Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 2, Path-Phel.djvu/318

Cette page n’a pas encore été corrigée

708

PETI PETIET (Jules-Alexandre), ingénieur, neveu du précédent, né à Paris en 1813. Il entra à l’École centrale en 1829 et en sortit avec le diplôme d’ingénieur métallurgiste. M. Petiet fut, en 1842, attaché au service du chemin de fer de Versailles (rive gauehe), puis appelé, en 1815, à diriger l’exploitation de celui du Nord et devint chef du matériel de ce dernier en 18J8 ; il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur cette même année et officier en 1853. Il a succédé en 1867 à Perdonnet dans la direction de l’École centrale. On doit à l’initiative de M. Petiet diverses améliorations dans le service général des chemins de fer. Il a d’ailleurs publié sur la matière des ouvrages estimés : Accident du & mai 1842 ; Examen des questions techniques soulevées par l’acte d’accusation contre ta compagnie du chemin de fer de Paris à Versailles (1843, in-S°) j Statistique raisonnée de l’exploitation des chemins de fer (1844, in-4<>). Il a pris part à la rédaction du Guide du mécanicien-constructeur de locomotives de M. Le Chàtelier, du Traité de ta fabrication du fer et de la fonte de M. Flachac, du Rapport sur la situation du canal du Rhône au Rhin, avec le même ; enfin il a publié divers Mémoires, Tracés, Projets, etc.

PÉTIGNY (François-Jules Filleul de), antiquaire, né à Parts en 1801, mort à Blois en 1S58. Il suivit les cours de l’École des chartes, devint conseiller de préfecture dans le Loiret-Cher (1820-1830). Après la révolution de Juillet, il s’adonna entièrement à l’étude des lettres et des antiquités et fut nommé, en 1850, membre libre de l’Académie des inscriptions. On a de lui : Essai sur la population au Loir-et-Cher auxixc tiède (Blois, 1834, in-So), qui a obtenu le prix Montyon ; les Trois Brunier (Blois, 1840, iit-8°) ; Études sur l’histoire, les lois et les institutions de l’époque mérovingienne (Paris, 1842-1844, 2 vol. in-8"), ouvrage auquel fut décerné en 1845 le grand prix Gobert ; Histoire archéologique du Vendômois (Vendôme, 1845, ui-4°), livre également couronné par l’Institut. M. Pétigny a publié, en outre, des articles dans divers recueils. — Sa mère, Marie - Louise - Rose de Pétigny, avait publié, Il dix-huit ans, un ugréable recueil A’Idylles (Paris, 1786), et sa femme, Clara dis Pétigny, a fait paraître divers petits livres à l’usage de la jeunesse.

l’ÉTlLlE, en latin Pelitia, ville de l’Italie ancienne, dans le Brutium, à l’E. ; elle fut, dit-on, bâtie par Philoctète et devint sous Auguste la capitale de la Lucanie. C’est aujourd’hui la ville de Strongoli ou de Policastro.

PET1LIUS CÀPITOI.1NUS, personnage romain du temps de Jules César, fumeux par ses rapines. Il jouissait à Rome impunément de sa fortune scandaleuse et ne manquait ni de courtisans ni de parasites. Son hôtel ne désemplissait pas de clients. Telles étaient les mœurs de Rome tournant à l’empire. Il avait été surnommé Capitoiin parce que, dans les troubles de Rome, il avait volé des trésors au Capitole ; plus tard ? il se iifc’de ce sobriquet historiquement iniâmo une sorte de titre d’honneur, prétendant avec effronterie qu’il lui venait de sa famille, et il alla jusqu’à luire frapper des médailles pour montrer qu’il le considérait comme lui appartenant. C’était un ami de Jules César.

PETILLANT, ANTB adj. (pe-ti-llan, nn-te ; fi mil, — rad. pétiller). Qui pétille : Un feu

t’UTlLLANT. Sa femme vigilante

Préparait du sarment la flamme pétillante.

Deluxe. De ce vin frais l’écume pétillante De nos Français est l’image brillante.

Voltaire. Et les nymphes des forêts, D’un jus pétillant et frais. Arrosent le vieux Silène.

J.-B. Rousseau. Il On écrit aussi pétillant.

— Par ext. Qui brille avec éclat : Un regard phtillant. Des yeux pétillants.

