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guer l’attention du lecteur et lui fait perdre de vue le commencement d’un récit dont ii ue retrouve que beaucoup plus loin la conclusion. ■ Enfin, à l’exception de quelques passages où Pilpay est réellement ingénieux et solide, on le trouve tout à la fois puéril et sérieux, diffus et *ec, inutile à l’instruction, quoique prodigue de morale, parce que, outre les contradictions qui la détruisent, il l’appuie trop rarement d’allégories assez justes. Malgré tous ces défants, La Fontaine admi-Tait Pilpay ; mais on sait quel respect presque enfantin l’incomparable fabuliste professait pour tout ce qui nous vient de l’antiquité. >

L’original des fables de Pilpay, composé en sanscrit, a fourni le fond d’un autre livre écrit dans la même langue et qui est intitulé Bitupadesa. Du sanscrit, il tut traduit en pehlvi, du pehlvi en persan, du persan en arabe, et il est encore célèbre en cette dernière langue, sous le titre de Calila et Dimna. Néanmoins, c’est d’après une traduction hébraïque du rabbin Joël que Jean de Capoue, savant italien du xriie siècle, entreprit une traduction latine de ce curieux recueil qui, depuis, a été traduit en grec par Siméon Seth, et enfin, en français, par Galland, Sylvestre de Sacy et l’abbé Dubois.

PANTCUOVA, bourg de Hongrie. V. Pan-

CHOVA.

PANTE s. f. (pan-te). Chapelet de petites coquilles blanches.

— Tecbu. Toile de crin à l’usage des brasseries.

— s. m. Argot. Homme ridicule, homme choisi pour but do plaisanterie Ou d’exploitation de la part de personnes peu bienveillantes, il Ou dit aussi pantre.

PANTÉ, ÉE (pan-té) part, passé du v. Panier. Accroché aux pointes du panteur : Peau

l’ANTEE.

PANTELANT, ANTE ndj. (pan- te -Ian, an-te — rad. panteler). Qui respire avec peine, par l’effet d’une forte émotion, d’une course trop rapide : Être tout pantulant.

— Fig. En proie à une vive passion : Pour peu que vos regards puissent l’égratigner, C’est un cœur pantelant que vous ferez saigner.

Th. Cokneillk.

— Se dit des chairs qui palpitent encore, après qu’un animal vient d’être abattu : Décorer des chairs crues et pantelantes.

PANTELÉGRAPHE s, ni. (pan-té-lé-gra-fe

— du prêt’, pan, et de télégraphe). Appareil télégraphique qui transmet, au moyen de l’électricité, le fac-similé de toute écriture, autographe ou dessin.

— Encycl. V. Caselu.

PANTÉLÉGRAPHIE s. f. (pan-té-lé-gra-fi

— rad. pantelégraphe). Moyeu de transmettre par l’électricité toute espèce d’écriture, de dessin.

PANTÉLBGRAPHIQUE adj. (pan-té-lé^ra-li-ke — rud. pantelégraphe). yui a rapport au pantelégraphe ou à la pantétégraphie : Système pantélbgraphique.

PANTELER v. n. ou intr. (pan-te-lé — corrupt. de l’ancien verbe pantoier, être essoufflé, haletant, hors d’haleine ; du celtique : armoricain pant, pression, qui se rattache probablement à la racine sanscrite path, fouler, ou bien a la racine pat, pantch, étendre. Delâtrè ramène ce mot au bas lat’ia paudituplare, fréquentatif de amlitare, ouvrir la bouche, qui est lui-méine une forme fréquentative de pimdere, ouvrir, étendre. Double la lettre l devant un e muet : Je panteile. tu, punleiles, à panteile ; nous pantelierons). Palpiter fortement et d’une façon pénible : H I’antelait sur mon cœur comme un homme gui se trouoe mal. (<Jb. Nodier.) Ils semblent panteler du chemin qu’ils ont fait.

La Fontaine.

— Fig. Eprouver une émotion vive et pénible :

Je vous le disais bien, mon pauvre cœur panteile.

