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ROLA

libérateur, et il pourrait s'apercevoir de la passion qu’il inspire si son « cœur d’acier » n’était resté jusqu’alors volontairement inaccessible à l’amour. Apprenant que Ganelon veut opprimer une faible femme, il le provoque et lui ferait payer cher sa félonie, si l’archevêque n’arrêtait leurs bras au nom de Charlemagne. Ganelon se dispose à enlever la belle châtelaine ; mais Saïda vient au secours de son amie et lui offre, auprès de l'émir son père, un asile qu’elle accepte. Le second acte transporte la scène dans le palais de l’émir. Celui-ci se soumet en apparence aux conditions dictées par Charlemagne. Roland, malgré le serment qu’il a fait de ne jamais se laisser surprendre par l’amour, ne peut résister aux beaux yeux de la châtelaine. Ganelon, en proie à la jalousie et à la fureur, n’hésite plus à consommer la plus noire trahison. Il forme avec l’émir le dessein de surprendre le paladin dans le défile de Roncevaux. Roland et les douze pairs conduisent l’arrière-garde de l’armée, qui doit quitter l’Espagne pour retourner en France.

La scène, au troisième acte, représente le vallon de Roncevaux. Le paladin raconte à l’archevêque Turpin comment sa fameuse épée Durandal est venue en sa possession et à quelle condition elle doit rester invincible. Il lui confesse qu’il n’est plus maître de son cœur. Turpin lui conseille de rester fidèle à son serment et d’oublier la femme dont il est épris. Roland est agité de mille pensées contraires ; Alde n’a que lui pour protecteur, et il l’aime. Un pâtre vient annoncer que le val est cerné par les ennemis ; les soldats francs accourent et crient à la trahison. Les douze pairs pressent Roland de sonner de son cor d’ivoire pour avertir Charlemagne du danger qui les menace. Le guerrier refuse :

Quelle honte m’est proposée !
Ne plaise à Dieu qui fit ciel et rosée
Que pour des Sarrasins je sonne l’olifan.

L’archevêque bénit les combattants, et tous se précipitent sur les pas de Roland.

Au quatrième acte, qui n’est à proprement parler qu’un tableau, Roland vient de tuer le traître Ganelon ; mais, mortellement blessé, c’est au milieu des cadavres qui jonchent la terre qu’il sonne enfin de son cor d’ivoire ; il succombe. Charlemagne apparaît au fond du théâtre pour voir le corps de son neveu emporté sur les boucliers. En présence d’un livret si bien conçu pour l’effet théâtral, il y a peu d’intérêt à en signaler les anachronismes et les inexactitudes historiques, à rappeler, par exemple, que ce furent les Vascons, et non les Sarrasins, qui exterminèrent l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne en 778.

