duo original et fort bien fait entre Babet et Domingo : Je n’ai pas encore eu d’amant et m’en suis passée à merveille. Lesueur, que la manie de l’antiquité possédait et qui s’imaginait naïvement avoir retrouvé la musique des Grecs, émaillait ses partitions de mots scientifiques, de termes empruntés aux anciens modes, et on ne peut s’empêcher de sourire en lisant les mots doriens, hypophrygiens, lydiens, appliqués à des morceaux conçus dans la tonalité moderne, et des phrases comme celle-ci : In tutto quest’allegro, eseguite ancora col carattere locale, e col sentimento della ritmopœia, ebraica dei profeti ; e coll expressione e l’accento delle melopœia diastaltica, mescolata della systaltica, etc. Il a même prétendu que des morceaux de son opéra de la Mort d’Adam expliquaient plusieurs textes des anciens sur la musique des Hébreux, des patriarches, sur celle des prophètes, des Égyptiens, des Chaldéens, des plus anciens Grecs. Pour en revenir à Paul et Virginie, citons encore le grand duo du deuxième acte : Est-ce donc là la récompense ? et le quatuor du troisième acte : O rage, ô douleur infinie ! qui est le plus beau morceau de l’ouvrage. La scène de la tempête paraîtrait faiblement rendue si on l’exécutait maintenant. Elle a paru émouvante autrefois. Comme nous l’avons dit plus haut, les auteurs ont changé, le dénoûment de Bernardin de Saint-Pierre. Virginie est sauvée du naufrage et de l’incendie du vaisseau par les Indiens, dont sa bonté l’avait rendue l’idole.
Paul Ferroll, roman anglais, par un anonyme.
Cette œuvre étrange et dramatique,
qui excita lors de son apparition une si grande
émotion parmi les lecteurs anglais, est, dit-on,
le coup d’essai de son auteur, et c’est un coup
de maître. Un intérêt palpitant, des situations
extrêmement fortes sans être exagérées, une
analyse très-délicate du cœur humain, un
style correct et sobre, telles en sont les principales
qualités. Un gentleman, M. Paul Ferroll,
apprend en rentrant chez lui que sa
femme, qu’il a quittée pleine de santé peu
d’heures auparavant, a été trouvée assassinée
dans son lit. Les recherches faites pour
découvrir l’assassin n’ayant pas abouti, bien
que plusieurs personnes aient été compromises,
M. Ferroll rend à son beau-frère le
douaire de sa femme et quitte le pays seul et
appauvri. Quelques années après, on apprend
qu’il s’est remarié et vient habiter de nouveau
son domaine de Mainwarey. Leurs voisins de
campagne s’empressent de faire de nombreuses
avances aux nouveaux arrivés, mais
M. Ferroll, loin d’y répondre, semble décidé à
vivre dans la retraite entre sa femme et sa
fille, à l’éducation de laquelle il consacre tous
les instants qu’il peut dérober à ses travaux
littéraires. Cependant M. Ferroll se départ
un peu de sa sauvagerie et se lie intimement
avec lady Lucy Bartlett, sa voisine de campagne.
Il rencontre dans son salon lord Ewyas,
le lieutenant du comté, qui, frappé de la sagacité
et de l’énergie de M, Ferroll, tente vainement
de lui faire accepter sous ses ordres une
magistrature. Bientôt M. Ferroll donne des
preuves de son courage dans une épidémie et
dans une sédition populaire, où, pour sauver
les jours des magistrats du comté, il brûle la
cervelle à un émeutier. Traduit devant le
jury pour ce meurtre illégal, M. Ferroll est
condamné à mort, mais gracié par la reine.
