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feaient la Navarre sous son dernier roi, JeanAlbret. Ce dernier essaya vainement, en 1521, de reprendre sa capitale. • Cette prise d’armes, dit M. de Lavigne, fut signalée par un seul incident mémorable : la blessure que reçut, en prenant part à la défense de la ville, un jeune homme d’un grand courage, capitaine au service du roi catholique et gentilhomme de Biscaye, Ignace de Loyola. Lorsque le nom du fondateur de la Société de Jésus fut devenu célèbre, les habitants de Pampelune se souvinrent de ce fait d’armes et érigèrent à la mémoire de saint Ignace, et sur la place même où il était tombé blessé, une chapelle (basilica) qui existe encore aujourd’hui, auprès de la place des Taureaux et derrière le palais de la Députation provinciale. • Pampelune ne joua plus qu’un rôle effacé sous la monarchie espagnole. Elle eut à souffrir, à l’époque de la guerre de la Succession, de l’invasion française. Plus tard, sous l’Empire, ses malheurs commencèrent. Une division, sous les ordres du général d’Armagnac, pénétra en 1808 dans Pampelune. Ce général avait mission secrète de s’emparer de la citadelle • mais la citadelle était sur ses gardes ; les Français eurent recours à la ruse et un historien contemporain résume ainsi le stratrtgême à l’aide duquel ils réussirent à mener à fin leur entreprise : • Un détachement de soldats sans armes avait été conduit dans la citadelle pour y recevoir des vivres ; le chef de bataillon Robert était parmi eux, déguisé. Il avait neigé. En attendant la distribution, quelques soldats tirent des boules de neige et s’amusèrent à se les jeter. La partie s’engagea, tous y prirent part, et un groupe vint, en jouant, se placer sur le çont-ievis, de manière à- empêcher qu’on put le lever. Alors, à un signal convenu, d’autres se précipitèrent sur le corps de garde, surprirent les hommes et les désarmérent. Le général était logé chez le marquis de Bisolla, dont l’hôtel fait face à la porte de la citadelle. Il avait avec lui un peloton de grenadiers qui prêta main-forte, et la citadelle futoccupéeen un instant.» Pampelune fut le dernier boulevard du roi Joseph, qui s’y réfugia après la défaite de Vitoria. 11 y laissa, en se retirant, le général Cassan, qui y soutint un siège de quatre mois et fut réduit à capituler. C’est le dernier épisode important que présente l’histoire de Pampe]une.

PAMPELUNE, ville de l’Amérique du Sud, dans la république de la Nouvelle-Grenade. V. Pamplona.

PAMPELUNE (province de), subdivision administrative de la république de la Nouvelle-Grenade. V. Pamplona (province de).

PAMPER, ville de l’Indoustan, royaume de Cachemire, sur la rive droite du Jylum, a 72 kilom. E. de Cachemire.

PAMPÉRO s. m. (pan-pé-ro — rad. pampa). Vent violent du sud-ouest, qui naît au pied des Coidiilares et traverse 200 lieues d’un pays uni : Le mouillage de Montevideo est sec, quoiqu’on y essuie quelquefois des pampéros qui sont des tourmentes de vent de sud-ouest, accompagnées d’orages affreux. (Bougainville.)

PAMPHAGE s. m. (pan-fa-je — dugr. pan, tout ; phatjô, je mange). Entom. Genre d’insectes orthoptères, de la famille des acridiens, tribu des truxalides, comprenant un assez grand nombre d’espèces qui habitent l’ancien continent, et surtout l’Afrique.

— Encycl. Les espèces de ce genre ont été reparties par M. Serville en quatre groupes dont voici les noms et les principaux caractères : I. Xiphicera, antennes s amincissant graduellement de la base a l’extrémité ; II. Akicera, antennes ayant leurs derniers articles brusquement plus étroits que les autres ; III. Porthetis, "corselet fortement élevé au milieu ; IV. Tropinotus, corselet élevé, se prolongeant sur la base des ély très j femelles ailées.

PAMPHALÉE s. f. (pan-fu-lé — du gr. pan, tout ; phalos, luisant). Bot. Genre de plantes, de la famille des composées, tribu des nassauviées, comprenant des espèces qui croissent dans les marais du Brésil.

PAMPHIA, village de Grèce, nomarchie d’Acarnanie et Étolie ; 2,013 hab. Commerce très-actif. Culture d’oliviers.

