Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 1, P-Pate.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée

20

PAGA

pbthisie laryngée qui le privait entièrement 3e l’usage de la voix., il se rendit à Marseille, dont Se séjour lui était prescrit par les médecins, et il parut un moment renaître à la vie (1339). Retiré dans la maison d’un ami, il prenait alternativement le violon et la guitare et Se ranimait en exécutant des morceaux de Beethoven, qu’il aimait passionnément. Se croyant tout à fait remis, il voulut gagner Gênes et fut forcé de s’arrêter à Nice, où son mal empira. Un biographe italien a raconté d’une façon touchante ses derniers moments : « Dans sa dernière soirée, il parut plus tranquille que d’habitude. Il avait dormi quelque peu ; quand il s’éveilla, il fit ouvrir les rideaux de son lit pour contempler la lune qui, dans son plein, s avançait au milieu d’un ciel pur. Dans cette contemplation, ses sens s’assoupirent de nouveau, mais le balancement

des arbres éveilla en lui un frémissement. Il voulut rendre à la nature les délicates émotions qu’il en recevait k ce moment suprême, étendit la main jusqu’au violon enchanté qui avait charmé son existence et envoya au ciel, avec ses derniers sons, le dernier soupir d’une vie qui n’avait été que mélodie. •

Paganini laissait à son fils Achillino une fortune de 2 ou 3 millions. Les bruits absurdes qui avaient couru autour de lui pendant sa vie circulèrent encore après sa mort ; le clei gé niçois, persuadé que c’était le diable en personne, refusa de 1 inhumer : l’évêque projonça k cet effet une interdiction formelle. Il y eut procès, recours à Rome, enquête, con ré-enquête ; et, pendant tout ce temps, le c >rps du grand artiste restait caché dans une cave de l’hôpital de Nice. Le peuple racon.ait que chaque nuit des cris lamentables s’échappaient de cette cave, et toute la ville fut en rumeur. Enfin, Achillino Paganini parvint à faire transporter le corps de son père à Gênes et de là à la villa Gajona, où il fut inhumé seulement en 1845.

Il a été écrit beaucoup de choses sur Paganini, sur son irritabilité, son avarice, son âpreté au gain. La plupart des faits rapportés sont controuvés ou exagérés. Son irritabilité était extrême, il est vrai, mais provenait de sa nature maladive plus que de son caractère. La sensibilité de son organisme était telle, qu’il ne pouvait toucher son violon sans tressaillir, comme s’il eût craint une souffrance. Aussi, jamais ne jouait-il en dehors de ses concerts ; aux répétitions même, s’il voyait quelque figure étrangère, il se contentait de promener sa main sur le manche de l’instrument et de calculer les positions sans même effleurer les cordes de l’archet. Il aimait k dérouter les curieux et les importuns. Quand on lui demandait par quelle méthode et par quels exercices il était parvenu à cette exécution merveilleuse, il répondait en souriant : « C’est mon secret ; je le publierai un jour. » Le secret, c’était son génie, et il l’a emporté dans sa tombe. Chaque fois qu’il donnait un concert, ce grand artiste était inquiet, nerveux, agité, comme s’il se fût agi de son premier début ; c’est à peine s’il pouvait maîtriser son émotion ; ses mains tremblaient ; ses joues se couvraient d’une pâleur livide. Dans la matinée, il ne bougeait pas ; il se tenait étendu sur une chaise longue ou assis dans son fauteuil. Il repassait ses morceaux dans sa tête. Peudant les répétitions, k la moindre faute, il entrait dans des colères violentes. Si l’on jouait faux, si le tuttïentrait trop tôt ou trop tard, sa colère était terrible ; il ne se possédait plus, il frappait du pied, il se mordait les lèvres. S’il eut tenu les malheureux coupables de lèse-intonation ou de lèse-mesure, il les eût mis en pièces. Lorsque, au contraire, tout marchait à souhait, sa physionomie prenait une expression charmante, son front se déridait, il se tournait vers l’orchestre de l’air le plus aimable et avec le plus gracieux sourire : « Bravo, siynori, disait-il ; siele tutti viriuosi. » Arrivait le point d’orgue. Voilà tous les musiciens debout, le regard fixe, haletants, immobiles. Paganini jetait cinq ou six notes avec lu dernière nonchalance et ajoutait, en riant : « El c&tera, messieurs, à ce ioir. »

Très-gai dans le monde, pourvu qu’on ne parlât pas de musique, il était sobre par habitude et par nécessité, ne dînait jamais en ville, par la frayeur qu’il avait de s’oublier en nombreuse et bruyante compagnie, car il expiait le lendemain les moindres excès de table par des souffrances atroces.