Th. Corheiu-e. > PAISTEU.ARIA, en sicilien Pandit taria, l’ancienne Cosyra, île d’Italie, dans’la Méditerraniie, entre la côte septentrionale d’Afrique et la Sicile, à 70 kilom. S.-G. de la côte de Sicile, à GO kilom. de celle d’Afrique, par 36" 55’. de huit. N. et 9° 35’ de longit. F. ; 13 kilom. du Nr au S. et G kilom. de i’F. à. 1 0. ; 60 kilom. de circuit ; 7, 500 hab. Ch.-l., l’auiellaria. Elle est tonnée en grande parlie de ruches trachytiques ; ses productions principales sont le blé, les légumes, le vinet le coton. ■ Une des montagnes, dit M. Du Pays, présente, à son sommet, un cratère plein d eau chaude et a des sources thermales, riches en carbonate de soude, semblables à celles du monte San-Calogero, au N. de Sciacca. On soupçonne qu’un foyer volcanique sous-marin existe entre ces deux points. Ue qui semble confirmer cette opinion, c’est l’apparition subite, en juillet 1831, de l’île Juna, qui surgit de la mer à une distance intermédiaire entre l’Ile Pantellaria et la Sicile. Depuis plusieurs mois, le littoral de la Sicile ressentait des tremblements de terre ; la mer était agitée d’un bouillonnement violent, accompagné de mugissements. L’eau était devenue trouble. Des poissons morts flottaient à la surface. Une colonne d’eau énorme, s’élançant de la mer, fut aperçue des

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navigateurs ; elle fut remplacée par une colonne de vapeur qui s’éleva à 1,800 pieds. Le 13 juillet, on vit au-dessus de la mer une petite île de 3 mètres de haut, avec un cratère à son centre, rejetant de la vapeur et des matières volcaniques. Le i août, elle était haute de 60 mètres et avait 1 lieue de tour. Très-peu de pierres rejelées excédaient om,30 de diamètre. Lorsque Constant Prévost la visita, le 29 septembre, la circonférence n’était plus que de 700 mètres, À la fin de l’année elle avait disparu entièrement sous les eaux, et à sa place il n’y avait plus qu’un récif étendu et dangereux pour les navigateurs. On a estimé à 800 pieds la hauteur totale de la colline volcanique, dont le seul sommet émergé forma l’île de Juliaou Graham. »

La ville de Pantellaria, chef-lieu de l’île, située sur la côte N.-O., dépend de la province et du district de Trapani ; 5,990 hab. Elle s’étend en demi-cercle autour d’un port obstrué par quelques rochers, et est défendue par un château tort qui sert de prison et par les redoutes de Santa-Croce et de San-Leonardo.

PANTELLEMENT s. m. (pan-tè-le-manrad. panteler). Action de panteler, état d’une personne qui panteile.

PANTÈHE s. f. V. PANTENNK.

PANTBNE (saint), l’un des Pères de l’Eglise. Il vivait dans le second siècle de notre ère. Siciliende naissance et attaché à la philosophie stoïcienne, il se convertit au christianisme, vint à Alexandrie, où il fut mis à la tête de la célèbre école chrétienne de cette ville {vers 179). Son éloquence le lit surnommer l’Abeille do Sicile. Il eut samt Clément pour disciple et exerça aussi une grande influence sur les idées d’Ûrigène. Sous le patriarcat de Démétrius, il se rendit dans l’Inde pour y prêcher l’Évangile, et fut institué par ce dernier apôtre des nations orientales. De retour de l’Inde, Panténe remplit/les simples fonctions de catéchiste à Alexandrie jusqu’au règne de Caracaila, vers SIC, époque où il termina sa vie. Il avait composé sur les Écritures des Commentaires, dont il ne reste qu’un court fragment, cité par saint Clément. L’Eglise l’honore le 7 juillet.

PANTENNE ouPANTÈRE s. f.’(pan-tè-ue). Chasse. Espèce de filet : Les bécasses se prennent d ta pantenns et au lacet. (Buff.) V. pan-

T1ÈRE.

— Pêche, Espèce de verveux placé au bout des bourdigues pour retenir les anguilles.

— Econ. rur. Plateau d’osier muni d’un rebord peu élevé, sur lequel on fait sécher les fruits et on transporte les vers à, soie.

— Loc. adv. Mar. En pantenne, En désordre, dans un grand état de délabrement : Vaisseau en pantenne. il Les vergues inclinées en signe de deuil : Le vaisseau le Bellérophon nous arriva en pantenne. (Coquereau.)

PANTEQOIÈRE s. f. (pan-te-kiè-re). Mur. Cordage employé à lacer les haubans de tribord avec ceux de bâbord d’un bas mât. Il On

dit aussi PANTOC-UIBRE.

