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passent rapidement dans toutes les bouches, passionnent tous les esprits. Dans l’impossibilité de citer même le titre de tant d écrits divers, nous ferons connaître rapidement les plus importants : ils suffisent pour permettre de juger de l’esprit des autres. Le premier en date, qui semble échapper au pamphlet par son titre officiel et sa gravité, mais qui s’y rattache par des hardiesses inattendues, surtout sous la plume d’un ministre, est le Mémoire de M. Necker, présenté au roi, en 177,8, sur l’établissement des administrations provinciales. ’ Peut-on donner, y lit-on, peut-on donner le nom d’administration à cette volonté arbitraire d’un seul homme, qui, tantôt présent, tantôt absent, tantôt instruit, tantôt incapable, doit régir les parties les plus importantes de l’ordre public... ; qui souvent ne considère sa place que comme Un échelon à son ambition ; présumant toujours, peut-être avec raison, qu’on avance encore plus par l’effet de l’intrigue ou des affections que par le travail et l’étude, impatient de venin sans cesse à Paris, et laissant à ses secrétaires ou à ses subdélégués le soin de le remplacer dans son devoir public ?»

Vient ensuite, toujours sur le même sujet, avec la même- forme grave et la même hardiesse de pensée, le Projet d’administrations municipales, par M. Le Tellier, conseiller au lartement, où il propose à peu de chose près e mécanisme administratif en vigueur de nos jours ; l’Impôt territorial et ses avantages (1787), par Linguet ; Sur la liberté de la presse-, imité de l’anglais de Milton, par M. le comte de Mirabeau.

On y lit ce passage admirable sur la liberté humaine, où la raison pure, s’exprimant sans passion, rappelle le calme et la noblesse des entretiens de Platon :

■ Je ne prétends pas, messieurs, que l’Eglise et le gouvernement n’aient intérêt à surveiller les livres aussi bien que les hommes, afin, s’ils sont coupables, d’exercer sur eux la même justice que sur des malfaiteurs, car un livre n’est point une chose absolument inanimée. Il est doué d’une vie active, comme l’âme qui le produit ; il conserve même cette prérogative de l’intelligence vivante qui lui a donné le jour. Je regarde donc les livres comme des êtres aussi vivants et aussi féconds que les dents du serpent de lu Fable, et j’avouerai que, semés dans le monde, le hasard peut faire qu’ils y produisent des hommes armés. Mais je soutiens que l’existence d’un bon livre ne doit pas plus être compromise que celle d’un bon citoyen : l’une est aussi respectable que l’autre, et l’on doit également craindre d y attenter. Tuer un homme, c’est détruire une créature raisonnable ; mais étouffer un bon livre, c’est tuer la raison elle-même." Mirabeau publie peu après sa fameuse brochure sur les Lettres de cachet, écrite, sous les verrous de la Bastille, par cette âme de feu, exaspérée contre le despotisme. Lo tableau effrayant qu’il y fait du régime des prisons d’État souleva en France une indignation si générale, qu’on le trouve reproduit, comme la plus grave accusation contre le gouvernement, dans la plupart des cahiers présentés par les bailliages.

De Mirabeau encore : Appel à la nation française (1789). « Peuple, s écrie-t-il, l’heure du’rêveil a sonné... La liberté frappe à la porte, courez au-devantd’elle. Bile vous tend la main, sachez la saisir. •

À ces brûlants pamphlets se mêlentdes brochures plus froides, mais plus mûres, où déjà se dessine dans ses grands principes la future constitution : À la tmtion française, sur les vices de son gouvernement, etc., par Rabaut-Saint-Étienne, avec cette épigraphe : « Quand

la patrie est en danger, c’est la trahir que de taire la vérité. »

Des conditions nécessaires à la légalité des étals généraux, par Desmeuuiers, avec l’épigraphe suivante ;

«L’avantage du peuple est la suprême loi.»

La noblesse essaye de faire croire à 30» patriotisme. Le marquis de Beauveau, dans son : Avis au tiers état, reconnaît les fautes de la monarchie et prêche la conciliation ; le comte d’Entraigues publie son Mémoire sur la constitution des états provinciaux ; certains membres du clergé font acte de civisme, et l’abbé Gouttes écrit ses Considérations sur l’injustice des prétentions du clergé et de la noblesse.