L’opéra de M. Mermet a réussi de prime abord, grâce au caractère français et sympathique du sujet, et ensuite à la clarté du style musical, à l’allure martiale, franche et décidée des périodes mélodiques. On ne saurait assurément mettre Roland en parallèle avec les grands ouvrages du répertoire : la Juive, les huguenots, Guillaume Tell ; il ne saurait non plus soutenir la comparaison avec les principaux ouvrages de Donizetti, de Bellini, de Verdi, avec Lucu, la Favorite, Norma, le Trouvère ; mais il peut être classé au premier rang des opéras du troisième ordre, qui ont mérité du succès à cause de certaines qualités saillantes. Dans Roland, on remarque peu ou point de situations tendres ; il n'y a ni duos ni cavatines, ni même de ces ensembles à deux et trois mouvements qui sont pour l’auditeur une source d’impressions variées. L’inspiration du compositeur est entraînée comme fatalement vers l’accent guerrier, la force rythmique et la sonorité. Le corps de l’ouverture est peu dessiné. Des appels fréquents de trompettes, une marche guerrière donnent le ton général de l’ouvrage. Les morceaux les plus saillants du premier acte sont : la Chanson de Roland, dite par un pâtre, et le finale.dont la mélodie est large et puissante d’effet : Superbes Pyrénées. Cette Chanson de Roland n’a aucune couleur historique. Il semble qu’elle aurait dû fournir le thème principal de l’ouvrage. On sait le parti que Meyerbeer a tiré du Choral de Luther dans les Huguenots. La Chanson de Roland, que Taillefer entonna en 1066 avant la bataille d’Hastings, était une sorte de plain-chant d’un caractère héroïque et religieux, d’ailleurs très-favorable au développement musical. Dans le second acte, nous signalerons le chœur du complot : Roncevaux, vallon triste et sombre, dont la phrase mère est fort belle, mais qui est développée d’une manière insuffisante. Le troisième acte, qui a décidé du succès de l’œuvre, renferme de beaux fragments : la chanson mélancolique du pâtre, un chant de guerre, une farandole dont les ondulations serpentent dans la montagne et descendent sur la scène sur un motif de danse fort animé ; la lecture de la devisa gravée sur l’épée Durandal : Je suis Durandal, du plus dur métal ; la scène de la confession, un bon trio entre Turpin, Roland et Alde, et le finale : En avant.’Montjoie et Charlemagne.' Les rôles de cet opéra ont été créés par Gueymnrd, Belval, Cazaux., Warot, Mme Gueymard et Mlle Camille de Maesen. Nous donnons l’air de Médor : Je vivrai, si c’est votre envie :

ROLA

Andante sostenuto.

ROLA

Je vi - vrai, si

c’est vo - tre en - vi •

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Je vous votst mon

sort

est trop doux»

Mon

sliÉ^gte-êgig

sort est trop doux ;

Mais s’il

îfe^giii^Ëii

faut m’é-loi-gner de vous ; Mais s’il

asEEferâa

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faut m’éloigner de vous, Je ne réponds

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U=T-

pas de ma vi

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Je ne rd-ponds pas de ma vi

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e ! Je vi - vrai, je vi.

—ft-Sr.^-p-1 ~r>g>.- -tt^

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c’est vo - tre en ■

SlÉia^^^lli

el

Je "vous

vois, mon sort est trop

fÊÉÊÉÊÉSpl

douxl Mais s’il faut mV.loi-gner de i

vous ; Mais s’il faut m’é-loi-gner de

vous, Je ne réponds pas de ma vi

— e ! Màiss’il faut m’é-lot- gner de

" vous, Je ne ré - pondspas, Je ■ neréponds

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e. Je ne ré-ponds

plus

vail- lant !

Tout fuit quand

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pas de ma vi - - et Nous donnons encore la chanson de Roland : Dans les combats, etc. Tempo di marcia ben marcato.

Refrain. Dans les com-bats, sol - data de •

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sa lan - ce 1 Chantez, sol dats, chantez Roland ! Soldats, chantez Ko-1" Strophe.

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— tends au loin dans les cam-pa - gnes, Per mms

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le cœur,

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EEfeEgÉ^lÊEÉE

Fran - ce, Des preux chantes, chan-te» le

cor d’i-voi - re au son vain-queur.

DEUXIÈME STROPHE.

La-bas, dans la plaine sanglante, Brille une épée étincelante, Rouge comme un soleil couchant ; C’est Durandal au dur tranchant 1 Dans les combats, etc.


ROLAND, un des principaux chefs des camisards, né dans le diocèse d’Alais. Il avait servi dans un régiment de dragons et joignait à quelques connaissances militaires un courage à toute épreuve, et une éloquence animée par l’enthousiasme religieux. Lors de l’insurrection calviniste dans les Cévennes, il se mit à la tête d’une troupe déterminée, se signala pendant deux ans par les entreprises les plus audacieuses et par une résistance opiniâtre contre une armée que commandèrent successivement deux maréchaux de France. Il refusa constamment de se soumettre à d’autres conditions que celles du rétablissement de l’édit de Nantes, de l’élargissement des prisonniers, du rappel des exilés, de celui des protestants condamnés aux galères pour cause de religion. Cet homme héroïque fut trahi par un de ses officiers, surpris dans un château près d’Uzès et tué d’un coup de feu en se défendant {1704). Son cadavre fut brûlé à Nîmes et ses cendres jetées au vent.


