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Révolution de 1848 (HISTOIRE DE LA), par Lamartine (1851, 2 vol. in-8o). C’est une improvisation brillante, qui n’est à proprement parler qu’un long plaidoyer en faveur de l’historien lui-même, une ode à sa propre gloire. Dans cette apologie, M. de Lamartine parle de lui à la troisième personne, sans doute pour garder le ton solennel de l’histoire ; mais on ne voit que trop, de la première page à la dernière, que ce sont là des mémoires personnels. Il a tout préparé, tout pesé, tout mûri, tout vu et tout prévu. Il faut lire patiemment de tels morceaux, pour se faire une idée du degré d’infatuation auquel peut arriver un grand artiste enivré par la gloire et le succès. Sans doute, le poète a joué un rôle important dans la révolution de 1848 ; mais il n’en est pas moins fatigant de le voir se mettre perpétuellement en scène, comme s’il eût été le seul acteur du drame. Il faut ajouter qu’il écrivait dans un temps où la réaction était triomphante et qu’il ne semble avoir eu d’autre but que de se faire absoudre par elle en exagérant encore tout ce qu’il avait fait pour amener l’avortement de la révolution.

Son récit ne comprend que l’histoire du Gouvernement provisoire et de la Commission exécutive ; il s’arrête au moment précis où Lamartine descend du pouvoir, c’est-à-dire au début de l’insurrection de Juin. Comme document historique, il n’a que peu d’autorité ; c’est un à-peu-près poétique et oratoire plutôt qu’une histoire proprement dite ; comme morceau de littérature, il n’a rien ajouté à la gloire de l’auteur.


Révolution}} de 1848 (HISTOIRE DE LA), par M. Garnier-Pagès (1860-1862, 8 vol. in-8o). Dans cette histoire, M. Garnier-Pagès ne s’est pas borné à raconter les événements qui s’accomplirent en France lors de la chute de Louis-Philippe et sous le Gouvernement provisoire, dont il eut l’honneur d’être membre. Élargissant son sujet, il s’est attaché d’abord, dans les trois premiers volumes de son remarquable ouvrage, à faire l’historique des mouvements révolutionnaires qui se produisirent à cette époque en Europe. Dans le quatrième volume, il a raconté l’effondrement de la monarchie de Juillet ; dans le cinquième, les événements du 24 février 1848, et, dans les trois derniers volumes, il a fait l’histoire du Gouvernement provisoire. Dans cet important travail historique, qui n’embrasse qu’une période de quelques mois, M. Garnier-Pagès s’est attaché à répondre aux attaques passionnées dont ont été l’objet la révolution et les hommes de la révolution, en opposant la réalité des faits aux appréciations de fantaisie et en rétablissant dans leur véritable jour mille incidents qu’on avait pris à tâche de dénaturer. Acteur dans ces grands événements, nul n’était en mesure d’être mieux informé. Au témoignage de ses yeux et de ses oreilles M. Garnier-Pagès a pu joindre le témoignage de tous ceux qui ont vu les mêmes faits sous d’autres aspects que lui ou d’un autre point de vue. Les renseignements des témoins oculaires contrôlés les uns par les autres, les documents authentiques, les pièces officielles, expliqués, éclaircis par les témoignages, voilà les bases de tout travail historique sérieux. On sent partout que l’ouvrage de M. Pagès s’y appuie solidement. Il est difficile de faire plus de lumière sur les faits, de pénétrer plus avant dans les desseins des hommes ou dans les nécessités d’une situation. « M. Garnier-Pagès raconte ces événements si précipités, dit M. Vapereau, pour ainsi dire l’œil fixé sur la pendule, heure par heure, minute par minute. Les heures sont si remplies, les minutes si décisives ! Sur les différents points de Paris et dans les diverses capitales émues et révoltées, le moindre retard d’une mesure, la moindre précipitation peut sauver ou renverser un trône. »

