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Il nous reste à résumer les événements de la république de 1848, car ceux de la période purement révolutionnaire l’ont été à l’article gouvernement provisoire de 1848. Ce gouvernement avait établi le suffrage universel direct, c’est-à-dire le mode de votation le plus large et le plus démocratique qui eût encore été appliqué.

Une Assemblée constituante composée de 900 représentants fut élue et se réunit le 4 mai. Elle vota immédiatement la République et avec des acclamations sans fin ; ce vote fut unanime, il n’y eut pas une seule protestation. Cependant, l’Assemblée renfermait un certain nombre de députés royalistes, qui se préparaient déjà à nouer leurs intrigues. Elle contenait, en outre, beaucoup de républicains d’une tiédeur qui inquiétait et irritait le peuple de Paris. Une commission exécutive fut nommée, composée d’Arago, Garnier-Pagès, Marie, Lamartine et Ledru-Rollin, qui eut le moins de voix. On avait d’abord voulu l’exclure ; mais Lamartine déclara noblement qu’en ce cas il n’accepterait pas de faire partie de la commission.

Cet acte d’hostilité contre un des membres les plus accentués du Gouvernement provisoire augmenta la méfiance et le mécontentement.

Au lendemain de Février, le peuple avait naïvement déclaré qu’il mettait « trois mois de misère » au service de la République. En ces commotions, le travail tardait à reprendre ; beaucoup d’ouvriers n’avaient guère que la maigre ressource des ateliers nationaux. Ils attendaient des réformes : ils sentirent que l’Assemblée était plutôt disposée à des actes de réaction.

De là une sourde irritation, qui se manifesta quelques jours plus tard dans une échauffourée où l’Assemblée, violée par l’émeute, faillit être emportée (v. mai 1848 [journée du 15]).

Cet événement déplorable servit de prétexte à des mesures du réaction : demande de poursuites non-seulement contre les représentants qui s’étaient mêlés au mouvement, Barbés et Albert, mais encore contre le généra) de la garde nationale, de Courtais, et même contre Louis Blanc (qui échappa pour cette fois), destitution du préfet de police Caussidière, loi contre les attroupements, etc.

À ce moment, Louis Bonaparte fut nommé représentant dans des élections complémentaires. Déjà ses agents agitaient la France et exploitaient le mécontentement du peuple.

Bientôt les intrigants du royalisme, entraînant avec eux des républicains affolés par la peur, demandèrent, par la bouche de M. de Falloux, la dissolution immédiate des ateliers nationaux, ce qui détermina la sanglante insurrection de juin. (V. juin 1848.)

Dès le commencement du combat, la commission exécutive dut cesser ses fonctions, et le général Cavaignac fut nommé chef du pouvoir exécutif.

Après ces terribles journées, après les répressions impitoyables et les déportations sans jugement, la majorité de l’Assemblée s’enfonça de plus en plus dans les voies de la réaction. L’état de siège ne suffisait pas, il fallut encore des lois contre la presse et le droit de réunion ; puis des poursuites contre Louis Blanc et Caussidière, etc.

Toutefois, dans l’élaboration de la constitution, les républicains modérés, qui s’étaient montrés souvent aussi violemment réacteurs que les royalistes, repoussèrent les deux chambres, le vote à la commune et le scrutin public ; mais ils repoussèrent également l’amendement Grêvy, qui déléguait le pouvoir exécutif à un simple président du conseil des ministres, et ils se rallièrent à la solution d’un président de la République nommé par le suffrage universel. C’était livrer la France à Bonaparte, personne n’en pouvait douter, et l’on ne s’explique pas cet inconcevable aveuglement.

La France était, en effet, empestée d’agents bonapartistes, qui représentaient leur patron comme un républicain sincère, comme un ami du peuple, même comme un socialiste. D’un autre côté, on avait tant travaillé la légende napoléonienne, pendant et depuis la Restauration, que les habitants des campagnes en étaient tombés dans un véritable fétichisme, eux qui avaient tant maudit l’Empire lors des grandes levées d’hommes et d’argent.

