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mort en 1820.- Après avoir étudié la médecine à Upsal, il entreprit un voyage en Chine en 1705, et, après son retour, en 176S, il soutint une thèse sur des animaux et des végétaux qu’il avait étudiés pendant sa lointaine excursion. En 1772, il se rendit au Cap de Bonne-Espérance, pour y faire une éducation particulière, et «"adonna avec ardeur à l’élude de la flore de cette contrée. Sur ces entrefaites, le capitaine Cook étant arrivé au Cap, Sparrmann accepta avec empressement l’offre qui lui fut faite de suivre le célèbre capitaine, en qualité de botaniste, dans un voyage autour du monde. De retour «u Cap au commencement de 1775, il y exerça la médecine et la chirurgie et se livra k quelques opérations commerciales, puis résolut de faire un grand voyage d’exploration dans les terres. Il quitta le Cap le 25 juillet 1775, avec Daniel Iimnelmanii, s’avança jusqu’à 350 lieues dans l’intérieur des terres et revint k la colonie anglaise le 15 avril 1776, rapportant une intéressante collection de plantes et d’animaux. Cette même année, il retourna en Suède, fut nommé membre de l’Académie des sciences de Stockholm, puis devint conservateur de la belle collection d’histoire naturelle laissée à l’Académie par le baron de Geer. On a donné en son honneur le nom de sparrmannia a une plante de la famille des liliacées. On lui doit : Voyage au Cap de Bonne-Espérance, au cercle polaire austral et autour du monde, ainsi que dans le pays des Eotlentots et des Cafres (Stockholm, 1787, in-8°), avec carte et figures, trad. en français par Le Tourneur (Paris, 1787, 2 vol. in-4°) ; enrin des discours, des dissertations, etc.

SPARBMANNE s. f. (spar-ma-ne). Bot. Syn. de SPARRMANNIE.

SPARRMANNIE s. f. (spar-ma-ni — de Spamuann, voyageur suédois). Bot. Genre d’arbrisseaux, de la famille des tifiacées, comprenant deux espèces, qui croissent au Cap de Bonne- Espérance : La sparrmannie d’Afrique croit au sein des forêts situées sur le penchant des montagnes. (T. de Berneaud.)

— Encycl. Les sparrmaunies sont des arbrisseaux k feuilles alternes, simples ; les fleurs, groupées en ombelles sur des pédoncules opposés aux feuilles, présentent un calice à

3uatre sépales ; une corolle à quatre pétales épassant le calice ; des étaminesnombreuses, les extérieures stériles et plus courtes ; un ovaire pentagone, velu, surmonté d’un style simple terminé par un stigmate tronqué. Le fruit est une capsule à cinq loges dispermes, offrant k l’extérieur cinq angles couverts d’aiguillons. La sparmannie d’Afrique, espèce type du genre, est un arbrisseau d’environ 3 mètres, à fleurs blanehes, légèrement pourprées, très-nombreuses et se succédant pendant plusieurs mois. Elle croît au Cap de Bonne-Espérance ; ses (leurs sont employées comme antispasmodiques, émollientes et pectorales.

SPARSIFLORE a’ij. (spnr-si-fio-re — du lat. sparsus, êpars ; flos, fleur). Bot. Qui a des fleurs éparses.

SPARSIFOLIÉ, ÉE adj. (spar-si-fo-li-édu lat. sparsus, épars ; folium, feuille). Bot. Qui a des feuilles éparses.

SPABS1LE adj. (spar-si-le — du lat. sparsus, épars). Astron. Se dit des étoiles disséminées dans le ciel, et qui ne se trouvent pas comprises dans les constellations.

SPARSIFORINE s. f. (spar-si-po-ri-nedu lat. sparsus, épars, et de porine). Zooph. Genre d’escliaroïde.

SPART s. m. (spar — grec spartes, même sens). Bot. Genre de plantes, de la famille des graminées, tribu des phalaridées, dont l’espèce type croît en Espagne et dans le nord do l’Afrique : Dans les Pyrénées, on confectionne avec le spart une chaussure ou espèce de sandale. (T. de Berneaud.) à Nom vulgaire de diverses graminées des genres lygée, stipe, etc., qu’on emploie aux mômes usages que la précédente. Il On écrit aussi

iPARTE.