À côté des traits officiels qui marquent les étapes du mouvement révolutionnaire et les alternatives de conquêtes et de défaites des différents partis, il y a des traits de caractères, les détails pittoresques, les conversations solennelles, les mots historiques et toutes ces révélations de sentiments spontanés ou d’arrière-pensées que le Moniteur n’enregistre pas, mais qui font si bien connaître les hommes, les intérêts ou les passions qui les mènent. M. Garnier-Pagès ne s’est pas fait faute de nous montrer les acteurs de la révolution de 1848 sous cet aspect intime et vivant, et il en est résulté que son histoire n’est pas seulement celle des faits, mais aussi et surtout celle des hommes. À cette mise en scène des personnages et de leurs sentiments il doit ses meilleures pages comme historien. M. Garnier-Pagès raconte, peint, pense tout haut avec la même conscience. Ses opinions ne s’affichent jamais, elles se trahissent quelquefois, et, quand l’homme paraît sous l’historien, on le reconnaît à sa gravité et à une certaine mélancolie, Il regrette assez peu le pouvoir pour décrire dans leur réalité toutes les circonstances au milieu desquelles lui et ses amis l’ont reçu, exercé et perdu. Ce qu’il déplore, c’est d’avoir vu étouffer les précieux germes de liberté qu’ils avaient semés. En répondant aux diatribes dont ses collègues du gouvernement et lui-même ont si longtemps été l’objet, il conserve toujours le ton calme et sévère de l’historien. Quant à son style, il est net, simple, mais sans éclat. M. Garnier-Pagès a complété cette histoire par une Histoire de la commission exécutive.

}} Révolutions (ESSAI HISTORIQUE, POLITIQUE ET MORAL SUR LES), par Chateaubriand (Londres, 1797, 2. vol. in-8o). Cet ouvrage fut le début de l’auteur dans la carrière des lettres. « Il est empreint, dit M. Demogeot, d’un scepticisme douloureux qui n’a rien de la frivolité des œuvres du XVIIIe siècle. On sent que le doute qu’il exprime n’a même plus foi en ses propres négations ; c’est un chaos des éléments confus qui fermentaient dans cette jeune âme et qui, à dire vrai, n’ont jamais pu s’y débrouiller parfaitement. »

Se proposant de considérer les révolutions anciennes et modernes dans leurs rapports avec la Révolution française, Chateaubriand établit des comparaisons entre les unes et les autres, traite du caractère des Athéniens et des Français, par exemple, et termine par l’épitaphe de Marat un chapitre qui commence par des considérations sur la poésie à Sparte. C’est assez dire que les parallèles ne cessent pas. Chateaubriand, en présence de la grande Révolution qui s’accomplit devant ses yeux, admet qu’il serait chimérique d’espérer le retour d’un passé qui s’est écroulé de lui-même ; puis il se demande sur quel terrain pourrait se produire la conciliation entre les partisans de l’ancien état de choses et du nouveau, et si le spectacle des siècles passés n’offrirait pas quelque lumière au temps présent. Abusé par une vue superficielle et égaré par son parti pris de parallélisme, il conclut que l’expérience sanglante de la France n’est qu’une répétition de ce que la Grèce et Rome ont fait maintes fois avant nous. Le passé prédit l’avenir et il n’y a rien de nouveau sous le soleil ; tel est le principe qu’il établit au bout de cette immense excursion à travers l’histoire universelle et qu’il formule en ces termes : « L’homme, faible dans ses moyens et son génie, ne fait que se répéter sans cesse ; il circule dans un cercle dont il cherche en vain à sortir ; les faits mêmes qui ne dépendent pas de lui et qui semblent tenir au jeu de la fortune se reproduisent incessamment dans ce qu’ils ont d’essentiel. » Il est impossible, comme on le voit, de méconnaître plus complètement la loi du progrès. Si elle ne s’exerce pas d’une manière continue, si la marche de l’humanité a ses temps d’arrêt, elle existe toujours et amène à la longue des améliorations sociales. La Révolution de 1789, par exemple, a reconstitué l’ordre social sur des principes plus conformes à la justice et à la raison et, sur les débris de l’ancien régime détruit par ses excès, elle a jeté, sous les auspices de la liberté, les fondements impérissables d’une société meilleure.

