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livre contient une grande quantité de sonkiets, composés en 1 honneur de Noémi, une autre de ses maîtresses, dont le véritable nom était Esther de Rochefort, et les Délices d’amour, composition très-libre dédiée à l’un des dignons de Henri III, Maugiron. La troisième partie est la plus intéressante de toutes au point de vue de la connaissance des temps où vivait le poète. Les Tombeaux ou épitaphes de ses amis nous donnent les noms d’une foule de capitaines de ce temps-là : û’Estrées, Barbezieux, Villegomblain, Beauvais-Nangis, Bois-Dauphin, Vauberault, Viefuy.’Ponsonus, Masaires, Boucheraut, Maâaillan, Eoussin, Doffignée, Caumont, les uns connus, les autres absolument ignorés, mais tous braves à trois poiis comme lui. Livarot, autre mignon de ’Henri III, fut le colonel de Lasphrise, qui fit en son honneur deux sonnets, l’un sur une blessure qu’il reçût au siège de Lamure, l’autre à l’occasion de sa mort. Un conte en vers licencieux, dans le genre de Boccace et intitulé la Nouvelle inconnue, est dédié à Beauvais-Nangis, et il dédia de plus à la femme de celui-ci vingt-cinq énigmes pleines d’équivoques obscènes, dans le genre de celles qui terminent chacune des Facétieuses nuits de Straparole.

Les pièces intitulées Bouquet de coquette. Carême-prenant sont d’une vive originalité. Le poôte se plaisait aussi aux difficultés et aux tours de force ; il y a dans son recueil un sonnet monosyllabique, d’autres où le dernier mot de chaque vers est toujours le premier du vers suivant, etc. Étant devenu vieux, il abandonna la poésie erotique et fantasque pour les rimes religieuses. Il traduisit alors en vers le cantique des trois enfants dans la fournaise, paraphrasa l’Oraison dominicale, la Salutation angélique, le Magnificat et « se disposa enfin à. mourir plus pieusement qu’il n’avait vécu. • Une seconde édition qu’il publia des Premières œuvres poétiques au capitaine Lasphrise (Paris, 1599, in-12) est dédiée à César de Bourbon, duc de "Vendôme. On y trouve mie satire qui a pour titre le Fléau féminin, où il malmène de la belle manière les femmes célébrées dans ses autres pièces. Bientôt après il fit amende honorable et répara sa faute eu composant une autre pièce q«i s’appelle : Désaveu du fléau féminin. Lasphrise no se pique pas d être savant : « Je n’ai point, dit-il, courtisé le grec, ni fréquenté Tibulle, Ovide, le Tasse ou Pétrarque, ni pratiqué d’autres règles que celles que la mère nature m’a favorablement données. » 11 ne doit qu’à, lui seul son mérite poétique, C’est cela, ajoute-t-il, dont je me targue et dont je me précelle à la vue et an jugement des hommes qui ont du ness. » Malheur à quiconque aurait osé critiquer ses vers : il était capable d’en demander raison l’épée à la main.

Un éditeur anonyme publia un second recueil des poésies de Lasphrise (Lyon, 1600, in-8»). Ce second ouvrage se compose de cinquante-six stances sur l’amour conjugal et sur le muriage de Henri IV avec Marie de Môdicis, et de quatre sonnets au roi et à la reine, où le vieux capitaine demande 000 écus en récompense de ses services.

PAPILLON (Jean), graveur sur bois, né à Rouen en 1639, mort à Paris en 1710. Il était plus fécond que correct. — Son fils, Jean Papillon, dit le Jeune, né à Saint-Quentin en 1661, mort en 1723, reçut les leçons de Noël Cochin, devint un dessinateur habile, puis fit des patrons de costumes et des modèles de broderies pour les merciers, rubaniers, etc., inventa les papiers de tenture pour les appartements vers legs et grava dos ornements de livres qui eurent beaucoup de succès. On lui doit des gravures sur bois aussi remarquables par la correction du dessin que par l’agrément de l’exécution. Ses portraits des papes Paul III, Jules III, Pie IV, du roi d’Angleterre Jacques II sont regardés comme des chefs-d’œuvre en leur genre. On fait, aussi le plus grand cas de ses estampes d’un livre de messe, en trente-six pièces, qu’il publia en 1G95. C’est Jean Papillon qui inventa l’instrument connu sous le nom de trusquin. — Son neveu, Jean-Michel Papillon, ué à Paris en 1698, mort en 1776, fut le plus célèbre des membres de cette famille. 11 eut pour élève un grand nombre de personnages titrés et devint « graveur en taille do bois » à l’Imprimerie royale. Son œuvre, très-considérable, ne consiste qu’en vignettes, culs-de-lampe, armoiries et autres ornements pour la typographie. Il avait un talent particulier pour les fleurons. Son œuvre a été publié en 1766 (2 vol. in-12). On lui doit un Traité historique et pratique de la gravure en 4oi>{176û, 2 vol. in-S", fig.), ouvrage recherché, dont la première partie contient l’histoire de cet art.