Bonaparte fut élu au 10 décembre, comme il était facile de le prévoir. Il prêta solennellement serment à la République, quand tout le monde savait bien qu’il n’avait d’autre but que de la renverser ; mais l’Assemblée, dont la majorité voulait cependant la République, puisqu’elle avait voté la constitution qui la consacrait, était ou pusillanime ou aveuglée, et les derniers temps de son existence ne furent qu’une suite de défaillances.

Elle renonça même au vote des lois organiques, qu’elle devait instituer avant de se séparer, et elle n’eut pas l’énergie de s’opposer à l’expédition romaine, autrement que par un vote insignifiant, une invitation qui fut méprisée.

Cette Assemblée, qui était souveraine, qui eût pu fonder la République sur des bases solides qui, même après l’élection du président, eut plusieurs fois prise sur lui pour des violations réelles de la constitution, ne sut ni se défendre, ni protéger ses propres institutions, ni rien réparer, comme elle n’avait rien su prévoir. Elle s’affaissa au milieu de l’indifférence publique et se sépara le 26 mai 1849, laissant la France livrée aux attaques des factions monarchiques.

L’Assemblée législative, qui lui succéda, fut en majorité composée, comme on devait s’y attendre après tant de fautes, d’ennemis de la République, débris des divers partis dynastiques ligués dans une coalition qui était surtout l’œuvre du fameux comité électoral de la rue de Poitiers. Un peu plus d’un tiers des représentants appartenaient à l’opinion républicaine. L’extrême gauche, comme sous la Constituante, avait reçu de ses adversaires le nom de Montagne, comme une injure, et l’avait gardé en se faisant honneur de ce grand souvenir.

Une question brûlante se présenta presque aussitôt, l’intervention contre la république romaine, l’attaque de Rome par nos troupes. Ledru-Rollin dénonça la violation de la constitution dans les termes les plus énergiques. Ce débat émouvant donna lieu à la manifestation du 13 juin (v. juin), qui fut réprimèe et qui amena la mise en accusation d’un certain nombre de montagnards, Ledru, Félix Pyat, Boichot, Considérant et autres. À Lyon, il y eut également un mouvement qui fut écrasé dans le sang des citoyens. La réaction triomphait, Louis Bonaparte se faisait ainsi le restaurateur du pape pour obtenir l’appui du clergé.

Dès lors, les partis monarchiques, en haine de la République, semblèrent dans leur aveuglement n’avoir d’autre but que de faciliter les voies à l’ambition du président. Les mesures de réaction se succédèrent sans interruption : lois contre la presse, contre le colportage, contre le droit de réunion, sur l’état de siège ; loi Falloux sur l’instruction publique, loi sur la déportation, qu’on nomma la guillotine sèche, etc. Enfin, pour répondre aux élections républicaines, qui ne cessaient de se produire dans les scrutins complémentaires, le président et ses ministres prirent l’initiative de la mutilation du suffrage universel, qui fut préparée par les burgraves et consommée par la loi du 31 mai 1850.

Il est clair qu’en votant toutes les mesures de réaction, en anéantissant le droit de réunion, en bâillonnant la presse, en mutilant le suffrage universel, etc., en désarmant enfin la nation de tous ses droits, de toutes ses libertés, on préparait l’établissement du despotisme.

Rien n’éclaira cette majorité, ni les manœuvres significatives du président, ni ses manifestations publiques, ni les intrigues audacieuses de son parti ; elle devait être dupe jusqu’au bout, tant elle était aveuglée par sa haine de la République.

La politique cauteleuse de Bonaparte était de la déconsidérer et d’augmenter son impopularité. Par la loi du 31 mai, dont il avait pris l’initiative, il l’avait prise au piège, et bientôt il va faire du rétablissement du suffrage universel l’une des bases de son coup d’État.

Cette solution violente ne faisait doute pour personne ; mais la majorité comptait que la crise prévue lui servirait à se débarrasser à la fois du prétendant et de la République. On sait que ces calculs furent déjoués par l’exécution militaire du 2 décembre, dont nous avons raconté les péripéties. (V. décembre.) L’Assemblée législative, après avoir opprimé et démoralisé la France, l’avait finalement livrée au plus brutal et au plus grossier despotisme, par son esprit de réaction et son stupide aveuglement.

