci. Aussi acheva-t-il de rompre les derniers liens qui l’unissaient au judaïsme ; il changea même son nom de Baruch contre celui de Benoit. On crut qu’il voulait se faire chrétien ; mais aucune profession de foi ne vint confirmer cette présomption. Il n’avait en réalité l’envie de professer aucune des religions positives qui se partageaient l’empire des croyances. Le doute aurait été sa religion s’il n’était parvenu à s’en créer une autre d’une nature beaucoup plus élevée et dont le culte devait prendre toute son existence.

Cependant ses anciens coreligionnaires avaient pris une haute idée de lui ; ils lui offrirent une pension de 1, 000 florins, non pas pour qu’il reprit la foi judaïque, mais pour qu’il consentit simplement à reparaître aux assemblées qui se tenaient périodiquement dans leur synagogue. Spinoza n’y voulut point consentir, ce qui leur inspira contre lui une animositè furieuse. Il n’est pas bien démontré qu’on ait chargé quelqu’un de l’assassiner ; mais un fanatique lui donna néanmoins un coup de poignard, qui ne porta point, un jour qu’il passait devant la synagogue portugaise d’Amsterdam.

Cet événement l’engagea à quitter la ville. Il venait d’inventer un instrument d’optique dont il est question dans une lettre à Leibniz, du 9 novembre 1671, publiée en 1802 par de Murr, dans un ouvrage ayant pour titre:B. deSpinosa adnotationes ad traclatitm i/ieologico-polilicum, ex auloijvupho, cuui imagine et chirograpko philosophi (La Haye [Nuremberg], in-4u). Spinoza 1 avait appelé pandochs. Dans la retraite qu’il se choisit dans les environs d’Amsterdam (1604), il vécut de la fabrication de cet instrument et continua de donner à l’étude et à la méditation la meilleure partie de son temps. En attendant, les rabbins d’Amsterdam le proscrivirent. Spinoza se défendit dans une apologie restée inédite, et, pour éviter d’ailleurs d’autres tracasseries, il se retira près de Leyde, k Rheinsbourg-Là, il De tarda pas a être connu ; ses conversations sur les principes de Descartes le firent engager par ses amis à publier un exposé des idées de Descartes, ce qu’il fit. Son travail est une simple analyse. Spinoza n’était point cartésien, et, s’il a pris quelque chose à Descartes, il était fort éloigne d’être animé du même esprit. Il s’en explique, du teste, suffisamment dans la préface de l’analyse précédente, ce qui montre combien il serait injuste d’accuser, comme on l’a fait plusieurs fois, Descartes d’avoir été l’inspirateur de Spinoza.

Cependant son livre sur Descartes le força d’émigrer une seconde fois pour échapper aux clameurs suscitées surtout pur les ennemis de Descartes. Il se retira donck Voorbtirgh, tout près de La Haye, où il espérait rester inconnu. Sa réputation naissante ne le lui permit cependant pas. Déjà de tous côtés on venait lui demander des conseils ou le consulter sur des questions de philosophie, ce qui le détermina à se fixer définitivement à La Haye, à portée de quelques personnes auxquelles il s’était attaché particulièrement.

Il continua d’y résider dans un. isolement relatif, vivant comme un anachorète et du seul produit de la fabrication de ses verres de lunettes. Une soupe au lait et un pot de bière formaient, dit-on, son ordinaire de chaque jour.

L’austérité de pareilles mœurs le dérobait aux tentations de la fortune comme aux douleurs delà pauvreté. N’ayant pas de besoins, il était riche de tout ce qu’il ne désirait point, comme il le disait lui-même ; il était, d’ailleurs, d’un naturel débile, maigre et atteint de phthisie depuis sa jeunesse, « C’était, dit M. Saisset, son biographe et son traducteur, un homme de moyenne taille ; il avait les traits du visage Lien proportionnés, la peau un peu noire, les cheveux frises et noirs, les sourcils’mgs et de même couleur, de sorte qu’à sa mine on le reconnaissait aisément pour être uescendu de juifs portugais. Pour ce qui est de ses habits, il en prenait fort peu de soin, disant qu’il est contre le bon sens de mettre une enveloppe précieuse à des choses de néant ou de peu de valeur. Si sa manière de vivre était fort réglée, sa conversation n’était pas


moins douce et paisible. Il savait admirablement bien être le maître de sos passions. On ne l’a jamais vu ni fort triste ni fort joyeux. Il savait se posséder dans sa colère et dans les déplaisirs qui lui survenaient ; il n’en paraissait rien au dehors, il était d’ailleurs fort affable et d’un commerce aisé, parlait souvent à son hôtesse et a ceux du logii lorsqu’il leur survenait quelque affliction ou maladie ; il ne manquait point alors de les consoler et de les exhorter à souffrir avec patience des maux qui étaient comme un partage que Dieu leur avait assigné. »

Simon de Vries, ami de Spinoza, lut avait offert 2, 000 florins afin qu’il pût se dispenser de fabriquer des verres d’optique pour gagner sa vie ; le philosophe refusa poliment, comme il refusa bientôt d’être l’héritier du même Simon de Vries, qui voulait l’instituer par testament son légataire universel..lean de Witt, grand pensionnaire de Hollande, nourrUsait pour Spinoza une vive amitié. Après sa mort tragique, ses héritiers contestaient au philosophe une pension da 200 florins que Jean de Witt lui avait faite. Spinoza renvoya le titre de la pension avec une indifférence qui surprit tellement les héritiers du grand pensionnaire, qu’ils le supplièrent d’accepter ce qu’ils lui avaientrefu.se d’abord.