PAPILLON (Philibert), biographe français, né à Dijon en 1666, mort dans la même ville en 1738. Il étudia successivement la médecine, la botanique, le droit, puis entra dans les ordres. Forcé, par suite d’une difficulté de la langue, de renoncer à la chaire et au confessionnal, il se consacra entièrement à l’étude et se borna à être chanoine h la Chapelleaux-Riches de Dijon. C’était un infatigable travailleur et un homme d’une vaste érudition. Le Père Lelong lui dut un grand nombre de notices, d’additions et de corrections pour son travail sur les historiens de France. Oïl lui doit là Bibliothèque des auteurs de

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Bourgogne (Dijon, 1742,2 vol. in-foL), ouvrage publié après sa mort et qui contient environ 1,200 notices fort exactes, mais rédigées avec trop de sécheresse. On trouve de cet écrivain, dans le tome VII des Mémoires d’histoire et de liliérature de Desmolets, une dissertation dans laquelle il prétend que l’introduction du J et du V est due ans presses françaises, et non à celles de Hollande, et que Weohel distingua le premier ces deux lettres de l’/et de 1’fdans la grammaire et les autres ouvrages de Ramus.

PAPILLON (Fernand), savant français, né en 1847, mort à Paris à la fin de décembre 1S73. Au sortir du collège, il se tourna vers l’étude des sciences et commença, dès l’âge de vingt et un ans, à faire paraître des articles scientifiques dans le Courrier français. Après la suppression de ce journal républicain (186S), Papillon collabora à la Liberté’ et au Grand Dictionnaire du xix" siècle, puis il alla rédiger un journal en province. De retour à Paris, grâce à son activité et aux relations qu’il se créa dans le monde savant, il parvint à publier quelques études dans la Jlevue des Deux-Mondes, puis il attira l’attention du public pur de nombreux mémoires qu’il adressa à l’Académie des sciences morales, notamment sur la Rivalité de l’esprit leibnizien et de l’esprit cartésien en France au xvme siècle, sur les Rapports philosophiques de Gœlhe et de Diderot, sur la Constitution de la matière, sur la Philosophie de Leibniz à l’Académie de Berlin, etc. Il collabora, en outre, à la Revue des cours publics et au Temps, et il venait de faire paraître un volume d’études, intitulé la Nature et la vie, faits et doctrines (1873), lorsqu’il fut emporté en quelques jours par une angine. Pendant un certain temps, il s’était borné au rôle de vulgarisateur, flottait indécis entre les idées de 1 école positiviste et les idées des spiritualistes les plus avancés. Ses études sur la constitution générale des êtres vivants, sur la chaleur et la vie, les régénérations animales, les ferments, l’hérédité, résumaient très-exactement et impartialement les faits connus et l’état actuel de nos connaissances sur ces sujets importants. Mais bientôt il ne sa borna plus h, faire connaître les questions toujours un peu obscures des études biologiques ; rompant avec les idées positivistes, il prit parti pour les idées en cours dans le monde scientifique officiel et se donna pour programme de réconcilier la science avec la métaphysique et, selon son appréciation, avec les convictions les plus hautes qui constituent le patrimoine moral et religieux de notre race.

PAPILLON DE LA PERTE (Denis-Pierre-Jean), intendant des menus plaisirs du roi, né à Châlons-sur-Marne eu 1727, décapité le 7 juillet 1794. C’était un savant et un ami éclairé des arts. On a de lui, outre des traités sur les mathématiques, l’astronomie et l’architecture : Extrait des différents ouvrages publiés sur la vie des peintres’(me, 2 vol. in-8°), ouvrage réédité sous ce titre : Abrégé de la vie des peintres français (1796).

