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raents de cet organe servent à la natation. ■ L’organe respiratoire, dit Dujardin, est rétiforme k la paroi d’une cavité située à la région postérieure du dos et s’ouvrant au dehors par un orifice arrondi, médian, percé à la partie postérieure et inférieure du rebord du manteau. Cette disposition a fait penser que la cavité respiratoire est une véritable cavité pulmonaire comparable à celle des limaces et des lymnées ; cependant on n’a pu savoir jusqu’à présent si les péronies vien-" Dent, comme les pulinonés aquatiques, respirer l’air à la surface des eaux, et il est bien plus probable que ces mollusques marins reçoivent seulement dans leur cavité respiratoire l’eau aérée dont ils extraient l’oxygène de même que les actéons. » L’anus est situé sur la ligne médiane, en avant de l’orifice respiratoire ; les organes génitaux sont sur le côté droit, mais très-éloignés l’un de l’autre. L’espèce la plus remarquable de ce genre est la péronie de Tonga ; elle atteint près de om, îù de longueur ; elle est jaune verdàtr-e, tuberculée ou mamelonnée, avec deux tentacules d’un jaune vif et une sorte de voile de même couleur formé par un prolongement du manteau au-dessus de la tête. Elle vit sur les côtes des lies des Amis.

PÉRON1ER, 1ÈRE adj. (pé-ro-nié, iè-rerad. péroné). Anal. Qui appartient au péroné : Artère féroniére. À/uscle.1 péronikks.

— s. m. Muscle péronier : Les deux péroniers. Le péronier antérieur. Le court péroniur.

— Encycl. Art vétér. Section du péronier latéral. Cette opération a été essayée dans le cas d’éparvin sec, affection dont on ignore la nature et la cause et qui détermine le mouvement de harper. Les anciens supposaient, et peut-être avaient-ils raison, que ce mouvement était occasionné par un éparvin calleux déterminant sous les ligaments articulaires une distension à laquelle les animaux cherchent ù se soustraire par un mouvement rapide de flexion. Bourgelat pense que la cause du mal est dans les muscles fléchisseurs du tarse ; d’autres en font une affection du système nerveux, une inflammation du nerf sciatique ; d’autres enfin l’attribuent à des rayures des surfaces articulaires, à des érosions des cartilages qui revêtent ces surfaces, à des lésions des membranes synoviales, à la présence dans l’articulation de petits corps durs osseux, etc. Kn résuma, la cause de cette affection est à peu près inconnue ; mais sur ions les animaux qui en sont atteints on peut remarquer en même temps la tension et la saillie des tendons extenseurs du pied sur le devant du jarret. C’est ce dernier symptôme qui a porté un vétérinaire belge, M. Buccar, à faire la section du muscle court péronier latéral.

Pour pratiquer cette opération, on abat le cheval, et l’opérateur, après avoir pratiqué une petite incision à la peau, fait !a section du tendon du muscle court péronier au moyen du myotome caudal de Brogniez (v. siyotomb). Les animaux sur lesquels cette opération a été pratiquée par MM. Boocar, Brogniez, Delwartontoesse de hurper immédiatement après

l’opération. Cette dernière est facile à exécuter ; elle n’offre aucun danger et elle est le seul moyen connu de triompher d’une affection considérée jusqu’alors comme iucurabie.

PÉRONNE, en latin Perrona Veromanduorum, ville de France (Somme), ch.-l. d’arrond. et de canton, sur la rive droite de la Somme, à 50 kilom. N.-E. d’Amiens ; pop. aggl., 3,502 hab. — pop. tôt., 4,174 hab.’L’arrondissement comprend 8 cantons, 179 communes et 107,514 iiab. Tribunal de l« instance, justice de paix, conseil de prud’hommes, collège communal, chambre d’agriculture. Tanneries, fabrication de sucre, raffinerie de sel. Commerce de toiles, batistes, linons, laines, percales, cuirs et bestiaux. La ville de Péronne, construite sur le penchant d’une colline, baignée par la Somme, est une place de guerre de 2e classe, rendue très-forte par les marais qui l’entourent. Elle a des remparts en brique, quatre portes, et elle est protégée par des ouvrages avancés. Cette ville a quelques monuments remarquables. Le château de Péronne occupe un bastion faisant partie de l’enceinte, tout près de la porte Saint-Nicolas. Il n’a guère conservé de ses constructions du moyen âge que quatre grosses et hautes tours rondes, construites en grès, surmontées de toits coniques et flanquant la courtine qui fait face à la ville. Deux d’entre elles défendent l’entrée ; c’est dans une des deux autres que fut enfermé Louis XI en 1408. Un ne pénètre dans la forteresse, .dont une partie sert d’arsenal et dont le reste est affecté à d’autres services militaires, qu’eu passant sous une longue voûte sombre donnant elle-même accès à des souterrains. La cour intérieure, carrée, est entourée de constructions du xvio et du xvito siècle. Les fortifications de Péronne, dues au chevalier DevilJe, ont été longtemps négligées ; elles ont subi depuis quelques années une complète restauration et la ville consacre un somme annuelle à leur entretien.