PANTER v. a. ou tr. (pan-té — du latin fictif panditare, fréquentatif de pimdere, étendre, ouvrir, étaler, qui se rapporte à la racine sanscrite pant, pat, étendre, occuper, d’où le grec petaà, pitnaâ, et aussi le latin pateo, être ouvert). ïechn. Arrêter les peaux des cardes, en les accrochant aux pointes qui garnissent le panteur de distance en distance dans toute sa longueur.

PANTER ou PANTAR, petite île de l’Oeéanie (Malatsie), archipel de la Sonde, à l’E. de l’île Lomblem, dont elle est séparée par le détroit d’Alou, par S° 30’ de latit. S. et 1210 50’ de longit. E. 52 kilom. de longueur et 26 de largeur.

PANTEUR s. m. (pan-teur — rad. panter). Techn. Instrument servant à tendre les peaux des cardes.

PANTHACHATE s. f. (pan-ta-ka-te — du gr. panthêr, bête féroce ; achaiês, agate). Miner. Agate mouchetée comme la peau d’un tigre.

PANTHÊE adj. f. (pan-té — du préf. pan, et du gr. theos, dieu). Antiq. Se dit d’une divinité ou d’une figure qui réunit les attributions ou les attributs (le plusieurs divinités : Déesse panthée. La statue de la déesse jyrienne était une figure panthée. (Acad.) La déesse de Cythère appartenait à la classe de* ces divinités panthÉisS qui présidaient à toutes les forces de la nature dans les trois régions du ciel, de la terre et des lieux souter~ rains. (Gér. de Nerv.) Il Qui réunit en soi le pouvoir de toutes les divinités : La Nature

PANTHEE.

— Encycl. L’iconographie grecque et l’iconographie latine nous offrent un certain nombre de pantkées ; ainsi, certaines statues de Junon présentent quelques-uns des attributs de Pallas, de Vénus, de Diane, de Némésis et des Parques. On voit dans ce mélange un peu confus le désir d’honorer dans une seule image le plus grand nombre de dieux possible. Une Fortune ailée, sculptée sur quelques anciens monumeuts, tient de la main droite le timon d’un char, de la main gauche une corne d’abondance, porte sur la tête une fleur de lotus entre deux rayons, attributs ordinaires d’Isis et d’Osiris, a sur l’épaule le carquois de Diane et sur la poitrine l’égide de Minerve.

Un des plus curieux monuments de ce genre est la belle médaille d’Antonin et de Faustma, où l’impératrice est assimilée à Sérapis par le modius qu’elle porte sur la tête, et l’empereur à Apollon par les rayons qui l’entourent, à Aminon-Ra par les cornes de bélier, à Neptune par le trident, à fîsculape par le serpent enroulé.

PANTHÉE, femme d’Abradate, roi de la Susiane. Elle est célèbre dans l’histoire ancienne par une aventure qui n’est probablement qu’une légende. Durant la guerre des Assyriens contre les Perses, vers 560 av. J.-C., Cyrus, dans un combat qui coûta la vie à Neriglissar, mit en fuite Crésus et son allié Abradate. Dans le butin se trouvait Panthée, femme du roi de la Susiane, qu’à cause de sa jeunesse et de sa beauté on avait réservée pour lui. Cyrus, qui voulait faire servir cette femme à ses desseins, ordonna de la traiter en reine et, redoutant de la trouver trop belle, refusa même de la voir. Un officier du nom d’Araspe fut placé près de Panthée pour la servir. Mais, devant les charmes de la reine, Araspe, qui se croyait à l’abri des passions, vit qu’il s’était bien trompé. Panthée le repoussa : il essaya alors de la violence. Informé des tentatives d’Araspe, Cyrus réprimanda son lieutenant et fit dire à Panthée de prier Abradate de venir sans crainte la rejoindre. Le roi de la Susiane se rendit aussitôt au camp des Perses et, apprenant de la reine comment elle avait été traitée par Cyrus, conçut pour ce prince un grand attachement. Quelque temps après, comme Cyrus se disposait à attaquer Crésus, il confia à Abradate le commandement de ses chariots persans armés de faux. Abradate fut tué dans le combat après avoir fait des prodiges de valeur ; Panthée, inconsolable de la perte de son époux, fit porter son corps sur le bord du Pactole, et, après avoir réglé toute la cérémonie des funérailles, se frappa d’un poignard. On éleva dans le lieu même un tombeau pour les deux époux.