On sait que la Hollande fut envahie par les troupes françaises en 1672 ; te prince deCondé, après s’être installé dans son gouvernement d’Utrecht, voulut voir et entretenir Spinoza; il lui proposa de venir en France, ou dans tous les cas d’accepter une pension de Louis XIV, qui ne lui demanderait en retour que de lui dédier quelqu’un de ses ouvrages, à N’ayant, dit Spinoza, le dessein de rien dédier au roi de France, j’ai refusé l’offre qu’on me faisait, avec toute la civilité dont j’étais capable. » On ignore s’il eut avec le prince de Condé l’entrevue que ce dernier sollicitait de lui, mais on sait qu’il se rendit au camp français et qu’à son retour, le peuple le prenant pour un espion et menaçant la maison où Spinoza résidait, celui-ci dit à son hôte, qui avait peur : « Ne craignez rien : il m’est aisé de me justifier. Mais, quoi qu’il en soit, aussitôt que la populace fera le moindre bruit à votre porto, je sortirai et irai droit k eux, quand ils devraient me faire le même traitement qu’ils ont fait aux pauvres messieurs de Witt. Je suis bon républicain et n’ai jamais eu en vue que la gloire et l’avantage de l’État. »

Son fameux Traclatus iheolor/ico-poUlicus avait paru en 1670 (Hambourg [Amsterdam], 1 vol. in-4<>) ; les tracas qu’il lui suscita avaient dévidé Spinoza, dans l’intérêt de son repos, a ne plus rien publier de son vivant. li Ethique parut l’année même de sa mort (1677). Sa santé était toujours chancelante, mais pas plus mauvaise qu’à l’ordinaire, quand un jour, le 23 février, l’hôte de Spinoza étant allé assister à un sermon accompagné de sa femme apprit en rentrant que son pensionnaire venait d’expirer. Spinoza n’avait que quarante-cinq ans.

Spinoza est, sans contredit, le représentant le plus élevé que le panthéisme ait rencontré dans les temps modernes ; on peut dire qu’il le personnifie. Goûté, au xvn" siècle, par quelques rares adeptes, il était tombé dans un oubli presque complet, quand la philosophie allemande l’a pour ainsi dire exhumé pour faire de lui son véritable inspirateur sinon son patron. Par les écrits de Fiente, de Hegel et de Schelling, le panthéisme de Spinoza s’est répandu dans l’Europe entière. En France, V, Cousin l’a fait connaître, puis JoufFroy, et M. Saisset l’a presque vulgarisé par la traduction q:il a donnée des rouvres de cet illustre philosophe; de sorte que la gloire posthume de Spinoza est pour ainsi dire une gloire actuelle et que son influence grandit chaque jour, sinon dans les chaires de l’Université, au inoins dans les intelligences cultivées.

Le premier des écrits de Spinoza où il expose son système est Je Traclatus tkeologicopoliiieus. Ce n’est pourtant que de la critique historique appliquée à la Bible, aux institutions sociales, et qui suppose plus qu’il ne les fuit connaître les principes du panthéisme. L’exposé méthodique de sa doctrine est contenu dans l’Ethique.

« Cet écrit de Spinoza enferme en cinq livres, dit Jouffroy, l’exposition la plus rigoureuse, la-plus complète et en même temps la plus obscure du système panthéiste qui ait jamais été faite. Dans le premier livre, intitulé : De De » , Spinoza explique l’idée 411e nous devons nous faire de Dieu, Dans le deuxième livre, intitule : De natura et origine mentis, il déduit de l’idée de Dieu l’idée qu’on doit se faire de l’homme. Dans le troisième, intitulé ; De natura et origine affectuum, le philosophe expose tout le mécanisme des passions humaines, ce qui embrasse dans sa pensée tout le mécanisme des phénomènes ne la nature humaine. Dans la quatrième, intitulé : De servitute hnmaita seu de affectuum viribus, partant des lois de la nature humaine qu’il a tracées, il montre ce qu’il y a de fatal dans les développements de cette nature et fait dans l’homme ia part de la nécessité. Enfin, dans la cinquième partie, intitulée : /Je po~ tentia inteltectus seu de liberlate kttmttna, Spinoza essaye aussi de faire la part de ce qu’il y a de liberté en nous. Cette part est extrêmement faible ; mais elle est encore plus large, si je ne me trompe, que les principes