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qu’il communique à ses auditeurs, c’est-à-dire, au fond, les moyens pathétiques, ceux qui s’adressent à la sensibilité. Les préceptes à donner sur cette partie de l’art oratoire se réduisent à un seul : Il n’est qu’un moyen d’exciter les passions dans les autres hommes, c’est de les bien sentir soi-même. La passion rend éloquent le plus inepte. Quand on est fortement ému, les expressions vives et naturelles, qui sont propres à faire passer la conviction dans l’esprit de ceux qui nous écoutent, se présentent d’elles-mêmes. Les passions donnent du corps et de la réalité aux choses dont on parle, et les font rendre par des traits visibles qui frappent les sens et remuent l’imagination.

Les passions paraissent donc être le nerf de l’art oratoire ; cependant Aristote voulait les bannir de l’éloquence. C’est la une sévérité outrée-, mais il est sûr qu’au barreau, où deux causes contradictoires sont en présence, il y a au moins un.des deux avocats qui met en jeu les passions dans une mauvaise cause. Socrate accusé dit à Lysias, qui lui proposait une défense d’où les passions n’étaient pas exclues : « Tu m’apportes là une chaussure de femme. » Au temps où les mœurs d’Athènes n’étaient pas corrompues, l’Aréopage écartait de son tribunal l’éloquence des passions. Bientôt elle y pénétra. L’orateur qui Îilaidait pour Phryné obtint son absolution en evant le voile qui la dérobait aux yeux, et l’on a pu dire justement : «Le voile de Phryné, eu tombant, découvrit la honte des juges. > C’est là un cas de passions non prévu par les traités de rhétorique.

À Rome, c’est surtout dans le maniement des passions que consista l’éloquence. Cicéron l’a dit, dans son traité De l’orateur : « Qui ne sait que la plus grande force de l’orateur consiste soit à tourner l’esprit des hommes vers la colère ou vers !a haine, ou vers la la douleur, soit à les détourner de ces mêmes passions pour les porter vers la douceur et la pitié, i 11 ne pouvait en être autrement dans un pays où les discordes civiles et les haines personnelles peuplaient les tribunaux d’accusateurs et d’accusés, où tous les juges, le sénat, ie peuple, les prêtres, les chevaliers se regardaient comme des souverains, arbitres de la loi et libres d’exercer ou. la rigueur ou la clémence. Dans de telles conditions, l’art d’instruire et de convaincre avait moins d’importance que l’art d’émouvoir, d’irriter, de fléchir, de rendre l’accusé intéressant ou odieux. C’est dans l’emploi habile despassions que consista surtout l’éloquence de (Jicéron ; il savait dire à prppos ce qu’il fallait pour remuer, pour irriter, pour apaiser son auditoire, pour le remplir d’indignation, de douleur, de compassion. Il ne se vantait pas au delà de la vérité lorsqu’il écrivait : t Dans ce genre, malgré la médiocrité et la faiblesse de mes talents, je ne laissai pas d’exercer un assez grand, empire et de mettre souvent mes adversaires hors de défense. Hortensius, tout grand orateur qu’il était, chargé de plaider pour Vertes, son ami, n’eut pas la force de me répondre. Catilina, que j’accusais devant le sénat, fut réduit au silence. Dans une cause particulière, mais importante et grave, Curion le père, ayant commencé de parler, succomba tout à coup et prétexta que, par un poison qu’il avait pris, on lui avait ôté la mémoire. »

Dans l’éloquence moderne, les moyens tirés des passions ne jouent pas un rôie moindre que dans l’antiquité. On lit pourtant dans les œuvres de Cochin : « Les images touchantes sont propres sur le théâtre à émouvoir un spectateur qui cherche à devenir sensible ; mais on ne connaît pas ces faiblesses dans le sanctuaire de la justice ; une fausse compassion n’y désarme pas les magistrats ; il faut que le coupable porte la peine de son crime. • Cochin se trompait, et lui-même dut à l’emploi des passions une grande partie de son succès et de sa réputaliun. L’éloquence passionnée, si belle et si forte quand elle est dans le vrai, sauve par sa violence même les plus mauvaises causes ; au barreau, elle cherche à frapper l’esprit des juges, réduits à lutter contre elle pour n’entendre que la raison ; à la tribune, elle entraîne les majorités indécises ; dans la chaire chrétienne, elle donne souvent à la parole des prédicateurs quelque chose d’affecté et de théâtral. L’esprit de l’homme est ainsi fuit, qu’il se laisse plus volontiers entraîner par une parole ardente et des arguments pathétiques, que convaincre par le raisonnement lumineux, mais froid.

