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rendu, doit encore quelque chose : Les reliquataires seront contraints de vider leurs mains. (Acad.)

— Adjeetlv. : Vous voulez Quittance des onze cent mille francs desquels vous serez reliquataire d’après le compte de tutelle à présenter à votre futur gendre. (Balz.)

RELIQUE s. f, (re-li-ke — du lat. reliquix, restes, formé de relinquere, laisser). Partie du corps d’un saint personnage, objet ayant été à son usage ou ayant servi à son supplice, que l’on conserve religieusement : Louis Xt se faisait couvrir d’une quantité prodigieuse de reliques lorsqu’il se mettait au lit. (Ann. litt.) La duchesse d’Albe faisait prendre à son fils, malade à Paris, en potions et en lavements, des reliques pulvérisées. (Sallentin.) Les mois de Marie ont remplacé de nos jours la grande dévotion des reliques et des pèlerinages. (Michau.)

Un baudet chargé de retiques S’imagina qu’on l’adorait.

1.À FOHTAIHE.

Garder une chose comme une relique, La garder soigneusement : Elle garde cette lettre COMME UNE RELIQUE. (ACad.)

Je n’ai pas grande foi à ses reliques, Je ne prendrai pas de ses reliques, Se dit de quelqu’un en qui l’on n’a pas de Confiance.

Je n’en veux pas faire des retiques, Je n’en ferai pas des reliques, Je suis décidé à m’en servir, à en user.

— Poétiq. Restes mortels : Ce tombeau renferme les froides reliques de vos aïeux, (Acad.)

Ils s’arrêtent non loin de ces tombeaux antiques Où des rois ses aïeux sont les froides reliques.

Racine.

— Restes, derniers débris : Cassius et Brutus achevèrent de perdre les reliques de ta romaine liberté de laquelle ils étaient protecteurs, par la précipitation et témérité de quoi ils se tuèrent. (Montaigne.) Les despotes redoutent comme un enseignement dangereux les reliques visibles de la gloire et de ta liberté. (M">c L. Colet.)

— Encycl. Hist. relig. Le culte et le trafic des retiques ont constitué, avec le commerce des indulgences, les plus scandaleux abus du catholicisme. La vénération pour les tombeaux des martyrs était toute naturelle aux croyants, et l’on n’alla pas plus loin pendant les premiers siècles : l’Église aurait bien fait de s’en tenir là ; mais, toutes les superstitions lui semblant excellentes dès qu’elles accroissaient son influence et son crédit, elle ne se fit aucun scrupule d’encourager celle-ci, quoiqu’elle fût issue directement du paganisme. Dès 388, Théodose était obligé de mettre un frein à la cupidité des prêtres, qui vendaient comme des amulettes et talismans des débris quelconques de squelettes, sous le nom de reliques des martyrs. Le 3« concile de Cartilage (397) organisa néanmoins le culte des reliques, et celui de Constantinople (692), allant beaucoup plus loin, ordonna de détruire tous les autels qui ne renfermeraient pas de précieuses reliques. Dès lors commencèrent ces histoires grossières et ces spéculations honteuses que l’on ne saurait trop flétrir. Les martyrs apparurent en songe à de pieux personnages et leur révélèrent 1 endroit précis où ils étaient enterrés. On n’eut garde de négliger ces avis prolitableset les saints martyrs furent déterrés en grande pompe, pour être ensuite détaillés au plus juste p’rix. Saint Étienne fut le premier qui réclama cet honneur et les autres bienheureux s’empressèrent d’imiter cet exemple, qui n’a pas été abandonné depuis. Lorsque l’on manquait de martyrs, on en inventait, de sorte que le même saint fut découvert en cinq, dix et vingt endroits différents. Les miracles se multiplièrent en proportion. Le vol des cadavres inhumés près des églises, et dont on faisait des dépouilles de martyrs, devint si fréquent que le clergé essaya d’enrayer le mouvement en effrayant les voleurs. Il nous suffira de citer les lignes suivantes da saint Grégoire : • Les corps des suints brillent de tant de miracles, dit-il, qu’on n’ose même approcher de leurs tombeaux pour y prier sans être saisi de frayeur. Mon prédécesseur, ayant voulu ôter de l’argent qui était sur le tombeau de saint Pierre pour le mettre à la distance de quatre pieds, il lui apparut des signes épouvantables. Au moment où l’on faisait des réparations au monument de saint Paul, celui qui avait la garde du lieu ayant eu la hardiesse de lever des os qui ne touchaient pus au tombeau de l’apôtre, pour les transporter ailleurs, il lui apparut aussi des signes terribles et il mourut sur-le-champ. Même chose arriva au tombeau de saint Laurent ; on découvrit imprudemment le cercueil où était le corps du martyr^et, quoique ceux qui y travaillaient fussent des moines et des officiers du temple, ils moururent tous dans l’espace de dix jours, parce qu’ils avaient vu le corps du saint. Lorsque les Romains donnent des reliques, ils ne touchent jamais aux corps sacrés, mais ils se contentent de mettre dans une boite quelques linges et de les en approcher. Ces linges ont la même vertu que les reliques et font autant de miracles. Certains Grecs se permirent de douter du fait ; le pape Léon se fit apporter des ciseaux et, ayant coupé en leur présence un des linges qu’on avait approchés des corps saints, il en