Il souffrait dans les dernières années de sa vie des douleurs d’entrailles telles, que le moindre cahot de voiture, sur les grandes routes, lui faisait pousser des cris déchirants ; ses yeux s’étaient exaspérés à la lumière de la rampe, si bien qu’il se plaisait surtout dans l’obscurité et, quand on voyait son fils éteindre autour de lui toutes les bougies, on riait et on criait k l’avarice. Cette avarice lui fut vivement reprochée, non moins que ses bizarreries ; mais, s’il mettait à. haut prix* son talent, il n’imposait à personne l’obligation de venir l’entendre ; il donna souvent de fructueux concerts au bénéfice des indigents et secourut plusieurs fois de sa bourse des artistes malheureux ou découragés. Plusieurs faits de générosité l’honorent, non-seulement pour l’importance du don, mais pour la manière délicate de donner qui rendait à ses obligés le refus impossible et la reconnaiisance légère. Berlioz fut un de ses obligés et dans des circonstances singulières, dont nous lui emprunterons le récit. Paganini s’était montré enthousiaste de

PAGA

la musique de Berlioz après une audition de Benvenuio Cellini, qui tomba à l’Opéra, et il lui avait fait transmettre ses éloges. Berlioz, cloué au lit après cette représentation désastreuse, se vit obligé, pour vivre, de monter quand même deux concerts ; Paganini assista au second, qui eut lieu le 16 décembre 1838, et fut frappé de la symphonie de Harold. « Le concert venait de finir, dit Berlioz, j’étais exténué, ’couvert de sueur et tremblant, quand, à la porte de l’orchestre, Paganini, suivi de son fils Achille, s’approche de moi en gesticulant vivement. Par suite de la maladie de larynx dont il est mort, il avait déjà perdu la voix : et son fils seul, lorsqu’il ne se trouvait pas dans un lieu parfaitement silencieux, pouvait encore entendre ou plutôt deviner ses paroles. Il fit signe à l’enfant qui, montant sur une chaise, approcha son oreille de la bouche de son père et l’écouta attentivement. Puis Achille, se tournant vers moi : « Mon père, dit-il, m’ordonne de vous assu « rer, monsieur, que, de sa vie, il n’a éprouvé,

« dans un concert, une impression pareille ; que votre musique l’a bouleversé et que, s’il ne sa retenait pas, il se mettrait à vos genoux pour vous remercier. » À ces mots étranges, je fis un geste d’incrédulité ; mais Paganini, me saisissant le bras et râlant avec son reste de voix des oui, oui, m’entraîna sur le théâtre où se trouvaient encore beaucoup de mes musiciens, se mit à genoux et me baisa la main. Besoin n’est pas, je pense, de dire de quel étourdissement je fus pris. Je cite le fait, voilà tout.

Le lendemain, j’étais seul dans ma chambre, quand j’y vis entrer le petit Achille. • Mon père, me dit-il, sera bien fâché d’apprendre que vous êtes encore malade et, s il n’était pas lui-même souffrant, il serait venu vous voir. Voilà une lettre qu’il m’a chargé de vous apporter. » Comme je faisais le geste de la décacheter, l’enfant me dit eu in’arrêtant : > Il n’y a pas de réponse, mon père a dit que vous lisiez cela quand vous serez

> seul. » Et il sortit brusquement. J’ouvris la lettre et je lus : • Mon cher ami, Beethoven

> mort, il n’y avait que Berlioz qui pût le faire revivre. J’ai déjà goûté vos divines

> compositions qui sont dignes d’un génie tel que vous, et je vous prie de bien vouloir accepter, en témoignage de mon admiration,

« 20,000 francs qui vous seront remis par le baron de Rothschild, dès que vous lui aurez présenté la lettre ci-incluse. Croyez-moi

« toujours votre ami très-affectionné, Nicolo

> Paganini. Paris, 18 décembre 1838. » Un billet adressé à M. de Rothschild étaitjointà la lettre. Sans penser commettre une indiscrétion, je l’ouvris précipitamment. Il y avait ce peu de mots : « Monsieur le baron, je vous

« prie de vouloir bien remettre à M. Berlioz les 20,000 francs que j’ai déposés chez voua

> hier. • Ce fait montre que si Paganini était avare il était encore plus enthousiaste.