— Encycl. On donne le nom de spart ou sparte k quelques graminées qui croissent sur le littoral de la Méditerranée, et dont les tiges et les feuilles sont coriaces, très-flexibles et d’une ténacité qui les rend très-difficiles k rompre quand elles ont été bien préparées. Cette préparation consiste k les faire sécher un soleil aussitôt après les avoir coupées, puis k les faire rouir dans l’eau de mer ou dans l’eau douce ; on doit préférer la première si l’on dent k avoir un produit plus résistant, la seconde si on veut une matière plus flexible et plus facile à diviser. On les sèche de nouveau, après les avoir légèrement battues pour leur donner plus de souplesse. Alors elles sont susceptibles d’être teintes en toutes nuances. On en fait des ouvrages dits de sparterie, des tapis, des nattes, des chapeaux, des corbeilles, des paniers, des cordages très-estimés pour la marine, et on les réduit même en étoupe très-fine, dont on fabrique une assez belle toile. C’est encore avec le spart que l’on t’ait, dans les Pyrénées, ces chaussures appelées spartilles, espadrilles ou espardègues ; ce sont des espèces de sandales, dont la semelle est en spart, l’empeigne en grosse toile, et qu’on assujettit autour de la jambe avec des rubans, comme le cothurne des anciens ; elles durent très-long SPAR

temps dans les pays secs et chauds. Une des principales espèces employées pour les ouvrages de sparterie, qui font l’objet d’un commerce assez important, est le lygée sparte, graminée dont l’aspect rappelle celui d’un jonc ; elle croit sur les côtes maritimes, dans les lieux stériles, sur les collines incultes, et parait préférer les sols schisteux. On emploie encore la stipe tenace, grande plante haute de 1 mètre environ ; elle croît dans les mêmes régions, mais de préférence dans les sols calcaires, et supporte mieux les hivers du Nord.

SPARTA, ville des États-Unis d’Amérique, dans l’État de New-York, k 45 kilom. S.-O. de Canandaigua ; 6,702 hab.

SPARTACUS. chef de la révolte des gladiateurs contre Rome, mort en 71 av. J.-C. Thrace de nation, mais de race numide, il avait servi quelque temps comme auxiliaire dans les légions ; mais trop fier pour accepter une servitude déguisée sous le nom d’alliance, il avait déserté à la tête d’une troupe de ses vaillants compatriotes. Repris et vendu comme esclave, son courage et sa force l’avaient fait réserver pour l’emploi de gladiateur. Enfermé chez un citoyen île Capoue qui dressait des esclaves pour le cirque, il forma avec sas compagnons un complot pour s’enfuir ou conquérir la liberté le fer k la main. Un traître ayant révélé ce projet, soixante-dix-huit des plus résolus eurent le temps d’échapper à la vengeance de leur maître et s’armèrent en fuyant de couteaux et de couperets oubliés dans les cuisines, pillèrent quelques chariots chargés d’armes de gladiateurs, ’grossiient leur troupe de quelques bandes de fugitifs et s’emparèrent enfin d’un lieu très-fortifié situé sur une montagne (peut-être le Vésuve). Après avoir vaincu quelques troupes envoyées contre eux de Capoue, ce qui leur permit de s’équiper militairement, ils élurent trois chefs, dont le premier était Spartacus. Le préteur Claudius, envoyé de Rome, vint bientôt investir le rocher sur lequel étaient retranchés les révoltés. Une seule issue leur était ouverte : c’était un endroit où le terrain coupé à pic formait un précipice immense. Spartacus n’hésita pas. Il fit couper tous les sarments de vigne sauv’nge qui couvraient les rochers, en forma de longues échelles, puis, le soir venu, fit descendre ses soldats, homme par homme et dans le plus profond silence. Enveloppant ensuite rapidement le camp du préleur, il précipita sa troupe sur les Romains surpris, les écrasa avant qu’ils eussent eu le temps de se rallier et resta maître des bagages et des armes. Ce premier succès d’une bande meprit.ee fut décisif. Dès qu’on sut que le terrible pilum des légionnaires.s’était brisé sur des armes d’esclaves, une multitude de bouviers et de pâtres fugitifs vinrent se ranger autour du chef audacieux, lien compta bientôt 10,000. Mais, bien qu’il les dominât par la supériorité de son courage et de son génie, il n’exerçait cependant qu’une autorité précaire sur ce rassemblement tumultueux d’hommes de toutes les nations et qui se laissaient parfois entraîner à des expéditions partielles par leurs chefs particuliers. Toutefois, il put se jeter dans les montagnes de la Lucanie, terrain favorable à une armée qui manquait d’organisation et de discipline, battit successivement les deux lieutenants du préteur Varinius et bientôt après le préteur lui-même, qui, dans un combat désastreux, perdit ses troupes, ses bagages, son cheval et jusqu’à ses faisceaux prétoriens. Les victoires étonnantes de Spartacus, ses proclamations à tous les opprimés d’Italie grossirent en peu de temps son armée jusqu’au nombre de 70,000 hommes. Il fixa son quartier général près de Thurium et s’occupa pendant l’hiver de l’organisation militaire et politique de ses bandes irrégulières. Cependant, le sénat romain, qui avait d’abord affecté un mépris hautain pour cette révolte, commençait k s’inquiéter sérieusement, et il envoya contre Spartacus les deux consuls à la fois. À ce moment se manifesta de nouveau dans l’année des esclaves ce misérable esprit de division qui devait leur être si fatal. Les Gaulois et les Germains voulurent former un corps séparé, se firent battre et furent heureux de retrouver Spartacus pour les sauver et les recueillir. Quant k ce dernier, découragé peut-être par ces dissensions, il sembla borner ses projets à conduire ses compagnons vers la terre natale et la liberté, quitta la Lucanie et exécuta cette marche étonnante k travers lItalie, en longeant l’Apennin et en se dirigeant vers le nord, écrasa sur sa route les deux armées consulaires, deux autres armées prétoriennes, et arriva enfin, toujours combattant et toujours victorieux, sur les rives du Pô, dont les eaux débordées lui barrèrent le chemin. Après avoir vainement tenté de soulever les cités de la Cisalpine, qui détestaient le joug romain, mais qui eussent rougi de s’allier k des esclaves, il fut obligé de céder à l’ivresse de ses soldats, qui voulurent marcher sur Rome. Le sénat épouvanté envoya Crassus avec 35,000 hommes de vieilles troupes, auxquelles se rallièrent les débris de toutes les armées détruites. Le général romain se borna k couvrir le Latiutn, n’osant hasarder de bataille contre le terrible gladiateur et se contentant de le faire misérablement harceler par ses lieutenants, invariablement battus dès qu’ils avaient la témérité de livrer coin SPAR