« En examinant, y est-il dit, les intentions du souverain législateur du christianisme, on ne conçoit pus sur quels fondements le clergé prétend à des immunités et il des honneurs mondains qui lui furent expressément défendus par les lois du christianisme. Dans l’institut de cette religion sainte, Jésus-Christ n’établit aucune distinction de rang entre ses disciples, qu’il avait choisis dans la lie du peuple, pour leur montrer que l’humilité était la première vertu du christianisme. Il leur recommanda la douceur et la charité envers les hommes ; il leur ordonna de renoncer à tous les biens périssables de ce monde, pour ne s’occuper que de la prédication de sa loi, et de persuader les peuples par la charité et l’exemple de la pureté de leurs mœurs. >

Quelques pamphlets d’unegaieté de bon aloi, comme VÉpître du diable à Son Exe. Mgrl’archevêque de Sens, aveu cette épigraphe tirée d’Horace : « Prenez garde à vous, car je tiens les cornes levées contre les méchants ; » le Catéchisme des parlements, le Dernier mot du

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tiers état à la noblesse, avec cette épigraphe : « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus ;» le Commentaire roturier sur le noble discours adressé par Mgr le prince de Conti à Monsieur, frère du roi, dont l’auteur, pour s’être trop égayé aux dépens d’un prince du sang, fut condamné parle parlement et forcé de se cacher ; le Gloria in excetsis du peuple, auquel on a joint l’épitre et l’évangile du jour, etc., suivi de Prières à l’usage de tous tes ordres, contenant le Magnificat du peuple, le Miserere de lanoblesse, ïeDe profundisdu clergé, le Nunc dimittis du. parlement, la passion, la mort et la résurrection du peuple, etc. ; le Véritable ami du peuple, début de Loustalot ; la France libre, début de Camille Desmoulins.

À cette rapide énumération des pamphlets politiques, graves ou gais, qui préludaient à l’ouverture de l’Assemblée, ajoutons pour mémoire : l’Aristocratie enchaînée et surveillée par lepeupte, où l’emphase et la violenoe du ton semblent déjà appartenir aux années de la tourmente révolutionnaire.

— 1788 - 1789. Les élections pour les états généraux donnent à l’esprit français un entrain, une ardeur merveilleuse ; les bons mots, les ripostes vives et-les pamphlets partent en fusées de tous les carrefours de Paris, de tous les cantons de province ; à travers les plaintes de l’ambition froissée, les lamentations du clergé ou les sombres’menaces de la noblesse qui se croit outragée, éclate le rire gaulois du tiers et pétille la gaieté de la nation française ; tandis que le peuplechonsonne les «dupes et pairs ; » que Camille Desmoulins, le plus Athénien des Parisiens, • commence à charmer cette révolution dont il fut la victime spirituelle, inconséquente et légère, jusqu’à l’échafaud ; » tandis que tout ce qui a une voix s’égaye et chante, comme ces oiseaux moqueurs qui pourchassent à l’aube du jour le triste hibou fourvoyé en pleine lumière : tout ce qui tient une plume, bien ou mal taillée, s’en sert patriotiquement pour célébrer le triomphe prochain de la nation sur les abus de la féodalité. C’est la fête de la Raison et de l’Espérance ; c’est un joyeux concert où chacun fait sa partie, ténors et sopranos, notes graves et notes aiguës, jusqu’à l’accent comique qui chante en fausset : les plus grands noms du xvme siècle et les plus inconnus, réserve de l’avenir : Kersaint, dans le Bon sens ; Brissot, Clavière, Condorcet, au Moniteur ; Thouret, à Rouen ; Servan et Mounier, dans le Midi ; Mangourit et Volney, en Bretagne ; Carra, qui, dans l’Orateur pour tes étals généraux, rappelle que • le peuple est le véritable souverain et que le roi n’est que son premier commis ; • Cérutti, qui écrit dans son Mémoire pour le peuple français : « Le peuple est le seul corps qui ne vive pas d’abus et qui eu meure quelquefois ; « le docteur Guillotin, qui rédige une Pétition des citoyens de Paris, signée chez les notaires par toutes les corporations. Ce sont des pamphlets à deux sous, qui pénètrent chez le dernier paysan, achetés et répandus par le procureur et le bailli, lus en cachette parle curé : l’Avis aux Parisiens ; l’Avis au public ; l’Avis aux bonnes gens ; la. Manière de s’assembler, le plus adroit, le plus habile, le plus politique de tous ces écrits ; et la plus courte de ces brochures, un livre terrible de Sieyès : Qu’est-ce que le tiers étal ?