Le belfroi, qui s’élève sur la grande place, remonte à 1376. Il se compose d’une tour carrée, terminée en saillie, flanquée d’une tourelle à chaque angle, bâtie en g’rès et haute de 3G mètres environ. Très-maltraité lors du siège de 1536, le beffroi de Péronne a été

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restauré, il y a peu d’années, par M. Daniel Ramée.

L’église Saint-Jean, actuellement église paroissiale, la seule qui subsiste aujourd’hui dans Péronne, fut commencée sous Louis XII et terminée sous François Ier. Une de ses voûtes porte gravée la date de 1509 ; néanmoins le portail, divisé en trois arcades ogivales, et la rosace de la façade, à meneaux flamboyants, doivent dater d’une époque de beaucoup antérieure. L’édifice se compose da trois nefs voûtées avec pendentifs détachés, et n’a pas de chœur. La tour, flanquée d’une tourelle, est ornée de sculptures. L église possède de beaux vitraux Renaissance, un, entre autres, représentant Arbre deJessé, et, dans une chapelle des bas côtés, on voit un curieux tableau- sur bois : Saint Louis assistant à la translation des reliques de saint Fursy.

L’hôtel de ville, élégant monument de la Renaissance, est dans le style grec et de l’ordre corinthien. On y conserve encore le drapeau qu’il était d’usage de porter dans une procession commémorative de la levée du siège de 1536. Il faut encore mentionner le tribunal, de construction récente, et une curieuse maison du moyen âge, en bois et ornée de sculptures. Au nord-ouest de la ville, en dehors des murs, se trouve la magnifique promenade du Quinconce.

Histoire. Dès les premiers temps de la monarchie, il existait à Péronne un château où résida la reine Radegotide et que, en 640, Clovis II donna k Erchinoald, maire du palais de Neustrie. Ce château était construit sur le penchant d’une colline, nommée alors mont des Cygnes, et constituait un domaine important par ses dépendances. Saint Fursy, premier apôtre de la contrée, y fonda bientôt une église, dans laquelle il fut enterré, et son tombeau, but de nombreux pèlerinages, contribua à agglomérer la population autour de l’ancien château et du monastère qui ne tarda pas k s’élever à côté de l’église. Péronne était un bourg considérable, lorsque les Normands, en 881, en firent un amas de décombres. Mais il se releva de ses ruines et, dès la fin du 1X6 siècle, la chàtellenie de Péronne figure parmi les principaux apanages du comté de Vermandois. Los fils aînés des titulaires de celte seigneurie portèrent dès lors le nom de comtes de Péronne. C’est dans le château de Péronne que fut enfermé et que mourut, après six ans de captivité, le roi Charles III, détrôné au profit de Raoul, due de Bourgogne (929). Héribertde Vermandois, auteur principal de cette captivité, ne tarda pas à entrer en lutte avec le nouveau souverain, fut assiégé dans le château de Péronne par Gilbert de Lorraine et fut pendu par ordre de Louis d’Outre-mer sur une montagne voisine. Bous Robert II, Raoul III de Crèpy (1071) attaqua les châteaux de Péronne et de Montdidier et les réunit k-ses domaines de Picardie. Un autre Raoul, fils d’Adèle, com" tesse de Vermandois, porta plus tard le titre de comte de Péronne et le conserva même après qu’il fut devenu comte de Vermandois, en 1120. Ses successeurs, simples châtelains de Péronne sous les comtes de Vermandois, en suivirent la fortune jusqu’à l’époque où. Philippe d’Aisace, comte de Flandre, s étant emparé du comté de Vermandois, à l’exclusion d’Éléonore, sœur de sa femme, Elisabeth de Vermandois, prit les armes pour soutenir ses prétentions et vint se retrancher entre Péronne et Montdidier. Réduit à se rendre, aux approches d’une armée commandée par Philippe-Auguste, Philippe d’Alsace dut restituer au roi les villes d’Amiens, de Péronne, etc., avec tout le Vermaudois, qui fut alors réuni à la couronne. Plus tard, Baudoin, beau-frère du vaincu, ayant essayé de recommencer la lutte, Philippe-Auguste marcha de nouveau contre le rebelle. La paix fut conclue à Péronne, où le roi reçut l’hommage de Baudoin. Pendant les événements que nous venons de rappeler, le bourg continuait à s’accroître rapidement. En 1207, Philippe-Auguste lui octi’oya une charte de commune. En 1266, Guillaume de Longueville vendit au roi saint Louis Péronne, qui demeura dans le domaine royal jusqu’en 1409. Philippe de Bourgogne en devint alors possesseur par son mariage avec Michelle de France, tille de Charles VI. À la mort de cette dernière (1422), Péronne retourna à la couronne ; mais le traité d’Arras (1435) rendit au duc de Bourgogne cette ville, ainsi que les autres cités formant ta dot de Michelle, le roi de France se réservant la faculté de racheter les villes situées sur les deux rives de la Somme, moyennant 400,000 écus. En 14G3, Louis XI, usant de cette faculté de rachat, recouvra les villes en question. La ligue du Bien public, formée par le comte de Charolais (depuis Charles le Téméraire) contre Louis XI, naquit du mécontentement excité par cette mesure dans l’esprit du Bourguignon. Le 3 octobre 1465, Péronne tombait au pouvoir de l’ennemi et le traité de Conflans en garantissait la possession au duc de Bourgogne. Mais, à la mort de Philippe le Bon (1467), Louis XI essaya encore une fois de reconquérir ses villes. Charles le Téméraire s’y opposa, et le roi, espérant imprudemment décider son rival k transiger, ne craignit pas de se rendre eu personne à Péronne pour s’entendra avec lui. C’est alors qu’eut lieu la célèbre entrevue de Péronne, dont nous parlons plus loin. À la’mort de Charles le Téméraire (1477), Louis XI s’empara da Péronne. Les

