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malgré l’extraordinaire précocité de l’enfant. Dès cette époque, les sciences mathématiques, dont il entendait sans cesse parier dans la société de son père, préoccupaient vivement Biaise Pascal. M>no Périer nous apprend que son jeune frère, ayant remarqué qu’un plat de faïence frappé avec un couteau rendait un bruit sonore qui s’arrêtait aussitôt qu’on y touchait avec la main, se mit à faire des expériences sur ce son et en consigna les résultats dans un travail qu’on jugea supérieur à tout ce que son âge pouvait promettre. On avait d’nbord admis l’enfant aux conférences scientifiques qui se tenaient chee son père, En 1635, ses questions donnèrent de l’inquiétude à celui-ci, et il prit des précautions pour que l’on s’abstînt de s’entretenir eu sa présence d’objets de nature à encourager son goût ; il lui défendit même de s’occuper, de mathématiques, lui promettant seulement de les lui enseigner quand il saurait les langues anciennes. Pascal voulut au moins savoir auel était l’objet de la géométrie ; son père lui dit vaguement que c’était l’art de construire des figures, d en trouver la mesure et de connaître les rapports de leurs parties. Cela lui suffit, d’après Mme Périer, pour trouver, avec l’aide de la soûle réflexion, les trente et une premières propositions d’Euclide ; il cherchait a démontrer la trentedeuxième, celle qui est relative a la somme des angles d’un triangle, lorsque son père, l’ayant surpris au milieu des figures qu’il avait tracées sur le parquet, lui demanda une explication et, de question en question, lui arracha le secret du travail prodigieux qu’avait exécuté cette jeune intelligence. Effrayé d’un pareil prodige, Étienne Pascal courut chez Le Pailleur et lui raconta son étrange découverte. Sur le conseil de son ami, le père n’essaya plus do s’opposer à ce goût si marqué pour l’étude des mathématiques j il mit entre les mains de son fils un exemplaire d’Euclide et lui permit d’assister aux conférences qui avaient lieu chez lieu. Biaise lut Euclide sans aucun secours étranger, et à seize ans composa un traité des sections coniques qui fit l’admiration des amis de sa famille. Descartes, à qui on en envoya un extrait, no voulut pas croire que ce fût l’œuvre d’un géomètre de seize ans.

L’extrait, en 7 pages, qui fut communiqué a Descartes avait paru en 1640, et il a été compris par Bossutdans l’édition qu’il a donnée des œuvres de Pascal ; mais l’ouvrage lui-même, que Leibniz a eu entre les mains en 1676, est aujourd’hui perdu. C’est dans ce traité que se trouvait démontré le fameux théorème relatif à l’hexagone inscrit. Pascal voulait en faire la base unique d’où devaient se tirer toutes les propriétés des coniques, et il avait en effet réussi non - seulement à retrouver par cette voie toutes leurs propriétés connues jusqu’alors, mais à en ajouter d’autres.

Le cardinal de Richelieu, gagné par la bonne grâce de Jacqueline Pascal ’ (v, ci» après), avait donné à Étienne Pascal une place d’intendant à Rouen : son fils l’y suivit ot devint son auxiliaire assidu. C’est de cette époque que date la machine à culouler ; on a affirmé que Pascal, voulant abréger son propre travail, aurait eu l’idée de taire faire à cette machine les calculs dont il était chargé. En réalité, les recherches, les tâtonnements, les essais de construction que nécessita cet appareil lui coûtèrent infiniment plusde temps que n’auraient pu en exiger les calculs qu’il voulait éviter. Il est plus probable qu’en dehors du motif d’intérêt public, qui dut certainement l’inspirer, Pascal, comme tous les inventeurs, fut entraîné par une idée fixe qui ne lui laissait pas la liberté de se détourner d’une entreprise dont à voyait cependant toutes les difficultés. La machine à calculer lui fit le plus grand honneur, mais n’a pas eu l’utilité pratique qu’il lui avait attribuée.