Mien. — Que doit-il être ?Tout. Et un autre pamphlet d’un gentilhomme, Avenel, comte d’Entraigues, qui se souvenait du fier serment des ricos hombres de l’Aragon : «Nous qui valons autant que vous, nous promettons de vous obéir si vous maintenez nos «droits ; sinon, non. » (Mémoire sur les états généraux.)

Déjà se distinguent dans la mêlée ceux dont ie nom devait devenir familier aux bouches populaires : Carra publia l’Orateur des états généraux ; Marat, son Offrande à la patrie ; Camille Desmoulins, la France libre, le Discours delà lanterne aux Parisiens, les Révolutions, etc. ; Mirabeau écrit, ou plutôt fait écrite par Clavière, Dupont de Nemours et Brissot, la Caisse d’escompte, les Lettres sur les eaux, la Banque de Saint-Charles, la Dénonciation de Vugiotage, les Lettres à ses commettants, qui devinrent plus tard le Courrier de Provence ; Brissot, qui trouve presque le célèbre aphorisme : La propriété, c’est le vol, dans ses Bechercltes sur le droit de propriété et sur le vol considéré dans ta nature, qui avait déjà publié Borne démasquée et la Théorie des lois criminelles, écrit, avec un talent trop compromis par son caractère, le Patriote français, moitié pamphlet, moitié journal ; Loustalot amène deux cent mille souscripteurs aux Révolutions de Paris, que précède cette épipiaphe : « Les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous. •

En même temps qu’un enthousiasme patriotique s’exhale, des milliers de pamphlets haineux éclosent : le Domine salvum fac re-

Cem, Je Pange lingua ; les passions les plus asses inspirent des libelles honteux à l’Ecossais Swinton, qui vivait aux dépens des polices de Londres et de Paris ; un Moranda, qui avait consenti a signer de sa main cette déclaration : • Je suis un infâme, > faisait paraître chaque jour un nouveau libelle. La plupart de ces immondes pamphlets étaient inspirés’ et payés par les gens de cour eux-mêmes, qui avaient à satisfaire des rancunes.

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Parmi les membres du clergé qui virent dans les grandes maximes de la Révolution un commentaire vivant de l’Évangile, l’abbé Fauchet fut un des plus ardents et des plus honnêtes. Un grand honneur lui revient, c’est d’avoir le premier expliqué dans le sens de l’activité humaine ces mots du Christ : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » À ces maximes désolantes : « La vie est une vallée de larmes et de misère, » et : « Heureux ceux qui pleurent sur cette terre, car ils seront consolés dans le royaume des cieux, » il répondit hardiment que, si la vie est une vallée de misère, c’est au travail humain, fécondé par le divin esprit de fraternité, qu’il convient d’y faire naître des moissons, des fruits et des fleurs ; et il termina un sermon à Notre-Dame par ce cri d’encouragement, de délivrance : « Frères, JURONS que nous

SERONS HEUREUX I »

« Alors, dit Louis Blanc, l’historien enthousiaste de la Révolution, alors les drapeaux s’inclinèrent ; les soldats se mirent à agiter leurs épées, comme jadis les guerriers gaulois quand 1© druide avait parlé ; mille coups de fusil remplirent d’un bruit inaccoutumé les voûtes du temple, et, au dehors, le canon gronda. •

Qu’on lise ce passage du Discours de Claude Fauchet sur la liberté française, et l’on y remarquera jusqu’à la forme même dont s’inspira plus tard l’auteur des Paroles d’un croyant :

« Quand le Fils de l’Homme viendra dans sa majesté, avec tous ses anges, alors il s’assiéra sur son trône.

a Et toutes les nations seront rassemblées devant lui, et il séparera les uns d’avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d’avec les boucs.

Et il placera les brebis à sa droite, les boucs à sa gauche.

■ Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, bénis de mon Père ; possédez le royaume préparé pour vous dès l’origine du monde.

Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais sans asile, et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi.

