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vingt ans, c’est la première fois que les élections ont été parfaitement libres (Acclamations), et que le pays a pu dire librement sa volonté. (Réclamations de M. Conti et de M. Gavini.)

M. Ducuing, s’adressant à MM. Conti et Gavini. La preuve, c’est que vous avez été nommés !

M. le chef du pouvoir exécutif. La clôture de l’incident, c’est ce qui serait le plus digne. (Oui ! oui !) Mais si la clôture ne prévalait pas, écoutez alors ceux qui voudraient venir se justifier ; nous leur répondrons. Pour moi, je demande la clôture de l’incident. (Vive adhésion. — Très-bien ! — L’ordre du jour !)

M. Conti. Vous voulez étouffer la discussion, c’est ainsi que vous procédez. Je demande la parole pour combattre la proposition qui a été faite. (Exclamations nombreuses.)

M, le président. La clôture de l’incident ayant été demandée, je dois la mettre aux voix.

Il m’a été remis une demande de scrutin de division. (Exclamations.)

Les auteurs de la demande de scrutin persistent-ils ? (Non ! non !)

M. Paul Bethmont. Votons par acclamation !

M. le président. Je mets aux voix la clôture de l’incident dans les termes où elle a été proposée, et que voici :

« L’Assemblée nationale clôt l’incident, et dans les circonstances douloureuses que traverse la patrie, en face de protestations et de réserves inattendues, confirme la déchéance de Napoléon et de sa dynastie, déjà prononcée par le suffrage universel, et le déclare responsable de la ruine, de l’invasion et du démembrement de la France. » (Aux voix ! aux voix !)

M. Conti. Je demande la parole. (Non ! non ! assez !)

M. le président. Je mets aux voix la clôture de l’incident dans ses termes.

(La clôture est mise aux voix et adoptée à une très-grande majorité. — Quelques membres seulement se lèvent à la contre-épreuve ; plusieurs autres s’abstiennent.)

M. Cochery. Je constate que cinq membres seulement se sont levés à la contre-épreuve.

M. Daniel Wilson. Il y en a eu six ; pas un seul de plus ! Je demande que ce soit constaté au Moniteur. (Assemblée nationale, séance du 1er mars 1871.)

CONVENTION BRUNSWICK.

Le Galignani’s Messenger publiait en 1873 le curieux document suivant, qui aurait été rédigé par M. Smith et le comte d’Orsay, alors que Louis Napoléon était retenu prisonnier au fort de Ham en 1845 :

« Nous C.-F.-A.-G., duc de Brunswick, et nous prince Louis-Napoléon Bonaparte, convenons et stipulons par les présentes comme suit :

« Art. 1er. Nous promettons et jurons sur notre honneur et sur le Saint-Esprit de nous aider réciproquement, d’une part, à rétablir le duc de Brunswick sur le trône de son duché de Brunswick, et, si possible, de créer une Allemagne nationale unie, et de lui donner une constitution adaptée aux besoins de l’époque ; d’autre part, d’aider P. et L. Bonaparte dans le projet de rendre à la France le droit d’user de sa souveraineté nationale, telle qu’elle a été reconnue en 1830, pour permettre à ce pays de décider avec pleine et entière liberté du gouvernement le plus conforme à ses intérêts.

« Art. 2. Celui de nous deux qui le premier arrivera au pouvoir, sous quelque titre que ce soit, s’engage à fournir à l’autre des subsides en argent et en armes nécessaires aux besoins de sa cause, et de plus, non-seulement à autoriser, mais même à lui faciliter, par tous les moyens possibles, le concours de volontaires.

« Art. 3. Aussi longtemps que nous resterons en exil, nous nous engageons à nous aider mutuellement dans toute occasion qui se présentera pour nous de regagner les droits politiques dont nous avons été privés par la force. Si l’un de nous réussit à rentrer dans son pays, l’autre s’engage à favoriser la cause de son allié par tous les moyens en son pouvoir.

« Art. 4. Nous nous engageons à ne signer et à ne promettre de signer aucune abdication ou renonciation préjudiciable à nos droits politiques. Au contraire, chacun de nous apportera à l’autre, dans toutes les conditions d’existence, le secours de son bon conseil et de ses bons offices.