Pascal n avait alors que vingt ans, et ces violents efforts d’intelligence altérèrent profondément une samé déjà chancelante. D’autre part, bien que Pascal n’ait jamais été ce qu’on peut appeler un débauché, il montra à cette époque, et surtout après la mort de son père (1651), des inclinations assez dissipées. Sa sœur nous affirme qu’il »e connut pas le vice proprement dit, et il faut l’en croire. Il est présumuble, en effet, que les plaisirs mondains qu’elle lui reproche avec sa rigueur toute janséniste n’étaient que ces dissipations que blâment les dé vols outrés, parce qu’elleséloignentdu service deDieu. Du reste, nous manquons de renseignements précis à cet égard ; nous savons vaguement que Pascal eut quelque temps l’intention de se marier et que, durant un séjour qu’il fit en Auvergne, il s’éprit d’une belle et savante demoiselle, la Sapho du pays ; qu’il ne la quittait presque plus (1649) ; ce fait nous est révélé par les Mémoires de Fléchier. Au temps de seségarements, Pascal connut quelques jeunes seigneurs fort légers, entre autres le duc de Roannez, qui devait imiter sa conversion, et le chevalier de Méré. Celui-ci partageait avec Pascal la passion du jeu, et la demande qu’il fit k son ami de résoudre deux problèmes de combinaisons donna à Pascal l’occasion de faire une ingénieuse découverte, celle du triangle arithmétique. Il est surprenant que cène découverte ne- i’ait pas conduit au binôme de Newton, dont il peut être regardé aujourd’hui comméune application au cas particulier où l’exposant est nutnéri PASC

tue. Sans avoir tiré toutes les conséquences e son invention, Pascal n’a pas moins posé par la les bases du calcul des probabilités, branche nouvelle et imprévue des mathématiques, qui a reçu depuis d’utiles applications. À la même époque, mais sans qu’il soit possible d’en fixer la date précise, se rapporte évidemment’un des livres les plus singuliers de Pascal, le Discours sur les passions de l’amour. Il est bizarre que le moraliste janséniste ait débuté par être épicurien ; et ce qu’il y a de plus remarquable en celu, c’est qu’il l’est avec son esprit propre, c’est-à-dire d’une façon raisonnée et toute philosophique : « L’homme, dit-il carrément, est né pour le plaisir ; il le sent, il n’en faut pas d’autre preuve. Il suit donc la raison en se donnant au plaisir. » Nous voilà bien loin de la sombre austérité des Pensées ! mais c’est déjà le même style et la même énergique concision.

Les premiers travaux sur la cycloïde datent de 1658. Roberval avait trouvé l’aire de la courbe entière et le volume qu’elle engendre en tournant autour de son axe ou autour de sa base ; Pascal détermina les segments de l’aire et des volumes engendrés, ainsi que leurs centres de gravité, et, sous le nom de Dettonville ^ il envoya à tous les géomètres une lettre circulaire les invitant à concourir à la solution des problèmes qu’il venait de traiter ; il s’engageait à donner 40 pistoles au premier qui les résoudrait et 20 au second. Wallis envoya d’Oxford la solution de toutes les questions proposées, mais avec des erreurs de calcul et dans des conditions de délai qui empêchèrent la commission nommée ad hoc de lui adjuger le prix. Quant au Père La Loubère, il prétendit avoir trouvé toutes les solutions demandées, mais refusa de les communiquer, une exceptée, la seule, sans doute, qu’il eût trouvée. Les deux concurrents évincés réclamèrent avec beaucoup d’amertume contre la décision qui les déboutait ; et quand Pascal, l’année suivante, proposa un nouveau concours sur la cycloïde, Wallis refusa d’y prendre part. Aucun des concurrents n’ayant répondu aux questions proposées, Pascal publia ses propres solutions, qui produisirent dans le monde savant une émotion immense, mais lui créèrent des ennemis.

Déjà si honorablement connu comme géomètre, Pascal allait se révéler comme physicien. On sait l’embarras où s’était trouvé jeté Galilée par cette observation des fontainiers de Florence, que l’eau, dans une pompe aspirante, cesse de s’élever lorsqu’elle a atteint une hauteur de 32 pieds. Torricelli trouva dans la pesanteur de l’air la solution qui avait échappé au maître ; Descartes indiqua la hauteur qu’atteindrait le mercure dans un tube vide, si on le substituait à l’eau. Pascal résolut de vérifier le fait, et dans la série de ses expériences, dont on a voulu lui contester le mérite, il eut l’idée, qui n’est bien certainement qu’à lui seul, de montrer que, l’ascension des liquides dans le vide n’étant due qu’à la pression atmosphérique, la hauteur de ces liquides diminuerait avec la pression si l’on s’élevait à une grande hauteur. Des expériences exécutées dans le Puy-de-Dôme par Périer, beau-frère de Pascal, et sur les indications de ce dernier, réussirent pleinement (1648). Déjà, l’année précédente, il avait publié ses Expériences sur le vide. De nouveaux essais faits à Paris, sur la tour de Saint-Jacques-la-Boucherie, confirmèrent les résultats obtenus par Périer. D’un même coup, Pascal avait créé te baromètre et indiqué la plus intéressante de ses applications, la me-Bure des hauteurs. On l’u accusé, de son vivant même, de s’être approprié les expériences de Torricelli ; la fait est manifestement fuux, car il avait lui-même signalé ce3 expériences, sans en connaître l’auteur, dans l’opuscule que nous avons cité. Il fit paraître ensuite son J’railé de la pesanteur de la masse de l’air, où il explique tous les phénomènes de l’atmosphère par la pression de l’air. Ses recherches dans cette direeûon le conduisirent k l’exuinen des fondements de l’hydrostatique (Traité de l’équilibre des liqueurs). Ce traite, comme le précédent, fut écrit en 1653.