— Fig. Vif et éclatant : Un esprit outillant. Un discours pktillamt d’esprit. Une femme phtillànte de malice. Las esprits outillants, tempérés par un grain de sens et de jugement deviennent supérieurs. (Grimai.)

Mon esprit pétillant dans l’irresse étincelle.

C. DELAVIONS.

PETILLEMENTS, m. (pe-ti-lle-man ; M mil.

— nul. pétiller). Action do pétiller ; bruit de ce qui pétille : Le petillbment du feu.

— Effet de ce qui pétille : Le pétillement de son regard.

— Fig. Mouvement de l’âme vif etgai : Avec quel battement de cœur, avec quel pétillement de joie je commençais à respirer en me sentant librel (J.-J. Rousseau.) Ce pétillement d’imagination gui prenait Chaulieu an milieu des compagnies et des festins l’abandonnuit quelquefois. (Sie-Beuve.)

PETILLER v. n. ou intr. (pe-ti-llé ; Il mil.

— Scheler distingue ici deux homonymes : l’un est le diminutif de péter et s’applique dans les expressions le boispetille dans le feu et autres semblables. Ce serait ce pétiller qui, par une métaphore naturelle, aurait donné l’adjectif pétillant, brillant. Dans l’emploi de pétiller, être impatient, ardent, pétiller de joie, pétiller d’indignation, le verbe

PETI

serait synonyme de trépigner, sautiller, piétiner ; il se rattacherait au latin pes, pedis, pied, de la racine sanscrite pad, aller, inarcher, le t n’étant pas plus anomal ici, selon le philologue belge, que dans empiéter, piétiner, peton et piéton, ou bien, ce qui serait mieux à ses yeux, vu l’ancienne orthographe pestiller, traduit dans Palsgrave par puddyll, patauger, il se rattacherait au latin pistillus, d’où le vieux français pestiler, pétiller et pételer, proprement frapper avec le pilon, fouler. Pistillus, comme pistrina, moulin, pistor, boulanger, etc., vient de piso, mortier à piler, de pinso, piler, broyer, qui se rattache à la racine sanscrite pis/i, broyer). Eclater avec un petit bruit sec réitéré : Le sel pétille dans le feu. Du bois, du charbon qui pétille. Le vin de Champagne mousseux, ta bière mousseuse pétille dans le verre. (Acad.) C’est l’acide carbonique qui fait PETILLER et piquer l’eau gazeuse. (J. Macé.)

Dcsveinesd’uncaillou, qu’il Trappe aum«me inslnnt, Il fait jaillir un feu qui paille en sortant.

Boileau. .... J’aime a voir dans un verre qui briile Un vin qui porte au nez un bouquet qui pétille.

Destouciîes.

— Briller d’un vif éclat : Un regard qui

PETILLE. Un feu séditieux

Fait bouillonner mon sang et pétiller mes yeux.

Bqileau.

— Fam. S’impatienter : Je commençais à pétiller. Ce flegme me fait pétiller.

~ Fig. Jaillir avec éclat, se produire avec vivacité :

C’est peu qu’en un ouvrage où les fautes fourmillent, Des traits d’esprit semOs de temps eu temps pétillent.

Boileau. Il mete & leurs propos

Son babil enjoué’ qui pétille en bons mots.

N. I.F.Mr.F.CIEP..

Pétiller de, Être impatient, vivement saisi de : Pétiller D’ardeur, de joie, D’indignation, de colère. 9 Brûler, être impatient de : Je pétille.

Mis, comme me voila, d’aller voir votre fille.

Regnakd.

Pétiller d’esprit, Avoir un esprit vif et prompt : La marquise n’était pas fort spirituelle, quoiqu’il soit reçu en littérature que toutes les vieilles femmes doivent pétiller d’esprit. (G. Sand.)

Le sang lui pétille dans les veines, Il a le sang vif, il est impatient, impétueux.

— Rem. Nous avons, avec l’Académie, écrit pétiller sans accent, ainsi que tous les dérivés de ce mot ; mais l’Académie reconnaissait déjà que plusieurs écrivaient pétiller, et c’est aujourd’hui l’orthographe la plus généralement usitée.

PÉTILLÈRES s. f. pi. (pé-ti-llè-re ; Il mil.). Teclin. Nom donné par les gantiers aux parlies d’une peau dont les pores sont moins serrés.

PÉTIMBE S. m. (pé-tain-be). Ichthyol. Poisson du genre fistulaire ou trompette, qui vit dans les mers d’Amérique.