Sorti de prison, il s’aperçoit à son retour que
le fils de lady Lucy, Hugh Bartlett, est amoureux
de sa fille Jeanne ; contrarié de cette
passion naissante, il se résout à faire un
voyage dans le midi de la France avec sa famille
et vient s’établir à Pontaube, petit port
de mer auprès de Bordeaux, où il se brise accidentellement
les deux jambes et réside plusieurs
mois. Il part ensuite pour l’Orient et
retourne enfin en Angleterre. Après un hiver
paisible passé au milieu de sa famille,
M. Ferroll reçoit un matin la visite de l’attorney
Monkton, qui lui apprend qu’une vieille
femme nommée Marthe Franck a en sa possession
des bijoux ayant appartenu à sa première
femme et qu’elle est accusée d’avoir
commis le meurtre ou d’y avoir participé. Le
procès s’instruit en effet, et la vieille femme
est condamnée. M. Ferroll se rend alors auprès
du shérif sir Amyas Rufford et lui déclare
que Marthe Franck est innocente parce qu’il est l’assassin de sa première femme, crime dont il ne se serait jamais avoué l’auteur
sans la crainte de voir un innocent puni
à sa place. M. Ferroll est donc de nouveau
mis en prison et condamné une seconde fois
à mort. Sa femme, déjà malade depuis longtemps,
meurt en apprenant cette nouvelle par
une lettre de son mari, qui lui annonce que
c’est pour la posséder qu’il a commis ce crime
dix-neuf ans auparavant. M. Ferroll, résigné
au terrible sort qui l’attend, et que depuis si
longtemps il s’est habitué à considérer sans
pâlir, voit les portes de sa prison s’ouvrir,
grâce au dévouement de Hugh Bartlett toujours
amoureux de sa fille Jeanne et à l’adresse
d’un vieux médecin français, le docteur
Lahorste, qui l’a soigné à Pontaube. Une
fois délivré, M. Forroll se rend en Amérique,
où il se fixe dans la ville de Boston. Il y meurt
au bout de quelque temps, brisé par la douleur,
mais consolé par la tendre affection de
sa fille, qui recueille son dernier soupir. On ne
sait si Jeanne retourne en Europe, et si, bravant
les préjugés moins forts que son amour
Hugh Bartlett l’épouse. L’auteur anonyme de ce roman en a bien publié une suite, mais
c’est un récit rétrospectif dans lequel il reprend
les événements de plus haut et qu’il a
intitulé Pourquoi Paul Ferroll a tué sa femme.
Ce dernier roman n’est pas traduit ; celui qui
fait l’objet de cet article l’a été par Mme Marie
Souvestre (1859, in-12).
Paul (le capitaine), roman d’Alexandre Dumas. V. capitaine.
Paul Cliffort, roman anglais de Bulwer. V. Cliffort.
PAULARO, bourg d’Italie, province d’Udine, district et mandement de Tolmezzo ; 2, 029 hab.
PAULDING (James Kirke), littérateur américain,
né dans l’État de New-York en 1779,
mort en 1860. Étant venu se fixer à New-York,
il s’y lia avec Washington Irving et
publia avec lui (1807-1808) un recueil périodique,
le Salmigondis, dans lequel il donna
de piquantes études sur les mœurs. Lorsque
eut lieu, en 1812, la guerre entre les États-Unis
et l’Angleterre, Paulding fit paraître un
conte satirique, The diverting history of John
Bull and brother Jonathan, dans lequel il bafouait
les Anglais et qui obtint un très-grand
succès. Un autre écrit du même genre, The Lay of scottish fiddle (1813), attira l’attention
du président Madison, qui nomma Paulding
secrétaire du conseil de la marine. Il n’en continua
pas moins à cultiver les lettres, à écrire
avec une verve intarissable des récits de
voyage, des romans, des comédies, des pamphlets,
des satires, des scènes historiques,
remplit pendant douze ans les fonctions importantes
d’agent naval à New-York, rentra
en 1828 dans la vie privée, sans cesser toutefois
de s’occuper des affaires politiques, et
fut appelé, en 1834, par son ami Van Buren,
devenu président de la république, au poste
de ministre de la marine qu’il occupa pendant
quatre ans, À l’arrivée de Harrison aux affaires,
il se retira dans sa maison de campagne
sur les bords de l’Hudson et continua jusqu’à
la fin de sa vie ses travaux littéraires.
Ce qui caractérise surtout les écrits de Paulding,
c’est la verve satirique et sarcastique,
c’est l’ironie et l’enjouement ; mais ils manquent
souvent de goût et de mesure. Le style
est ferme, coloré et très-pittoresque dans les
descriptions de paysages. Outre un nombre
considérable d’articles, on a de lui : Histoire
divertissante de John Bull et de frère Jonathan (New-York, 1812) ; le Lai du ménétrier écossais (New-York, 1813) ; les États-Unis et l’Angleterre (New-York, 1814) ; Lettres écrites du Midi par un homme du Nord (New-York, 1815, 2 vol. in-12), récit d’un voyage en Virginie, en Caroline, etc. ; le 'Défricheur des bois (1818), poème en 6 chants, dans lequel
il peint la vie des pionniers et qui est
regardé comme une de ses meilleures œuvres ;
Esquisse de la vieille Angleterre par un homme de la nouvelle Angleterre (1822), pamphlet politique ; John Bull en Amérique ou le Nouveau Munchhausen (1823), amusante satire
sur les préjugés d’un cokney anglais ;
Kuningsmarke ou l’Ancien temps dans le nouveau monde (1825, 2 vol. in-12), son premier roman historique ; les Pompeuses histoires des trois songes de Gotham (1826), satire des idées socialistes de Robert Owen ; le Guide des
voyageurs (1828), satire sur les récits exagérés
de certains voyageurs ; le Livre de saint Nicolas ; les Contes de la bonne femme (1829) ; le
Coin du feu d’un Hollandais (1831), recueil
de contes comme les deux ouvrages précédents,
et dont M. Defauconpret a donné une
traduction française ; À l’ouest, à l’ouest !