Mais le temps était venu où Pascal, épris des choses du ciel, allait montrer un déuain absolu pour les sciences humaines qui l’avuient passionné jusque-là. On ignore les causes précises qui amenèrent ses premières relations avec les jansénistes ; mais il parait certain que, dès 1650, il connaissait plusieurs des principaux chefs de cette école. En 1655, il était très-lié avec MM. de Port-Royal ; ii vivait dans leur intimité, assistait à leurs entretiens. Sainte-Beuve a cru pouvoir caractériser comme il suit les relations de Pascal avec les solitaires de Port-Royal : ■ Pascal a dit : « On ne s’imagine d’ordinaire Platon et Aristote qu’avec de grandes robes et comme ■ des personnages toujours graves et sérieux ; c’étaient d’honnêtesgens, qui riaient comme tes autres avec leurs amis ; et quand iisont fait leurs lois et leurs traités de politique, c’a « été en se jouant et pour se divertir. « Bien que Pascal n’ait peut-être jamais ri beaucoup, il était, quand il aborda Port-Royal, de ces honnêtes gens, et des mieux réputés selon le monde, plein de diversités amusantes, de conversations curieuses, un homme qui avait lu avec plaisir toute sorte de livres et qui en causait très-volontiers. On n’a pas d’emblée ce solitaire austère et contrit qu’on se figure : la première fois qu’il nous appa PÀSC

ratt ausentierdu désert, il est brillant, presque à la mode encore, et un vrai bel esprit en regard de M. de Sacy, qui en tire mille étincelles. » Ceci avait lieu avant 1654. En cette année, Pascal n’avait pas encore renoncé à la vie mondaine, quand, en traversant la Seine au pont de Neuiily, ses chevaux s’emportèrent et faillirent le jeter dans la rivière, ce qui lui causa une commotion telle qu’il résolut de quitter le monde définitivement. « Pascal, continue M. Sainte-Beuve, qu’on le sache bien, ce petit détail est caractéristique, n’avait eu son accident au pont de Neuiily, qui avait fort contribué à le ramener à Dieu, quo parce qu’il se faisait conduire, selon son habitude de ses dernières années mondaines, en un carrosse à quatre chevaux ou peut-être à six ; le roi n’en avait que huit ; un tel train ne laissera pas de paraître assez fashionable pour la date de

1654 C’était donc vers la fin de 1654 ou le

commencement de 1653. Pascal venait de se convertir une seconde fois, et cette fois c’é>tait la bonne et définitive. Sa sœur, malgré lui d’abord, maigri les obstacles qu’il élevait, avait fait profession à Port-Royal dans le printemps de 1653. Lui, après bien de3 luttes et surtout après l’accident récent où il avait vu le doigt de Dieu, s’était venu jeter entre les bras de M. Singlin. > M. Singlin, c’était une des autorités de Port-Royal. On a raconté que l’imagination de Pascal, ébranlée par

