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son attention pour un seul point, une tache noire de boue et de sang, le massacre des prisonniers de septembre ?

« Dieu nous garde de diminuer l’horreur que ce crime a laissée dans la mémoire ! Personne, à coup sûr, ne l’a sentie plus que nous ! Personne n’a pleuré peut-être plus sincèrement ces mille hommes qui périrent, qui presque tous avaient fait par leur vie beaucoup de mal à la France, mais qui lui firent par leur mort un mal éternel. Ah ! plût au ciel qu’ils vécussent ces nobles qui appelaient l’étranger, ces prêtres conspirateurs qui, par le roi, par la Vendée, mettaient sous les pieds de la Révolution l’obstacle secret, perfide, où elle devait heurter, avec l’immense effusion de sang qui n’est pas finie encore !… Les trois ou quatre cents ivrognes qui les massacrèrent ont fait, pour l’ancien régime et contre la liberté, plus que toutes les armées des rois, plus que l’Angleterre elle-même avec tous les milliards qui ont soldé ces armées. Ils ont élevé, ces idiots, la montagne de sang qui a isolé la France et qui, dans son isolement, l’a forcée de chercher son salut dans les moyens de la terreur. Ce sang d’un millier de coupables, ce crime de quelques centaines d’hommes, a caché aux yeux de l’Europe l’immensité de la scène héroïque qui nous méritait alors l’admiration du monde.

« Revienne donc enfin la justice, après tant d’années ! et que l’on avoue que chez toute nation, au fond de toute capitale, il y a toujours cette lie, toujours cette boue sanguinaire, l’élément lâche et stupide qui, dans les paniques surtout, comme fut le moment de septembre, devient très-cruel. Même chose aurait eu lieu et en Angleterre, et en Allemagne, chez tous les peuples de l’Europe ; leur histoire n’est pas stérile en massacres. Mais ce que l’histoire d’aucun peuple ne présente à ce degré, c’est l’étonnante éruption d’héroïsme, l’immense élan de dévouement et de sacrifices que présenta alors la France. » (Michelet.)

« … Après dîner, quelqu’un ayant mentionné la date du jour (3 septembre 1816), l’empereur a dit à ce sujet des paroles bien remarquables. En voici quelques-unes :

« C’est l’anniversaire d’exécutions bien épouvantables, bien hideuses, une réaction en petit de la Saint-Barthélemy, une tache pour nous, moindre sans doute parce qu’elle a fait moins de victimes et qu’elle n’a pas porté la sanction du gouvernement, qui essaya même de punir le crime. Il a été commis par la Commune de Paris, puissance spontanée, rivale de la Législative, supérieure même.

« Au surplus, disait l’empereur, ce fut bien plutôt l’acte du fanatisme que celui de la pure scélératesse. On a vu les massacreurs de septembre massacrer un des leurs pour avoir volé durant les exécutions.

« Ce terrible événement, continuait l’empereur, était dans la force des choses et dans l’esprit des hommes. Point de bouleversement politique sans fureur populaire, point de danger pour le peuple déchaîné sans désordre et sans victimes. Les Prussiens entraient ; avant de courir à eux, on a voulu faire main basse sur tous leurs auxiliaires dans Paris ; peut-être cet événement influa-t-il dans le temps sur le salut de la France. Qui doute que, dans les derniers temps, lorsque les étrangers approchaient, si on eût renouvelé de telles horreurs sur leurs amis, ils eussent jamais dominé la France ! Mais nous ne le pouvions, nous étions devenus légitimes ; la durée de l’autorité, nos victoires, nos traités, le rétablissement de nos mœurs avaient fait de nous un gouvernement régulier ; nous ne pouvions nous charger des mêmes fureurs ni du même odieux que la multitude. Pour moi, je ne pouvais ni ne voulais être un roi de la jacquerie. » Opinion et appréciation de Napoléon Ier sur les massacres de septembre. (Mémorial de Sainte-Hélène.)