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traités de Madrid et de Cambrai (1529) maintinrent Péronne dans le domaine royal et ses habitants ne tardèrent pas à donner k la France un grand témoignage de fidélité. Attaquée par le comte de Nassau, lieutenant de l’empereur Charles V, pendant que ce dernier menaçait la Provence, Péronne eut k soutenir, en 1536, un des sièges les plus meurtriers de l’histoire. La ville, défendue par d’Estourmel, son gouverneur, par le maréchal de Lamark et par le comte de Dammartin, Bt une résistance héroïque. Désespérant alors de réduire la place, le comte de Nassau se décida à lever le siège au bout de trente-deux jours et après avoir tenté trois assauts. Lors des troubles religieux, Jacques d’Humières, alors gouverneur de la ville et catholique tout dévoué aux Guises, proposa aux seigneurs de la province de s’unir par une sainte ligue ; le traité d’association fut daté de l’hôtel de ville (13 février 1577) ; aussi la Ligue fut-elle appelée d’abord ligue de Péronne. Quelques années plus tard, en 15S4, les ligueurs s’assemblèrent à Péronne pour délibérer sur les affaires du parti. Péronne ne reconnut Henri IV qu’après son abjuration ; à la nouvelle de cette soumission, le roi se rendit k Péronne, où il fit son entrée le 15 août 1594. Louis XIII vint visiter cette ville, où, en 1641, il signa un traité avec les députés de la Cerdagne et du Roussillon. Pendant la minorité de Louis XIV, Péronne et ses environs furent le théâtre des derniers efforts de la Fronde (1654). Attaqué par le prince de Condé à Muuancourt, Turenno se retira sous les murs de Péronne, où Condé n’osa le suivre. Quatre ans plus tard, la trahison du maréchal d’Hocquiiicourt manqua de faire tomber Péronne au pouvoir des Espagnols ; mais, découvert à temps parMazarin, le complot fut déjoué. Dès lors l’histoire de Péronne présente peu de faits saillants. Un instant, * en 1815, cette ville faillit devenir le dernier rempart de la Restauration : le gouvernement royal, à la nouvelle du retour dé l’île d’Elbe, conçut le dessein de former une armée de réserve sous les murs de Péronne. Après Waterloo, Wellington se présenta devant la ville, qui capitula. Enfin, en décembre 1870, elle fut assiégée par les Prussiens et tomba entréleurs mains le 9 janvier suivant. V. ci-après.