Alors les justes lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu ayant faim, et que nous vous avons rassasié ; uyunt soif, et que nous vous avons donné à boire 1

1 Quand est-ce que nous vous avons vu sans asile, et que nous vous avons recueilli ; nu, et que nous vous avons vêtu ?

Et quand est-ce que nous vous avons vu malade ou en prison, et que nous sommes venus à vous î ■

> Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’aveu fait à l’un des plus petits d’entre vous, vous l’ave : fait d moi-même. »

On doit à Fauchet, outre ses Discours sur la liberté française, la Bouche de fer, en collaboration avec Bonneville, collaboration

singulière, si l’on songe que côte à côte avec l’écrivain mystique qui rêvait, uuxvuii= siècle, un recour aux premiers temps du christianisme, Bonneville, panthéiste et positiviste, écrivait brutalement dans son Esprit des religions ; « Il n’y a qu’un Dieu en trois personnes : moi, loi et lui. »

— 1790. De longs désordres financiers ont ruiné la richesse publique ; l’industrie languit, le commerce.s’arrête, lo travail manque. L’Assemblée cherche un remède et croit le trouver dans la création des assignats. Un pamphlet paraît, qui, avec un machiavélisme proiuud, expose au peuple, aux faubourgs surtout, sous une forme en apparence claire et saisissante, les sophismes les plus effrontés. Le titre de cet écrit est : Effets des assignats sur le prix du pain. Il est signé : Un ami du peuple. L’auteur cherche à établir que, si l’on double, par la création des assignats, la valeur du numéraire qui existe en France, il en résultera fatalement que tout objet doublera également de prix ; il conclut ainsi :

« S’il y a le double d’argent, il faudra acheter les marchandises’ le double plus cher, comme il arrive en Angleterre, où ily a beaucoup d’argent et de papier, et où une paire de souliers coûte 12 livres.

< Ceux qui proposent de faire pour 2 milliards d’assignats et qui font leurs embarras, comme s’ils étaient de bons citoyens, ont donc pour objet de faire monter le pain de 4 livres à 20 sous, la bouteille de vin commun à 16 sous, la viande à 18 sous la livre, les souliers à 12 livres..»

Ces prix, qui paraissaient un paradoxe, en 1790, sont les prix courants que nous payons en l’an de grâce 1874, mais ce ne sont pas les assignats qui en sont cause.

La sensation produite par ce pamphlet fut grande. Le pain trop cher, le vin inabordable, l’artisan forcé d’aller pieds nus, toutes les misères de la situation étaient exposées avec une habileté perfide : et déjà l’estomac du peuple grondait la faim I C’était fin appel formel à la révolte. Barnave monte k la tribune, dénonce la brochure et en fait lecture à l’Assemblée. Cent voix en demandent l’auteur inconnu. « C’est moi, » répond, en se levant, Dupont de Nemours. Et on passa simplement à l’ordre du jour, par respect pour un représentant du peuple.

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En 1790, le tiers état triomphe, la bourgeoisie règne, la famine est k Paris, le peupla souffre. Necker est responsable. Marat, « ta soupçon de la Révolution, » lance sa Crimi-nelle Neckero-Logie. La grande affaire est celle du blé, du pain. Toutes les nuits, chez le lieutenant de police, revient cette question : «Demain, comment nourrir Paris ?» Les pamphlets s’intitulent : le Cri de l’indigence, avec cette épigraphe de Salli : ste : Illa me cupido exercet, ut qnocumgue modo et quamprimum respublica adjweiur. « Ce qui prime tout, c’est de sauver l’État, n’importe comment, mais au plus tôt. » Necker avoua qu’on « a eu souvent à se plaindre de l’avidité des accapareurs, » et s’explique en termes trop vagues pour ne pas laisser soupçonner au moins une discrétion étrange de la part du gouvernement. Le pamphlet répond par une demande d’enquête sur les accapareurs. «Vous avez fait, leur dit-il, entrer nos champs féconds dans vos parcs. » La colère du peuple se tourne en fureur : Foulon est pendu à’ la lanterne de la place de Grève, « fameuse depuis par ses nombreux services j » Berthier est percé de mille coups et a le cœur arraché. De nombreux pamphlets paraissent, d’une gaieté odieuse et précurseurs de la Teneur : la Vie, la mort et tes miracles de M. Foulon ; la Boite de foin ou la Mort tragique d’un ministre de quarante-huit heures ; les Enragés aux enfers ; Convoi, service et enterrement de très-hauts et très-puissants seigneurs Foulon et Berthier de Savigny, moi ts subitement en place de Grève et enterrés à leur paroisse. Le parti de la cour exagère à son tour les eruajjtés commises, et l’on voit paraître : la Démission du bourreuit de Paris et la Lettre de f exécuteur des hautes œuvres aux amateurs qui entreprennent sur sa partie.