« Art. 5. Si plus tard, c’est-à-dire en état de liberté complète, nous jugions nécessaire d’apporter quelque modification au présent traité, en raison de nos situations respectives ou de nos intérêts communs, nous nous engageons à ne faire de changement que d’un commun accord, et à reviser les stipulations de ce contrat pour remédier aux défauts qui auraient pu être déterminés par les circonstances qui ont présidé à sa rédaction. »

Le document ci-dessus était signé par le comte d’Orsay et par M. Smith.

CONSULTATION MÉDICALE.

L’Union médicale a reproduit une consultation médicale au sujet de l’ex-empereur. Cette consultation avait eu lieu le 1er juillet 1870, et avait déjà été publiée dans la dernière livraison du recueil des papiers trouvés aux Tuileries.

Les médecins français y indiquent aussi formellement que possible, et par les seuls signes rationnels, l’existence d’un calcul vésical.

Ce document a une grande importance historique, car la consultation fut rédigée quelques jours avant la guerre, et elle se termine par le passage suivant, qui mérite d’être cité tout entier :

« Nous considérons comme nécessaire le cathétérisme de la vessie, à titre d’exploration, et nous pensons que le moment est opportun, par cela même qu’il n’y a actuellement aucun phénomène aigu.

« Si, en effet, la dysurie, ou la purulence ou les douleurs augmentaient ou reparaissaient, on aurait à craindre de provoquer par l’exploration une inflammation aiguë. »

Cette consultation, rédigée par M. le professeur G. Sée, fut remise à M. le docteur Conneau. Celui-ci ne la transmit pas aux autres médecins consultants, et, après le 4 septembre, on l’a trouvée dans ses papiers.

Le rédacteur de l’Union médicale suppose que l’impératrice n’a pas eu connaissance de ce document, par cela seul qu’il se trouvait parmi les papiers du docteur Conneau. C’est là une supposition toute gratuite.

Comment, en effet, admettre que, par oubli ou par négligence, M. Conneau ait laissé cette consultation dans son tiroir, sans en parler à l’impératrice ? La santé de l’empereur était en ce moment la préoccupation importante, et l’on ne réunit pas six médecins pour ne pas savoir ce qu’ils ont conseillé et décidé ! Napoléon III, à la fin du mois de juin, était très-souffrant, il ne pouvait ni monter à cheval, ni aller en voiture ; il marchait avec énormément de difficulté et tout courbé. Les douleurs de la vessie étaient des plus violentes et, dans les urines qui étaient examinées tous les matins par le docteur Corvisart, il y avait au moins un tiers de pus.

La consultation rédigée par les médecins français concluait à l’existence d’un calcul vésical et à une opération. Or, toute opération de ce genre peut entraîner la mort très-rapidement, et, à cette époque, la popularité de la famille impériale était assez compromise pour que la mort subite de l’empereur pût entraîner la chute de la dynastie. Il fallait donc, avant tout, et avant de faire une opération chirurgicale dangereuse, rendre la régence possible. Le temps pressait, et c’est pour cela que l’entourage de l’impératrice voulait à toute force, et le plus tôt possible, une guerre qui permît de faciliter la transmission du pouvoir. Après la victoire et la paix, le docteur Conneau eût certainement retrouvé la consultation pour la communiquer à son malade. Cela est si vrai, qu’un des médecins, ami de la dynastie, pressé par un de ses confrères pour que l’opération fût faite sans différer, répondit : « Ce n’est pas un malade ordinaire, c’est avant tout un empereur. »

L’intérêt dynastique l’emporta donc sur l’intérêt particulier de l’empereur. Celui-ci souffrant, abattu par une maladie qui enlève toute énergie et toute volonté, n’ayant à cette époque que la seule préoccupation de sa santé, se renseignant même sur l’établissement thermal auquel il devait se rendre, n’avait pas d’envie de faire la guerre et aurait encore bien plus aspiré au repos, s’il avait eu connaissance de l’avis des médecins qu’il avait fait appeler. Mais l’entourage voulait la guerre, la consultation resta chez M. Conneau, et on transporta, tant bien que mal, le malade au milieu de son armée.

— Bibliogr. I. Œuvres de Napoléon III. 1° Œuvres complètes : Œuvres de Louis-Napoléon Bonaparte, publiées par Ch.-Édouard Tremblaire (Paris, 1848-1849, 3 vol. in-8o) ; Œuvres de Napoléon III (Paris, 1854-1857, in-8o).