La démocratie vaincue, décimée, éprouvée par de longues et odieuses persécutions, devait se relever après de longs combats et triompher enfin de la tyrannie napoléonienne, qui venait de livrer la France à l’invasion étrangère. La République reparut, fit les plus nobles efforts pour défendre, avec une épée brisée, le pays, qu’un despotisme odieux avait plongé dans l’abîme, et parvint du moins à sauver l’honneur de la patrie. Pour les faits de cette nouvelle période, v. septembre 1870.

Ainsi, l’œuvre de la Révolution française s’est continuée jusqu’à l’heure présente. Elle est vivante, et elle vivra jusqu’à ce qu’elle ait détruit tous les abus, fondé toutes les institutions que réclament la justice et l’esprit moderne.


Révolution anglaise (HISTOIRE DE LA), par Macaulay. V. histoire.


Révolution d’Angleterre (HISTOIRE DE LA), par M. Guizot. V. histoire.


Révolution française (RÉFLEXIONS SUR LA) et sur les procédés de certaines sociétés de Londres relatifs à cet événement, en forme d’une lettre qui aurait dû être envoyée d’abord à un jeune homme à Paris, par le right honourable Edmond Burke (1790). Peu d’ouvrages ont fait autant de bruit que cette espèce de pamphlet, que réfutèrent toutes les plumes libérales de l’époque. Afin de ne pas tomber dans le même défaut que Burke et de ne pas nous montrer injuste envers lui, nous nous placerons, en quelque sorte, à son point de vue pour résumer son livre, au lieu de n’y voir qu’une attaque forcenée contre notre Révolution.

Quand on voit le feu dévorer la maison de son voisin, on prend toutes les mesures les plus efficaces pour arrêter les progrès de l’incendie, par crainte pour sa propre sûreté. C’est par ce motif que Burke a combattu la révolution française. Il n’a pu voir sans peine qu’on cherchât à porter atteinte à la constitution anglaise dans des clubs établis à Londres (Constitutional Society et Révolution Society), en lui préférant les nouvelles formes adoptées par la France. Il s’élève donc avec d’autant plus de force contre les innovations apportées dans notre gouvernement, qu’il paraît les redouter davantage pour son pays, et veut éclairer ses compatriotes sur les différences, comme principes et comme conséquence, entre la révolution anglaise et la Révolution française.

Son début n’est pas heureux ; il emploie plus de cent pages à justifier par des arguments subtils la conduite du Parlement d’Angleterre, qui appela la maison de Hanovre sur le trône que la loi de l’hérédité déférait aux Stuarts. Il ne réussit qu’à conclure contre son opinion, c’est-à-dire contre la légitimité. Puis, lui qui vient de donner un exemple si frappant de manque de logique, il entreprend de relever ce qu’il appelle les inconséquences de l’Assemblée nationale. Il se montre choqué de la voir prétendre au respect de la France et à l’admiration de l’Europe, lorsque la majorité du tiers état est composée de ses plus obscurs représentants, qui, ayant, suivant lui, tout à gagner à un bouleversement, ne sauraient rien édifier de stable. Le clergé, dit-il, n’offre pas une plus grande aptitude « pour travailler à cette besogne ardue de refondre un État. Ce nouveau poids prépondérant, ajouté à la force active du corps de la chicane, complète, avec quelques gentilshommes comblés des bienfaits et des largesses de l’autorité qu’ils avilissent, un ensemble d’ignorance, de témérité, de présomption et d’avidité du pillage auquel rien n’est capable de résister. »

On conçoit aisément qu’avec des idées aussi étranges Burke a dû peindre sous de singulières couleurs « cette Assemblée qui détrône les rois et bouleverse les empires, et n’a pas même la physionomie ni l’aspect imposant d’un corps législatif. » Une des inconséquences que Burke reproche avec le plus de force à l’Assemblée nationale, c’est d’avoir confisqué tous les biens du clergé au profit des créanciers de l’État, tandis que ceux qui ont le plus contribué au déficit jouissent paisiblement des leurs. « Pourquoi, demande-t-il, n’a-t-on pas confisqué les biens de cette longue succession de ministres, de financiers et de banquiers qui se sont enrichis, tandis que la nation se ruinait par leurs manœuvres et par leurs conseils ? » Ce qui n’est pas moins illogique, d’après lui (et ici nous sommes de son avis), c’est que, « les hommes, a dit la Déclaration des droits de l’homme, étant strictement égaux et étant appelés à des droits égaux dans leur propre gouvernement, » il faille payer un marc d’argent en contribution directe pour être élu député à l’Assemblée nationale.