Dans les provinces, où courait le cri : « Guerre aux châteaux, paix aux chaumières 1 > l’égoïsme de certains nobles inspirait, à la lueur des incendies, des apologies ardentes où se trouvait excusé l’emportement aveugla des pauvres paysans. « Les grands, les riches, les seigneurs des provinces ont si longtemps, si cruellement écrasé le peuple, qu’il y a une ancienne haine presque ineffaçable. On a pris à ce peuple sa subsistance pour la fondre en argent, pour la porter en redevances à des seigneurs tyranniques ; tantôt, c’étaient des corvées, tantôt des procès injustes, tantôt des violences. La vengeance s’amasse pendant un siècle dans des cœurs ulcérés, et, aussitôt qu’elle peut agir, c’est un torrent qui ne connaît plus de frein. • (les Incendiaires du Dauphiné ou les Ennemis des grands.)

Les prétentions exagérées du Cbâtelet, sa partialité pour le parti de la cour, la scandaleuse impunité qu’il assure aux grands coupables, au prince de Lambesc, au baron do Bezenval, à d’Autichamp, à de Broglie, à de Puységur, à tous ces infatigables conspirateurs ne l’aristocratie, Soulèvent contre lui une guerre de pamphlets : le Détait circonstancié des complots journaliers du Chêielet, les Crimes du Chdtetet dénoncés à la nation, et les violents articles de Marat, dans l’Ami du peuple, poursuivis dans la personne de l’auteur, pris par Sieyès pour prétexte d’uno loi contre la liberté de la presse, et défendus par Camille Desmoulins dans les Résolutions de France et de Brabant.

« Il y a un mot charmant d’Octave, écrit-il. Un aboê Sieyès de ce temps-là vint un matin lui dire, à son lever, que la liberté de la presse dégénérait en licence ; que ceux qui parlaient de l’empereur avec irrévérenco. devaient être châtiés. Auguste était un tyran, et de la première espèce ; mais, soit qu’un ample déjeuner de Palerne l’eût disposé à dire la vérité, soit qu’en ce moment il sortît des bras de Livie, qu’il avait enlevée à son mari, ou de ceux de Julie, sa fille, faisant uu retour sur lui-même : « En vérité, dit-il, mon s cher Sieyès, quand je pense que je suis en personne sacré et inviolable, et que j’ai la 1 licence de tout faire, il me semble que je puis passer à M. Marat la licence de tout 1 dire, »

La découverte de la publication du Livre rouge soulève les clameurs de la France entière. Camille Desmoulins, le premier sur la brèche, dénonce à la nation « 1 audace des ministres, dont un (le maréchal de Ségur), comblé des grâces du roi, et jouissant déjà de 98,322 livres de traitement et de pensions, après avoir obtenu, le 17 mars 1785, des pensions pour dix personnes de sa famille ; après avoir ajouté, de son autorité, le 23 avril, une onzième pension en faveur d’un parent qu’il avait d’abord oublié, formait encore, le 4 sep*tembre 1787, les demandes suivantes : un duché héréditaire, 60,000 livres de pension ; 15,000 livres réversibles à chacun de Ses deux enfants ; une somme pour l’aider a arranger ses affaires, etc. etc., » Puis, s’adressant à Necker, qui, cherchant à défendra l’administration des finances, osait expliquer « quelques dépenses par la jeunesse et l’inexpérience de princes mis k la tête d’un.0 administration très-étendue, dès l’âge de seize ans* et regrettait le retentissement « inutile • donné aux bienfaits particuliers du souverain, l’ardent pamphlétaire continuait ainsi : « Le sieur Necker n’a pas craint de déclarer que le roi trouvait mauvais que l’Assemblée nationale eût fait imprimer le Livre rouge, Trouvaitmauvaisl... Nous trouvons bien plus ipuiivais que toi et tes pareils vous ayez di-