Il est inutile de chercher dans l’Essai sur les révolutions un plan arrêté, une idée dominante ; le scepticisme s’y dévoile à chaque ligne ; aussi l’auteur soulève-t-il les questions sans les résoudre et finit-il par se réfugier dans un retour impossible vers la nature, c’est-à-dire vers cet état primordial et sauvage de l’humanité tant prôné par Rousseau. « Dans ce livre bizarre, énorme, plein d’incohérence, mais aussi d’éclairs de génie, dit M. Ch. Benoit, Chateaubriand se révèle déjà tout entier dans sa nature sauvage et indomptée, sa vaste curiosité, son imagination grandiose, ardente, mélancolique, qui soudain prend son essor et se déploie dans les hauteurs du ciel. » Quant au style, Féletz le juge en ces termes : « Cet Essai sur les révolutions, qui était aussi pour l’auteur un essai dans l’art d’écrire, révèle déjà un grand écrivain. Sans doute le style est inégal, trop souvent vague dans les premiers chapitres et gâté par de faux ornements ou par des néologismes… Mais, dans le second volume, la pensée est toujours exprimée avec netteté, souvent avec éclat ; l’imagination colore le langage, qui devient nombreux, harmonieux, périodique ; ses figures nobles, hardies, brillantes, lui donnent du mouvement, de l’élévation, de la variété, et je ne crains pas de dire que si, parmi tant de belles pages que nous offrent les ouvrages de M. de Chateaubriand, il s’agissait de choisir les plus belles, il ne faudrait pas exclure, pour les trouver, ce second volume. »


Révolution (DU PROGRÈS DE LA) et de la guerre contre l’Église, par Lamennais (Paris, 1829, in-8o). Lorsque Lamennais a écrit cet ouvrage, il voyait la Restauration pencher vers sa ruine, les idées libérales gagner chaque jour du terrain. Désespérant de la légitimité, exaspéré des résistances de son propre parti, il résolut d’intimider en même temps le pouvoir et le clergé gallican. Il n’osait point encore afficher le programme de l’avenir : Dieu et la liberté, mais il s’apprêtait à le faire. Le point de départ de cette conversion aux idées démocratiques est le livre sur la Révolution. « Que la France et l’Europe, dit-il au début, s’acheminent vers des révolutions nouvelles, c’est maintenant ce que chacun voit. Les plus intrépides espérances, nourries longtemps par l’intérêt ou par l’imbécillité, cèdent à l’évidence des faits, sur lesquels il n’est plus possible à qui que ce soit de se faire illusion. Rien ne saurait demeurer tel qu’il est ; tout chancelle, tout penche : conturbatae sunt gentes et inclinata sunt regna. La persécution religieuse à laquelle le pouvoir s’est laissé entraîner, et qui dépassera de beaucoup le point où il se flatte de l’arrêter peut-être, donne à ses ennemis la mesure de sa faiblesse et annonce sa ruine ; car toute faction qui a pu dominer le pouvoir le renversera tôt ou tard, et commander, c’est déjà régner : le reste n’est qu’une simple forme. »

Cet arrêt prononcé, Lamennais se demande ce qu’il y a à faire dans l’effroyable confusion de doctrines à laquelle la société est en proie. Selon lui, il y a à protester, à dire la vérité sans s’inquiéter des conséquences que cette conduite peut avoir. Il revendique pour le catholicisme la liberté « promise par la charte à toutes les religions, la liberté dont jouissent les protestants, les juifs, dont jouiraient les sectateurs de Mahomet et de Bouddha, s’il en existait en France. Ce n’est pas, pense-t-il, trop demander, et vingt-cinq millions de catholiques ont bien le droit aussi de se compter pour quelque chose, le droit de ne pas trouver bon qu’on fasse d’eux un peuple de serfs, des espèces d’ilotes ou de parias. » Il se plaint qu’on soit habitué à ne voir en eux qu’une masse inerte, née pour subir tous les jougs ! Il s’en fera le porte-voix, le tribun. Il demande donc la liberté de conscience, la liberté de la presse, la liberté de l’éducation. Le programme devait sonner mal à quelques oreilles catholiques et en particulier à celles du saint-siége. Mais Lamennais se flattait de faire taire, quand l’occasion se présenterait, leurs réclamations importunes. Il traite successivement de l’époque actuelle, du libéralisme et du gallicanisme qu’il confond dans une réprobation commune, puis des progrès de la révolution politique et religieuse. Il termine par un examen des devoirs du clergé dans des circonstances aussi solennelles.