ROLAND (Philippe-Laurent), sculpteur français, né à Pont-à-Marcq, près de Lille, en 1746, mort en 1816. De très-bonne heure il s’adonna à la sculpture sur bois et montra des dispositions qui le firent signaler à l’attention de Pajou. Cet artiste l’employa dans les travaux d’ornement qu’il exécutait au Palais-Rowl, et se servit de lui comme praticien, pour ses bustes et ses statues. Roland acquit alors une grande habileté à tailler le marbre et parvint à économiser l’argent nécessaire pour se rendre en Italie. Au bout de cinq ans, Roland revint à Paris et, en 1782, il exécuta une statue représentant Caton d Utique, qui lui valut d’être nommé membre de l’Académie de peinture et de sculpture. Un Samson, d’un beau caractère, une statue de Condé, son bas-relief des Neuf Muses pour Fontainebleau mirent Roland tout à fait en évidence. En 1792, il fut désigné pour exécuter le modèle d’une statue colossale représentant la Loi et, trois ans plus tard, lors de la création de l’Institut, il fit partie de l’Académie des beaux-arts. Le buste de Pajou, qui se trouve au Louvre, fut très-remarque en 1799, époque où Roland fut appelé à exécuter des sculptures pour la décoration intérieure des Tuileries et du Luxembourg. Il produisit ensuite la statue de Napoléon, celle de Tronchet, une Minerve, une Bacchante en bronze, un remarquable bas-relief pour la cour du Louvre et un Homère chantant sur la lyre, statue en marbre, regardée comme son chef-d’œuvre. Professeur à l’Académie, il donnait, en outre, des leçons dans l’atelier qu’il possédait à la Sorbonne, et il compta au nombre de ses élèves David d’Angers. Roland était un remarquable artiste, très-habile dans son art et dont les œuvres attestent une réelle originalité.


ROLAND (Pauline), femme de lettres et publiciste, née en Normandie vers 1810, morte à Lyon le 29 décembre 1852. Elle se fit connaître par une Histoire d’Angleterre en 2 vol. in-12, et par ses articles dans les journaux littéraires et le Dictionnaire de la conversation. Ayant embrassé les doctrines de Pierre Leroux, elle se réunit, en 1847, à la petite colonie fondée à Boussac pour la réalisation de ces doctrines, et prit part à la rédaction de la Revue sociale, qui avait pour but de les propager. Après la révolution de Février, elle se lança avec ardeur dans le mouvement socialiste. Elle s’occupa avec beaucoup de zèle de l’organisation des associations ouvrières et fut comprise dans la transportation qui suivit le 2 décembre 1851. Elle revenait de Lambessa lorsqu’elle mourut. C’était une femme grande, aux cheveux noirs, au teint pâle, douée d’une rare énergie.


ROLAND DE LA PLATlÈRE (Jean-Marie), savant, ministre et l’un des chefs du parti girondin, né à Thizy, près de Villefranche (Rhône), le 18 janvier 1734, mort par suicide le 15 novembre 1793. Dans son acte de baptême, son père est qualifié seigneur de La Platière, conseiller du roi et du duc d’Orléans. Le clos de La Platière était un petit domaine près de Villefranche, et la famille avait quelque prétention à la noblesse de robe. Plus tard même, en 1784, Mme Roland fît quelques démarches pour obtenir en faveur de son mari des lettres de reconnaissance de noblesse, car les charges qu’avait exercées la famille ne la transmettaient pas ; mais elle échoua.