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sortit du sang. À Rome et dans tout l’Occident, c’est un sacrilège de toucher aux corps des saints et, si quelqu’un a cette audace, il peut être sûr que son crime ne sera pas impuni. C’est ce qui me persuade que l’on ne dit pas la vérité quand on raconte que les Grecs ont coutume de transporter les retiques. Je sais parfaitement que quelques-uns d’entre eux, ayant osé déterrer, la nuit, des corps près de l’église de Saint-Paul, dans le dessein de les transporter dans leur pays, ils furent aussitôt découverts, et c’est ce qui me persuade que les reliques qui se transportent de la sorte sont fausses. Des Orientaux, prétendant que les corps de saint Pierre et de saint Paul leur appartenaient, vinrent à Rome pour les emporter dans leur patrie ; mais, arrivés aux catacombes où ces corps reposaient, lorsqu’ils voulurent les prendre, des éclairs soudains, des tonnerres effroyables dispersèrent leur multitude épouvantée et les forcèrent de renoncer à leur entreprise. ».

Les faits affirmés dans cette lettre, adressée à une princesse qui demandait la tête de saint Paul, sont absurdes, car le commerce des reliques florissait alors à Rome et dans tout l’Occident aussi bien qu’en Orient ; saint Grégoire, qui avait l’air de témoigner une telle terreur à la seule idée d’approcher le corps d’un martyr, en expédia lui-même un grand nombre.

En France, durant tout le moyen âge, les reliques furent en grande vénération ; les serments les plus solennels se faisaient sur les restes d’un saint martyr, comme autrefois on jurait par le Styx. Les rois de France des deux premières races conservaient précieusement des reliques dans leurs palais ; enfin, on peut encore citer les restes de la bienheureuse sainte Geneviève, renfermés dans une châsse, d’où ils étaient retirés pour être promenés dans les rues de la ville lorsqu’il s’agissait d’éloigner quelque calamité, de faire tomber ou de faire cesser la pluie. Les reliques ne se composent pas seulement des restes des corps des martyrs, mais de toute sorte d’objets considérés comme leur ayant appartenu. L’église. Saint-Laurent, à Gènes, possédait encore, il y a peu d’années, le Sacro-Catlino, c’est-à-dire le fameux plat d’émeraude sur lequel Jésus-Christ fit la Cène et qui avait été donné à Salomon par la reine de Saba. Il était conservé à Jérusalem et fut pris par les Génois, qui abandonnèrent aux Pisans, leurs alliés, tout le butin pris dans Césarée (110 !) pour conserver la précieuse relique. Rapporté à Gènes, le Sacro-Caitino fut en grande vénération ; douze chevaliers furent créés qui, chacun à son tour, gardaient la clef du tabernacle. Une fois par an, il était exposé à la vénération des fidèles ; mais les douze chevaliers étaient rangés autour du plat sacré. En 1476, une loi défendit, sous peine de mort, de toucher le Sacro-Cattino. Transporté à Paris en 1809, le plat fut restitué en 1S15. Le voyage fut fatal à la sainte relique, qui fut brisée. On se convainquit alors que cette précieuse émeraude était un simple morceau de verre et le respect qui l’entourait a disparu.