— Bibliogr. En l’an V, une première collection des pièces relatives aux journées de septembre fut formée par Nogaret, sous le titre d’Histoire des prisons de Paris. Elle était loin d’être complète et, en outre, trop mélangée d’anecdotes suspectes, où l’imagination avait la part principale. En 1823, MM. Berville et Barrière, éditeurs d’une collection de mémoires sur la Révolution, publièrent à leur tour un volume de mémoires sur les journées de septembre, composé de brochures contemporaines et de quelques extraits, avec des préfaces et des notes écrites dans un esprit d’exagération contre-révolutionnaire. M. Firmin Didot a donné une nouvelle édition de ces mémoires, plus complète et accompagnée de notes et de commentaires.

Parmi les pièces officielles, nous en avons signalé plus haut de fort importantes et qui sont conservées soit aux archives de la préfecture de police, soit à l’Hôtel de ville, soit aux Archives nationales, soit à la bibliothèque de la rue Richelieu. Beaucoup ont été publiées par extraits ou en totalité, les unes dans les collections que nous venons de citer, d’autres dans les ouvrages récents que nous mentionnons ci-dessous. Les principales sont :

1o Les listes dressées en vertu de l’arrêté du conseil général de la Commune, en date du 10 septembre 1792, qui ordonne aux greffiers, concierges, geôliers, gardiens des prisons de se transporter aux comités des sections et d’y déposer les registres et les renseignements qu’ils peuvent avoir, tant sur les prisonniers morts que sur ceux qui se sont évadés des prisons. M. Granier de Cassagnac en a donné une copie dans son Histoire des girondins et des massacres de Septembre.

2o L’état général dressé par les administrateurs du département de police, daté du 10 septembre 1792.

3o Les registres d’écrou, les procès-verbaux et lettres officielles émanés des diverses sections, ainsi que les listes rectificatives concernant certaines catégories de prisonniers.

4o Les registres des délibérations des sections de Paris.

5o Les procès-verbaux de la Commune.

6o La procédure dirigée en l’an IV contre les septembriseurs, et dont le volumineux dossier est conservé aux archives de la cour d’appel de Paris. Les débats oraux, qui durèrent plusieurs jours, n’ont pas été conservés ; mais on peut y suppléer par le résumé du président du tribunal criminel, Gohier, qui devint plus tard ministre de la justice, puis membre du Directoire. Au reste, cette immense instruction écrite ne doit être consultée qu’avec réserve, car elle contient une foule de dénonciations dont la véracité n’a pas été reconnue, puisque, à cette époque de réaction, la presque totalité des individus mis en cause ont été acquittés. V. septembriseurs.

Signalons aussi, en passant, les journaux du temps, dont les uns, comme les Révolutions de Paris, font l’apologie des massacres, et dont les autres, comme le Courrier des départements du girondin Gorsas, en tentent l’atténuation. On trouvera une analyse et des extraits de ces feuilles dans la très-partiale Histoire de la Terreur de M. Mortimer-Ternaux (t. IV).

Enfin, parmi les mémoires originaux, mentionnons : Relation adressée par l’abbé Sicard, instituteur des sourds-muets, à un de ses amis sur les dangers qu’il a courus les 2 et 3 septembre 1792. Ce récit fut publié pour la première fois dans un recueil périodique qui paraissait sous le titre d’Annales religieuses (1796). Il fut peu après mis en brochure. Elle a été reproduite dans le tome XVIII de l’Histoire parlementaire de Buchez et Roux. Le respectable abbé, qui, comme on le sait, échappa au massacre et dont le nom suffit pour imposer la vénération aux meurtriers, raconte les événements de l’Abbaye, du moins en partie, et spécialement les scènes dont il a été témoin. Il a commis quelques erreurs, mais dans les choses qui ne lui sont pas personnelles. Peut-être même pourrait-on signaler quelques inexactitudes dans le récit de ce qu’il a vu de ses yeux ; mais du moins on ne saurait mettre en doute sa sincérité. Il était au nombre des ecclésiastiques amenés de la mairie (aujourd’hui la préfecture de police) à la prison de l’Abbaye et qui furent les premières victimes.

