Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 1, P-Pate.djvu/142

Cette page n’a pas encore été corrigée

138

PAPA

l’autorité des conciles, arbitre souverain des nations, prétend à la fois gouverner les consciences et distribuer les royaumes, régner sur l’âme et sur le corps,

Ainsi, la papauté, que des théories intéressées ou une critique peu éclairée ont présentée comme une institution née arec le christianisme et formée de toutes pièces dès le début, fut au contraire une création lente et successive. On voit quelle évolution elle représente dans le christianisme. Elle se développa dans la société chrétienne à peu près comme le germe du pouvoir absolu se forme et grandit au sein de certaines démocraties. L’autorité spirituelle apparut d’abord, puis la discipline, la gestion des intérêts religieux, le gouvernement de l’Église ; les prétentions temporelles se montrèrent ensuite, et enfin apparut le rêve de la monarchie universelle, du pouvoir absolu sur les âmes et sur les corps.

Ce furent les conciles qui profitèrent les premiers de cette tendance centralisatrice et qui la favorisèrent pour satisfaire leur haine contre les dissidents et les hérétiques. Mais ils ne prétendirent pas tout d’abord à cette infaillibilité absolue qu’ils s’arrogèrent plus tard. Dans les premiers siècles, attribuer l’infaillibilité aux conciles eût paru aux fidèles un acte d’idolâtrie ; à plus forte raison eussent-ils reculé devant Vidée de remettre une telle arme aux mains d’un seul homme. L’autorité pontificale n’est pas même mentionnée dans les apologies de Justin martyr, de Minutius Félix, n’irénée, de Clément d’Alexandrie, ouvrages où toutes les questions qui intéressent l’Église sont traitées avec une grande abondance de détails. Le mot «Église romaine, » qui s’y rencontre quelquefois, n’y est jamais pris que dans l’acception de «diocèse de Rome. ■ C’est dans les derniers livres de Tertullien que les prétentions de l’évêque de Rome à un titre honorique plutôt qu’à une primauté effective font pour la première fois leur apparition ; mais le docteur africain n’en parle que pour les tourner en ridicule. De mémo, on chercherait vainement de quoi les justifier dans les nombreux écrits d’Origètie. Avec saint Cyprieo, on s’aperçait que la prérogative papale a gagné du terrain, grâce aux déchirements, aux sectes hostiles qui font une loi de la discipline et de l’unité. Suint Cyprien s’adresse a l’évêque de Rome, comme au chef < de l’Église principule, source de l’unité sacerdotale, » mais cependant il l’appelle encore son « collègue j ■ et le pape Étienne ayant voulu prononcer en dernier ressort entre lui et son compétiteur au siège de Carthage, il se moqua amèrement des prétentions de l’évêque des évoques. Ses collègues partageaient son avis. « Je suis indigné, lui écrie saint EirmiUen, de la folle arrogance de l’évoque de Rome, qui prétend avoir hérité son ovêché de l’apôtre Pierre. « Mais ces oppositions mêmes marquent que, dès lors, la doctrine de la papauté est formulée.

Il est bon, avant d’aller plus loin, de vider ici une question importante. Pourquoi les évéques de Rome, devenus les papes, veuIont-ils être les successeurs de l’apôtre saint Pierre ? Leur raison apparente, celle qu’ils invoquent sans cesse, se trouve dans les paroles de Jé-Bus-Christ que nous avons citées au commencement. Mais nous trouvons dans l’Évangile plusieurs paroles analogues adressées à divers apôtres ; elles n’indiquent pas un mandat supérieur à celui des autres disciples j elles ne marquent qu’une attention spéciale de J, ésus au moment où il les prononce. Nous pensons que voici la vraie raison de l’adoption de Pierre pour chef de l’Église.

L’opinion qui prévalut dans l’Église ne fut pas le christianisme trop strictement judaïsant de saint Jacques, et moins encore le spiritualisme de saint Paul ; ce fut la doctrine de Pierre, paulinienne jusqu’à un certain point, mais faisant sans trop de répugnance des concessions graves au mosaïsme. Le type extrêmement curieux de ce christianisme intermédiaire, do ce véritable compromis, est

"l’épUre de saint Pierre (le Nouveau Testament en donne deux, mais la seconde est notoirement apocryphe). L’apôtre y fait œuvre de conciliation, et l’on a compté dans cette courte lettre quinze endroits au moins où il cite avec honneur des paroles de Paul, et quatre où if fait à Jacques des emprunts également respectueux.