PAMPH1LA ou PAMPHILE, savante Egyptienne, née à Epidaure, suivant Suidas, dans le i« siècle avant J.-C. Pille de Sobéride, elle épousa Socratide qui lui apprit à aimer les choses de l’esprit et l’associa à ses travaux. Pamphila écrivit une Histoire mêlée. Suidas dit que cette histoire était divisée en trente-trois livres et qu’elle contenait un abrégé des œuvres de Ctésias en trois livres, ainsi que d’autres traités. En effet, Aulu-Gelle cite le troisième livre de l’histoire de Pamphila, dont Diogène LaSrce fait également très-souvent mention.

PAMPHILE s. m. (pan-â-le — du gr. pan, bout ; philos, ami). Jeux. Sorte de jeu de cartes, qu> ressemble à celui de la mouche, tl Nom du valet de trèfle, qui est la carte maîtresse, dans le même jeu.

— Pain, Homme d’un caractère bas et servile : Ou ne tarit point sur les pamphilks : ils sont bas et timides devant les princes et les ministres, pleins de hauteur et de confiance avec ceux qui n’ont que de la vertu. (La Bruy.)

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— Entom. Syn. de lyda, genre d’insectes hyménoptères.

PAMPHILE ou PAMPHYLE, célèbre peintre grec, né à Amphipolis; il vivait sous le règne de Philippe de Macédoine, au IVe siècle avant J.-C. Il fonda l’école de Sicyone et fut le maître d’Apelle et de Mélanthius. Cet artiste acquit une grande réputation, surtout par son enseignement, car il parait s’être plus occupé de la théorie que de la pratique de son art. Parmi ses tableaux, les anciens citent les HÉraclides à Athènes ; la Bataille de Phlius; Ulysse sur son radeau; une Victoire des Athéniens.

PAMPHILE ou PAMPHVLE (saint), prêtre et martyr, né à Béryte (Phénicie) vers 250, mort à Césarée en 309. Il fut un des successeurs de l’illustre Origène dans l’école d’Alexandrie, établit à Césarée (Palestine) une école pour les lettres sacrées et forma dans cette ville une bibliothèque de 30,000 volumes. Le tyran Maximin ayant renouvelé en Palestine les persécutions de Dioclétien et de Maximien, Pamphile, qui venait d’être ordonné prêtre, fut arrêté (307), détenu pendant deux ans, livré aux tortures et mis à mort (309), avec onze autres confesseurs de la foi. Pendant sa longue détention, il composa une Apologie d’Oriijène en cinq livres, dont il ne reste plus que le premier traduit par Rufln et inséré dans les œuvres de saint Jérôme. On lui doit, en outre, une bonne édition de la Bible, faite avec Eusèbe, et un Commentaire sur les Actes des Apôtres, publié dans la Bibliotheca Coisliana.

PAMPHILE (Eusèbe), évêque de Césarée. V. Eusèbe.

PAMPHILE DE LACROIX, général français. V. Lacroix.

PAMPHILE MADB1LIEN, nom sous lequel un auteur inconnu, qui vivait au xve siècle, a publié le roman en vers latins de Pamphile et Galatée, Cet ouvrage, plusieurs fois publié sans date, sous le titre de Pamphili codex (m-4°), a été traduit en français sous celui de Livre d’amour (1494, in-fol.) et réimprimé avec la traduction en vers français (Paris, 1594). On croit que ce roman avait été composé pour Charles VIII, avant son expédition en Italie.

Pumphiie (le capitaine), roman d’Alex. Dumas. V. capitaine.

PAMPhilie s. f. (pan-fi-lî). Entom. Syn.

de PAMPHILE.

PAMPHLET s. m. (pan-fiè — mot anglais qui est dans Shakspeare et qui vient de palmefeuillet, feuillet qui se tient à la main, d’après Pegges). Petite brochure satirique et le plus souvent politique : Les pamphlets de P.-L. Courier. Les pamphlets de Timon. Un faiseur de pampulbts. Les pamphlets du. jour font oublier ceux de la veille, et ils sont eux-mêmes remplacés par ceux du lendemain. (Portais.) Le pamphlet est le livre populaire par excellence. (P.-L. Courier.) Le pamphlet es* l’artillerie volante de la presse. (Cormen.)