Mon agonie de trente-huit heures ou Récit de ce qui m’est arrivé, de ce que j’ai vu et entendu pendant ma détention dans la prison de l’Abbaye Saint-Germain depuis le 22 août jusqu’au 4 septembre 1792, par M. de Journiac Saint-Mèard, ci-devant capitaine commandant des chasseurs du régiment d’infanterie du roi. Cette brochure intéressante eut plus de soixante éditions en moins d’un an, du 15 septembre 1792 au 31 mai 1793. Elle a été réimprimée dans la Collection des mémoires sur la Révolution et dans l’Histoire parlementaire (t. XVIII). En outre, on en a donné depuis plusieurs éditions. C’est un tableau tracé sans prétention, mais palpitant de réalité. L’auteur, acquitté par le tribunal de Maillard, quoiqu’il s’avouât franchement royaliste, a raconté ses angoisses sans trop de passion ni d’esprit de parti.

Ma résurrection, par Maton de La Varenne, ouvrage publié en 1795. Il était devenu fort rare quand les auteurs de l’Histoire parlementaire en réimprimèrent la partie la plus importante dans le tome XVIII de leur utile, quoique très-partiale compilation. Maton était avocat. Arrêté par le comité de sa section le 24 août, sur des dénonciations d’ennemis personnels, il fut enfermé à la Force, jugé le 3 septembre par le tribunal qui s’était improvisé dans cette prison, à l’instar de celui de l’Abbaye, et renvoyé absous, quoiqu’il fût, en tant qu’opinion du moins, un contre-révolutionnaire avéré. Sa relation offre des particularités fort intéressantes sur les massacres de la Force.

La Vérité tout entière sur les vrais acteurs de la journée du 2 septembre 1792, par Felhemesi ; c’est l’anagramme de Mehée fils, secrétaire greffier de la Commune au 10 août. Ce Mehée de La Touche, un des plus tristes personnages sortis des bas-fonds de la Révolution, et qui devint espion de toutes les polices, ne mérite pas grande créance. Il écrivait après le 9 thermidor et, pour flagorner les dominateurs, il s’acharna à flétrir la mémoire des vaincus. Son récit demande donc à être lu avec beaucoup de précaution. Il est reproduit en grande partie dans le tome XVIII de l’Histoire parlementaire.

Histoire des hommes de proie ou les Crimes du comité de surveillance, par Roch Marcandier. L’auteur de cette brochure avait été d’abord secrétaire de Camille Desmoulins. Il devint un réacteur prononcé, publia des libelles très-violents et fut condamné à mort le 24 messidor an II. Sa relation est empreinte de l’exagération la plus outrée, c’est à cette source plus que suspecte que les écrivains royalistes ont puisé une foule de détails dont la plupart sont apocryphes. Déclaration du citoyen Antoine-Gabriel-Aimé Jourdan, ancien président du district des Petits-Augustins et de la section des Quatre-Nations (1er floréal an III). Cette pièce curieuse était restée inédite ; elle faisait partie d’un recueil de documents sur les journées de septembre appartenant au marquis Garnier, pair de France. MM. Berville et Barrière l’ont imprimée en 1818 dans leur collection de mémoires sur la Révolution. Elle porte tous les caractères de l’authenticité.’ Jourdan présidait le comité civil de la section des Quatre-Nations, qui siégeait dans le Cloître, non loin de la prison de l’Abbaye, comme il a été dit plus haut, dans l’article consacré aux massacres. Il a donc été témoin d’un certain nombre d’égorgements. Sa relation est courte, car il ne raconte que ce qu’il a vu. C’est là qu’on trouve le fameux épisode des deux Anglais qui, pendant les massacres, versaient à boire aux assassins. Jourdan, par patriotisme, mais peut-être un peu légèrement, conclut de ce fait que le cabinet de Londres était le provocateur ou tout au moins le complice des égorgements, et il suppose que ce cabinet voulait par là inspirer au peuple anglais l’horreur de notre Révolution. Nous avons reproduit, aux extraits et citations, le passage relatif à cette assertion.

Quelques-uns des fruits amers de la Révolution, par Mme de Fausse-Lendry. On y lit quelques détails intéressants sur les massacres de l’Abbaye, où cette dame s’était enfermée pour donner ses soins à son oncle, l’abbé de Rastignac. Cette pièce a été reproduite dans les mémoires sur les journées de septembre.

Mémoires de Weber, frère de lait de Marie-Antoinette, qui lui-même a échappé aux massacres de la Force.

Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française (1797), par Prudhomme (t. IV). C’est une des sources où les écrivains hostiles à la Révolution ont souvent puisé. Ce Prudhomme était la même éditeur qui avait publié les Révolutions de Paris, où se trouve un long et pompeux éloge des massacres. La réaction venue, il retourna tranquillement sa cocarde, brûla ce qu’il avait adoré et fit brocher par des écrivains du parti triomphant des factums empreints de la haine la plus violente contre tous les hommes et tous les événements de la Révolution. C’est assez dire que sa prétendue Histoire, malgré quelques détails curieux, ne mérite aucune confiance.

Anecdotes peu connues sur le 10 août et les journées de Septembre, par Sylvain Maréchal (1793, in-16). Opuscule intéressant, mais devenu fort rare.

Précis historique de la Révolution, au 10 août et au 2 septembre 1792. par Peltier. Peltier, ancien collaborateur des Actes des apôtres, était un pamphlétaire royaliste plein de verve, mais très-léger de scrupule et le plus effronté menteur qui ait jamais tenu une plume.

Le passage suivant de M. Michelet donne une idée fort exacte du degré de confiance qu’on doit lui accorder :

« … J’apprécierai les documents divers et les principaux narrateurs, surtout celui que « tous ont copié, » le libelliste Peltier, qui, dans l’année même (1792), débarquant à Londres, encore tout ému de peur et de rage, comptant bien la France morte, assassinée par l’Europe, a cru qu’on ne risquait guère à marcher sur un cadavre et cracher dessus. Les Anglais, pour qui l’auteur écrivait, ont couvert ce livre d’or, l’ont appris par cœur ; toutes les presses de l’Europe ont été employées à répandre l’infâme légende. Circulant de bouche en bouche, elle a créé à son tour une fausse tradition orale. Plus d’un historien s’en va recueillant de la bouche des passants, comme choses de tradition, d’autorité populaire, ce qui primitivement n’a d’autre origine que ce bréviaire de mensonge. »

Parmi les ouvrages modernes, nous indiquerons, naturellement, les Histoires de la Révolution de Toulongeon, de Tissot, de Villiaume, de Thiers, de Beaulieu ; les Esquisses historiques sur les principaux événements de la Révolution française de Dulaure ; les Montagnards d’Esquiros ; les Girondins de Lamartine, ouvrage fort romanesque ; Buchez, Histoire parlementaire de la Révolution (t. XVII et XVIII) ; Louis Blanc (t. VII, chap. 11, intitulé Souviens-toi de la Saint-Barthélemy) ; Michelet (t. IV) ; Cuvillier-Fleury, les Massacres de Septembre, dans les Dernières études (t. Ier) ; Alex. Sorel, le Couvent des Carmes et le séminaire Saint-Sulpice pendant la Terreur ; Mortiiner-Ternaux, Histoire de la Terreur (t. III et IV) ; Dupont de Bussac, Fastes de la Révolution, excellent travail sur Septembre ; de Lescure, Mme de Lamballe ; Granier de Cassagnae, Histoire des girondins et des massacres de Septembre (t. II), etc.

MM.Ternaux, Cassagnae, Cuvillier, Sorel, Lescure, il est à peine nécessaire de le noter, sont d’une partialité contre laquelle on n’a pas à prémunir le public.


Septembre 1835 (LOIS DE). Cet ensemble. de dispositions répressives, demeurées célèbres et qui ont reparu si souvent dans les polémiques du règne de Louis-Philippe, avait été proposé par le gouvernement sous le prétexte de l’attentat de Fieschi. C’est l’histoire éternelle des mesures de réaction ; la nation entière se trouvait punie dans ses libertés à propos d’un crime particulier auquel elle était non-seulement étrangère, mais encore qui ne lui inspirait que de l’horreur ; d’un fait passager, d’une situation exceptionnelle, on faisait sortir la permanence de l’arbitraire et de la compression.

C’est le 4 août 1835 que ces lois fameuses furent présentées aux Chambres. Le président du conseil, M. de Broglie, dans un exposé des motifs, fit de l’état du pays, sous l’empire de la liberté de la presse, un tableau qui présentait des analogies frappantes avec le fameux rapport de M. de Chantelauze en 1830.