Ce fut h saint Pierre que se rattacha l’Eglise de Rome, précisément parce que son point de vue moins prononcé, ses tentatives de rapprochement convenaient au tempérament romain. Les génies tranchants et absolus, comme saint Paul ou saint Augustin, n’ont jamais eu à Rome que l’apparence du crédit ; on leur témoigne une haute déférence, mais on les met de côté pour suivre une route mitoyenne. C’est un des secrets de l’art de gouverner. C’est parce que Pierre représente Je compromis des deux tendances entre lesquelles se divisa l’Église catholique que Rome l’a adopté pour son chef. Saint Paul avait été l’apôtre des Romains ; après leur avoir écrit la plus dogmatique de ses épîtres, il s’établit, travailla et mourut parmi eux. Quant à Pierre, quoi qu’eu dise la légende faite après coup dans l’intérêt de la papauté, il est fort douteux qu’il ait été martyrisé à Rome comme Paul, et qu’il y ait jamais été pasteur ou évêque ; on a même tout lieu de croire qu’il n’a jamais vu cette ville. Cependant l’Église

PAPA

de Rome épousa sa cause avec tant de passion, qu’elle ne voulut jamais croire qu’il n’eût pas été son fondateur, son évêque, et qu’il n’eût pas été martyrisé dans ses murs ; toutes choses que la légende en question finit par supposer et raconter en dépit de l’histoire. Saint Paul était dès le principe en possession du premier rang ; on lui adjoignit saint Pierre. Partout à Rome, jusque sur le maître-autel de la basilique de Saint-Pierre, jusque sur le sceau officiel des papes, les deux apôtres sont réunis ; et non-seulement l’usage conservé représente les deux apôtres côte à côte, mais saint Paul occupe toujours la droite, qui est la place d’honneur, et voici pourquoi : comme on ne lui a adjoint saint Pierre que graduellement, on lui a laissé le premier rang, qui lui appartenait d’abord, et depuis on n’a pas songé à le lui ôter.

« L’Église romaine, dit M. Àthanase Coquerel fils, est née d’un compromis, d’un moyen terme qui n’eut assurément rien d’original ni rien de grandiose. » C’est parce que, entre tous les apôtres, saint Pierre représente le cornpromis, que l’Église en a fait son chef.

Nous avons vu comment, malgré les répugnances et l’indignation des plus illustres évoques, les prétentions de l’évêque de Rome s’étaient maintenues et accentuées ; nous allons les voir croître encore et arriver à. leur but. Le mouvement qui, dès Tertullien, tendait à concentrer une grande autorité entre les mains d’un seul homme était secondé par tant de causes, qu’il devait prévaloir tôt ou tard. Les schismes sans cesse renaissants, la persécution, l’habitude invétérée de donnera la doctrine, à la loi une personnification visible et vivante, la lassitude même, qui fait les dictatures, en poussant les hommes épuisés par la lutte à abdiquer entre les mains d’un seul, toutes les circonstances en un mot favorisèrent tour a tour l’ambition des évoques de Rome. Leur diocèse était d’ailleurs ainsi placé, que, se choisissant un chef parmi les évoques, l’Église ne pouvait prendre que celui de Rome. Les regards du monde entier étaient encore tournés vers la ville éternelle, et, Rome devenant chrétienne, il était naturel que le monde s’habituât à y chercher la règle des consciences, comme depuis si longtemps il y trouvait celle de ses intérêts. La pensée de calquer l’empire spirituel sur celui des Césars devait donc s’offrir d’elle-même à des esprits disciplinés par une longue servitude, et elle souriait également aux politiques comme un moyen tacile d’utiliser une organisation toute faite et de frapper vivement les imaginations en empruntant un reflet de la grandeur romaine. L’Église eut donc sa capitale et son César comme l’empire, et la division des provinces ecclésiastiques se fit sur le modèle des provinces civiles.