I accident de Neuiily, l’avait jeté dans une vêritablehatlueinationril lui semblait, depuis cette époque, qu’il avait constamment à ses côtés un abîme béant, où il se voyait près d’être précipité. Le fait, raconté par l’abbé Boileau et souvent répété depuis, a été contesté. U est au moins certain que le danger couru à Neuiily affaiblit, à certains points de vue, la raison de Pascal et le jeta dans des pratiques superstitieuses indignes de lui. « M. Singlin, continue Sainte-Beuve, jugea à propos de l’envoyer à Port-Royal-des-Champs comme en un lieu de gymnastique et de diète, où M, Arnauld lui • prêterait le collet » pour les sciences humaines, et où M. de Sacy lui apprendrait à les mépriser. M. de Sacy, de son côté, se serait dispensé Volontiers de voir M. Pascal ; mais il ne le put, en étant prié par M. Singlin... Les lumières saintes qu’il trouvait dans l’Écriture et dans les Pères lui firent espérer qu’il ne serait point ébloui de tout ce brillant qui charmait néanmoins et enlevait tout te monde. • Pascal ne tarda point à devenir une des colonnes de Port-Royal. En 1655, Antoine Arnauld avait écrit une Lettre à un duc et pair, où il déclarait n’avoir pas trouvé dans 'Aut)UStinu8 de Junséniûs les cinq propositions condamnées, comme s’y trouvant, dans une bulle récente du pape Innocent X. Arnauld disait dans sa lettre que « saint Pierro offrait dans sa chute l’exemple d’un juste à qui la grâce sans laquelle on ne peut rien, da grâce efficace, » avaitmanquô dans une occasion où l’on ne peut pas dire qu’il n’ait point péché, à La Sorbonne s’émut. Arnauld, pour soutenir une pareille lutte, sentit le besoin d’une plume moins lourde que la sienne ; il eut recours à celle de Pascal. Le 23 janvier 1056, parut la première Lettre de Louis de Montalte à un provincial de ses amis. La littérature entrait en possession d’un de ses chefs-d’œuvre immortels, et la société de Jésus recevait un coup terrible dont elle ne s’est jamais relevée complètement (v. provincial). La dernière lettre est du 24 mars 1657. L’année précédente, un événement où la famille de Pascal se trouva mêlée agita tout Paris et fut un épisode retentissant dans la lutte des jansénistes et des jésuites. Une fille de M1»» Périer, atteinte d’une fistule lacrymale jugea incurable, fut conduite à Port-Royal et guérie subitement, s’il faut en croire les récits jansénistes, par l’attouchement d’une sainte épine. Nous n’avons pas à raconter la révolution que ce miracle produisit dans l’esprit de ta reine et la situation des jansénistes ; tout ce qui nous intéresse ici, c’est l’effet immense qu’il produisit sur l’esprit de Pascal, déjà si Aruiilê. Voué dès lors à Dieu corps et âme, il ne s’occupa plus que de mortifier sa chair et de défendre la religion. Ses austérités étaient incroyables : armé d’une ceinture à pointes da fer, il réprimait par des coups de coude qui faisaient couler le sang toutes les vaincs pensées qui Se présentaient à sou esprit. Il avait résolu de se rendre insensible à tous les plaisirs, et il y avait si bien réussi qu’il ne sentait pas même le goût des aliments et pouvait avaler goutte à goutte, sans témoigner la moindre répugnance, les affreuses médecines par lesquelles on prétendait rétablir sa santé. Après avoir calculé la quantité et la qualité de la nourriture nécessaire à son estomac, il les uvuit invariablement réglées et se refusait k les modifier quand sa santé

■ affaiblie réclamait un changement de régime.

II alla bien plus loin : convaincu que tout attachement terrestre est une tromperie à l’égard de ceux qu’on aime, une sorle de séduction funeste au salut, il affecta pour Mme Périerelle-même, pour sasceur dévouée, une froideur qu’il ne ressentait pas ; et pour rassurer cette sœur désolée, il fullut que Gilberte, une autre sœur de Pascal, vouée à Dieu celle-là, lui dévoilât les secrets de l’amour mystique. Epris de la pauvreté, Pascal s’était réduit à servir lui-inéme et à desservir sa table, pour se priver le plus possible de tout secours étranger. Il visitait avec

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dévotion tous les lieux où étaient exposées des reliques en renom. Enfin (nous avons quelque honte d’ajouter ceci), après la mort de Pascal, on trouva, cousu dans son vêtement, comme une série d’amulette, le bizarre éûrit que voici ; « L’au de grâce 1654. Lundi, 23 novembre, jour do saint Clément, pape et martyr, et autres au martyrologe. Veille de saint Chrysogone, martyr, et autres. Depuis environ dix heures et demie du soir, jusque environ minuit’et demi, feu. Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaaè, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. Dieu de Jésus-Christ. Deum meam et Deum vestrum. Ton Dieu sera mon Dieu. Oubli du monde et de tout, hormis Dieu. Il ne se trouve que par les voies enseignées dans l’Évangile. Grandeur de l’âme humaine. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais je t’ai connu. Joie, }oie, joie, pleurs de joie. Je m’en suis séparé. Dereliguerunt me fontem agus iiivs. Mon Dieu, me quitterez-vous ? Que je n’en sois point séparé éternellement. Telle est la vie éternelle ; qu’ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, J.-C, Jésus-Christ, Jésus-Christ. Je m’en suis séparé ; je l’ai fui, renoncé, crucifié. Que je n’en sois jamais séparé. Il ne se conserve que par les voies enseignées dans l’Évangile. Réconciliation totale et douce, etc. Soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur. Eternellement en joie pour un jour d’exercice sur la terre. Non obliviscar sermones tuos. Amên. •