bat. Ramené ainsi vers les contrées méridionales, Spartacus forma le projet de jeter quelques milliers d’hommes en Sicile afin d’y rallumer les feux mal éteints de la deuxième guerre servile. Des pirates ciliciens s’engagèrent à les y transporter, reçurent de lui des avances considérables, puis mirent à la voile en l’abandonnant sur le rivage II construisit alors des radeaux ; mais lu tempête les brisa et les jeta à la côte. Telle était cependant la terreur qu’il inspirait encore, que Crassus entreprit de l’enfermer dans la presqu’île de Rhégium par un fossé et un retranchement de 15 lieues de longueur] Le chef des esclaves témoigna son profond mépris et pour cet.immense travail et pour des ennemis qui n’osaient plus l’attaquer en face ; puis, quand les vivres et les fourrages commencèrent à lui manquer, il combla une partie de la tranchée pendant une nuit orageuse, força les lignes des Romains et manœuvra librement dans la Lucanie, où il extermina encore les troupes de deux lieutenants de Crassus qui osèrent l’inquiéter dans sa retraite. Ce dernier écrivit au sénat afin qu’on envoyât pour le seconder Pompée, alors de retour d’Espagne, et Lucullus, qui revenait d’Asie. Mais il se repentit bientôt de cette démarche et rechercha les occasions de terminer prompteraent la guerre afin d’avoir seul l’honneur. Un corps de Gaulois s’étant séparé du gros de l’armée, il se hâta de les attaquer avec des forces supérieures et leur tua 12,000 hommes. Cependant Spartacus, menacé d’être enveloppé par trois armées, se dirigeait vers Brindes dans l’espoir de s’y embarquer pour gagner la Sicile, lorsqu’il fut contraint par ses soldats, que des succès récents avaient affolés, de changer tout son plan et de revenir sur ses pas pour inarcher contre les Romains. C’était entrer dans les vues de Crassus, qui venait d’apprendre que Pompée approchait et qui était pressé d’en finir, d’autant plus que l’armée affaiblie et désorganisée de Son ennemi lui permettait d’espérer le succès. La rencontre eut lieu sur les bords du Silarus. Forcé de livrer une bataille qui n’entrait pas dans ses desseins, Spartacus se prépara k jouer cette partie suprême avec un héroïsme grandiose et désespéré. Au moinentde donner le signal du combat, il tua son cheval d’un coup d’épéo : « Vainqueur, dit-il, j’en trouverai assez d’autres chez les Romains ; vaincu, je ne veux pas fuirl » Et il entraîna les siens sur les lésions, plongea bien avant dans l’armée romaine afin de joindre Crassus, et, quand il fut déchiré de blessures, combattit longtemps encore à genoux jusqu’à ce qu’il fût enseveli sous les cadavres de ceux qu’il avait abattus. 40,000 esclaves périrent avec le sublime vaincu dans cette glorieuse défaite qui rivait pour des siècles les chaînes des races asservies (71 av. J.-C.). Quelques milliers de fuyards furent exterminés par Pompée, l’homme des victoires faciles, k qui revint tout l’honneur d’avoir écrasé les derniers germes.de la révolte.