— Hist. relig. ha passion est le point culminant de lu légende de Jésus-Christ ; noua ne l’envisageious qu’au point de vue historique, c’est-à-dire telle que ia donnent les récits èvangôliques, sans nous préoccuper aucunement de leur authenticité.

Après l’entrée à Jérusalem, après la cène et lorsqu’il eut donné ses dernières instructions à ses disciples, Jésus alla avec eux au jardin de Gethsemani et leur dit : « Asseyez-vous ici pendant que j’irai prier plus loin. » Et ayant pris avec lui Pierre, Jacques, fils de Zébudée, et Jeau, son frère, il commença a s’attrister et parut plongé dans la douleur. C’est ici que commence la passion ; nous Talions raconter d’après l’Évangile attribué a saint Matthieu :

Alors, il dit aux trois apôtres qu’il avait pris avec lui : < Mon âme est triste jusqu’à

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la mort ; demeurez Ici et veillez avec moi. » Et, s’en étant allé un peu plus loin, il se prosterna le visage contre terre, priant et disant : « Mon Père, s’il est possible, faites que ce calice s’éloigne de moi ; néanmoins, qu’il en soit non comme je le veux, mais comme vous le voulez. • Il vint ensuite vers ses disciples et, les ayant trouvés endormis, il dit a Pierre : à Quoi ! n’avez-vous pu veiller une heure avec moi ? Veillez et priez, de peur que vous ne tombiez dans la tentation ; l’esprit est prompt, mais la chair est faible. » Il s’en alla encore prier une seconde fois, en disant : ■ Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite. » Il retourna ensuite vers eux et les trouva encore endormis ; leurs yeux étaient appesantis par la sommeil, et, les quittant, il s en alla encore prier une troisième fois, disant leS mêmes paroles. Ensuite il vint trouver ses disciples et leur dit : « L’heure est proche ; le Fils de l’homme va être livré entre les mains des pécheurs ; levez-vous, allons ; celui qui doit me trahir est près d’ici. » Il n’avait pas encore achevé ce mot lorsque Judas, un des douze, arriva et, avec lui, une grande troupe de gens armés d’épées et de bâtons qui avaient été envoyés par les princes des prêtres et par les anciens du peuple. Celui qui le trahissait avait donné un signal pour le connaître, en leur disant : t Celui que je baiserai, c’est celui-là même que vous cherchez ; saisissez-vous de lui. » Aussitôt donc, il s’approcha de Jésus et lui dit : « Maître, je vous salue, • et il le baisa. Jésus lui répondit : « Mon ami, qu’êtes-vous venu faire ici ? « Et, en même temps, tous les autres, s’avançant, se jetèrent sur Jésus et s’emparèrent de lui. Alors, un de ceux qui étaient avec Jésus, Pierre, portant la main à son épée, la tira, en frappa un des serviteurs du grand prêtre et lui coupa une oreille. Mais Jésus lui dit ; « Remettez votre épée dans le fourreau, car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Croyez-vous que je.ne puisse pas prier mon Père, et qu’il ne m’enverrait pas ici, à l’instant même, plus de douze légions d’anges ? Comment donc s’accompliront les Écritures, qui déclarent que cela doit se faire ainsi ? » En même temps, Jésus, s’adressant à cette troupe, leur dit : « Vous êtes venus ici, armés d’épées et de bâtons, pour me prendre comme si j’étais un voleur ; j’étais tous les jours assis au milieu de vous, enseignant dans le temple, et vous ne m’avez point arrêté ; mais tout cela s’est fait afin que ce que les prophètes ont écrit fût accompli. > Alors, les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Ces gens s’étant donc saisis de Jésus, l’emmenèrent chez Calphe, qui était grand prêtre, où les scribes et les anciens, étaient assemblés. Les princes du peuple etL tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mourir, et ils n’en trouvèrent point qui fût suffisant, quoique plusieurs faux témoins Se fussent présentés. Enfin, il vint deux faux témoins qui dirent : « Il a dit : et Je puis détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. » Alors, le grand prêtre se-levant lui dit : « Vous ne répondez rien à ce qu’ils déposent contre vous ? » Mais Jésus demeurait dans le silence ; et le grand prêtre lui dit : « Je vous adjure par le Dieu vivant de nous dire si vous êtes le Christ, le Fils de Dieu. » Jésus lui répondit : » Vous l’avez dit, je le suis ; mais je vous déclare que vous verrez dans la suite le Fils de l’homme, assis à la droite de la majesté de Dieu, venir sur les nuées du ciel. • Alors, le grand prêtre déchira ses vêtements en disant : « II a blasphémé ; qu’avons-nous plus besoin dé témoins ? Vous venez vous-mêmes de l’entendre blasphémer ; que vous en semble ? » Ils répondirent : « Il a mérité la mort. » Alors, ils lui crachèrent au visage et lui donnèrent des soufflets, en disant : « Christ, prophétise-nous, et dis qui est celui qui t’a frappé ? » Le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les sénateurs du peuple juif tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir, et, l’ayant lié, ils l’emmenèrent et le mirent entre les mains de Ponce Pilate, leur gouverneur. Jésus fut donc présenté devant le gouverneur, qui l’interrogea en ces termes : « Êtes-vous le roi des Juifs ? » Jésus lui répondit : « Je le suis. » Et comme, étant accusé par les princes des prêtres et les sénateurs, il ne répondait rien, Pilate lui dit : « N’eiitendez-vous pas de combien de choses ces personnes vous accusent ? • Mais il ne répondit rien à tout ce qu’il put lui dire, de sorte que le gouverneur en était étonné. Or, le gouverneur avait coutume, au jour de la fête de Pâque, de délivrer celui des prisonniers que le peuple lui demandait, et il y en avait alors un très-insigne nommé Barabbas. Lors donc qu’ils étaient tous assemblés, Pilate leur dit : « Lequel voulez-vous que je délivre, de Barabbas ou de Jésus qui est apfielé Christ ? » Sur ces entrefaites, sa femme ui envoya dire, comme il était assis sur son siège : « Ne vous embarrassez point dans l’affaire de ce juste, car j’ai été aujourd’hui étrangement tourmentée dans un songe à cause de lui. » Mais les princes des prêtres et les sénateurs persuadèrent au peuple de demander Barabbas et de faire périr Jésus. Le gouverneur donc ayant demandé : « Lequel voulez-vous que jévous délivre ? » ils lui répondirent : « Barabbas 1 • Pilate leur dit ; « Que ferai-je donc de Jésus appelé Christ ? » Ils lui répondirent tous : « Qu’il soit