2° Œuvres choisies : Œuvres militaires de Napoléon III (Paris, 1856, in-8o) ; Dictionnaire politique napoléonien ; Opinions, pensées, maximes extraites des ouvrages de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, par A. d’Almbert (Paris, 1849, in-8o) ; Annales de la présidence ou Recueil méthodique des discours du prince Louis-Napoléon, du 10 décembre 1848 au 2 décembre 1851 (Paris, 1852, in-12) ; Discours et proclamations de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, depuis son retour en France jusqu’au 1er janvier 1850 (Paris, 1850, in-8o) ; Discours, messages et proclamations de l’empereur, depuis son retour en France jusqu’au 1er janvier 1855 (Paris, 1855 ; in-8o) ; Discours, messages, lettres et proclamations de S. M. Napoléon III, empereur des Français, de 1846 à 1861 (Paris, 1861, in-8o) ; la Politique impériale exposée par les discours et proclamations de l’empereur Napoléon III, depuis le 10 décembre 1848 jusqu’en juillet 1865 (Paris, 1865, in-8o).

3° Œuvres historiques : Histoire de Jules César (Paris, 1865-1866, tomes Ier et IIe), ouvrage resté inachevé, et dont nous avons parlé au mot César ; Fragments historiques (Paris, 1841, in-8o).

4° Œuvres diverses : Mélanges (Paris, 1862, in-12) ; Rêveries politiques ; Projet de constitution ; Deux mots à M. de Chateaubriand sur la duchesse de Berry, en vers (Zurich, 1833, in-8o) ; Considérations politiques et militaires sur la Suisse (Zurich, 1833, in-8o) ; Lettre sur la politique de la France en Algérie, adressée au maréchal de Mac-Mahon, gouverneur général de l’Algérie (Paris, 1865, in-8o) ; Histoire du canon dans les armées modernes, précédée d’une biographie de l’auteur (Paris, 1848, in-12) ; Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie, ouvrage continué à l’aide des notes de l’empereur, par le général Favé (Paris, 1862-1863, in-4o) ; Manuel d’artillerie à l’usage des officiers d artillerie de la république helvétique (Zurich, 1836) ; Note sur les amorces fulminantes et sur les attelages (Paris, 1841, in-8o) ; Idées napoléoniennes (Paris, 1837, in-8o), ouvrage auquel nous avons consacré un article particulier ; Extinction du paupérisme (Paris, 1844, in-32) ; Analyse de la question des sucres (Paris, 1842, in-8o) ; Réponse à M. de Lamartine (Paris, 1843, in-12) ; Aux mânes de l’empereur, poème (Paris, 1841, in-4o).

— II. Œuvres sur Napoléon. 1° Histoires et biographies générales : Histoire du second Empire, par Taxile Delord (Paris, 1869-1874, 4 vol. in-8o), en cours de publication ; Napoléon III, sa vie, ses œuvres et ses opinions, par A. Morel (1870, in-18) ; Histoire du second Empire (Paris, 1871, in-32, dans la Bibliothèque populaire) ; Petite histoire du second Empire, par E. Spuller (Paris, 1870) ; Histoire de Napoléon III, édition corrigée et augmentée de la Petite histoire du second Empire de E. Spuller (Paris, 1872) ; Histoire anecdotique et populaire de Napoléon III (1869).

2° Histoires particulières : Récit complet et authentique des événements de décembre 1851, par Granier de Cassagnac (Paris, 1851, in-8o) ; Histoire des crimes du Deux décembre, par Schœlcher (Londres, 1852, in-8o) ; le Gouvernement du Deux décembre, par Schœlcher (Londres, 1853, in-8o) ; Histoire du Deux décembre, par P. Mayer (Paris, 1852, in-12) ; Paris en décembre 1851, par Ténot (1868, in-8o) ; la Province en décembre 1851, par Ténot (1865, in-8o) ; l’Expédition de Crimée, chroniques de la guerre d’Orient, par le baron de Bazancourt (Paris, 1856, 2 vol. in-8o) ; l’Expédition de Crimée, chroniques maritimes de la guerre d’Orient (Paris, 1858, 2 vol. in-8o) ; la Campagne d’Italie de 1859, par le baron de Bazancourt (Paris, 1859,2 vol. in-8o) ; les Expéditions de Chine et de Cochinchine, par le baron de Bazancourt (Paris, 1857-1858, 2 vol. in-8o) ; la Débâcle, par Claretie (1871, in-18) ; la Campagne de 1870, causes qui ont amené la capitulation de Sedan (Londres, 1871) ; Histoire de la révolution de 1870-1871, par Claretie (1871, in-4o) ; la Chute du second Empire, par Saint-Marc Girardin (Paris, 1872, in-4o).