Le nom de Spartacus est resté le type, la personnification du bon droit persécuté et qui brise tout k coup ses entraves.

■ Le Spartacus noir, prédit par Raynal, venait d’apparaître. Toussaint-Louverture, des derniers rangs de l’armée, s’était élevé k la toute-puissance. »

(liévolution de Saint-Domingue.)

« Partout où l’arbre hideux de l’esclavage pousse encore des rejetons malheureux, les lois sont sans force et la religion sans honneur. La rage et la vengeance couvent au fond des cœurs avilis par la servitude, et ces hommes que l’esclavage a flétris soupirent après le jour où, k la voix d’un nouveau Spartacus, ils ramasseront les débris de leurs chaînes pour en écraser la tête de leurs maîtres durs et impitoyables. »

(L’École normale.)

« Le roi ne capitule pas avec des sujets rebelles, dites-vous. Mais Louis XIV a bien capitulé avec Cavalier, ce garçon boulanger, le Spartacus des Cêvennes. »

Camîllb Desmoulins.

« Rousseau conservait au milieu des humiliations sans nombre de sa destinée, et jusque dans l’abaissement moral où il tomba souvent par sa faute, l’indomptable fierté d’un héros de Plutarque ; il en avait les mâles inspirations. Comme Spartacus, il sentait gémir et tressaillir en lui les fils d’une race asservie ; il devait en être le rédempteur ; il était marqué au front du sceau fatal des prédestinés. »

Lanprey.

Spartacus, tragédie en cinq actes, de Saurin (Théâtre - Français, 1760). Les grands effets que l’amour produit au théâtre font croire assez généralement qu’une pièce ne peut s’y soutenir sans lui. On le fait entrer jusque dans des sujets où il est absolument déplacé. Corneille, dans ses discours sur l’art dramatique, et Fontenelle, dans sa poétique, recommandent de ne lui donner que la seconde place et de céder la première aux autres passions. Racine s’est conformé k ce précepte, mais en rendant l’amour intéressant par des développements délicats, par