(1832), peinture grotesque des mœurs dans le
Kentucky ; la Vie de Washington (1838, 2 vol. in-12) ; le Puritain et sa fille (1839), roman de
mœurs ; des Comédies américaines (1847) écrites
avec son fils ; l’Esclavage dans les États-Unis (1856). La plupart des œuvres de Paulding ont été réunies et publiées à New-York (1835).
PAULDRON s. m. (pol-dron). Partie d’une
cuirasse.
— Encycl. Le mot pauldron est d’origine normande. On appelait ainsi une partie latérale supérieure de certaines cuirasses de fer plein. La paire de pauldrons était une garniture extérieure de l’humérus, une double épaulière ou plutôt une enveloppe, un recouvrement de l’épaulière. Le pauldron s’étendait sur le pectoral. Il ne commença à être en usage qu’après l’abandon des ailettes. Dans des cuirasses à faucre, les deux pauldrons n’étaient pas de forme égale. Il y avait des pauldrons à garde-collet ; il n’y avait pas de garde-collet qui ne dépendît d’un pauldron. Les pauldrons s’adjoignaient à des cuirasses de guerre, quand celles-ci n’avaient pas de manteau d’armes, mais les manteaux d’armes dispensaient d’employer les pauldrons.
PAULE (sainte), dame romaine, née en 347,
morte en 404. Elle descendait des Scipions
et des Gracques. Devenue veuve, elle se consacra
à Dieu et alla se fixer à Bethléem avec
sa fille Eustochia (387). Sous la direction de
saint Jérôme, elle fonda quatre monastères,
trois de filles et un d’hommes, mena la vie la
plus austère et apprit l’hébreu pour mieux
entendre l’Écriture sainte. Saint Jérôme lui
écrivit une lettre touchante pour la consoler de la mort de sa fille aînée Blesilla. Sa fille
Eustochia gouverna après elle le monastère
de Bethléem. L’Église l’honore le 26 janvier.
Paule (l’embarquement de sainte), tableau de Claude Lorrain, au musée de Madrid. V. EMBARQUEMENT.
Une statue de marbre de Sainte Paule a été sculptée par Pierre Granier pour l’église des Invalides. Gérard Audran a gravé, en 1660, Sainte Paule servant une malade.
PAULE (Paule de Viguier, baronne de Fontenille, généralement connue sous le nom de la Belle), femme célèbre française, née à Toulouse en 1518, morte dans la même ville en 1610. Elle était issue, par son père et par sa mère, de deux anciennes et nobles
familles du Languedoc. Son père, Antoine
Viguier, dont les ancêtres avaient combattu
dans les rangs des Anglais, épousa Gabrielle
de Lancefoc, qui donna le jour à la belle
Paule. Par les charmes de son visage, par
les grâces de son esprit et par ses qualités
morales, Paule de Viguier excita bientôt l’admiration
de tous ses contemporains. « Cette
belle fille, dit Taille en ses Annales de Toulouse, unissait l’illustration de la naissance
aux charmes extérieurs… La nature semblait
l’avoir formée avec complaisance ! Vertus
morales, qualités brillantes de l’esprit, mœurs
irréprochables, tout ce qui charme le cœur,
tout ce qui inspire le respect et l’admiration
était réuni chez la belle Paule. »
Lorsque, en 1533, François Ier visita Toulouse, les capitouls choisirent la belle Paule pour être leur interprète auprès du galant monarque. Il passait devant la tour d’Arnaud-Bernard lorsque, du haut de cette tour, le roi vit descendre, au moyen d’une machine, la belle jeune fille, alors âgée de quatorze ans. « Elle était vêtue d’une robe blanche ornée de fleurs, dit un biographe ; une guirlande de roses ceignait sa tête, d’où tombaient par ondes ses cheveux dorés et bouclés ; le contour pur et gracieux de sa taille élancée que ceignait une écharpe bleue rappelait les statues grecques que l’on découvrait à cette même époque en Italie. » Le jeune et charmant messager débita une harangue poétique et puis offrit les clefs de la ville à François Ier qui ne put retenir, lui amoureux de toute beauté, un cri d’admiration. Il lui donna le surnom de Belle Paule, qui lui resta, et sous lequel, depuis, on devait toujours la désigner.