Cette primauté du pape sur les évêques chrétiens ne s’établit point aussi facilement et aussi rapidement qu’on l’a prétendu. Ce ne fut que lentement que l’Église, après s’être groupée sous la direction des évêques, fut poussée à chercher son unité mystique dans une forme visible, à substituer une personne concrète à l’ensemble abstrait, des évoques, à remplacer le régime aristocratique par le régime monarchique, à reconnaître un chef, réunissant tous les pouvoirs attribués à l’épiscopat, devenant l’Église personnifiée, le vicaire de Jésus-Christ, le représentant de la divinité sur la terre. En Orient, les papes se trouvèrent en présence de quatre rivaux, qu’ils entreprirent d’abaisser, les patriarches d’Alexandrie, de Constantinople, d’Antioche et de Jérusalem, et la lutte qu’ils entreprirent pour assurer leur primauté n’eut d’autre résultat que d’amener définitivement, au ixe siècle, la séparation de l’Église d’Orient de celle d’Occident. En Occident, la papauté devait être plus heureuse, grâce à l’appui des empereurs. Après la reconnaissance du christianisme, comme religion de l’État, par Constantin (313), et surtout après le transfert pur ce prince du siège de l’empire à Byzance (330), le-siége épiscopal de Rome avait pris une grande importance. Les évêques d’Italie, réunis en concile en 378, reconnurent à l’évêque de Rome la primauté

d’ordre, mais ils refusèrent de lui reconnaître des pouvoirs supérieurs aux leurs. ’Ce fut l’empereur Gratien qui, dans an rescrit, s’attacha à donner un caractère tranché à la prééminence de l’évêque de Rome. Il ordonna que les métropolitains accusés de quelque méfait seraient renvoyés devant l’évêque romain pour être entendus et jugés. « Peu de temps après, dès 404, dit Vieunet, les papes parlent en maîtres aux évêques occidentaux, comme la prouvent les lettres d’Innocent 1er à Victricius de Rouen, à saint Exupère de Toulouse, surtout celle qu’il adresse à Descentius, l’un des évêques d’Ombrie, et dans laquelle il avance que tous les sièges d’Italie, d’Espagne, de Sicile, d’Afrique et des Gaules ont’été fondés par saine Pierre ou par ses successeurs. Il va plus loin dans sa réponse au concile de Carthage, métropole de la province d’Afrique. « Il est de droit divin, oit-il, de consulter le saint-siége sur toutes les affaires ecclésiastiques avant de les terminer dans les provinces. » Mais les évoques se soulevèrent encore contre cette prétention. Ceux que les papes font citer refusent de comparaître ; ceux qu’ils déposent n’en gardent pas moins leurs sièges, tels que Proculus do Marseille et Paulin de Carthnge, tandis que les prêtres absous par eux sont

PAPA

rejetés par les diocésains dont ils dépendent. Les papes ne dominent sans opposition que sur les sièges voisins de la capitale ; mais, en 44», Léon Iw, bravé par saint Hilaire d’Arles, a recours à l’autorité du faible Valentinien III et, par un décret du 6 juin, cet empereur, plaçant tous les évêques d’Occident sous la juridiction du saint-siége, ordonne aux gouverneurs de ses provinces d’y contraindre les récalcitrants. Ce décret porte immédiatement ses fruits. Les papes voient leurs règlements acquérir force de loi. À partir de ce moment, les papes étendent rapidement leur pouvoir spirituel, font partout acte de suprématie, assujettissent à leur approbation l’élection desévêques^ changent les juridictions métropolitaines, etc. Grâce à la protection des empereurs, l’évêque de Rome donne désormais des ordres à ses anciens collègues et exerce un pouvoir absolu. Toutefois, si ce pouvoir n’est plus contesté par les évêques individuellement, il se trouve pendant plusieurs siècles encore contre-balancé par celui dés évêques réunis en conciles œcuméniques. L’Église, assemblée dans la personne de ses prélats, se reconnut à maintes reprises supérieure k son chef et n’hésita point, en certains cas, à le déposer. En outre, il fut admis qu’en matière de foi on pouvait toujours en appeler des décisions du pontife i« un concile futur qui jugerait si elles avaient ou non force de loi. Mais avec le temps le pontife romain écarta ce dernier obstacle à sa puissance souveraine, et enfin la proclamation de son infaillibilité a fait de lui, aux yeux des fidèles, le juge suprême et définitif en matière de foi, l’égal de Dieu.

Nous venons d’indiquer rapidement comment s’établit dans l’Église la suprématie de l’évêquo de Rome. Nous parlerons au mot pape de ses fonctions, de ses prérogatives, etc. Il nous reste à tracer ici à larges traits l’histoire de la papauté, à la suivre dans les phases de son développement, de sa grandeur et de sa décadence.