Parmi les nombreuses notices écrites sur ce grand artiste, deux seulement contiennent quelques détails techniques, facilement compréhensibles, sur la manière de jouer et l’exécution de Paganini ; nous les empruntons à leurs auteurs, MM. Berlioz et Fétis. • Malgré les progrès rapides, a dit le premier, que fait aujourd’hui, grâce à Paganini, l’art du violon, du côté du mécanisme, les compositions de ce grand virtuose sont encore inabordables pour la plupart des violonistes, et c’est à peine si, à leur lecture, on comprend comment l’auteur put jamais les exécuter. Il faudrait écrire un volume pour indiquer tout ce que Paganini a trouvé, dans ses œuvres, d’effets nouveaux, de procédés ingénieux, de formes nobles et grandioses, de combinaisons d’orchestre qu’on ne soupçonnait même pas avant lui. Sa mélodie est la grande mélodie italienne, mais frémissante d’une ardeur plus passionnée, en général, que celle qu’on trouve dans les plus belles pages des compositeurs dramatiques de son pays. Son harmonie est toujours claire, simple et d’une sonorité extraordinaire. Il a su faire ressortir et rendre dominateur le timbre du violon-solo, en accordant ses quatre cordes un demi-ton plus haut que celles des violons de l’orchestre, ce qui lui permettait de jouer ainsi dans les ton3 brillants de et de ta pendant que l’orchestre l’accompagnait dans les tons moins sonores de mi bémol et de si bémol. Ce qu’il a découvert dans l’emploi des sons harmoniques simples et doubles, des notes pincées de la main gauche, dans la forme des arpèges, dans les coups d’archet, dans les passages en triples cordes, passe toute croyance ; d’autant plus que ses devanciers ne l’avaient pas mèrfte mis sur la voie. Paganini est de ces artistes desquels il faut dire : ils sont parce qu’ils sont et non parce que d’autres furent avant eux. Malheureusement, ce qu’il n’a pu transmettre à ses successeurs, c’est l’étincelle qui animait ’et rendait sympathiques ces foudroyants prodiges de mécanisme. On écrit

l’idée, on dessine la forme ; mais le sentiment de l’exécution ne peut se fixer, il est insaisissable ; c’est le génie, c’est l’âme, c’est la flamme de vie qui, en s’éteignant, laisse après elle des ténèbres d’autant plus profondes qu’elle a brillé d’un éclat plus éblouissant. ■

M. Fétis a donné des renseignements encore plus explicites sur le mécanisme de Paganini. « L’opposition des sonorités, dit-il, ht diversité de l’accord, l’emploi fréquent des sons harmoniques simples et-doubles, les effets de cordes pincées réunis aux effets d’ur PAGA

chet, les différents genres de staecati, l’usage de la double et même de la triple corde, une prodigieuse facilité à exécuter les intervalles de grand écart avec une parfaite justesse, enfin une variété inouïe d’accentuation, tels étaient les moyens dont la réunion composait la physionomie du talent de Paganini ; moyens qui tiraient leur prix de la perfection de 1 exécution, d’une exquise sensibilité nerveuse et d’un gn>nd sentiment musical. À la manière dont 1 artiste se posait en s’appuyant sur une hanche, à la disposition de son bras droit et de sa main sur la hausse de son archet, on aurait cru que le coup de celui-ci devait être donné avec gaucherie ; mais bientôt on s’apercevait que le bras et l’archet se mouvaient avec une égale souplesse et que ce qui paraissait être le résultat de quelque défaut de conformation était dû k l’étude approfondie de ce qui était le plus favorable aux effets que l’artiste voulait produire. L’archet n’excédait pas les dimensions usitées ; mais, par l’effet d une tension plus forte que l’ordinaire, la baguette était un peu moins rentrée. Il est vraisemblable que, par cette disposition, Paganini avait voulu se faciliter le rebondissement de l’archet dans le staccato, qu’il fouettait et jetait sur la corde d’une manière toute différente du faire des autres violonistes. Dans la notice qu’il a écrite sur lui-même, il dit que, à son arrivée k Lucques, on fut étonné de la longueur de son archet et de la