Avant 1789, Péronne comptait six églises : d’abord la Collégiale, siège du chapitre de Saint Fursy, qui ne relevait que du saintsiége ; c’était, suivant Duchesne, une des églises les plus remarquables du royaume sous le rapport de l’architecture ; puis venaient cinq églises paroissiales : Saint-Jean-Baptiste, Notre-Dame, Suint-Quentin-Capelle, Saint-Sauveur et Saint-Quentin-en-l Eau. Ville religieuse, elle comptait de nombreux couvents : cordelières, minimes, clarisses, ursulines, bénédictines, hospitalières de Sainte-’ Agnès, etc. A 1 kilomètre de Péronne existait à la même époque la célèbre abbaye du Mont-Saint-Quentin, fondée en 987.

Péronne (ENTREVUE ET TRAITE DK). Louis XI

voyait une coalition formidable prête à l’écraser ; Bourguignons, Bretons et Anglaiss’étaient unis contre l’ennemi commun. Une trêve avait été conclue, expirant au 15 juillet (146S), et prorogée pour la Bourgogne jusqu’au 31. Charles le Téméraire comptait que le roi de France né ferait aucune démonstration avant cette époque ; il se trompait : à peine la trêve avec la Bretagne avait-elle pris terme, que le duc se vit i-erné par deux armées françaises, ce qui le contraignit à faire la paix avec Louis XI, au prix de I abandon de sus alliés. À cette nouvelle inattendue, le duc de Bourgogne, qui venait d’entrer en campagne et se trouvait aux environs de Péronne, éclata en cris de menaces et de colère contre une défection qui le mettait seul en face de toutes les forces de la couronne. Si Louis, suivant le conseil de ses meilleurs capitaines, eût prit alors une vigoureuse offensive, il. est très-probable que Charles le Téméraire eût essujé un désastre ; mais Louis XI s’était tracé une règle de conduite dont il ne dévia jamais, celle de ne jamais se battre tant qu’il pouvait négocier, non par défaut de courage, car il avait bravé plusieurs l’ois le danger en face, mais par tempérament. C’est alors qu’il conçut l’idée la plus hardie et surtout la plus étonnante de la part d’un homme qui se défiait de tout et de tous : c’était d’aller en personne trouver le duc de Bourgogne à Péronne et de se confier à sa fastueuse loyauté pour s’aboucher directement avec lui. Sans doute il se disait que les négociations sont lentes et difficiles entre gens qui hésitent, qui sont responsables, qui craignent de dépasser ou de ne pas atteindra la limite de leur mission, tandis qu’un mot suffit quelquefois h aplanir toutes les difficultés entre princes qui confèrent ensemble. El puis il comptait sans doute aussi sur la supériorité de son esprit, sur son habileté à manier les hommes, et il espérait bien en profiter pour faire parler le duc et en tirer les choses que celui-ci avait le plus d’intérêt k tenir secrètes.

Les plus fidèles conseillers du roi, Dammartin eu tête, le dissuadèrent énergiquement d’une démarcha aussi hasardeuse ; le cardinal de La Balue.au contraire, l’encouragea de toutes ses forces, et le connétable de Siaiut-Pol, après avoir tergiversé pendant quelque temps, se rallia à l’avis du roi et du cardinal. Quant

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au duc de Bourgogne, il parut d’abord con« trarié de cette ouverture ; mais il finit par y faire bon accueil, et il écrivit au roi une lettre des plus rassurantes, accompagnée d’un sauf-conduit où il disait, en parlant de Péronne : « Vous y pouvez venir, demourer et séjourner, et vous en retourner seurement es lieux de Chauny et de Noyon, à vostre bon plaisir, toutes les fois qu’il vous plaira, sans que aucun empesehement soit donné à vous, pour quelque cas qui soit ou puisse advenir. »