Très-humbles à l’origine, très-effacés, uniquement occupés de propager les doctrines religieuses, morales et démocratiques du Nazaréen, les évêques de Rome ne jouèrent aucun rôle dans l’État jusqu’au moment où Constantin, après avoir proclamé le christianisme religion de l’empire, fit de Constantinople la nouvelle capitale du monde romain.’L’Église, jusque-là persécutée, entre dans une phase nouvelle, et l’heure n’est pas loin où elle va persécuter a son tour. À partir de ce moment, l’Église peut hériter, recevoir des donations et s’enrichir, et le clergé va perdre la pureté de ses mœurs. L’évêque de Rome, fort de l’appui de l’empereur, voit croître son influence sur les masses, dont il est le défenseur naturel, car il est alors élu par le peuple concurremment avec le clergé. Mais cette influence est encore toute morale, et il n’est que l’humble sujet du prince devant lequel il s’agenouille, l’encensoir à la main, lorsqu’il le rencontre. C’est à l’empereur qu’il s’adresse lorsqu’il veut vider des points de discipline ou punir un évêque ; ce sont les Césars qui règlent les juridictions ecclésiastiques, qui portent des édits contre l’avarice et l’incontinence des clercs, etc. Les invasions des barbares augmentent encore l’influence de la papauté et des évêques. Devant le flot qui submerge l’empire au ve siècle, les chefs de l’Église saisissent les derniers restes du pouvoir civil, s’interposent entre les vainqueurs et les vaincus et rendent de réels services aux peuples. L’évêque de Rome n’en continue pas moins à s’incliner devant le prince, qui sanctionne sa nomination et au besoin le dépose ; mais s’il reconnaît i’autorité supérieure du chef temporel, il affirme de plus en plus sa propre autorité dans le domaine de la conscience religieuse, et, à partir du vue siècle, il résiste a l’immixtion de l’empereur dans les affaires spirituelles. Dès lors, une ligne de démarcation est tracée entre l’Eglise et l’État jusqu’au moment où la papauté, dont la puissance ne fera que s’accroître, s’attachera à changer complètement les rôles et à confisquer 1 État à son profit. Pour rendre le saint-siége indépendant de l’empire, Benoît II, à son avènement, obtint que Constantin Pogonat abandonnât son droit de confirmation et laissât les papes se faire introniser sans attendre (684). Néanmoins, pour le temporel le souverain pontife continue à obéir a l’empire. Sur un ordre de ce dernier, le pape Constantin se rendit à Constantinople (710) ; mais, trois ans plus tard, l’évèque de Rome ’n’hésita point à lancer î’anathème sur Bardanes et à le déclarer incapable de régner comme étant hérétique. C’était la première fois que la papauté employait une arme dont elle devait faire plus tard un si fréquent usage et qui devait être, au moyen âge, une cause de perturbations profondes. Par ce seul fait, le saint-siége se pinçait au-dessus de l’empire, et, de là à renverser un pouvoir auquel il avait obéi jusqu’alors, il n’y avait qu’un pas qu’il ne devait point tarder à franchir.

Lois de la grande querelle dite des Iconoclastes, un conflit s’éleva entre l’empereur Léon et Grégoire IL À l’ordre donné par l’empereur de briser toutes les images pieuses dans les églises d’Occident, le pape répondit en donnant le signal de la révolte (72G), en excommuniant l’exarque de Ravenne et Léon lui-même, en défendant de de lui payer tribut, et, dès ce moment, la