« Le but des lois qui vont vous être successivement présentées, disait-il, est de faire rentrer tous les partis dans la charte, par prudence du moins ou par crainte, si ce n’est par conviction… Tous les partis sont libres dans l’enceinte de la monarchie constitutionnelle. Dés qu’ils en sortent, la liberté ne leur est pas due ; ils se mettent eux-mêmes hors de la loi politique ; ils ne doivent plus rencontrer que la loi pénale et les pouvoirs qu’elle arme pour sa défense… Nous n’admettons pas la discussion sur le roi, sur la dynastie, sur la monarchie constitutionnelle, qui doivent être placés sous la sauvegarda de peines sévères ; si celles que le code pénal a prévues ne suffisent point, il en faut instituer d’autres, que l’humanité ne réprouve pas, mais qui, cependant, impriment aux criminels un effroi proportionné à la grandeur même du crime. Il faut armer les juridictions régulières, qui demeureront chargées de les appliquer, de moyens réguliers eux-mêmes, mais prompts, directs, efficaces pour atteindre les fins de la justice ; il faut donner sécurité aux magistrats et aux citoyens qui la dispensent ; il faut que désormais la révolte, bannie de la place publique, ne trouve plus son refuge dans le sanctuaire des lois avant d’y trouver son châtiment… Notre loi a pour but principal d’empêcher les attaques à la personne du roi et au principe de son gouvernement.

« Il faut distinguer entre la presse monarchique constitutionnelle, opposante ou non, et la presse républicaine, carliste ou dans les principes de tout autre gouvernement qui ne serait pas le nôtre. Celle-ci, nous ne le nions pas, nous ne sommes nullement disposés à la tolérer. Notre loi manquerait son effet si toute autre presse que la presse monarchique constitutionnelle pouvait se déployer librement après sa promulgation… »

Et dans la discussion, M. Guizot, ministre de l’instruction publique, accentua encore cette idée :

« Oui ! disait-il, il y a une presse que nous regardons comme inconstitutionnelle, comme radicalement illégitime, comme infailliblement fatale au pays et au gouvernement de Juillet ; nous voulons la supprimer ; c’est la presse carliste et la presse républicaine. Voilà le but de la loi… Il faut choisir dans ce monde entre l’intimidation des honnêtes gens et l’intimidation des malhonnêtes gens, entre la sécurité des brouillons et la sécurité des pères de famille ; il faut que les uns ou les autres aient peur, que les uns ou les autres redoutent la société et ses lois. Il faut le sentiment profond, permanent, d’un pouvoir supérieur toujours capable d’atteindre et de punir… Qui ne craint rien ne respecte rien… »

La question était ainsi nettement posée ; les nouvelles lois signifiaient intimidation, répression, guerre aux idées démocratiques. Elles étaient au nombre de trois. L’une, relative au jury, lui attribuait le vote secret, statuait que la majorité des voix nécessaire pour la condamnation serait réduite de 8 à 7 et aggravait la peine de la déportation.

La seconde donnait au ministre de la justice, à l’égard des citoyens inculpés de rébellion, le droit de former autant de cours d’assises qu’il le jugerait nécessaire ; aux procureurs généraux celui d’abréger, en cas de besoin, les formalités de la mise en jugement ; enfin au président de la cour d’assises la faculté de faire emmener les accusés qui troubleraient l’audience et de passer outre aux débats en leur absence.

La troisième était relative à la presse. Jusqu’alors aucune infraction de la presse n’avait été directement qualifiée d’attentat contre la sûreté de l’État (sauf pour le cas de complicité par provocation positive à commettre un crime). La loi nouvelle déterminait plusieurs infractions considérées comme crimes par elles-mêmes, indépendamment des effets qu’elles ont pu produire. Ainsi étaient qualifiées d’attentats contre la sûreté de l’État, non-seulement la provocation à commettre un attentat contre la personne du roi ou l’un des membres de sa famille, mais encore la simple offense au roi, l’excitation à changer la forme du gouvernement établi par la charte de 1830 ou à détruire l’ordre de successibilité au trône, ou à porter les citoyens à