PAPILLON DU RIVET (Nicolas-Gabriel), poôte etiésuite français, né à Paris en 1717, mort à Tournay en 17S2. Il était d’une santé si délicate que, pendant trente ans environ, il ne vécut que de lait et de pain blanc. Papillon s’adonna avec succès à la prédication, composa des poèmes latins, entre autres ; Templum asseutationis (1742), Mundus phijsicus (1742), et des poésies françaises. Uu recueil de ses Sermons a été publié à Tournay (1770, 4 vol. In-12). L’abbé Migne a publié un choix de ses œuvres dans ses Orateurs sacrés.

PAPILLON, ONNE adj. (pa-pi-llon, o-ne ; Il mil. — rad. papillon). Inconstant, changeant, volage : Une humeur papillonne.

— Philos, soc. Passion papillonne ou substantiv. Papillonne, Amour du changement, inconstance d’humeur ou de goûts, dans le système de Fourier : Nous voilà en plein phalanstère, avec le travail attrayant pour tâche et la papillonne pour règle. (Franck.)

— s. f. Hortie. Variété de tulipes. Papillonne (la), comédie en trois actes, en

prose, de Victorien Sardou (Théâtre-Français, 1862). Sifflée à la première représentation, la pièce tomba pour ne plus se relever ; c’est à peine si le public eut lu patience d’écouter jusqu’au bout la série de scènes fades et malsaines dont elle se compose.

Qu’est-ce que la papillonne ? V. Sardou a emprunté le mot et la chose à Fourier, qui en avait fait un théorème important de son Attraction passionnelle. La papillonne est une maladie qui se déclare ordinairement chez les conjoints après deux ou trois ans de mariage : les hommes et les femmes y sont également sujets. M. de Champignac est affligé d’une papillonne aigus : en d’autres termes, il aime fort à voltiger autour de toutes les femmes, la sienne exceptée. Mais Mme de. Champignac est toute disposée à se venger de sou infidèle époux, tourmentée qu’elle est de la inéiiie inquiétude. Heureusement pour les deux malades, ils ont une tante envoyée par la Providence pour les sauver : elle conseille à la jeune femme de ramener son mari avec un peu de coquetterie, et Champignac se laisse prendre a ces manèges ; la tante veut le punir de ses infidélités en lui inspirant des soupçons sur sa femme, et die réussit. Pour PAPI

tant, la réconciliation est mal préparée et le dénoûment n’est pas facile. M. Sardou a trop multiplié les fils, il s’est perdu dans son intrigue et lu public s’y est embrouillé avec lui. La n’est pourtant pas le défaut capital de la pièce ; il est dans un mélange étonnant de bonne comédie et de mauvaise farce, de scènes bien menées, bien composées et bien écrites, et d’incidents parasites, de calembours usés et de jeux de mots sans saveur, ou parfois, au contraire, trop piquants. Il y a de l’esprit et du savoir-faire dans cette comédie, mais il n’y a point d’élévation et ni vrai talent. L’œuvre est faite trop vite, par il habile ouvrier, inaîii non par un artiste.

PAPILLONACÉ, ÉE adj. (pa-pi-llo-na-sé ; Il mil. — rad. papillon). Bot. Syn. de papilionacé, Éa.

PAPILLijnide adj. (pa-pi-llo-ni-de ; II mil.

— de papillon, et du gr. eidos, aspect). Entom. Qui ressemble ou qui se rapporte au genre papillon.

— s. m. pi. Tribu d’insectes lépidoptères diurnes, ayant pour type le genre papillon,

PAPLLLONNAGE s. m. (pa-pi-Uo-na-ge ; Il mil. — rad. papillonner). Action de papillonner : Arrêtez te papillonnage et fixes l’instabilité. (Desmahis.)

PAPILLONNANT, ANTE adj. (pa-pi-llonan, an-te ; Il mil. — rad. papillonner). Qui a l’habitude de papillonner : Mes bals ne sont pas de ces cohues brillantes où une foule de femmes en étalage attend l’hommage de mille petits êtres papillonnants qui voltigent autour d’elles. (M">e Roland.)

PAPILLONNE S. f. V. PAPILLON adj.

PAPILLONNER v. n. ou intr. (pa-pï-llo-né ; Il mil. — rad. papillon). Fam. Ne s’arrêter à aucun objet, aller de ça, de là, comme le papillon voltige de fleur en fleur : Je suis sémillant, je badine, je folâtre, je papillonne. (Uoissy.) Le salon du receveur général était comme une auberge administrative où toute la société dansait, intriguait, papillonnait, aimait et soupait. (Balz.)