Nous citerons encore, dans ce genre, une relique longtemps conservée à’ 1abbaye de Port-Royal-des-Champs ; c’était la coupe en albâtre où Jésus-Christ avait bu aux noces de Cana. À Saint-Pierre de Rome, on conserve encore la chaire en bois (chaise, cathedra) de saint Pierre et la colonne du temple de Jérusalem sur laquelle Jésus appuya sa main en chassant les vendeurs à. coup3 de fouet ; à Saint-Praxède (Rome), la colonne •du palais de Ponce-Pilate à laquelle fut attaché Jésus pour subir la flagellation ; à Saint-Pierreès-Liens, la chaîne qui garrotta saint Pierre dans les cachots de Jérusalem, La couroune d’épines de Jésus-Christ, les clous, le bois de la croix, le suaire, etc., divisés en parcelles, constituent à eux seuls un ensemble formidable de reliques. La couronne de fer des rois d’Italie, déposée à la cathédrale de Milan, est ainsi nommée, quoiqu’elle soit, comme toutes les couronnes royales et impériales, faite d’or et de pierreries, parce qu’elle est fermée d’un clou de fer rivé au cimier et qui passe pour être un des clous de la croix. On sait que saint Louis fit bâtir la Sainte-Chapelle pour y placer la couronne d’épines et un morceau du bois de la vraie croix, reliques que le sultan lui avait vendues fort cher. À propos de la croix sur laquelle Jésus a été crucifié, on a calculé qu’en réunissant toutes les parcelles qui existent de par le monde et qui passent pour authentiques, il y aurait de quoi construire un navire à trois mâts ; mais à cela il n’y a rien à dire : un jésuite a soutenu très-sérieusement que les saintes reliques se multipliaient indéfiniment par la grâce de Dieu.

Le commerce desrehques devenant de jour en jour plus important, on établit à Rome une congrégation des reliques, qui fonctionnait encore au siècle dernier de la manière suivante, d’après le président Debrosses ;

t Là congrégation des reliques est composée de six cardinaux et de quatre prélats, parmi lesquels sont le cardinal vicaire et le préfet de la sacristie de Rome. Ils ont l’inspection des reliques des anciens martyrs qu’on trouve dans les catacombes. Quand tous ces cardinaux et prélats sont réunis, ils examinent les procès - verbaux dressés par ceux d’entre eux qui sont descendus sur le3

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lieux pour examiner les marques qui font distinguer les ossements ou les tombeaux des martyrs d’avec ceux des païens. Ces marques sont communément des fioles qui contiennent quelque reste de sang ou bien des palmes gravées sur la pierre, ou les instruments du martyre, comme un cimeterre, une lance, une épée, un couteau ou enfin quelque inscription. Lorsque ces marques paraissent anciennes et dignes de foi, les prélats de la congrégation opinent et, s’il n’y a point d’opposant, le préfet de l’assemblée déclare les reliques dont il s’agit dignes de la vénération des fidèles. On les baptise ensuite, parce qu’on ne sait pas leur nom ; on leur donne un parrain et une marraine et on leur donne le nom qu’elles doivent porter. Après cela, la congrégation remet ces reliques entre les mains du vicaire et du sacristain du pape, qui les distribuent aux fidèles qui les demandent, avec les attestations de la vérité desdites reliques, en faisant signer toutefois un reçu en forme par’ceux qui sont favorisés, argent comptant, de quelques parcelles de ce trésor inépuisable. ■

Voici une liste à, peu près complète des principales reliques conservées dans les divers sanctuaires du catholicisme, reliques auxquelles les fidèles ajoutent la plus grande foi et qui, pour la plupart, sont appuyées par des parchemins authentiques :

Barbe : on a de celle de Jésus - Christ.Bras : ils sont innombrables ; on en a de la Vierge, de la Madeleine, de saint Marc ; mais, ce qu’il y a-de plus miraculeux, c’est leur multiplication. On a huit bras de saint Biaise, neuf de saint Vincent, autant de sainte Thècle, douze de saint Philippe, dix-sept de saint André et dix-huit de saint Jacques, répartis dans des églises différentes, il est vrai, mais d’une authenticité reconnue et qui ont fait brûler les incrédules qui la contestaient.