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crucifié ! • Le gouverneur ayant dit : « Mais quel mal a-t-il fait ? » ils se mirent à crier encore plus fort : « Qu’il soit crucifié ! » Pilate, voyant qu’il n’y gagnait rien, mais que le tumulte s’excitait toujours de plus en plus, se fit apporter de l’eau et, Se lavant les mains devant le peuple, il leur dit : «’Je suis innocent du sang de ce juste, ce sera k vous à en répondre. • Et tout le peuple lui répondit : « Que son sang retombe sur nous et nos enfants ! » Alors il délivra Barabbas et, ayant fait fouetter Jésus, il le remit entre leurs mains pour être crucifié. Les soldats du gouverneur menèrent ensuite-Jésus dans le prétoire, et là, ayant assemblé autour de lui toute la compagnie, ils lui ôtèrent ses habits et le revêtirent d’un manteau d’écarlate ; puis, ayant fait une couronne d’épines entrelacées, ils la lui mirent sur la tête, avec un roseau à la main droite, et, se mettant à genoux devant lui, ils ^e moquaient de lui en disant : « Salut au roi des Juifs. » Et, lui crachant au visage, ils prenaient le roseau qu’il tenait et lui en frappaient la tête. Après s’être ainsi joués de lui, ils lui ôtèrent ce manteau d’écarlate et, lui ayant remis ses habits, ils l’emmenèrent pour le crucifier. Lorsqu’ils sortaient, ils rencontrèrent un homme de Cyrène, • nommé Simon, qu’ils contraignirent à porter la croix de Jésus. Et, étant arrivés au lieu appelé Golgotha, c’est-à-dire le lieu du Calvaire, ils lui donnèrent k boire du vin mêlé de fiel ; mais, en ayant goûté, il ne voulut point en boire. Après qu’ils l’eurent crucifié, ils partagèrent entre eux ses vêtements, les jetant au sort, afin que cette parole du prophète fût accomplie : « Ils ont partagé entre eux mes vêtements et ont jeté ma robe au sort. > Et, s’étant assis, ils le gardaient. Ils mirent au-dessus de sa tête le sujet de sa condamnation écrite en ces termes : ■ C’est Jésus, le roi des Juifs. » En même temps, on crucifia avec lui deux voleurs, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. Et ceux qui passaient