Aussi séduisante que vertueuse, la belle Paule avait toute une cour d’adorateurs. Entre tous, elle avait distingué un jeune gentilhomme, Philippe de Laroche, baron de Fontenille, et c’est à lui qu’elle désirait donner sa main ; mais sa famille en avait décidé autrement. Elle dut épouser le sire de Baynaguet, conseiller au parlement. Mais devenue veuve au bout de deux années, elle se maria avec celui qu’elle avait été obligé de sacrifier à la volonté de ses parents et qu’elle n’avait pas cessé d’aimer.
La belle Paule, baronne de Fontenille, trouva dans cette union un bonheur complet. En 1563, alors qu’elle avait déjà quarante-cinq ans, elle était encore dans tout l’éclat de sa beauté, qu’elle devait conserver jusqu’à un âge très-avancé. Catherine de Médicis, qui, à cette époque, visitait, avec Charles IX, les provinces méridionales, désira qu’elle lui fût présentée. La reine, à son apparition, fut saisie d’étonnement et dit à la belle Paule « qu’elle était bien au-dessus de sa réputation. » Le connétable de Montmorency, qui l’accompagnait, enchérit encore. « La baronne de Fontenille, s’écria-t-il, est une des merveilles de l’univers ; c’est l’honneur de Toulouse et de son siècle. »
Belle d’une incomparable beauté, sage autant que belle, Paule de Viguier fut aussi douée de toutes les qualités de l’esprit. Elle recevait dans sa maison les hommes les plus distingués de son temps ; elle cultivait les lettres et composait des vers élégants et gracieux, comme le prouve le dizain suivant, intitulé :
Le tendre corps de mon fils moult chéri
Gît maintenant dessous la froide lame ;
Aux lieux très-clairs doit triompher son âme,
Car en vertus toujours il fut nourri.
Las ! j’ai perdu ce beau rosier fleuri,
De mes vieux ans l’orgueil et l’espérance ;
La seule mort peut donner allégeance
Au mal cruel qui mon cœur a meurtri ;
Ors, adieu donc, mon enfant moult chéri,
De toi mon cœur gardera souvenance !
La belle Paule était regardée comme la première des quatre merveilles de Toulouse, énumérées dans un distique patois :
La bello Paoulo, San Sarni,
Lou Bazaclé, Mathali.
(La belle Paule, l’église de Saint-Sernin, le moulin du Bazacle et le musicien Mathali.) Les chroniqueurs du temps racontent qu’elle ne pouvait sortir sans être suivie d’un cortège d’admirateurs. Lasse sans doute, aussi bien que son mari, d’exciter à ce point l’attention de tous, Paule prit le parti de s’enfermer chez elle et de ne plus se montrer. Alors il ne tarda pas à se former sous ses fenêtres des attroupements ; ces rassemblements dégénérèrent en une sorte d’émeute, à la suite de laquelle les capitouls crurent devoir, dit-on, intervenir dans l’intérêt de la tranquillité publique. Ils condamnèrent la belle Paule, par un arrêt en bonne forme, à se promener en public, le visage découvert, deux jours par semaine.
Paule de Viguier devint presque centenaire et resta jusqu’à la fin l’objet de l’admiration de ses compatriotes. Elle fut enterrée à Toulouse, dans l’église des Augustins.