3° Études critiques et historiques : Carte de la situation militaire de l’Europe (Paris, 1868) ; Progrès de la France sous le gouvernement impérial (Paris, 1869) ; Titres de la dynastie napoléonienne (Paris, 1869), écrit qui a été attribué à Napoléon III ; l’Empire, les Bonaparte et la cour, par Claretie (1871, in-18) ; Napoléon III, portrait politique, par le vicomte de La Guéronnière (Paris, 1853, in-12) ; Napoléon III et son gouvernement, études parisiennes, par un diplomate, traduit de l’allemand (Dresde, 1864, in-8o) ; Napoléon III et l’Allemagne, ouvrage traduit de l’allemand (Paris, 1857, in-8o) ; l’Empereur Napoléon II et l’Angleterre, brochure attribuée à La Guéronnière (Paris, 1858) : Napoléon III, la Pologne et Alfred Ier d’Angleterre (Paris, 1862, in-8o) ; l’Empereur Napoléon III et l’Italie, br. attribuée à La Guéronnière (Paris, 1863) ; l’Empereur Napoléon III et l’Algérie (Paris, 1860, in-8o) ; Politique de la France en Algérie (Paris, 1865, in-8o) ; Napoléon III, Marseille et l’Algérie (Marseille, 1860, in 8°) ; Napoléon III et l’opinion catholique, par E. X. (Paris, 1861 ; in-8o) ; Napoléon III et Pie IX, par un théologien (Paris, 1860, in-8o) ; Napoléon III et les médaillés de Sainte-Hélène (Paris, 1861, in-12) ; l’Empire avec la liberté, par É. de Girardin (Paris, 1859, in-8o) ; Napoléon III et la liberté (Paris, 1863, in-8o) ; Napoléon III et la France libérale (Paris, 1861, in-8o) ; l’Empereur et la démocratie moderne, par Granier de Cassagnac (Paris, 1861, in-8o) ; Papiers et correspondance de la famille impériale (Paris, 1870, in-12) ; l’Empire dévoilé par lui-même ; papiers des Tuileries (Paris, 1871, in-32) ; le Dernier des Napoléon (1872) ; la France impériale, par Élie Sorin (Paris, 1873, in-32) ; la Révolution sociale démontrée par le coup d’État du Deux décembre, par Proudhon (Paris, 1852, in-12) ; Napoléon le Petit, par V. Hugo (Bruxelles, 1852, in-32) ; les Châtiments, par V. Hugo (Bruxelles, 1853, in-32) ; les Hommes de 1851, par Vermorel (1869, in-18).

Napoléon le Petit, par Victor Hugo (Bruxelles, 1852, in-12). Dans un de ses plus énergiques discours à l’Assemblée, Victor Hugo avait lancé courageusement ce sobriquet de Napoléon le Petit sur la tête du président qui s’apprêtait à se parjurer ; il l’a repris, après le parjure, pour en faire le titre d’un livre qui est la plus virulente protestation d’une âme indignée contre le coup d’État de décembre. Imprimé hors de France et longtemps proscrit comme son auteur, ce livre, dangereux sous l’Empire, en ce qu’il aurait pu provoquer un redoutable réveil des consciences était activement poursuivi par la police ; quelques privilégiés seulement ont pu le lire alors. Toute l’Europe le traduisait, l’admirait, et il n’est réellement connu chez nous que depuis l’effondrement du régime impérial. Les milliers d’exemplaires qui se sont vendus en quelques mois, aussitôt qu’il en fut fait une édition à Paris, donnent la mesure des bons souvenirs que ce régime avait laissés. On sent que le grand écrivain avait mis toute sa passion dans ces pages fiévreuses ; il s’est pourtant trouvé des critiques assez naïfs pour lui reprocher de manquer de calme, de s’être laissé emporter jusqu’à l’injure ! Ce dont nous le louerons, au contraire, c’est de n’avoir pu rester froid en face de l’attentat et d’avoir laissé déborder toute son indignation, tout son mépris, sans jamais essayer de les contenir.