PÉTININE s. f. (pé-ti-ni ; ne). Chim. Alcali organique extrait de l’huile de goudron de. houille.

PÉT1NITE s. f. (pé-ti-ni-te). Chim. Substance particulière qui se produit dans la distillation des os.

PÉTIOLAIRE adj. (pé-si-o-lè-re — rad. pétiole). Bot. Qui a rapport au pétiole : Inflorescence pétiolaire. Il Qui provient d’un pétio !e

PÉTIOLATION s. f. (pé-si-o-la-si-onrad. pétiole). Bot. État des feuilles qui sont pourvues d’un pétiole.

PÉTIOLE s. m. (pé-si-o-le — dimin. du lat. pes, pedis, pied). Èntora. Partie étroite qui unit l’abdomen au tronc, chez quelques hyménoptères.

— Bot. Partie amincie qui supporte le limbe de la feuille, et qu’on appelle queue dans le langage vulgaire, il Nom donné improprement par quelques auteur^ au pédicule grêle et allongé île divers champignons.

— Encycl. Bot. Le pétiole est cet organe plus ou moins long et effilé qui unit la feuille a la tige ou au rameau, et qu’on appelle vulgairement queue de la feuille ; quand il manque complètement, la feuille est dite sessile. Il se compose de faisceaux fibreux et de vaisseaux enveloppés de tissu cellulaire et recouverts par l’épiderme. Le pétiole est ordinairement cylindrique ou canaliculé, c’est-à-dire creusé en gouttière sur la face supérieure ; quelquefois.il est aplati ou comprimé latéralement, comme dans les peupliers, filais il présente encore, dans les divers groupes du règne végétal, de nombreuses et singulières modifications. M. A. de Candolle signale et décrit ainsi les principales.

Le pétiole peut être bordé, c’est-à-dire aplati et épanoui latéralement en une portion foliacée analogue au limbe, comme dans la dionêe attrape-mouche et dans certaines gesses. Si cette portion dilatée du pétiole vient à se rouler des deux côtés et à’se souder en un cornet ou godet, on a le singulier pétiole des népenthès et des sarracénies. La gaine des feuilles de graminées et do cypéracées présente quelque chose d’analogue, mais ses fi PETI

bres sont parallèles. Le pétiole peut être engainant ou embrassant vers la base, là où il adhère à la tige ou au rameau, et plus étroit vers l’origine du limbe ; ses fibres vont alors en convergeant de la base nu sommet ; c’est ce qui arrive dans plusieurs espèces de renonculacées, d’ombellifères et dans la plupart des monocotylédones. Un pétiole engainant peut manquer de limbe, ce dont on s’assure en comparant les feuilles inférieures et supérieures de la plante ou bien des espèces très-semblablos ; on en a des exemples dans certaines plantes qui ont reçu l’épithète de perfoliées, et qui appartiennent aux genres ouplèvre, passerage et à quelques autres.

Les pétioles bordés ou élargis en lames sont aussi quelquefois dépourvus de limbe ; on les nomme alors phyllodes ; tels sont les phyllodes verticaux de plusieurs acacias de l’Australie. Lorsque les folioles ou le limbe ne se développent pas, les pétioles restent quelquefois cylindriques, comme à l’ordinaire ; cela donne à la plante l’apparence d’un jonc simple ou rameux, comme dans l’indigotier jonciforme, la lèbeclrie nue, la strélitzie joncée, etc. Souvent, dans les feuilles composées, la foliole terminale ne se développe pas, et le pétiole se termine en épine ou en vrille. Dans la gesse sans feuilles (lathyrus aphaca), les folioles manquent toutes ; le pétiole reste seul et sa termine par une vrille.

l.épétiole est simple quand il ne se divise pas ; mais si, comme dans les feuilles composées, il porte d’autres pétioles sur lesquels s’insèrent les folioles, on l’appelle alors pétiole commun ou primaire, ou rachis, et les autres prennent le nom de pétioles secondaires ou pétiolules ; ceux-ci peuvent à leur tour porter des pétioles tertiaires. Quand la division a lieu par bifurcation ou par trifureation, le pétiole est appelé dichotome ou trichotome. L’articulation pétiolaire, c’est-à-dire la partie du pétiole qxxi s’articule avec la tige ou le rameau, offre des différences assez nombreuses. Ce point d’attache est très-remarquable dans les feuilles des légumineuses, qui peuvent exécuter, soit instantanément, soit à diverses heures de la journée, des mouvements de torsion et même de révolution complète. La présence d’une articulation dans un pétiole est l’indice d’une feuille composée ; une de ces feuilles peut paraître simple, parce qu’elle se termine par une seule foliole, comme dans l’oranger ; mais les pétioles des feuilles vraiment simples ne sont jamais articulés.