Burke ne se borne pas, dans son pamphlet, à essayer de représenter l’Assemblée nationale comme étant en contradiction avec elle-même ; il entre dans l’étude de la politique philosophique et examine cette question de savoir si les gouvernés ont le droit de déposer celui qui les gouverne. Cette seconde partie de la lettre de Burke ne vaut pas mieux que la première, et ce philosophe, en écrivant que la religion est plus nécessaire à la démocratie qu’à la monarchie, en affirmant la nécessité de créer et de conserver des classes dans le peuple, prouve jusqu’à l’évidence qu’il n’a rien compris au grand mouvement révolutionnaire qu’il a la prétention de juger. Burke, dans sa lettre, passe en revue toutes les institutions créées par la Révolution et va même jusqu’à essayer de prévoir ce que pourront donner les législatures qui doivent succéder à la première grande Assemblée.

Telle est l’étendue des objets qu’embrasse cet ouvrage, où l’on trouve çà et là des pensées profondes, toutes les fois que l’esprit de système n’obscurcit pas la justesse des vues de l’auteur.

Il est fâcheux qu’à côté de ces pensées justes, l’auteur se laisse emporter à des éclats intempestifs de colère et n’ait fait, en fin de compte, qu’une charge à fond de train contre notre grande Révolution. Burke y emploie moins la raison que des sophismes exposés avec passion ; il ne contrôle pas avec assez de scrupule l’exactitude des faits qu’il rapporte et des conséquences qu’il en tire. Écrivant avec ses haines et ses préjugés, il s’abandonne à une fureur parfois ridicule. La preuve la plus évidente, d’ailleurs, de son injustice, c’est qu’il ne voit dans la crise terrible que traversait la France que les erreurs qu’ont pu commettre les hommes nouveaux portés au pouvoir, faisant semblant de ne pas apercevoir le bien qu’ils ont fait, et refusant de reconnaître la légitimité de ce grand mouvement qui a régénéré l’Europe entière. Si, pour le fond, sa passion l’égare, elle le sert pour la forme : son style est vif, énergique, coloré, chaleureux, mouvementé et s’élève parfois jusqu’à l’éloquence. C’est l’expression suprême de l’indignation de l’aristocratique Angleterre contre la France démocratique.