Roland a peut-être été un peu trop sacrifié à la gloire de sa femme. C’était le reproche que Mme Eudora Champagneux, fille des Roland (morte en 1858), adressait aux historiens, et notamment à Lamartine, à propos de ses Girondins. « Roland, dit M. Michelet, était un ardent citoyen qui avait la France dans le cœur, un de ces vieux Français de la race des Vauban et des Boisguilbert, qui, sous la royauté, n’en poursuivaient pas moins, dans les seules voies ouvertes alors, la sainte idée du bien public. Inspecteur des manufactures, il avait passé toute sa vie dans les travaux, les voyages, à rechercher les améliorations dont notre industrie était susceptible..... »

Roland, dont les quatre frères aînés étaient entrés dans les ordres, sans doute à cause des revors de fortune de la famille, partit de la maison paternelle à l’âge de dix-neuf ans, traversa une partie de la France à pied et se plaça à Nantes chez un armateur, avec le projet d’aller chercher fortune en Amérique ; mais sa faiblesse de constitution l’empêcha de prendre la mer. Il entra alors chez un de ses parents, qui était inspecteur des manufactures à Rouen et qui lui ouvrit cette carrière. Sa gravité précoce, ses habitudes laborieuses, son amour pour les études sérieuses, son goût pour les matières d’économie politique, de commerce et d’industrie, lui valurent un avancement rapide. Il fut nommé inspecteur ordinaire à Amiens. Ces sortes d’emplois étaient un peu des sinécures ; du moins, ils laissaient beaucoup de loisir. Roland en profita pour étudier avec ardeur le régime industriel et commercial en France et dans les différentes parties de l’Europe. Il voyagea pour cet objet en Suisse, en Italie, en Allemagne, chargé par le gouvernement de missions spéciales, et mit la France en possession de matériaux précieux. En 1775, ce travailleur austère, arrivé à l’âge mûr sans avoir eu de jeunesse, fut mis en relation par des amis d’Amiens avec Mlle Manon Phlipon, qui devait être un jour l’illustre Mme Roland. Elle-même, dans ses mémoires, l’a peint tel qu’il lui apparut alors :

« Je vis un homme de quarante et quelques années, haut de stature, négligé dans son attitude, avec une espèce de roideur que donne l’habitude du cabinet ; mais ses manières étaient simples et faciles, et sans avoir le fleuri du monde, elles alliaient la politesse de l’homme bien né à la gravité du philosophe. De la maigreur, le teint accidentellement jaune, le front déjà peu garni de cheveux et très-découvert n’altéraient point des traits réguliers, mais les rendaient plus respectables que séduisants. Au reste, un sourire extrêmement fin et une vive expression développaient sa physionomie et la faisaient ressortir comme une figure toute nouvelle quand il s’animait dans le récit ou à l’idée de quelque chose qui lui fût agréable. Sa voix était mâle, son parler bref, comme celui d’un homme qui n’avait pas la respiration très-longue ; son discours plein de choses, parce que sa tête était remplie d’idées, occupait l’esprit plus qu’il ne flattait l’oreille ; sa diction était quelquefois piquante, mais sèche el sans harmonie.....»

On verra plus bas quelle était alors la situation de Mlle Phlipon, que Roland épousa cinq ans plus tard. Dans l’intervalle, partant pour de nouveaux voyages, il lui confia ses manuscrits et échangea avec cette jeune fille une correspondance fort sérieuse, comme entre amis du même âge et de même sexe. Tout cela forme 6 vol. in-12, publiés à Amsterdam en 1780, sous ce titre : Lettres écrites de Suisse, d’Italie, de Sicile et de Malte, par M*** (Roland de La Platière), avocat au parlement (il paraît qu’il avait ce titre) à Mlle*** (Manon Phlipon), en 1776, 1777 et 1778 (une seconde édition a été donnée en 1799).

« Ce livre, dit encore M. Michelet, écrit d’une manière inégale, parfois incorrecte et obscure, n’en est pas moins le voyage d’Italie le plus instructif de tous ceux qu’on a faits au XVIIIe siècle. Il témoigne des connaissances infiniment variées de l’auteur, qui embrasse son sujet sous tous les aspects depuis