fiar là l’injuriaient en branlant la tête et en ui disant : « Toi qui détruis le temple de Dieu et qui le rebâtis en trois jours, que ne te sauves-tu toi-même ? Si tu es lo Fils de Dieu, descends de la croix. » Les princes des prêtres se moquaient aussi de lui avec les scribes et les sénateurs, en disant :« 11 a sauvé tes autres, et il ne peut se sauver lui-même. Il met sa confiance en Dieu ; si donc Dieu l’aime, qu’il le délivre maintenant, puisqu’il a dit : «Je suis le Fils de Dieu.» Les’voleurs qui étaient crucifiés avec lui lui faisaient aussi les mêmes reproches. Or, depuis la sixième heure du jour jusqu’à la neuvième, toute lu terra fut couverte de ténèbres. Et, sur la neuvième heure, Jésus jeta un grand cri, disant : « EU, EU, lamma sabacmani ? » c’est-à-dire : ■ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi

m’avez-vous abandonné ? » Quelques-uns de ceux qui étaient présents, l’ayant entendu crier, disaient : « 11 appelle Elis ! » Et aussitôt l’un d’eux courut emplir de vinaigre una éponge et, l’ayant mise au bout d’un roseau, il lui présenta à boire. Les autres disaient : « Attendez ; voyons si Élie viendra le délivrer. » Mais Jésus, jetant un grand cri, rendit l’esprit.

Le récit de la passion par saint Marc est à peu près identique à celui de saint Matthieu. Celui de l’Évangile dit de saint Luc est plus amplifié. Ainsi, on raconte dans ce récit que, pendant la prière de Jésus au jardin de Getiiséraani, un ange descendit du ciel pour le consoler ; on représente Jésus «en agonie» dès avant son arrestation et son front couvert d’une sueur de sang dont les gouttes tombaient à terre. Ce même récit fait porter la croix devant servir à l’exécution par Jésus-Christ lui-même, qui tomba trois fois sous ce fardeau. L’inscription placée sur la croix était en grec, en latin et en hébreu ; enfin, toujours d’après ce récit, un Voleur seul d’entre les deux crucifiés entourant Jésus l’aurait insulté ; l’autre, au contraire, lui aurait dit : « Seigneur, souvenez-vous de moi quand vous serez dans votre royaume ; » et Jésus lui aurait répondu : « Vous serez aujourd’hui même avec moi dans le paradis. » D’après l’Évangile dit de saint Jean, Judas n’aurait point embrassé Jésus, mais l’aurait montré aux soldats, qui, à sa vue, seraient d’abord tombés tous’ par terre. Le même récit nous apprend que Jésus, sur la croix, dit à Jean, en lui montrant Marie, qui assistait k son supplice : • Mon fils, voilà ta mère, » et à Marie : « Ma mère, voilà ton fils. » Aucun des trois-autres récits ne confirme cette partie de la légende. Matthieu mentionne toutes les femmes qui se trouvaient là et ne parle pas de la mère du Christ. 11 y a aussi quelques variantes relativement à l’heure du supplice ; Matthieu le fixe à la neuvième heure, c’est-k-dire, suivant notre manière de compter, à trois heures de l’aprèsmidi. Luc dit : « Il était à peu près six heures, ■ c’est-à-dire pour nous midi ; Jean se tait sur cette circonstance et place à la sixième heure la scène du prétoire ; il n’a pas dit un mot des ténèbres qui couvrirent la terre pendant que Jésus était sur la croix, suivant les trois autres éyangélistes, du voiie du temple déchiré, des morts sortis de leurs tombeaux, ni du centurion converti par ces prodiges. Le jour de la passion est plus exactement déterminé par les évangélistes, en ce que tous indiquent la veille de la Pâque, c’est-à-dire un vendredi. Quant k l’année, il a été disserté à l’infini par les Pères de l’Église et les con PASS

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troversistes sur cette question capitale sans qu’on soit arrivé à un résultat certain. L’Eglise, de sa propre autorité et s’appuynnt autant sur la prophétie de Daniel que sur des témoignages qui ne sont pas plus probants, a fixé la mort de Jésus-Christ à Tan 7SS de la fondation de Rome, le 15 avril : cette année correspond à la quinzième du règne de Tibère ; or, Luc dit expressément que, la quinzième année du règne- de Tibère, Jésus alla se faire baptiser par Jean au désert, cérémonie qui précéda la passion d’au moins trois ans. Mais si Ton adopte la chronologie de Luc, on est en complet désaccord avec Tertullien, Lactance, Orose, saint Augustin, Clément d’Alexandrie, saint Jeau Chrysostome, saint Jérôme, etc.

Nous avons examiné au point de vue critique, dans l’article Jésus-Christ, la vie et la mort du fondateur du christianisme, et nous y renvoyons le lecteur.