PAPA

papauté spngo à régner sur l’Italie, jusqu’à ce qu’il lui vienne à l’esprit de régner sur le monde. Pour secouer le joug des empereurs d’Orient, elle prend pour alliés les rois lombards qui s’emparent des possessions ’ de l’empire grec en Italie, en lui en donnant une part (726). Mais les Lombards étaient des voisins puissants et incommodes, nullement disposés à laisser aux évoques de Rome la part du lion. Ceux-ci cherchèrent alors un appui au delà des monts. « Le pape Grégoire III, un Syrien, démêla., dit M. Boiteau, dans la politique ambitieuse des derniers maires du palais de la monarchie mérovingienne, le ressort que l’on pouvait faire agir pour crffer du même coup deux, usurpations qui s’autoriseraient l’une par l’autre. N’osant s’emparer du pouvoir absolu dans cette ville de Rome ou d’autres magistrats civils subsistaient toujours a côté de lui, il les amena à consentir a ce qu’au nom de la république il offrît la souveraineté à Charles-Martel qui venait de sauver la société chrétienne en écrasant l’invasion arabe devant Tours. » En conséquence, il lui envoya une ambassade qui fut bien accueillie ; mais la mort de Charles-Martel fit avorter cette combinaison. En 754, le pape Étienne II, menacé par les Lombards, reprit le projet de Grégoire III. Il se rendit en France, sacra Pépin la Bref, qui venait d’usurper le trône, et obtint en échange qu’il le délivrerait des Lombards. Pépin tint sa promesse. Il franchit les Alpes, battit les ennemis du pape et les contraignit à rendre à la république romaine et à l’Église toutes les places qu’ils avaient enlevées à l’empire grec. Ce traité ne fut point exécuté, et la donation faite par Pépin au peuple romain fût restée lettre morte si Chariemagne n’avait eu l’idée de ressusciter l’empire d’Occident et d’aller se faire sacrer à Rome par Léon III. Proclamé roi des Romains, il vit le pape se prosterner k ses pieds, le reconnaître pour son souverain et lui faire prêter serment de fidélité par le clergé et par le peuple. En échange, le nouveau César, qui venait de reprehdre le droit de nommer les papes, augmenta, dit-on, la donation faîte k l’évêque de Rome par son père. Ce fut ainsi que fut fondé le pouvoir temporel des papes, pouvoir qui ne fut à l’origine qu’une sorte de délégation féodale, laquelle faisait du souverain pontife le vassal de l’empire.

La papauté, qui jusqu’alors, de concert avec les évêques, s’était surtout occupée de préciser la doctrine chrétienne et de la répandre, qui avait toujours eu des attaches démocratiques, qui tant de fois avait pris en

main la cause du peuple, la papauté, devenue une puissance temporelle, étala tous les vices des pouvoirs absolus, se fit oppressive, donna l’exemple d’une insatiable ambition, d’une ■ « corruption effrénée, et contribua puissamment à troubler la paix du inonde. La faiblesse des successeurs de Chariemagne permit aux papes d’affermir leur pouvoir. En 88-i, Adrien III déclara qu’à l’avenir le pape serait intronisé sans qu’il fût nécessaire d’en informer l’empereur, et bientôt après il s’arrogea le droit de décrète ? que l’empire serait déféré à un prince italien. Devenue une sorte de royauté élective féodale, environnée de richesses et d’honneurs, la papauté, particulièrement au xo siècle, donna au monde le

spectacle le plus honteux. Pendant quelque temps, les comtes de Tusculum. en jouirent qomme d’un fief. Des femmes aux mœurs éhontées, les Théodora, les Marozia, font des papes avec leurs amants ou leurs fils incestueux, Jean X, Sergius III, Jean XI,

Jean XII, etc. Ce dernier porta la dépravation à son comble. À cette époque, 1 empereur Othon se rendit en Italie, prit le titre de roi de ce pays et se ât couronner empereur à Rome par le pape. S’étant brouillé avec Jean Xli, il retourna à Rome, y réunit un concile et cita te pape à se justifier des accusations dont sa conduite était l’objet. « Vous saurez, lui écrivit-il, que par la voix, non de peu, mais de tous, autant de ceux de votre ordre que de ceux de l’ordre laïque, vous êtes accusé d’homicide, de parjure, de sacrilège et d’inceste dans votre propre famille et avec deux sœurs. » Jean XII lui répond^ en la menaçant de l’excommunication ; mais Othon le fit déposer par le concile et remplacer par Léon VIII (963), et, pendant longtemps encore, les papes, nommés ou déposés par les empereurs, ne sont que de grands vassaux de l’empire. Malgré les honteux désordres dont les pontifes romains donnèrent fréquemment l’exemple, la papauté n’en exerce pas moins une influence considérable, qui s’accroît à l’approche de l’an 1000 et qui se montre avec éclat dans le grand mouvement des croisades. En 1073 monte sur le trône pontifical le moine Hildebrand qui, sous le nom de Grégoire VII, entreprend, avec une puissance de conviction et une énergie de volonté incomparables, d’enlever aux empereurs toute

intervention dans les affaires de l’Église et d’établir une théocratie universelle. D’après lui, l’Église, dépositaire de la vérité religieuse absolue, représente les droits de Dieu dans le monde, et c’est la papauté qui est chargée d’établir la domination de l’Église sur les nations. Avec Grégoire Vil commence la lutte du sacerdoce et de l’empire {v. investiture et guelfes). Son pontificat est le duel du droit divin contre le droit humain, du prêtre contre l’État ; et ce pape reste dans l’histoire comme le héros du drame