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des nuances fines. Voltaire, qui aimait tant les tragédies politiques sans amour, Voltaire, après avoir payé le tribut au goût de son siècle dans Œdipe, donna la première place à l’amour dans la plupart de ses tragédies et mit ce puissant ressort tout entier nu service de l’action dans Zaïre, Alzire, Adélaïde, etc. Ce n’est ni le lieu ni le moment de nous prononcer pour ou contre Corneille ou Voltaire ; mais nous pouvons dire qu’il existe des personnages historiques qu un poëte dramatique ne devrait jamais représenter amoureux ; Moïse, Alexandre, César, Brutus, Scipion, Caton, Cicéron et, plus près de nous, Corneille, Louis XIV, Napoléon ne peuvent, sans être amoindris, venir nous occuper de leurs amours. Certains côtés de leur physionomie dominent l’histoire et s’emparent seuls de notre esprit ; le reste ne peut qu’affaiblir l’intérêt que leur ambition, leur héroïsme, leurs crimes, leur orgueil ou leur génie nous inspirent. C’est ainsi que nous nous imaginons Spartacus animé du seul amour de la liberté et qu’il ne nous plaît pas de le voir s’attarder aux pieds d’une femme. Il est des figures silencieuses qui surgissent tout à coup de leur obscurité, frappent et meurent sans que personne ait su leur secret. EJes sont faites pour le marbre et pour le monologue, mais elles se refuseront toujours k se livrer devant une rampe aux évolutions du théâtre. Tenter de faire entrer dans des groupes scéniques ces statues isolées, c’est se créer d’invincibles obstacles que quelques hommes de génie ont seuls pu surmonter de loin en loin. Voyons comment Saurin s’est tiré de ce pas difficile. Son Spartacus a pour père un chef fabuleux des Germains nommé Argétorix. Élevé dans l’esclavage par les Romains, qui ont tué son père et fait sa mère captive, il a sucé cependant avec le lait de celle-ci l’amour de la liberté ; mais il devient amoureux de la fille de Crassus, Emilie. Contraint de figurer dans Tes vils exercices des gladiateurs, il frémit de cet opprobre et excite ses compagnons k verser leur sang pour unéplus noble cause. Tous le choisissent pour leur chef. De toutes parts de nombreux esclaves accourent se ranger sous ses ordres ; il gagne quatre batailles contre les Romains, qui lui opposent une cinquième armée, commandée par ce même Crassus dont il aime la fille. Spartacus triomphe encore ; mais, vainqueur, il refuse de tuer Emilie, qui est en son pouvoir, comme te demandent les esclaves révoltés, et cette faiblesse du héros pour une Romaine fait triompher la trahison de son lieutenant, Noricus, qui est en même temps son rival. Spartacus tombe aux mains de Crassus ; il est poignardé, et Emilie se tue sur le corps de son amant. Saurin a fait de Spartacus un héros philosophe : < Je voulais, dit-il dans la préface de sa pièce, tracer le portrait d’un grand homme tel que j’en conçois l’idée ; d’un grand homme qui joignît aux qualités brillantes des héros la justice et l’humanité ; d’un homme, en un mot, qui fût grand pour le bien des hommes et non pour leur malheur. » Ce dessein philosophique mène le poëte aux froides abstractions de la vertu et de la nature alors, k la mode ; mais, une fois admis au théâtre, le caractère dsr Spartacus en reçoit beaucoup de grandeur et de noblesse ; l’esclave révolté devient un personnage sublime, véritablement digne de la scène héroïque. Avec la plume de Corneille, cette tragédie difficile à faire accepter montait au premier rang. Les vers de Saurin, que Voltaire jugeait quelque peu duriuscules, manquent malheureusement trop souvent d’ampleur. Ils sont en générai exacts et nerveux, exprimant bien les idées mâles, nobles, sublimes, répandues dans la pièce ; mais ils ne suffisent pas à cacher lajnaigreur du sujet. Mettre en opposition la haine du gliidiateur contre Rome et son amour pour une Romaine est une invention vulgaire qui offrait peu de ressources, et Saurin n’avait pas en lui assez de force pour suppléer, comme l’auteur de Sertorius et de Ctnna, k l’absence de l’action par la grandeur des détails. Il y a pourtant quelques scènes saillantes, entre autres cebe où Spartacus vient se livrer k ses soldats révoltés ; cette scène a cela de remarquable, qu’elle semble avoir inspiré k Schiller une des plus belles situations de ses Brigands.

À la représentation, ce Spartacus, parfaitement classique d’ailleurs, faisait beaucoup d’effet ; il e»t resté la meilleure des pièces de. Saurin, ce qui ne veut pas dire que ce soit un chef-d’œuvre, loin de là. « Servilement soumis, dit Ancelot, aux impérieuses exigences de la Melpomène du xvtiie siècle, qui ne vouluit frayer qu’avec des familles royales, ou tout au moins patriciennes, et qui eut dédaigneusement repoussé la bassesse d’un « vil gladiateur, » Saurin mentit résolument k l’histoire ; il fit de Spartacus le fils d’un roi des Suèves, et, ne montrant qu’une portion de sa vie, il se garda bien de le présenter secouant sa chaîne et la brisant. Nous ne voyons que le îhef d’une armée victorieuse, l’amant aimé de la fille d’un consul, le héros triomphant, puis trahi et vaincu. Les tortures de l’esclavage, les douleurs de l’abjection, les fureurs concentrées de la haine méditant sa vengeance, l’explosion de sa révolte, tout cela se cacha dans l’avant-scène ; c’est donc la partie la plus poétique et la plus dramatique en même temps de son sujet que Saurin a volontairement négligée. » M. Hippolyte Lucas écrivait