Cette étraugo pièce, où se révèle évidemment l’exaltation d’un esprit malade, a été appréciée au point dé vue scientifique par M. Lêlut, membre de l’Institut. Les écrivains catholiques ont attaqué violemment les conclusions du savant docteur, qui voit dans cet écrit le symptôme d’une véritable hallucination et le considère comme un résultat de sa vision après l’ucoident du pont de Neuiily, Cette interprétation physiologique de l’état morbide dans lequel se trouvait Pascal justifierait en quelque sorte le mot sévère, mais bien profond et quelquefois bien juste, que Voltaire écrivit au bas des Pensées de l’illustre géomètre : &gri sùmnia, • hallucinations d’un cerveau malude, « On ne peut contester, en effet, que ces Pensées souvent si profondes, si élevées, si sublimes, tombent trop fréquemment dans des exugérations, des paradoxes véritablement prodigieux, des appréciations injustes, des conceptions étranges, fruits naturels d’une âme profondément aigrie par la souffrance.

Les austérités de Pascal, la manière impitoyable dont il surmenait son cerveuu, jointes à la faiblesse de sa constitution et au régime insensé imposé par les médecins, qui l’empoisonnaient de leurs remèdes, ne pouvaient manquer d’avoir un prompt et fatal résultat. Pascal avait passé dans des douleurs incessantes toute une moitié de sa vie. La.crise qui l’emporta dura deux mois. Le 17 août 1662, une convulsion faillit l’emporter. Il succomba le sur lendemain 19, après vingt-quaira heures de souffrances atroces. Il avait trente-neuf ans et deux mois. Lors de l’autopsie, on trouva ses intestins gangrenés, le foie et l’estomac desséchés. Ou remarqua que sa cervelle avait un volume et une fermeté considérables. On constata, d’après Marguerite Périer, -l’existence d’inie seule suture du crâne, la suture sagittale, et la présence d’un cal qui avait obturé la fontanelle.

Nous avons raconté la vie de Biaise Pascal ; il nous reste à le ju^er avec impartialité, mais avec le respect qu impose une si haute intelligence. Ou a dit que Pascal, en débutant par les sciences mathématiques, avait d’uburd méconnu sa vocation ; nous croyous absolument le contraire. Pascal, selon nous, était avant tout destiné à devenir un des plus grands géomètres dont s’honore l’histoire des sciences humaines ; et pour preuve nous ne voulons que les résultats étonnants qu’il a obtenus, quoiqu’il ait manqué de la qualité foncière, la foi mathématique. Il est bizarre, en effet, que Pascal, un géomètre si ingénieux et si profond, n’ait jamais considéré les mathématiques comme uno occupation digne d’un’ homme sérieux, mais

comme un amusement assez absorbant pour distraire un malade de ses douleurs. Quand il a écrit son Traité des sections coniques, il ne paraît avoir eu d’uuire but que d’endormir ses souffrances. Ce singulier mépris d’une science pour laquelle il était si udiiiirublement doué est la seule cause qui l’a f.<it rester au second rang. Le premier, en effet, doit lui être absolument refusé ; car s’il a fait des découvertes ingénieuses, ou est contraint de reconnaître qu’il n’a pas eu ces grande3 conceptions d ensemble qui forment des époques dans l’histoire de l’esprit humain : la géométrie analytique, le Calcul infinitésimal, la gravitation universelle. Comme physicien, nous avons reconnu le mérite de ses expériences, mais elles ne constituent à aucun degré les titres nécessaires pour le classer parmi ceux qui ont pénétré les grands socrets de la nature. Torricelli a découvert la pesanteur de l’uir, Pascal a seulemeut vu une des conséquences du cette admirable découverte. Comme mécanicien, enfin, il mérite à peine une mention ; car sa machinoarithmétique, la brouette, qu’il perfectionna (il s’agit d’une espèce de chaisu roulante et non pas de la brouette du terrassier, qui est très-ancienne), le haqust qu’il imagina, sont assu-