Le plus curieux, le plus étrange monument qui nous reste de l’admiration enthousiaste qu’excita cette femme est un livre de Gabriel de Minut, baron de Casteras, sénéchal de Rouergue ; ce livre a pour titre : De la beauté, discours divers, pris sur deux belles façons de parler, desquelles le grec et l’hébreu usent ; l’hébreu Tob et le grec Calon, l’Agathon voulant signifier ce qui est naturellement beau et naturellement bon, avec la Paule-graphie ou description des beautés d’une dame toulousaine, nommée la Belle Paule. Ce livre singulier, devenu bien rare aujourd’hui, est dédié à la reine Catherine de Médicis ; il fut publié à Lyon (1587, in-8o) par Charlotte de Minut, sœur de l’auteur, « très-indigne abbesse du pauvre monastère de Sainte-Claire de Toulouse. »
Paule (la belle), comédie en un acte et en vers, par M. Louis Denayrouse, représentée au Théâtre-Français en mai 1874. L’idée de cette fantaisie poétique a été puisée dans la vie de la belle Paule de Viguier, dont nous venons de parler plus haut. L’auteur suppose qu’un jeune homme nommé Gaston, amoureux fou de la dame, et qui avait voulu d’abord se noyer par désespoir, s’est introduit chez elle sous le costume d’une fille et s’est fait accepter comme camériste. C’est alors qu’arrive Claude, le chef des capitouls. Il vient annoncer à Baynaguet, mari de Paule, que, par décision de ses collègues, sa femme devra désormais se promener deux fois par semaine dans Toulouse, en suivant un itinéraire tracé, pour que la population puisse la voir et l’admirer. Baynaguet, dont l’auteur a fait une sorte de Bartholo, proteste vainement contre cette décision. Elle l’irrite d’autant plus que ce n’est pas lui qui doit accompagner sa femme. Laid et vieux, il gâterait par sa présence le plaisir que le peuple se promet en voyant la belle Paule. Qui accompagnera sa femme ? Claude le capitoul, qui a pénétré la ruse de Gaston, imagine alors une combinaison tout à fait machiavélique. Il persuade à Baynaguet de donner à la prétendue camériste de Paule des habits de page et d’en faire le cavalier de sa femme. Quel plaisir de mystifier les Toulousains en leur jouant ce bon tour ! Baynaguet est enchanté de l’idée et il a recours à toute son autorité pour vaincre la résistance de sa femme, qui vient de découvrir le déguisement de Gaston. Telle est la trame légère de cette pièce, dans laquelle on ne trouve ni intrigue ni dénoûment. Mais si, au lieu de faire une comédie, M. Denayrouse s’est borné à écrire une simple fantaisie, on doit reconnaître que ses vers sont bien frappés et d’une heureuse inspiration, qu’il y circule une vieille veine de gaieté gauloise et qu’on y trouve une scène ravissante, la scène d’amour entre Gaston et la belle Paule. Pour en donner une idée, nous nous bornerons à citer ces vers poétiques et charmants ;
Mon humble amour n’a pu beaucoup vous irriter
Son hommage en effet n’eût pas osé monter,
Sans l’aide du hasard, jusqu’à la femme aimée.
Ainsi lorsque l’on suit du regard la fumée
Qui flotte aux jours de fête au-dessus de l’autel,
On la voit s’arrêter à mi-chemin du ciel.
L’offrande ne va pas si loin que la prière :
L’une se perd ; tandis qu’invisible et légère
L’autre atteint — seule hélas ! — l’inaccessible azur.
PAULE (François de), fondateur de l’ordre des Minimes. V, François de Paule.
Paule Méré, roman de mœurs, de M. Victor Cherbuliez (Paris, 1864, in-18). Voici le
résumé des principales péripéties de cet ouvrage :
Marcel Roger a trente ans, de la fortune,
des loisirs ; il s’ennuie. Le hasard lui fait
faire la connaissance d’un Anglais, M. Bird,
ancien pasteur qui a renoncé à ses fonctions
depuis que ses idées religieuses l’ont éloigné
de l’orthodoxie. Homme de bien, cœur chaleureux,
esprit loyal, il parcourt le Jura, où
il demeure, faisant du bien partout autour de
lui, sans bruit et sans titre officiel. Marcel se
charge volontiers d’une commission pour la
sœur de ce digne homme, Mme de Simpson,
qu’il va trouver à Saint-Cergues, dans une
« pension d’étrangers » Il y passe quelques
jours, retenu d’abord par la curiosité, puis par
un sentiment plus fort. Mme de Simpson a auprès
d’elle une jeune personne d’une rare
beauté, Mlle Paule, qu’elle traite comme sa
fille adoptive. Marcel la remarque d’autant
plus vite que les propos malins, les sourires
moqueurs et les chuchoteries des dames genevoises
en séjour à Saint-Cergues ne manquent jamais
d’accueillir le nom de Mlle Paule,
de Mme de Simpson et de son frère « le rationaliste. » Il devient bientôt l’admirateur
de Paule, dont le caractère franc, ouvert,
enjoué, se reflète dans un regard plein de
grâce, de tendresse et de pureté. Il lui déclare
son amour au moment où Mme de Simpson
va partir avec elle pour un long voyage
en Allemagne. De retour à Genève, auprès
de sa mère, vieille Genevoise bigote, Marcel
apprend bientôt l’histoire de sa fiancée, et
quelle histoire, surtout quand elle est racontée
par les bonnes âmes de l’Église de Genève !
Paule Méré est la fille d’une danseuse.