Cheveux et ongles de sainte Catherine, de Jésus-Christ, de la Vierge, de la Madeleine et d’une foule d’autres. — Côte de sainte Marguerite.— Coeur de sainte Thérèse, de saint Ignace, de sainte Catherine de Sienne. — Croupion de saint Ignace de Loyala, relique odoriférante, comme le dit si bien le marquis d’Argens. — Dents : elles abondent, ce qui n’a rien d’étonnant au pays du charlatanisme ; la plus curieuse est celle qui tomba de la mâchoire d’âne avec la. quelle Samson tua plus de mille Philistins, et qui est conservée précieusement chez les carmes de Nazareth.— Doigts : on en compte un grand nombre ; saint Jean-Baptiste en possède soixante à lui tout seul, dont onze index. — Fesses de Jésus-Christ, empreintes sur une pierre delà cathédrale de Reims, alors qu’il en bâtissait le portail. — Genoux de sainte Justine. — Graisse de saint Laurent.

Han de saint Joseph lorsqu’il fendait son bois, conservé en bouteille près de la ville de Blois. — Lait de la Vierge, da sainte Barbe, de sainte Catherine, conservé dans un état admirable de fraîcheur bien avant l’invention anglo-américaine. — Larme que Jésus-Christ versa sur Lazare et qui rapportait chaque année quatre mille francs aux religieux de Vendôme. — Mâchoires : il y en a un déluge ; saint Jeun-Baptiste en a vingt à lui tout seul. — Mains : innombrables’ également ; saint Barthélemi en possède neuf, ce qui ne lui fait pas moins de quarante - cinq doigts. — Mamelles de sainte Agathe ; on en conserve six différentes.— Membre sexuel de saint Barthélemi, conservé ù Trêves en Allemagne ; il attirait un grand pèlerinage de femmes stériles, ainsi que saint Guignolet. — Nombril de Jésus-Christ, à Saint - Jean -de- Latran, à Rome. — Ongle de Nabuchodonosor, dans le cabinet du roi de Danemark. — Parties sexuelles de sainte Gudule, conservées à Augsbourg. — Peau de saint Barthélemi.Pieds : les empreintes laissées sont innombrables ; on en a de Jésus-Christ, de la

Vierge, d’Adam et de l’ange qui le chassa du paradis terrestre. — Plume que l’ange Gabriel laissa tomber lorsqu’il vint annoncer à la Vierge qu’elle serait mère ; cette plume est conservée soigneusement, ainsi que la fenêtre par laquelle l’ange entra, et qu’on peut voir à Noire-Dame-de-Lorette. — Prépuces de Jésus-Christ : il n’y en a que sept, dont un à Saint-Jean-de-Latran, à Rome ; tous les instruments de la circoncision sont heureusement conservés ; le couteau est à Compiègne et la pierre sur laquelle on fit l’opération dans l’église de Saint-Jacques-in-Borgo, à Rome. En 1864, l’ëvêque de Poitiers, qui se vante de posséder le vrai prépuce, écrivit un mandement qui fit beaucoup de bruit. — Sang de Jésus-Christ, de saint Étienne, de saint Janvier. — Souffle de Jésus-Christ gardé dans une boîte. — Sueur de saint Michel battant le dragon, conservée dans une fiole à Jérusalem. — Têtes : comme les bras et les jambes, elles sont innombrables ; sainte Julienne, pour sa part, a trente ou quarante têtes ; on ne dira plus que les femmes en manquent. La plus curieuse relique en ce genre, ce sont les onze mille tètes des onze mille vierges, qui chacune ont fait onze mille miracles. Cette dernière relique clôt dignement une énuinération un peu fantaisiste, que nous ne donuoas du reste que sous toutes réserves.

Béranger a composé sur les reliques une chanson qui, sous la Restauration, venait tout à fait à point. C’est la confession d’un

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affreux gredin dont le squelette, débité par petits morceaux, est vendu par les prêtres comme débris d’un saint en renom. Voici l’un des couplets :

De mon temps je fus bateleur.

Hlbaud, filou, témoin à gage ;

Puis, d’un grand m’étant fait voleur, J’eus d’un baron mœurs et langage. De leurs chasses, dans mes larcins, J’ai dépouillé les basiliques ; Au feu j’ai jeté de bons saints ; Du ciel admirez tes desseins :

Dévots, baisez donc mes reliques. Baisez, baisez donc mes religues.

On trouvera de curieux détails sur les reliques iansYApolooiepour Hérodote, ia Henri Estienne ; le Traité des reliques, de Calvin, et le Dictionnaire des reliques, de Collin de Plancy.

Terminons par deux anecdotes. La première, parfaitement authentique (puisqu elle a eu un retentissement jusque dans l’Académie des sciences), prouve que, même au point de vue des reliques, les savants peuvent donner de bons avis. Le fait est récent ; il date du commencement de l’année 1866.