— Encycl. « Le pamphlet, dit le premier des pamphlétaires, P.-L. Courier, est le livre populaire par excellence. Les gros volumes peuvent être bons pour les désœuvrés des salons ; le pamphlet s’adresse aux gens laborieux dont les mains n’ont pas le loisir de feuilleter une centaine de pages. »

La première qualité du pamphlet est donc la brièveté, et la brièveté, en forçant l’écrivain à condenser sa pensée, lui donne plus de force et de vigueur. Mais la brièveté n’est pas la seule qualité qu’exige le pamphlet. A en croire M. de Cormenin, qui a fait ses preuves, « il doit être tour a tour sérieux, badin, positif, allégorique, simple, figuré, agressif ou défensif et en tout point accommodé au génie de notre nation, qui n’aime ni ce qui est obscur, ni ce qui est long, ni ce qui est pesant, ni ce qui affirme sans prouver, ni ce qui veut trop expliquer, trop prouver, trop dire. Le pamphlétiure, en quelques tours de phrase, épuise la question ; il la résout une heure avant que l’orateur l’ait seulement posée. Tandis que l’orateur se fatigue et s égare dans le labyrinthe de ses précautions oratoires, le pamphlétaire part devant comme une flèche, tire de l’aile, va tout droit, arrive au but. ■

Le pamphlet est surtout une œuvre d’actualité ; souvent, éclos le matin, il est oublié le soir ; à moins que, frappé au coin du génie, il ne passe à la postérité, comme un souvenir vengeur. Le pamphlet est toujours une œuvre de passion. Comme cet écrivain contemporain, J. Bouimier, qui u écrit hardiment en tête de sa Vie d’/itienne Bolet  : < Je déclare que je ne serai pas impartial, » le pamphlétaire ne voit que l’ennemi à combattre ; tout moyen lui est bon : il ne connaît ni les ménagements, ni les scrupules de conscience. Il a bien le temps, lui qui n’a qu’une heure pour écrire et un jour pour se faire lire, de peser dans les balances de la stricte équité la mesure des reproches qu’il adresse à ses adversaires ! Tuer ou être tué, tout est la. C’est un duel, un duel à mort, et telle phrase d’un pamphlet n’a été écrite et ne peut s’effacer qu’avec la pointe d’une épée. De là sa réputation de méchanceté : il serait souvent plus juste de dire d’éloquente sévérité. Bien de3 gens se signent au seul mot de pamphlet.

Un pamphlet, ô mon Dieu 1 quelle œuvre

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abominable I • Qui dit pamphlet dit un écrit tout plein de poison. Voulez-vous un exemple ? Voici de l’acétate de morphine. Un grain dans une cuve se perd, n’est point senti ; dans une tasse, fait vomir ; en une cuillerée, tue : voilà le pamphlet. » Il est vrai que cette définition, étant de P.-L. Courier, est une raillerie de plus contre les bonnes gens et les procureurs du roi qui crient au t venin distillé par les pamphlets. » Dès qu’il y a eu une injustice commise, il s’est trouvé uo pamphlétaire pour la flétrir. Aussi le pamphlet revêt-il toutes les formes, se prête-t-il à tous les genres littéraires. C’est l’ïambe avec Archiloque ; la comédie avec Cratinus, Eupolis, Aristophane, Nœvius ; le dialogue avec Lucien ; la satire avec Varron, Ménippe, Lucilius, Juvénal ; l’épigramme avec Martial ; le discours populaire avec Déroosthène et Cicéron ; l’histoire avec Tacite ; l’épopée avec Lucain ; l’opuscule avec saint Paul et saint Basile ; l’apologie avec Tertullien, et, pour le monde moderne, le fabliau, les mystères, le poème allégorique au moyen âge, le roman avec Rabelais, la discussion théologique avec Érasme, Luther, Théodore de Bèze ; la forme épistofaire avec les Petites lettres d’un provincial du grand Pascal, le conte avec Voltaire, le mémoire philosophique avec Jean-Jacques, la chanson avec Béranger, l’ode avec Victor Hugo. C’est l’arme multiple au service de la liberté, et écrire l’histoire du pamphlet, ce serait faire le recueil de toutes les vérités, de toutes les audaces, de toutes les insolences qui ont été jetées à la face des grands de la terre. Mais ce champ est trop vaste et il faut nous borner. Nous usurperions, du reste, sur le domaine de la satire, et, pour éviter ce danger, établissons tout de suite une règle positive qui nous serve de guide dans toute cette étude.