Son principal argument contre la civilisation moderne, c’est, dit-il, qu’il n’y a plus de liens sociaux. Il n’y a plus que des lois extérieures, c’est-à-dire plus de société réelle, attendu que la pensée de chacun est hostile à la pensée du voisin et sa volonté rebelle au joug des lois. Le libéralisme trahit cette situation ; le gallicanisme est son complice ecclésiastique. C’est lui qui a établi le despotisme en France en aidant le roi à mépriser la tradition et à ne prendre que son bon plaisir pour maxime. On conçoit les colères qu’un tel langage dut soulever parmi les membres du clergé gallican. Il est constant, néanmoins, qu’ils méritaient les invectives de Lamennais et que leur servilité sous la Restauration est comparable à ce qu’elle avait été sous Louis XIV. Lamennais est effrayé du discrédit dans lequel est tombé le clergé devant la France libérale ou simplement devant les esprits indépendants. Il conseille aux prêtres de s’amender et de rentrer dans leur rôle évangélique et indépendant du pouvoir. « L’avenir, dit-il, est trop sérieux ; il aura prochainement des conséquences qui touchent de trop près aux plus grands intérêts de l’Église pour qu’un prêtre ne se demande pas avec une vive sollicitude quels sont ses devoirs au milieu de tout ce qui se fait et de tout ce qui se prépare. » Cet ouvrage produisit en France, dans le monde politique et gouvernemental comme dans le monde clérical, une émotion profonde, que les événements de 1830 justifièrent parfaitement.


Révolution au XIXe siècle (IDÉE GÉNÉRALE DE LA), choix d’études sur la pratique révolutionnaire et industrielle, par P.-J. Proudhon (1851, in-12). « Trois choses sont à observer dans toute histoire révolutionnaire : 1o le régime antérieur que la révolution a pour but d’abolir et qui, par sa volonté de se conserver, devient contre-révolution ; 2o les partis qui, prenant la révolution à des points de vue opposés, suivant des préjugés et des intérêts divers, s’efforcent, chacun de son côté, de l’attirer à eux et de l’exploiter à leur profit ; 3o la révolution en elle-même ou la solution. » Ainsi débute l’auteur, et il étudie ces trois choses dans leurs évolutions pendant la révolution de 1848, dans l’intention d’expliquer la marche et de faire conjecturer l’avenir de la révolution au XIXe siècle. Son livre comprend sept études ainsi divisées : 1o les réactions déterminent les révolutions ; 2o y a-t-il raison suffisante de révolution au XIXe siècle ? 3o du principe d’association ; 4o du principe d’autorité ; 5o liquidation sociale ; 6o organisation des forces économiques ; 7o dissolution du gouvernement dans l’organisme économique. Proudhon s’est attaché à faire en quelque sorte le tableau intellectuel de la révolution. Il veut exposer au public l’esprit et l’ensemble d’une révolution avant sa conclusion en s’attachant à la preuve du fait, et, parmi les faits, en choisissant les plus connus et les plus simples, afin de démontrer et d’accélérer la possibilité et la réalisation de la révolution sociale. C’est, d’après lui, un devoir, car empêcher une révolution, c’est menacer la Providence, porter un défi à l’inflexible destin et tomber dans l’absurde. Il essaye de montrer, par ce qui se passe sous nos yeux, que, comme l’instinct de réaction est inhérent à toute institution sociale, le besoin de révolution est également irrésistible ; que tout parti politique, quel qu’il soit, peut devenir tour à tour, suivant les circonstances, expression révolutionnaire et expression réactionnaire ; que ces deux termes : réaction et révolution, corrélatifs l’un de l’autre et s’engendrant réciproquement, sont, aux conflits près, essentiels à l’humanité ; en sorte que, pour éviter les écueils qui menacent de droite et de gauche la société, le moyen c’est que la réaction transige perpétuellement avec la révolution. « Accumuler les griefs, dit Proudhon, et, si j’ose employer cette comparaison, emmagasiner par la compression la force révolutionnaire, c’est se condamner à franchir d’un seul coup et d’un saut tout l’espace que la prudence commandait de parcourir en détail, et mettre à la place du progrès continu le progrès par bonds et saccades. Pour conjurer les périls d’une révolution, il n’est qu’un moyen, c’est d’y faire droit ; malheureusement deux causes s’opposent à l’accomplissement régulier des révolutions : les intérêts établis et l’orgueil du gouvernement ; c’est ce qui rend un conflit inévitable. » Oui ! la révolution déborde ; tout le monde le sent. Depuis l’origine des sociétés, l’esprit humain a été enfermé, enserré dans un système théologico-politique s’appuyant sur l’Église et sur le prince. Le système a varié de forme sans changer au fond. Mais la raison humaine, dit Proudhon, a fini par battre complètement en brèche le surnaturel. Aussi l’idée capitale, décisive de la révolution au XIXe siècle est : Plus d’autorité ! ni dans l’Église, ni dans l’État, ni dans la terre, ni dans l’argent. Or, plus d’autorité, cela veut dire ce qu’on n’a jamais vu, ce qu’on n’a jamais compris, accord de l’intérêt de chacun avec l’intérêt de tous ; identité de la souveraineté collective et de la souveraineté individuelle. Plus d’autorité, c’est-à-dire servitudes abolies, dépenses du culte, de la justice et de l’État supprimées, le contrat libre à la place de la loi absolutiste ; la transaction volontaire au lieu de l’arbitrage de l’État ; la justice équitable et réciproque au lieu de la justice souveraine et distributive ; la morale rationnelle au lieu de la morale révélée ; l’équilibre des forces substitué à l’équilibre des pouvoirs ; l’unité économique à la place de la centralisation politique.