Si Louis XI eût pu conserver la moindre appréhension, elle se fût évanouie devant ces derniers mots, émanant d’un prince qui faisait parade de sa loyauté et qui se piquait d’être un preux du vieux temps. Le roi de France se rendit donc à Péronne, confiant et presque joyeux, n’emmenant avec lui que quelques personnages de la cour et une faible escorte de 150 hommes seulement. L» duc se porta k sa rencontre, le reçut aveo respect, l’embrassa longuement, puis les deux princes entrèrent ensemble dans la ville, chevauchant l’un k côté de l’autre, le roi tenant la main sur l’épaule du duc en signe d’amitié (9 octobre 1468). Toutefois, cette confiance de la part du roi diminua singulièrement quand il apprit qu’en même temps que lui entraient par une porte opposée sea plus mortels ennemis : le prince de Savoie, Philippe de Bresse, qu’il avait tenu trois ans en prison ; le maréchal de Bourgogne, à qui il avait enlevé Epinal j Du Lau, échappé de son cachot, et deux autres favoris disgraciés du roi. Ce n’était là qu’une simple coïncidence, sans doute ; mais elle était de sinistre augure. Cependant, le roi et le duc avaient commencé a traiter aminbleinent de leurs affaires, lorsque de terribles nouvelles, arrivées subitement de Liège, éclatèrent comme un coup de foudre. Le lendemain de l’entrée de Louis à Péronne, le 10 octobre au soir, des courriers arrivèrent du Brabantet dirent au duc : « Les Liégeois ont surpris Tongres dans la nuit de la Saint-Denis (du 8 au 9 octobre). Ils ont tout tué. Les chanoines sont morts. L’évêque est mort. Humbercourt est mort. Les ambassadeurs du roi étaient présents à la tuerie. » Voici ce qui était arrivé. En apprenant que la guerre venait de se rallumer entre le roi et les princes, les proscrits de la province de Liège avaient fait irruption dans la ville au cri de : « Vive le roil » (S septembre.) Les chanoines avaient d’abord paru faire cause commune avec eux, mais ils avaient fini par rejoindre leur évêque, qui s’était réfugié k Tongres, auprès d’Humbercourt, lieutenant du duc de Bourgogne. Les Liégeois tentèrent alors un coup de main sur Tongres, ramenèrent leur évoque et s’emparèrent d’Humbercourt, qu’ils relâchèrent aussitôt sur parole ; mais quelques chanoines périrent en effet dans cette circonstance. Il était impossible que le duc, depuis un mois, n’eut pas appris la vérité exacte sur ces événements ; mais il avait besoin de croire à l’exagération des faits pour pallier ses motifs et ses sentiments de haine contre le roi, et il n’eut garde de manquer une si belle occasion. Il éclata en cris de rage contre Louis. » Ce traître roi ! il n’est donc venu que pour me tromper sous un faux semblant de paix l Par saint Georges, lui et ces mauvaises gens de Liège le compareront (payeront) cher. » Il fit aussitôt fermer et garder les portes de la ville et du château où le roi était logé. « Il ètoit terriblement ému contre le roi, dît Comincs, et si, a cette heure-là, ceux à qui il s’aâressoit l’eussent conforté ou conseillé de faire au roi une mauvaise compagnie (un mauvais parti), il eût été ainsi fait. > M. Mtchelet aualyse cette situation avec une piofoude connaissance du cœur humain : • La colère du duc dans le premier moment, pour un événement qui rendait sa cause très-bonne, qui le fortifiait et tuait le roi, cette colère bizarre futelle une comédie ? Je ne le crois pas. La passion a des ressources admirables pour se tromper, s’animer, en toute bonne foi, lorsqu’elle y a profit. Il lui était utile d’être surpris, il le fut ; utile de se croire trahi, il le crut. Il fallait que sa colère fût extrême, effroyable, aveugle, pour qu’il oubliât tout à fait le fatal petit mot du sauf-conduit. Quelque cas qui soit ou puisse advenir. » Cet oubli ne tint qu’à un fil, et sans Cornalines, chambellan du duc, dont la prudence et le sangfroid parvenaient seuls k calmer les emportements furibonds de Charles, le roi de

France ne se fût peut-être jamais tiré des mains de son plus implacable ennemi. Pendant deux ou trois jours, le roi, resserré dans le château, ne reçut aucun message ou duc ; de sa fenêtre, il apercevait k quelques pas la grosse tour où Charles le Simple mourut prisonnier d’un comte de Vermandois, ce qui lui inspirait d’assez tristes réflexions. Louis XI connaissait l’histoire, et il savait qu’eu général les rois prisonniers ne se gardent guère, « Un si grand seigneur pris, dit Connûmes, ne se délivre pas. >

Louis conserva, dans cette situation terrible, toute sa présence d’esprit et toutes les ressources de sa puissante intelligence ; il lit surtout servir le moyen qui, dans tous les temps et sur la plupart des hommes, a toujours eu tant d’influence : l’argent. Il en avait apporté avec lui une somme ronde, et il la distribua avec l’habileté d’un homme rompu à ce genre de séduction. Ce qu’il avait le plus k redouter, c’est qu’on ne lui substi-