PÉTIOLE, ÉE adj. (pé-si-o-lé — rad. pétiole). Bot. Se dit des feuilles qui sont portées sur un pétiole, il Cotylédons pétioles, Ceux. dont la base s’amincit de façon à former une sorte de pétiole.

— Entom. Cellule pétiolée, Cellule cubitale de l’aile des insectes, quand elle est produite par la bifurcation inférieure d’une nervure en forme de V renversé.

PÉTIOLÉEN, ÉENNE adj, (pé-si-o-lé-ain, é-è-ne — rad. pétiole). Bot. Qui provient de la dégénérescence du pétiole.

PÉTIOLULAIRB adj. (pé-si-O-Iu-lè-rorad. péliolule). Bot. Qui naît sur un péliolule : Foliole pétiolulaire,

PÉTIOLULE s. m. (pé-si-o-lu-le — dimin. de pétiole). Bot. Nom donné au pétiole particulier de chacune des folioles dont la réunion constitue une feuille composée.

PÉTIOLULÉ, ÉE adj. (pé-si-o-lu-lé — rad. péliolule). Bot. Qui est porté sur un péliolule.


PÉTION DE VILLENEUVE (Jérôme), constituant, maire de Paris en 1792, conventionnel girondin, né à Chartres en 1753, mort en 1794. Il était fils d’un procureur au présidial et suivait avec succès la carrière du barreau dans sa ville natale lorsqu’il fut élu, en 1789, député du tiers aux états généraux. Il y prit place parmi les défenseurs les plus ardents des droits de la nation, des réformes et de la liberté. À l’issue de la séance royale du 23 juin, il fut un de ceux qui, à la voix de Mirabeau, s’élevèrent avec le plus d’énergie contre l’acte d’autorité que venait de tenter Louis XVI, et qui entraînèrent l’Assemblée à persister dans ses premiers arrêtés. Le 31 juillet, il réclama la mise en jugement des hommes suspects à la nation, osa combattre (18 août) Mirabeau lui-même, qui voulait faire ajourner la déclaration des Droits de l’homme et l’accusa de vouloir pousser l’Assemblée à des résolutions contradictoires. Le 1er septembre, il se déclara contre le veto, même suspensif, parla le 5 en faveur de la permanence et de l’unité du Corps législatif et contesta au roi, le 30, le pouvoir d’interpréter les lois. Le 5 octobre, il dénonça le fameux repas des gardes du corps et, le 8, fit adopter le titre de roi des Français et supprimer la formule par la grâce de Dieu. « C’est calomnier Dieu, s’écria-t-il ; Charles IX était-il aussi roi par la grâce de Dieu ? » Dans la question des biens du clergé, il joua aussi un rôle fort brillant et réfuta, avec autant de force que de logique, les sophismes de l’archevêque d’Aix et d’autres ecclésiastiques.

Dans le cours de l’année 1790, il montra la même vigueur et la même activité, vota la suppression des ordres religieux, l’égalité de partage dans les successions, s’opposa à ce que la justice se rendît au nom du roi, défendit Marat contre Malouet, provoqua la réunion du Comtat d’Avignon à la France, appuya la création des assignats, se rallia aux idées financières de Mirabeau et soutint que le droit de paix et de guerre appartenait, non au roi, mais à la nation.

Il prit une part très-active à tous les débats sur les colonies et contribua beaucoup aux décrets en faveur des noirs et des gens de couleur.

À la fin de 1790, l’Assemblée lui avait témoigné son estime en l’élevant à la présidence.

Lors de la fuite de la famille royale, il fut nommé, avec Latour-Maubourg et Barnave, commissaire de l’Assemblée pour ramener le roi à Paris. Cet épisode curieux du retour de Varennes a été raconté par Pétion lui-même dans un écrit entièrement de sa main, qui a été saisi parmi ses papiers en 1793, et qui est actuellement aux Archives.

Les commissaires rencontrèrent le cortège qui ramenait les fugitifs entre Dormans et Épernay ; Barnave et Pétion montèrent dans la voiture royale, qui roula vers Paris, escortée par un cortège immense.