Il n’était point d’agréable partie, S’il n’y venait briller, rossignoler, Papillo-.wer, siffler, caracoler,

Gbesset.

Argot. Exécuter le vol au papillon, voler les blanchisseurs.

PAPILLONNEUR, EUSE s. (pa-pi-llo-neur, eu-ze ; Il mil. — rad. papillonner). Argot. Celui, celle qui vole les blanchisseurs, qui exécute le vol au papillon.

PAPILLOT s. m. (pa-pi-llo ; Il mil. — rad. papillon ; ces taches semolent voltiger tantôt sur un membre, tantôt sur l’autre). Pathol. Nom donné aux taches qui couvrent la peau, quand on a la lièvre pourprée.

PAPILLOTAGE s. m. (pa-pi-llo-ta-je ; Il mil.

— rad. papilloter). Mouvement incertain et involontaire des yeux, pur suite duquel ils ne peuvent se fixer sur aucun objet, il Eblouissement et fiuigue qu’éprouvent les yeux à la vue d’un objet trop brillaut et de couleurs trop vives.

— B.-art-i. Effet divisé, éparpillé sur des plans trop nombreux, des surfaces trop étroites et trop multipliées : Le palillqtage de lumière détruit l’harmonie. (Dider.)

— Littér. Accumulation fatigante d’effets brillants : Le style est trop souvent aujourd’hui un papillotaob prémédité. Tout écrivain gui conserve dans son style ce papillotage jusqu’i trente ans risque de n’être qu’un enfant toute sa vie. (Grimm.)

— Typogr. Défaut que présente un tirage quand il manque de netteté ou quand l’impression se projette au delà de l’œil de la lettre.

— Modes. Action de mettre en papillotes : Le papillotage des cheveux se fait généralement à chtiud.

PAPILLOTANT, ANTE adj. (pa-pi-llo-tan, au-te ; Il mil. — rad. papilloter). Qui produit le papillotage : Couleurs, lumières papillotantes.

PAPILLOTE s. f. (pa-pi-lio-tô ; Il mil.-On regarde ordinairement ce mot comme un dérivé de papier ; mais le verbe papilloter, qui exprime un mouvement incertain et involontaire des yeux, ne serait pas alors un dérivé de ce substantif ; il faudrait le rapporter, comme papillonner, au primitif papillon. Il se peut, du reste, que papillote lui-même en soit également t.ré ; la forme de la chose y autorise parfaitement et M. Littré adopte cette explication). Morceau de papier, d’étolfe ou mémo de feuille métallique, dont on fait usage pour envelopper les cheveux que l’on met en boucles pour les friser : Mettre des papïLlOtbs. Fer à papillotes. Il avait la tète nue et sa chevelure avait été soigneusement arrangée avec des paiullotes. (Baudelaire.)

— Morceau de papier dont on enveloppe un bonbon de chocolat : Les formes de l’art ne sont pas des papillotes destinées à envelopper des dragées plus ou moins amères de morale et de philosophie. (Th. Gaut.) Il Bonbon, chocolat ainsi enveloppé.

Avoir la tête en papillotes, Avoir reçu à la tête plusieurs coups, plusieurs blessures qui ne se touchent pas, ce qui oblige à les panser séparément.

— Paillette d’or ou d’argent. U Vieux en ce sens.

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— AtiotV les yeux en papillotes, N’y voîf pas bien clair, avoir la vue trouble en s’éveillant.

N’être bon qu’à faire des papillotes, Se dit d’un écrit sans mérite, sans valeur : Je ne suis guère curieux de tous les écrits qui paraissent aujourd’hui ; oit en est inondé ; à quoi cela servira-t-il ? k faire des papillotes. (Mms du Deffunt.)

— Art culin. Papier beurré ou huilé dont on enveloppe certaines viandes pour les faire griller : Côtelettes en papillotes. !1 Petites* ailes en papier qu’on meta un tourne-broche, pour l’empêcher de tourner trop vite.

— Cost. Nom donné à des paillettes d’or ou d’argent dont on se servait autrefois pourralever les habits en broderie.

Papillotes (lus), en patois languedocien las Papillotos, recueil de poésies du perruquier agenais Jasmin, qui choisit ce titre pour rappeler sa profession. La première édition de ce recueil, révélé au public fiançais par Charles Nodier, parut en 1835, et les éditions suivantes se sont successivement augmentées de toutes les pièces que Jasmin a composées jusqu’à sa mort (186"). Elles forment * vol. in-8°.