La différence caractéristique entre la satire et le pamphlet est que la première ne s’adresse qu’à des généralités, taudis que le second choisit ses adversaires, réels en chair et en os ; la satire s’en prend à l’humanité en général ou aux mœurs du siècle et les châtie dans des types créés par elle ; le pamphlet, lui, ne s’attaque qu’à des personnages connus. De plus, la satire conserve toujours, par suite de ses tendances moralisatrices, un certain vague philosophique ; le pamphlet, au contraire, a un caractère très-tranché politique, religieux ou littéraire. Enfin, la satire est de tous les temps ; le pamphlet n’est que d’un jour.

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itiqmte qu’à ceux des temps car la forme du pamphlet est trop vague encore chez les anciens pour qu’on puisse lui appliquer des règles trop sévères. En tout cas, satire, pamphlet ou libelle, si le nom varie, le fond reste le même, car parmi les premiers mots qu’ait balbutiés l’humanité se trouvaient sans aucun doute des plaintes et des injures.

Les Grecs étaient d’humeur trop mobile, trop bavards et trop légers, pour ne pas produire les premiers pamphlétaires, et quels pamphlétaires ! Qu’il nous sufiise de citer Déinosthène, Aristophane et, plus tard, le premier pamphlétaire en forme, le Voltaire antique, Lucien. Dans son discours Pour la couronne, Démosthène n’a fait qu’un pamphlet, et un pamphlet terrible, contre Eschine, pamphlet lu et relu, copié et recopié par la malignité attique. Et ses Philippiquest autre pamphlet non moins terrible contre l’astucieux roi de Macédoine. Les Nuées d’Aristophane, autre pamphlet encore qui lit rire les Athéniens et mourir Sourate. Car si l’on pouvait, à Athènes, causer et agir librement en matière politique, il n’en était pas de même en matière religieuse, et noua ne connaissons les attaques des philosophes grecs contre le culte établi que par les rigueurs qu’elles leur ont attirées. Les Grecs s’égayaient volontiers des travers de leurs dieux ; mais, tout en se moquant d’eux, ils y tenaient et réprimaient avec une impitoyable sévérité toute tentative sérieuse faite pour les renverser. C’est ainsi que l’Aréopage condamna les livres de Protagoras à être brûlés et le bannit lui-même, parce qu’en tête d’un de ses ouvrages il déclarait qu’il ne savait pas s’il y avait des dieux ou non. Diagoras de Mélos s’étant avisé de nier l’existence des dieux vit sa tête mise à prix. Pour un motif analogue, Prodieus déCos fut condamné à boire la ciguë, et l’on sait pourquoi le vertueux Socrate subit le même genre de mort. La liberté de tout dire à Athènes ne fut pas, du reste, toujours entière, et il vint un moment où, pour réprimer la licence de l’ancienne comédie, on interdit de nommer personne au théâtre ; il est vrai que cette mesure protectrice venait un peu tard, après le succès des calomnies d’Aristophane contre Socrate. Mais passons sur toutes ces ébauches du pamphlet dans l’antiquité grecque, traits brillants, mais épars, pour nous attacher tout de suite à celui qui, le premier, fit un pamphlet en forme, à Lucien.

Le grand pamphlétaire de l’antiquité, Lucien, le précurseur de Voltaire, dont il eut l’incrédulité, le bon sens, le génie railleur et presque le style, Lucien, dans ses petits traités et ses dialogues, se moque de tout, des dieux et des demi-dieux, des philosophes, des écrivains, même de l’amour. C’est l’esprit la plus moderne do l’antiquité. Son style est le

vrai style du pamphlétaire, net, clair, mordant, le bon sens du peuple et son rire franc, sous une forme simple et savante. Personne n’a versé plus de ridicule sur toutes ces légendes mythologiques que Cicéron traitait de contes de bonnes femmes. Il ne craint ni Jupiter, ni le tonnerre, ni Caron, ni Cerbère aux trois têtes. C’est à lui que les Pères de l’Eglise grecque et latine ont emprunté leurs plaisanteries les plus piquantes contre les divines marionnettes de l’Olympe antique. Passa encore pour les dieux ! mais les philosophes, les charlatans de philosophie, comme il les connaît, comme il les peint, comme il les drape ! Voyez plutôt. « Il existe, dit-il dans ITcaroménippe, une espèce d’hommes qui, depuis quelque temps, monte à la surface de la société ; engeance paresseuse, querelleuse, vaniteuse, irascible, gourmande, extravagante, enflée d’orgueil, gonflée d’insolence, et, pour parler avec Homère,

De la terre inutile fardeau.