frosseur de ses cordes ; mais plus tard, sans oute, il s’aperçut de la difficulté de faire vibrer de grosses cordes dans toutes leurs parties et, par-suite, d’en obtenir des sons harmoniques purs, car il en diminua progrèssivement le volume ; et, lorsqu’il se fit entendre à Paris, ses cordes étaient au-dessous de la grosseur moyenne. Les mains de Paganini étaient grandes, sèches et nerveuses. Par l’effet d’un travail excessif, tous ses doigts avaient acquis une souplesse dont on ne peut se faire une idée. Le pouce de la main gauche se repliait à volonté presque sur la paume de la main, lorsque besoin était, pour certains effets de démanché. Le son que Paganini tirait de son violon était rond et pur, sans être excessivement volumineux, excepté dans certains effets où il rassemblait visiblement toutes ses forces afin de produire des sonorités extraordinaires ; mais ce qui distinguait surtout ce côté de son talent, c’est la multiplicité des voix qu’il savait obtenir par des moyens à lui propres, ou que ses prédécesseurs avaient négligés, après leur découverte, parce qu’ils n avaient pas aperçu tout le parti qu’on en pouvait tirer. Ainsi, les sons harmoniques, dont l’emploi avait toujours été borné, jouaient un rôle important dans la manière de Paganini. Il les utilisait comme un moyen artificiel pour atteindre à de certains intervalles que la main, si grande qu’elle fût, ne pouvait aborder. C’est aussi à 1 aide des harmoniques qu’il était parvenu à donner à la quatrième corde une étendue chantante de trois octaves. Avant lui, personne n’avait imaginé que, hors des harmoniques naturels, il fût possible d’en faire entendre de doubles en tierce, quinte, sixte, enfin de faire marcher à l’octave des sons naturels et des sons harmoniques. Toutes ces impossibilités, Paganini les exécutait dans toutes les positions, avec une facilité miraculeuse. Dans le chant, il employait fréquemment un effet de vibrato qui avait de l’analogie avec la voix humaine ; et, par les glissements affectés de la main, cette voix devenait celle d’une vieille femme, et le chant présentait les ridicules inhérents à certains chanteurs français du passé. L’intonation de Paganini était parfaite et cette qualité était un de ses grands avantages sur la plupart des autres violonistes. Il y avait réellement quelque chose d’inexplicable et de mystérieux dans la faculté qu’il possédait d’exécuter, toujours d’une manière infaillible, des difficultés irréalisables, sans jamais toucher son violon, si ce n’est aux répétitions et aux concerts. M. Harrys, son secrétaire, ne le quitta point pendant une année entière et ne le vit jamais tirer son violon de l’étui lorsqu’il était chez lui.» L’œuvre de Paganini, publié de son vivant, se composait de : vingt-quatre caprices pour violon seul ; douze sonates pour violon et guitare, en deux séries ; trois quartetti pour violon, viole, guitare et violoncelle. Scheenenberger, l’éditeur parisien, a, depuis sa mort, publié (1851-1852, in-io) : deux concertos en ii mineur et mi bémol ; c’est dans le premier que se trouve le célèbre ronde de la Clochette ; des fragments d’une sonate avec orchestre, intitulée : Movimento perpetuo ; les variations des Streg/ie, du God save the king, de l’air Di tanti palpili ; vingt variations du Carnaval de Venise ; soixante variations sur l’air popufaire génois connu sous le titre de : Burrucaba. Le concerto en mineur, écrit à Paris et que Paganini fit entendre à son troisième concert en 1831, n’a cas été retrouvé, non plus que sa grande sonate militaire sur la quatrième corde, et la Prière de Moïse, et ses variations sur le thème Nel con più non mi sento. C’étaient ses productions les plus achevées et celles où il développait le mieux sa merveilleuse habileté ; aussi les cachait-il soigneusement. Personne, de son vivant, ne vit ses parties de violon solo et, de peur d’accident, peut-être ii’avait-il confié les meilleures qu’à sa mémoire. Son fils a donné communication de toutes celles qui se trouvaient dans ses papiers.

PAGA

On peut consulter sur la vie et les œuvres de cet artiste extraordinaire : Paganini’s Leben und Treiben ats Kunsller und ats Mensch (Vie et aventures de Paganini considéré comme artiste et comme homme), par M. Schottky (Prague, 1830, in-8°) ; Vita di Nicolo Paganini, par le comte G. Conestabile (Pèrouse, 1851, gr. in-8"). Cet ouvrage contient, outre d’excellents renseignements biographiques, un catalogue de toutes les œuvres manuscrites de Paganini j Notice biographique sur Aricolo Paganini, suivie de l’analyse de ses ouvrages, par J. Fétis (1851, gr. in-S°).

PAGANIQUE odj. (pa-ga-ni-ke — lat. paganicus ; de pagus, bourg, village). Anliq. rom. Qui appartient aux villages ou aux habitants de la campagne. Il Paume paganique ou substantiv. Paganigue, Paume bourrée de plumes, plus grande que la paume ordinaire et plus petite que le ballon : La paganique était en usage dans les gymnases.