Le patois des Papillotes, ce patois aujourd’hui si méprisé, n’est autre que cette antique langue romane ou provençale, la première langue cultivée de l’Europe moderne, bien défigurée, sans doute, bien abâtardie par sa longue décadence, mais charmante toujours dans son abaissement. Lorsque l’Europe était encore silencieuse et barbare, cetto langue avait déjà des poètes comme Bertrand de Born, Arnaud de Marveil et tant d’autres : et, même après le naufrage de la nationalité provençale, elle inspira les essais de ses deux filles plus heureuses ; les langues d’Espagne et d’Italie. Dante se glorifie d’avoir eu pour maître un troubadour ; Pétrarque a appris à chanter auprès d’une fontaine de Provence, et les rois d Aragon ont appelé à Barcelone des maîtres dans l’art des vers du pays toulousain pour apprendre ce que l’on appelait alors et gaysaber (le gai savoir).

Les Papillotes ont obtenu le plus grand et le plus légitime succès. La collection se compose de chansons, d’idylles, d’épîtres et de poèmes d’une importance inégale, mais offrant une variété infinie de tons, et, dons les stances et chansonnettes, une étude des rhythmes provençaux qui rappelle la science des troubadours. Leur plus grand charme est dans l’expression admirablement saisie de la poésie champêtre, dans la vérité des paysages et des costumes, la délicatesse des sentiments, le naturel piquant des récits et des peintures.

Quelques-unes de ces compositions méritent une mention spéciale. Le Charivari et l’Aveugle de Castel-Cuillé, qui ont commencé la réputation de Jasmin, ont été analysés et commentés par Sainte-Beuve. Le premier poème n’est guère qu’une réminiscence du Lutrin, sauf que le grotesque y remplace le comique. Le vieil et sensible Oduber se décide a se remarier et le Charivari chante ce tapage assourdissant de violons, de chansonnettes et de cornets à piston que, selon l’usage, on va faire à sa porte. De petites pièces, moitié idylles, moitié chansons, les Oiseaux voyageurs ou les Polonais en France, la Fidélité agenaise, relèvent d’une inspirationplus pure et plus pathétique. La Fidélité agenaise est une jolie romance sentimentale qui jouit d’un succès populaire dans le Midi. « La muse du poète, dit M. Ch. Labitte, y a tour à tour les allures penchées et tristes des femmes grecques dans leurs danses funéraires ou bien la légèreté pétillante et comme le bruit des castagnettes d’un boléro espagnol. •

L’Aveugle de Castel-Cuillé a ce caractère de sensibilité, d’émotion douce qui marque presque toutes les œuvres de Jasmin. Nous en avons donné le compte rendu au mot avbugle. Nous ne le ferons donc figurer ici que pour avoir occasion de rapporter une. circonstance des plus intéressantes, qui se rattache à ce petit poème.

Dès la publication de l’Aveugle, mille sollicitations de venir se fixer à Paris vinrent assaillir l’auteur des Papillotes. II refusa : il venait d’acheter à Agen, avec le produit de ses vers, une vigne, qu’il célèbre dans une pièce de ce nom, Ma bigno, en vers qu’Horace ne répudierait point. « 11 faut, dit-il, que mes vers partent d’Ageu comme nos prunes. » Jasmin, poète à Paris, eût produit l’effet que produiraient les beaux pruniers d’Agen transplantés à Montrouge. Il vint, cependant, faire un court voyage à Paris en 1842, et l’Abuglo eut tous les honneurs de ce voyage. La première lecture de ce poème eut lieu chez M. Augustin Thierry. L’élite de la société parisienne s’était donné rendez-vous dans les salons de l’éminent historien, mais non sana quelque défiance. On y distinguait Ampère, Viilemain, Ballanche, Nisard, Burnouf, etc. Le poète lut l’Aveugle. Le poème empruntait un intérêt saisissant du lieu même où il était récité. Il y avait écho de douleur à douleur ; les mots que le désespoir arrache à Marguerite, on les avait entendus sortir de la bouèhâ de l’illustre aveugle, et un religieux silence suspendait tous les cœurs aux lèvres du poète, tandis que tous les yeux se portaient irrésistiblement sur M. Aug. Thierry. Seule, la figura’de l’historien était souriante, et ses ef-