PANTHÉISME’ s. m. (pan-té-i-sme — du préf. pan, et du gr. theos, dieu). Système de ceux qui admettent que Dieu est l’universalité des êtres : Le panthéisme est évidemment plus raisonnable que l’athéisme. (B. Const.) Le panthéisme est à la fois quelque chose d’immense et de vague. (Lamenn.) Le panthéisme est la religion des enfants et des sauvages. (Proudh.) C’est une erreur de croire que la religion du panthéisme conduise les hommes à l’indifférence. (H. Taine.) Le panthéisme est proprement la divinisation du tout, le grand tout donné comme Dieu. (V, Cousin.) Le dualisme sépare Dieu de l’univers, le panthéisme les confond. (E. Saisset.) Le panthéisme n’est que la forme savante de l’athéisme. (J. Simon.) Il Panthéisme psychologique, Système de ceux qui considèrent Dieu comme l’âme du monde, et le monde comme le corps de la divinité, u Panthéisme cosmologique, Système de ceux qui considèrent Dieu et l’univers comme identiques, u Panthéisme ontologique, Système de ceux qui n’admettent qu’une seule substance éternelle.

— Encycl. Le mot panthéisme est nouveau, puisqu’il a été employé pour la première fois vers 1T00, par John Toland. Tout d’abord, il offre une idée très-nette ; mais les manières diverses dont il a été interprêté exigent que nous en -donnions une idée générale et précise. V.6panthéisme doit être considéré comme un système philosophique et religieux dont la donnée générale est qu’il n’y a qu’une substance dans la nature, que cette substance est Dieu, que tous les êtres sont des modes particuliers de la substance divine. Depuis les théogonies de l’Inde et le gnosticisme chrétien jusqu’à Spinoza et jusqu’au panthéisme qui a de nos jours de nombreux adeptes parmi les philosophes d’Allemagne et de France, cette doctrine s’est produite -sous tant de formes différentes qu’il serait difficile de formuler en une idée d’ensemble tous les systèmes qu’on pourrait y rattacher historiquement. Mais le panthéisme moderne, quelle que soit d’ailleurs sa formule actuelle, a pour origine le système de Spinoza. Avant d’en exposer les tendances et l’histoire, il convient de dire un mot de la théorie exposée au xviie siècle par Benoît Spinoza dans son Ethique. L’auteur explique d’abord l’idée qu’on doit se faire de Dieu, et il en déduit l’idée qu’on doit avoir de l’homme, puis, de l’idée de l’homme, il conclut le mécanisme des passions humaines. Suivant Spinoza, le développement de la nature humaine a quelque ehose de fatal ; il termine néanmoins en essayant de faire la part du libre arbitre. Cette part est petite.

Il y a, suivant Spinoza, trois sortes d’êtres. Les uns ne peuvent être supposés exister à part et résident dans une autre substance ; tels sont ceux que l’on nomme attributs, propriétés, phénomènes, effets ; les seconds semblent exister par eux-mêmes ; ce sont les êtres appelés contingents, c’est-à-dire qui commencent et finissent d’exister. En résumé, ils n’ont pas d’existence propre. Ces deux catégories d’êtres sont pourtant les seules qui seront l’objet de la perception humaine. Mais la raison conçoit qu’il doit exister des êtres d’une troisième espèce ayant une existence ptopte ou, si l’on veut, une existence nécessaire. U ne peut pas y avoir deux êtres de cette troisième sorte, car les êtres se distinguent par leurs attributs, et ces attributs-ne diffèrent pas de leur es pan ?