PAGANISANT s. m. (pa-ga-ni-zan — rad. paganùer). Hist. relig. Membre d’une secte chrétienne qui observait certaines cérémonies empruntées aux païens.

PAGANISER v. n. ou intr. (pa-ga-ni-zédu lat. paganus, païen). Se livrer à des actes de païen, vivre en païen.

— v. a. ou tr. Rendre païen : PaGANISEr un peuple.

PAGANISME s. m. (pa-ga-ni-sme — du lat. paganus, habitant de la campagne, parce que les habitants de la campagne, plus attachés à leurs traditions, furent les derniers à abandonner le culte des faux dieux). Culte polythéiste : Il ne m’entre point dans la tête que Julien ait cru sérieusement au paganisme. (Volt.) Le paganisme entier n’est qu’un système de vérités corrompues et déplacées. (J. de Maistre.) Le paganisme, qui pétrit toutes ses créations de la même argile, rapetisse la divinité et grandit l’homme. (V. Hugo.) Un si bas, si honteux, si faux christianisme Ne vaut pas de Platon l’éclairé paganisme.

DOlLEiU.

Il Peuples païens : Le paganisme inventa des dieux abominables, qu’on eût punis comme des scélérats. (J.-J. Rouss.)

— Encycl. Les chrétiens donnaient le nom de paganisme, durant les premiers siècles de l’Église, k toute doctrine religieuse autre que la leur ou celle des Juifs ; le nom même indique qu’il ne put être appliqué qu’à une époque où, le catholicisme commençant à avoir un grand nombre d’adhérents dans les villes, les vieilles religions de la Grèce et de Rome ne trouvaient plus de fidèles que parmi les habitants des hameaux (pagi). Tous les païens étant polythéistes, polythéisme et paganisme purent être considérés comme synonymes ; cependant les chrétiens, avant d’appeler les mahoinétans des infidèles, les appelèrent longtemps des païens, quoiqu’ils fussent monothéistes au même litre que les sectateurs du Christ. Retranchant donc du nombre des païens les mahométans, nous pourrons dire que tous les peuples païens sont polythéistes.

Le paganisme a revêtu les formes les plus variées ; il a été la première expression de ces aspirations religieuses dont les peuples enfants ne peuvent se défendre, puisqu’on en trouve des traces plus ou moins rudimentaires au berceau de toutes les sociétés, il s’est imprégné du génie de chaque peuplade, de chaque tribu, de chaque nation ; il est resté grotesque chez quelques-unes, il est devenu sombre, mystérieux, implacable chez d’autres ; chez les plus favorisées, par exemple chez les tribus helléniques, il a été la plus vive source de l’art et du beau idéal. Les ridicules fétiches des peaux-rouges et des nègres, l’abominable Moloch des Phéniciens et des Carthaginois, la Minerve de Phidias et la Vénus de Praxitèle procèdent du même ordre d’inspiration. Sans entrer dans les développements du puçanisme îi travers les âges, et laissant de côté le dénombrement des dieux et l’histoire dés mythes, qui font l’objet d’une autreétude(v. mythologie), il nous faut cependant jeter un rapide coup d’œil sur les anciennes religions pour fixer le terrain sur lequel, du l" siècle au ive siècle de 1ère moderne, s’engagea la lutte entre le paganisme et le christianisme.

Le plus absurde système qui ait été proposé pour l’explication des diverses religions est assurément celui du Père Guérin du Rocher (Histoire véritable des temps fabuleux), système repris et aggravé de la façon la plus risible dans l’Encyclopédie catholique de l’abbé Glaire. D’après ces intrépides prôneurs du Pentateuque et de la loi mosaïque, tous les systèmes philosophiques et religieux du paganisme doivent être considérés comme les trayestissementsd’une réminiscence lointaine et défigurée de la révélation primitive. Ils prétendent retrouver tous les énoncés de la Genèse, la création, le paradis terrestre, le serpent tentateur, le déluge, Noé, Abraham, chez tous les peuples et sous tous les climats. Toute la vieille histoire fabuleuse de l’Inde, de l’Égypte, de l’Assyrie et de la Grèce n est qu’un commentaire défiguré des livres bibliques : Abraham est devenu Brahma chez les lndous ; la reine d’Égypte Nitocris, qui avait les cheveux roux, est un souvenir du passage de la mer Rouge ; ce que l’on rapporte de Babylone est également une réminiscence de ce grand fait historique ; eu effet, que dit-on.