Suivant certaines relations royalistes, Pétion se montra une sorte de paysan du Danube, afficha sans nécessité des sentiments républicains, prit la meilleure place, se fit servir à boire par Mme Élisabeth, etc. Tout cela est fort douteux et même invraisemblable. Pétion était un homme bien élevé, de mœurs placides et douces, un peu trop plein de lui-même, cela est vrai, mais nullement violent, et péchant plutôt par excès de bonhomie. Dans son récit, on le voit ferme, digne et convenable, et la modération même avec laquelle il parle de la famille royale éloigne l’idée des procédés choquants qu’on lui reproche.

Seulement, on trouve dans cette relation un passage qui ajoute à sa physionomie un ridicule ineffable. Vers le soir du premier jour, Mme Élisabeth, assise près de lui et s’appuyant involontairement sur le bras de son voisin, en cette extrême fatigue, Pétion, qui était quelque peu bellâtre et d’ailleurs d’un extérieur agréable, en arriva à s’imaginer que la princesse, une personne si orgueilleuse et si sèche, était éprise de lui et voulait peut-être séduire en lui le représentant, charmer le tribun, enfin jouer avec lui le rôle de Circé, Rien de plus amusant que ce croquis à la Rousseau coloré de Crébillon :

« Mme Élisabeth, dit-il, me fixait avec des yeux attendris, avec cet air de langueur que le malheur donne et qui inspire un assez vif intérêt. Nos yeux se rencontraient quelquefois avec une espèce d’intelligence et d’attraction. La nuit se fermait, la lune commençait à répandre une clarté douce... J’apercevais un certain abandon dans son maintien, ses yeux étaient humides, la mélancolie se mêlait à une espèce de volupté. Je puis me tromper ; on peut facilement confondre la sensibilité du malheur avec la sensibilité du plaisir ; mats je pense que si nous eussions été seuls ; que si, comme par enchantement, tout le monde eût disparu, elle se serait laissée aller dans mes bras et se serait abandonnée aux mouvements de la nature.

« Je fus tellement frappé de cet état, que je me disais : Quoi ! serait-ce un artifice pour m’acheter à ce prix ? Mme Élisabeth serait-elle convenue de sacrifier son honneur pour me faire perdre le mien ? Oui, à la cour, rien ne coûte, on est capable de tout ; la reine a pu arranger le plan. Et puis, considérant cet air de naturel, l’amour-propre aussi m’insinuant que je pouvais lui plaire, qu’elle était dans cet âge où les passions se font sentir, je me persuadais, et j’y trouvais du plaisir, que des émotions vives la tourmentaient, qu’elle désirait elle-même que nous fussions sans témoins, que je lui fisse ces douces instances, ces caresses délicates qui vainquent la pudeur sans l’offenser et qui amènent la défaite sans que la délicatesse s’en alarme, où le trouble et la nature sont seuls complices. »

Cette fatuité comique est vraiment incroyable et tout cela est du ridicule le plus parfait, comme il s’en rencontre à peine dans les comédies. Mais cette infatuation même annonce plutôt une âme tranquille et doucement amollie que l’humeur aigrie qui porte à des paroles et à des manières blessantes.

À cette époque. Pétion était déjà très-positivement républicain ; mais il ne pensait pas que le moment fût venu ; peut-être même pensait-il qu’il ne viendrait que dans un avenir très-éloigné, quand une longue pratique de la vie politique aurait donné au peuple les mœurs de la liberté. Aussi était-il sincère en demandant l’application loyale de la constitution et ne fut-il jeté dans les voies révolutionnaires que par les trahisons et les complots de la cour. Il est probable qu’il eût, à un certain moment, accepté volontiers le duc d’Orléans comme monarque constitutionnel.

Lors de la discussion sur l’évasion de Louis XVI, il traita avec netteté la question de l’inviolabilité royale, distinguant l’inviolabilité politique dont jouit le roi dans les actes dont les ministres répondent, et l’inviolabilité que l’on prétendait étendre à ses actes personnels ; question redoutable sur laquelle il fut très-radical, admettant la destitution éventuelle et même la mise en jugement.

Il prit une part aussi active aux derniers travaux de l’Assemblée, combattit la réaction qui suivit le massacre du Champ-de-Mars, ainsi que les intrigues des feuillants qui, sous