sence. «Donc deux êtres qui auraient la même essence auraient nécessairement les mêmes attributs ;’mais alors ils ne seraient pas distincts l’un de l’autre ; ils ne seraient donc pas deux, mais un. Il ne peut donc y avoir deux êtres dont l’essence soit l’existence. L’être dont l’essence est l’existence est donc un, et comme le nom de substance ne convient qu’à ce qui existe par soi-même, il n’y a et ne peut y avoir qu’une seule substance, et cette substance est Dieu. • Elle est nécessaire, infinie, comme elle est une. Elle est de même éternelle, indépendante, simple et indivisible, et Spinoza le démontre, ainsi que l’existence des autres attributs de la substance. L’être nécessaire est-il plutôt, demande Spinoza, un être pensant qu’un être étendu ? Non, car si l’être nécessaire était exclusivement pensant, l’être étendu n’existerait pas, puisque l’être nécessaire est un, et si l’être étendu existait exclusivement, l’être pensant 11’existerait pas. La pensée et l’étendue sont donc au même degré des attributs dévl’être, infinis comme lui. Le nombre des attributs de l’être est nécessairement infini comme lui-même ; mais nous n’en connaissons que deux, la pensée et l’étendue. Ceci est le fond du système de Spinoza. Dieu étant la substance unique et enfermant en lui toute l’existence, il s’ensuit que rien n’existe que par lui et en lui, ou en d’autres termes qu’il est la cause immanente ou la substance de tout ce qui est. Il n’y a donc, il ne peut y avoir qu’un seul être, qui est lui, et l’univers n’est autre chose que la manifestation infiniment variée des attributs infinis de cet être, « Rien de ce qui enferme l’existence ne peut être nié de Dieu, dit Spinoza, et tout ce qui l’enferme lui convient et en vient. Donc Dieu n’est pas seulement la cause qui fait commencer d’être les choses qui existent, il est encore celle qui les fait persévérer dans l’être, en d’autres termes il est à la fois cause et substance de tout ce qui existe. Hors de Dieu, si l’on pouvait dire que quelque chose est hors de lui, il n’y a que ses attributs ; hors de ses attributs, il n’y a que les modes divers de ces attributs. Dieu, donc ou la substance unique, les attributs infinis de cette substance et les modes de ces attributs, voilà tout ce qui existe et peut exister. » Ce sont là les trois sortes d’êtres dont il a été question plus haut. Or, comme Dieu est obligé de se développer en lui-même, dans ses attributs et dans leurs modes, d’après les lois nécessaires de sa nature, il est absurde de prétendre qu’il est libre dans le sens ordinaire du mot. Il jouit cependant d un autre genre de liberté : il est libre en ce sens que tout ce qu’il fait, il le fait de lui-même et n’est pas déterminé par un être extérieur à lui, et comme la volonté le constitue à un point de vue et qu’on peut le définir un acte pur, car il ne se manifeste que par des actes, il est infiniment libre ou, si l’on veut, n’accomplit aucun acte qui ne soit un acte libre. Par conséquent, il n’est ni bon ni méchant. Ces deux attributs supposent un choix. Dieu agit nécessairement d’après les lois de sa nature et ne choisit pas. Il en est de même des attributs moraux en général, des désirs, des passions, qu’on suppose exister en Dieu ; c’est de la fantaisie due à l’imagination des hommes.

Il suit de la doctrine de Spinoza que la contingence des êtres n’existe pus dans le sens que la métaphysique ordinaire donne à ce mot. Tout ce qui naît, vit et meurt le fait en vertu des lois de lu nature divine, d’où il résulte que la contingence est un ferme usité, suivantSpinoza, pour indiquer un mode d’existence dont nous ne comprenons pas la nécessité. On peut encore tirer, comme conséquences de ces principes, que l’univers est éternel et que le mot création est vide de sens. Mais les choses ne sont pas Dieu : ce sont des modes de ses attributs. Dieu est un, simple, infini ; ses modes sont variés et bornés. C’est que Dieu a deux manières d’exister : il existe en lui-même et dans ses modes. En lui-même, l’esprit le conçoit comme existant nécessairement ; il ne conçoit pas la nécessité de ses modes, voilà toute la différence. L’essence de Dieu est l’existence. Les modes sont aux attributs de Dieu ce que les attributs sont eux-mêmes à Dieu. Les attributs sont finis, c’est-à-dire limités par rapport à Dieu ; de même les modes sont limités par rapport aux attributs. On a vu tout à l’heure que les seuls attributs de Dieu perçus par l’homme sont l’étendue et la pensée. Les modes de la pensée sont les idées. Dieu est à la fois le sujet et l’objet des idées. La pensée de Dieu est une et infinie. Elle n’en représente pas seulement les attributs et les modes, elle se pense elle-même. « La pensée divine a donc conscience d’elle-même et de ses modes, comme elle a connaissance de tous les autres attributs et de tous les autres modes de Dieu. Et cette propriété, la pensée la porte et la conserve partout : elle lui est essentielle. L’étendue, en Dieu, a les mêmes caractères que la pensée ; ce qui est vrai de l’une est Vrai de l’autre. Quand Spinoza descend des hauteurs de l’ontologie divine dans le inonde des corps et des esprits, il les considère comme des modes de la divinité. L’essence d’un corps est l’étendue ; l’étendue est le fond de tout corps, ce n’est pas un corps particulier. Il en est de même pour les esprits ; de sorte que le fond de tous les corps est l’étendue, attribut da Dieu, comme le fond des esprits est la pensée, autre attribut de Dieu.»