« ’Ces hommes se sont formés en différents groupes, ont inventé je ne sais combien de labyrinthes de paroles et prennent les noms de stoïciens, épicuriens, péripatéticiens et autres dénominations encore plus ridicules. Alors, se drapant dans le manteau respectable de la vertu, le sourcil relevé^ la barbe longue, ils s’en vont, déguisant l’infamie de leurs mœurs sous un extérieur composé... Cependant, tels qu’ils sont, ils méprisent tous les hommes, débitent mille sornettes sur les dieux, s’entourent- de jeunes gens faciles à duper, déclament, d’un ton tragique, des lieux communs sur la vertu et enseignent l’art des raisonnements sans issue. En présence de leurs disciples, ils élèvent jusqu’aux cieux la tempérance et le courage, ravaient la richesse et le plaisir ; mais dès qu’ils sont seuls et livrés à eux-mêmes, qui pourrait dire leur gourmandise, leur lubricité, leur avidité à lécher la crasse des oboles ? Ce qu’il y a de révoltant, c’est que, ne contribuant en rien au bien public ou particulier, ils sont inutiles et superflus.

Nuls au milieu des camps et nuls dans les conseils, ils osent, malgré cela, blâmer la conduite des autres, entassent je ne sais quels discours amers, ne songent qu’à rédiger des insolences et invectives contre tout ce qui est autour d’eux. Chez eux, la parole est accordée au plus braillard, au plus impudent, au plus éhonté. «

N’est-ce point un portrait étudié, réussi, des philosophes ? Quelques traits encore, un peu plus de paresse et d’ignorance, et nous avons le portrait du moine.

De Lucien, retournons un peu en arriéra et voyons ce qu’a produit la terre latine.

Là, une culture intellectuelle, empruntée tout d’une pièce à la Grèce, ht nultre subitement et simultanément tous les genres de littérature : éloquence de la tribune, théâtre, philosophie, satire. Le génie un peu chagrin des Latins et la caractère toujours frondeur des citoyens d’une république donnèrent surtout à ce dernier genre un rapide développement. Du reste, aucune entrave à la liberté d’écrire. Sur le terrain religieux, tandis qu’Athènes chasse les philosophes trop libres penseurs ou les condamne àlu cigue^ Rome s’enorgueillit des siens. Lucrèce chante l’athéisme. Il l’érigé en système et le pare des charmes de la poésie. Tout le monde applaudit à ses beaux vers. Il les dédie à son ami Memmius sans que personne lui en fasse un crime. Caton écrit contre César un Anti-César ; César y répond par un Anti-Caton ; pamphlets malheureusement perdus et qu’il eût été intéressant de lire, venant de tels personnages. Tite-Live, dans ses Annales, embrasse ouvertement le parti de Pompée ; César respecte également le livre et la personne do l’auteur, Catulle n’aime pas César ni ses amis et leur prodigue les insultes les plus sanglantes. César taille sa plume et répond au poète par des injures sur le même rhythme. Et pourtant voici un ou deux échantillons des aménités de Catulle :

Contre César et Mamurra, surnommé la Verge...

Pardon, mais le latin dans les mots, etc.

■ Ces deux misérables débauchés de Maînuna et de César sont fort bien ensemble. Quoi d’étonnant ? Ils se sont, l’un à Rome, l’autre à Porraies, maculés des mêmes souillures indélébiles. Tous deux sont gangrenés : tous deux, jumeaux d’ordures, couchant dans le même lit et formés à la même école. L’infamie du second est au niveau de celle du premier. Ils sont les rivaux des femmes qu’ils supplantent. »

Ailleurs, s’attaquant à César seul, le poète lui reproche jusqu’à ses victoires :

«.. : Eh quoi ! superbe et radieux comme une blanche colombe ou un Adonis, cet homme se promènera de couche en couche ? Est-ce donc pour cela, capitaine unique, est-ce donc pour que ce corps, instrument de tes débauches, dévorât deux ou trois millions de sesterces, que tu es allé dans la dernière lie de l’Occident.— Qu’est-ce ? répond la malheureuse libéralité du peuple romain. Qu’est-ce, après tout ? il a dévoré peu de chose en plaisirs. — A-t-il englouti si peu do chose ? Pour début, il a dilapidé les biens de son père. Les trésors du Pont sont sa seconde proié. La troisième, ceux des Ibères ; le Tage uux Ilots d’or le sait. Tremblez devant lui. Gaules »t -,