Enfin, le programme de la révolution au XIXe siècle peut se formuler ainsi : la recherche des causes premières et des causes finales est éliminée de la science économique comme des sciences naturelles. La révolution succède à la révélation. La raison, assistée de l’expérience, expose à l’homme les lois de la nature et de la société ; puis elle lui dit : « Tes lois sont celles de la nécessité même. Nul homme ne les a faites, nul homme ne te les impose. Si tu les observes, tu seras bon et juste ; si tu les violes, tu seras injuste et méchant. Déjà, parmi tes semblables, plusieurs ont reconnu que la justice était meilleure pour chacun et pour tous que l’iniquité et sont convenus entre eux de se garder mutuellement la foi et le droit. Veux-tu adhérer à leur pacte ? Promets de respecter l’honneur, la liberté et le bien de tes frères ; promets de ne jamais mentir et de ne jamais tromper ton semblable, de ne jamais le léser en quoi que ce soit. Si tu refuses, rien ne te protégera ; si tu acceptes, tous tes frères te promettent fidélité, amitié, secours, service, échange et respect. » La loi est claire ainsi que sa sanction. Trois articles qui n’en font qu’un, voilà tout le contrat social. Au lieu de prêter serment à Dieu et à son prince, le citoyen jure sur sa conscience, devant ses frères et devant l’humanité. Entre ces deux serments, il y a la même différence qu’entre la servitude et la liberté, la foi et la science, les tribunaux et la justice, l’usure et le travail, le gouvernement et l’économie, le néant et l’être, Dieu et l’homme.

Voilà, d’après Proudhon, l’idée générale de la révolution au XIXe siècle : « La révolution n’a pour ennemis que les agioteurs et les gouvernements qui vivent de préjugés, spéculent sur la politique, jouent à La baisse des vieilles institutions tout en entretenant la réaction, afin de ménager l’agiotage, et, à chaque faux pas de l’un ou l’autre parti, escomptent un nouveau bénéfice. La loi de la révolution n’est autre que la loi de la raison et du progrès. » L’ouvrage dans lequel Proudhon explique toutes ces théories n’est pas un livre de polémique ; c’est, avant tout, un livre de propagande et de principes. Quant à la partie dans laquelle l’auteur juge les événements qui se passaient à l’époque où il écrivait, elle est toujours juste dans le fond, mais parfois la forme est un peu brutale. Ce livre pourrait en quelque sorte être intitulé : le Credo politique de P.-J. Proudhon,


Révolution sociale (LA), démontrée par le coup d’État du 2 décembre, par P.-J. Proudhon (1852, in-12). Ce livre qui fit grand bruit est, comme l’a dit un critique célèbre, « le journal du 2 décembre. » Aucun élément de succès n’a manqué à cet ouvrage, le nom de l’auteur, la grandeur du sujet et d’autres causes d’un ordre moins élevé, telles que, par exemple, des titres de chapitre de ce genre : Pourquoi je fais de la politique ; le 2 décembre ; Louis-Napoléon ; Ne mentez pas à la Révolution. Malgré ces titres, l’ouvrage est avant tout une œuvre philosophique. Ce n’est point un pamphlet ; l’auteur ne récrimine pas, ne proteste pas, n’accuse personne ; il accepte l’odieux attentat de décembre comme un fait accompli, « comme l’astronome tombé dans un puits acceptait son accident. » Ce qu’il veut par-dessus tout, c’est affirmer plus haut que jamais le principe républicain et pronostiquer son triomphe. Il continuera sous une forme nouvelle son étude de l’immense problème du prolétariat ; il cherchera la conciliation de nos idées, le rapport de nos intérêts ; il visera enfin à exercer dès maintenant sur le pouvoir la pression légitime, in-