Le dimanche des Rameaux, on lit en entier, dans toutes les églises catholiques, ie récit de la.passion selon saint Matthieu ; le mardi suivant, la passion selon saint Marc ; le jeudi, la passion selon saint Lue, et, le vendredi saintj la passion selon saint Jean. Cette lecture, qui est faite sur un ton de psalmodie monotone, est en usage depuis fort longtemps. On l’accompagne d un certain cérémonial. Elle est quelquefois faite par trois diacres, dont l’un chante les paroles du Christ, le second les paroles des autres personnages, le troisième le reste du texte. À Rome, c’est un-enfantde choeur qui prononce les paroles adressées à Pierre par la servante de Caïphe, et les cris de la foule, lors de la comparution de Jésus au prétoire, sont répétés par toute l’assistance. On voit en germe, dans cette suite de scènes dialoguées, tous les Mystères de la Passion, si communs au moyen âge.

V. MYSTERE et CONFRÈRES DIS LA PaSSIQN.

— Iconogr. Les principaux épisodes de la passion de Jésus-Christ font l’objet, dans ce dictionnaire, d’articles spéciaux ou sont mentionnées les représentations les plus intéressantes que l’art en a faites (v. baiser de Judas, couronnement d’épines, flagellation, Christ au roseau, Ecce Homo, Calvaire, crucifiement, Christ en croix, Christ au tombeau, descente dis croix, etc.). Nous ne nous occuperons ici que des œuvres retraçant simultanément plusieurs scènes du long martyre de Jésus. Ces œuvres étaient extrêmement fréquentes au moyen âge et pendant les premiers temps de la Renaissance. Le musée de Cluny possède des châsses, coffrets, croix et diptyques d’ivoire (n°<> 404, 413, 414, 417, 419, 425), sur lesquels * passion et d’autres épisodes de l’histoire du Christ sont représentés. On remarque dans le nombre une grande châsse du Xivo siècle, ornée de cinquante et un bas-reliefs rehaussés d’or et de couleurs, où des scènes de l’Ancien Testament alternent avec des scènes du Nouveau, sorte de parallèle dont nous pourrions citer plusieurs autres exemples, et que Flandrin a renouvelé à Saint-Germain-des-Prés. Au musée de Cluny, on peut voir ericorédes rétables en bois, dont quelques-uns sont dorés é peint3, et qui représentent la passion ; l’un d’eux (n° 207) provient de l’ancienne abbaye de Cluny et date du xivo siècle.

Giotto, dans la chapelle de TArena, k Padoue, et Fra Angelico, dans le cloître de San-Marco, à Florence, ont consacré à la passion et à d’autres scènes de la vie de Jésus des fresques justement célèbres. Fra Augelico a fait sur les mêmes sujets huit grands tableaux, divisés en trente-cinq compartiments, qui décoraient autrefois la sacristie de TAununziata et qui se voient aujourd’hui dans la galerie da l’Académie des beaux-arts de Florence ; ces peintures sont des merveilles d’exécution délicate et de tendresse mystique ; on sait que le saint moine fondait en larmes chaque fois qu’il avait à représenter le supplice de son Dieu. Le Louvre possède un gradin d’autel (predella) sur lequel Niccolo Alunno, de Foligno, artiste du xvc siècle, a peint cinq scènes de la passion.• la Prière au jardin des OUoiers, la Flagellation, le Christ conduit au Caloaire, le Christ entre les deux larrons, Joseph d’Arimathie el Nicodème s’apprètant à déposer le Christ de la croix. Un tableau de Vusari, qui appartient au même jnusée, est divisé en dix compartiments, où sont représentés : le Lavement des pieds, la Cène, Jésus au jardin des OUoiers, le Baiser de Judas, Jésus devant Pilate, la Flagellation, Jésus montré au.peuple, le Chemin du Calvaire, la Mise au tombeau. Au musée do Turin est un précieux tableau do Meraling, que quelques iconographes intitulent les Sept douleurs de la Vierge, et qui représente toutes les scènes delà passion, depuis le dimanefte des Rameaux jusqu’à la cène d’Emtimûs, ou le Christ se fit reconnaître de quelques disciples ; ces sujets sont figurés dans le même cadre et forment autant de groupes séparés par des.accidents de terrain ou des édifices ; ils sont peints avec une extraordinaire finesse. Les artistes flamands, hollandais et allemands du xve et du xvi» siècle ont fré- * quemment retracé des épisodes de o. passion ’ dans des tableaux à plusieurs compartiments. Il nous sufrira de citer le célèbre tableau à huit compartiments peint par Holbein et qui appartient au musée de Bâte ; jamais l’illustre artiste n’a montré plus de vigueur et de puissance que dansées peintures : « Le Christ