Révolution française (MÉMOIRES SUR LA), par Mme Elliott (1861). Écossaise et jacobite, douée d’une beauté enchanteresse, Mme Elliott avait été successivement, à Londres, la maîtresse du prince régent, à Paris la maîtresse du duc d’Orléans. En France, comme en Angleterre, elle joua le rôle, non d’une Pompadour, mais d’une Agnès Sorel ; et, après avoir partagé les grandeurs royales, elle épousa loyalement les infortunes méritées des princes et des victimes du mouvement révolutionnaire. C’est ce qui l’absout, c’est ce qu’il faut se rappeler pour avoir la claire intelligence de son récit. Ce récit commence deux jours avant la prise de la Bastille et s’arrête presque à la veille du 9 thermidor. Cette narration n’est pas un froid discours, mais un récit vif et animé. Il reproduit tour à tour les émotions, les indignations, les colères d’une femme courageuse, humaine, dévouée, qui sent plutôt qu’elle ne réfléchit. En premier lieu, Mme Elliott nous représente le duc d’Orléans et son entourage indécis, surpris par la Révolution, placés entre la cour et l’insurrection de Paris. Attachée au prince par une amitié qui survivait à un premier sentiment, elle apparaît pour le rappeler aux devoirs du sang, à la fidélité monarchique ; mais les familiers du duc et la maîtresse régnante, Mme de Buffon, ont une politique différente de la sienne. Cependant, elle obtient par ses supplications qu’il se rendra immédiatement à Versailles. Le duc arrive, en effet, au lever du roi, qui lui dit rudement : « Je n’ai rien à vous dire, retournez d’où vous êtes venu. » Ulcéré de cet affront, Philippe d’Orléans fut dès cet instant irréconciliable. Le premier entourage du prince, que la narratrice qualifie de détestable, se compose de Talleyrand, Mirabeau, le duc de Biron (Lauzun), le vicomte de Noailles, le comte de La Marck et autres moins connus. Ce sont eux, en attendant les intrigants émérites venus à la suite, tels que Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses, qui, les premiers, entraînèrent le duc d’Orléans dans le mouvement révolutionnaire. En faisant la part de sa vivacité de femme et de royaliste, on doit reconnaître que Mme Elliott esquisse correctement la physionomie et le rôle de chacun. Elle donne la véritable explication du caractère du duc d’Orléans, prince aimable, mais faible, amolli et dissolu, âme sans consistance et sans ressort moral, conduit par des ambitieux en sous-ordre. Telle est sa faiblesse d’esprit, qu’au lendemain du 10 août, quand le roi est arrêté et mis en jugement, il se figure qu’il va continuer de vivre à Paris dans les plaisirs, en riche patricien. L’illusion tombe bientôt ; au péril de sa propre vie, Mme Elliott sauve les jours du marquis de Champcenetz, l’ancien gouverneur des Tuileries, pendant une visite domiciliaire prolongée, en le faisant se cacher dans son alcôve, entre les matelas de son lit. Le duc vote la mort du roi, malgré les remontrances de son ancienne maîtresse. Le roi mort, elle va trouver le prince et elle l’accable de toute l’ironie dont son cœur était plein. Dès ce moment, le prince sait bien que l’échafaud attend sa tête ; mais il croit ajourner le coup fatal en détournant les yeux du danger. Emprisonnée à son tour, Mme Elliott est transférée de Versailles à Paris. Elle est fort surprise de voir arriver aux Carmes le général Hoche, qu’on y écroue en même temps qu’elle. Dès les premiers instants, on devient les meilleurs amis du monde. Hoche fait sur son esprit et peut-être sur son cœur la plus vive impression. Santerre est jeté, à son heure, dans la même prison ; de près, il dément sa lugubre célébrité ; quelques prisonnières agréent ses attentions ; mais Mme Elliott résiste aux cajoleries de Santerre, qui, à peine sorti de prison, lui envoie du sucre et du thé vert. Aristocrates et plébéiens, on fraternise en vue d’une mort commune et prochaine.

Entre les diverses relations laissées par les femmes sur la Révolution, le récit de Mme Elliott a un caractère propre. Cette Écossaise royaliste a écrit ses souvenirs et ses impressions avec le cœur ; elle a même senti en français, et l’élégante et vive traduction donnée en 1861 (par M. de Baillon) semble reproduire le texte original de ces mémoires.


Révolution française (HISTOIRE DE LA), par M. Thiers (1823-1827, 10 vol. in-8o). Cet important ouvrage, rempli d’aperçus nouveaux, porte l’empreinte d’un esprit indépendant et observateur. Une citation, qui est l’analyse de tout un volume, fera connaître les sentiments politiques de l’auteur. L’historien rappelle les événements qui se placent entre le 21 janvier et le 31 mai 1793. « C’est, dit-il, une longue lutte entre les deux systèmes sur l’emploi des moyens ; le danger toujours croissant a rendu la dispute toujours plus vive, plus envenimée ; la généreuse députation de la Gironde, épuisée pour avoir voulu venger Septembre, pour avoir voulu empêcher le 21 janvier, le tribunal révolutionnaire et le comité de Salut public, expire lorsque le danger plus grand a rendu la violence plus urgente et la modération moins admissible. Maintenant, toute légalité vaincue, toute réclamation étouffée par la suspension des girondins et le péril devenu plus effrayant que jamais par l’insurrection même qui veut venger la Gironde, la violence va se déployer sans obstacles et sans mesure, et la terrible dictature composée du tribunal révolutionnaire et du comité de Salut public va se compléter. Ici commencent des scènes plus grandes