L’évêque de Nancy, M. de Lavigerie, était fort embarrassé ; il possédait dans la même châsse deux têtes de saints, saint Mansuy et saint Gérard. Laquelle était à Mansuy, laquelle à Gérard ? Pas la moindre étiquette. Tirer au sort ?... Il n’y fallait pas songer. Recourir aux illuminés ? Le prélat avait pour cela trop de bon sens ou peut-être pas assez de foi, ce qui est à peu près synonyme. Espérer un miracle et attendre que ces crânes de dix siècles s’écriassent : ■ Je suis Gérard ou Mansuy ? • La solution du problème menaçait de s’éterniser. M. de Lavigerte fit mieux : il appela un savant ethnologue, M. Godron, et celui-ci, sans hésiter un seul instant et sans savoir quelles têtes on lui soumettait, rendit cet arrêt : • Ce crâne est celui d’un Gaulois ; cet autre, celui d’un homme du Nord. » Or, saint Gérard, en effet, était un vaillant capitaine, né aux environs de Namur, et qui se fit abbé ; saint Mansuy était d’origine écossaise. Il n’y avait plus ni doute ni confusion possible ; une étiquette même devenait superflue. Voilà un miracle de la science.

Une autre anecdote est plus récente encore. En mai 1871, vers la fin de la Commune, des exécutions sommaires d’otages eurent lieu rue de Haxo. Après l’entrée des troupes versaillaises, un curé d’une paroisse du XIX" arrondissement, en allant sur le lieu du supplice gratter la terre dans l’espoir de trouver quelque objet ayant appartenu aux victimes, découvrit un pied nu. Persuadé que ce pied ne pouvait être.que celui d’un des ministres du Seigneur qui avaient succombé en cet endroit, il l’emporta chez lui, le Java religieusement et le mit dans de l’esprit-de- vin, afin d’en faire une relique dont il doterait son église. Grâce aux femmes du quartier, la nouvelle s’en répandit aussitôt et arriva jusqu’aux oreilles du commissaire de police. Ce fonctionnaire se fit apporter le bocal dans lequel nageait le saint pied, puis il manda un chirurgien. Le curé, qui n’avait pas voulu se séparer de sa précieuse relique, interrogea lui-même l’homme de la science. Celui-ci n’eut pas de peine à démontrer, grâce aux durillons qui ornaient les doigts, à la dureté des ongles et à l’épaisseur du cuir da la plante, que ce pied n’avait jamais appartenu à un jeune abbé et que, selon toutes probabilités, c’était le pied d’un vieux gendarme. Le curé se rendit à une démonstration aussi évidente. Le pied fut enterré en lieu saint, avec les victimes. Et voilà comment les fidèles croyants ont failli être exposés à adorer un pied de gendarme comme une sainte relique.

Reliques (traits des), par Jean Calvin. Outre ses homélies, ses sermons et ses œuvres dogmatiques, où la satire "se trouve à l’état latent, Calvin a composé un certain nombre de pamphlets proprement dits. Parmi les écrits de ce genre, le plus considérable et le plus fameux est le Traité des reliques : En portant la guerre de ce côté, Calvin savait qu’il attaquait un point vulnérable, dénoncé depuis longtemps par les railleries des libertins. Dès le xuie siècle, on avait vu dans le Jeu de la feuillie le moine qui met les reliques en gage au cabaret. Plus tard, c’est la Farce du pardonneur, qui montre un charlatan de foire étalant aux yeux de la foule ébahie ■ la crête du coq qui chanta chez Pilato et une latte de la grande arche de Noé. • Dans la chaire chrétienne même, Menot et Maillard déclamaient contre les porteurs de rogatons, qui soutirent l’argent des veuves. Eu dépit de.ces critiques et de ces abus, le culte des reliques, sans être consacré comme un dogme, n’eu restait pas moins un des vifs aliments de la foi populaire et, pour l’Église, une source abondante de revenus. C’est à ce double titre que Calvin entreprend de le ruiner. Ici, ce ne sont pas seulement des allusions malignes, des facéties narquoises comme celles de Rabelais sur la châsse de saint Rigommé ou de saint Maclou, mais un réquisitoire en règle, un inventaire exact des saintes dépouilles répandues par toute l’Eurone. Calvin, qui a tant de peine à se contenir en face des vivants, se modère plus aisément avec les morts. Son persiflage hautain, trau-9