Quoique écrit vite et comme d’une main haletante, ce livre est admirablement conçu et disposé, même au point de vue de l’art littéraire et de la dialectique ; il frappe, il émeut et il convainc. Victor Hugo a divisé sa protestation en huit livres ; il consacre le premier à faire connaître l’homme, le suivant à exposer le gouvernement issu de la constitution de 1852, deux autres à raconter le crime, à faire le récit du coup d’État et des fusillades ; dans le cinquième, il défend, en termes magnifiques, la liberté de la tribune ; dans les trois derniers, il examine la valeur de cette absolution que Napoléon prétendait tirer du suffrage universel. Le portrait de l’homme est fait de main de maître ; Victor Hugo le présente au milieu de cette imposante scène du 20 décembre 1848, venant prêter le serment à la constitution entre les mains du président de l’Assemblée et prendre Dieu à témoin de sa sincérité ; on le voit s’avancer, blême et osseux, l’œil sans regard, la moustache tombante, et quoiqu’il ait perdu depuis cette physionomie, elle est d’une vérité saisissante. Quels traits virulents il lui décoche ensuite, sous forme de biographie ! le montrant habillé en général sous prétexte qu’il est un peu parent de la bataille d’Austerlitz, mettant tout son talent dans le silence, toute sa force dans l’argent et dans la corruption ; savoir à quel taux se tarifent les consciences, tel est le problème qu’il agite dans ses méditations solitaires, et on le croit absorbé par les plus abstraites spéculations de la politique. Tel était bien, en effet, celui que l’on n’appelait encore que le prince-président.

Le récit du coup d’État est lugubre. La lumière se fera-t-elle jamais sur ces horribles massacres du boulevard Montmartre ? Victor Hugo a essayé de suppléer au silence des documents officiels ; il a réfuté, par des témoignages sérieux, les récits éhontés des écrivains de police qui ont masqué, sous d’effrontés mensonges, ce qu’eut d’odieux et d’horrible cette fusillade dirigée contre des passants et des promeneurs. On lui a reproché d’avoir exagéré le nombre des morts ; à qui la faute, puisque les documents officiels sont évidemment faux ? On lui a reproché d’avoir présenté ce massacre, tout fortuit disent les apologistes, comme un coup froidement médité d’avance, pour frapper de terreur la capitale. Est-ce qu’on peut calomnier l’homme de décembre ?

La partie vraiment belle de l’ouvrage est celle où l’illustre auteur examine la valeur morale du coup d’État, ses conséquences immédiates et celles qui en découleront infailliblement si la France l’accepte, si elle absout le crime, si elle consent à prendre un parjure comme base d’une légalité nouvelle. Tout cela est clair, logique, pressant ; il n’y a là ni emportement, ni injures, mais une dialectique froide et serrée. Les commissions mixtes qui ont proscrit au nom de cette légalité ont proscrit le droit ; les magistrats qui ont prêté serment au traître n’ont réussi qu’à avilir le serment ; les soldats qui l’ont protégé de leurs baïonnettes ont tué l’armée ; le clergé, qui a entonné son Te Deum, a avili la religion. La fin de l’Empire et les désastres au milieu desquels il s’est effondré ont démontré ce que devient un pays où la conscience est sujette à de tels obscurcissements. Quant à l’absolution que Napoléon III prétendait tirer de ses 7,500,000 suffrages, Victor Hugo en fait toucher du doigt l’inanité : « Vous êtes capitaine d’artillerie à Berne, monsieur Bonaparte, lui dit-il. Vous avez nécessairement une teinture d’algèbre et de géométrie. Voici des axiomes dont vous avez probablement quelque idée : 2 et 2 font 4. — Entre deux points donnés la ligne droite est le chemin le plus court. — La partie est moins grande que le tout. — Maintenant faites déclarer par 7,500,000 voix que 2 et 2 font 5, que la ligne droite est le chemin le plus long, que le tout est moins grand que la partie ; faites-le déclarer par 8 millions, par 10 millions, par 100 millions de voix, vous n’aurez pas avancé d’un pas. Eh bien ! ceci va vous surprendre, il y a des axiomes en probité, en honnêteté, en justice, comme il y a des axiomes en géométrie, et la vérité morale n’est pas plus à la merci d’un vote que la vérité algébrique. La notion du bien et du mal est insoluble au suffrage universel. Il n’est pas donné à un scrutin de faire que le faux soit vrai et que l’injuste soit le juste : on ne met pas la conscience humaine aux voix. »

À travers ces flots de raisonnement et d’éloquence, ces accumulations de preuves et d’invectives, cette succession de récits lugu-