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ques à insérer augmenté de 1. Multipliant cette raison par le premier nombre donné, on a le premier moyen ou le deuxième terme de la progression, lequel, multiplié par la raison, donne le deuxième moyen, et ainsi de suite. Soit à insérer trois moyens géométriques entre 2 et 162, la raison est : 3 + 1 ’62

ou

  • /ÏC2 <•/
  • = y — =vsi = 3.

Multipliant par 3 le premier terme 2 et successivement les produits obtenus, on obtient pour les produits géométriques 6, 18, 54, à insérer entre les extrêmes 2 et 162 ; on a alors la progression géométrique :

— 2 :6 : 18 :5* : 102.

Quand le nombre des Biojws-géométriques à insérer est une puissance de 2 diminuée de 1, on peut trouver ces moyens en prenant une moyenne géométrique entre les deux nombres donnés ; puis, une moyenne géométrique entre chacun des nombres donnés et le terme trouvé, et ainsi de suite. Ainsi, dans l’exemple précédent, on a 2’ — 1 = 3 moyens à insérer entre 2 et 162. Prenant le moyen géométrique

1^2 x 162 = 1S

entre 2 et 162, on obtient d’abord la progrèssion

— 2 : 18 : 162.

Insérant ensuite une moyenne géométrique entre chacun des termes consécutifs 2 et 18, 18 et 162 de cette progression, on obtient la progression demandée :

— 2 :6 : 18 :54 : 162..

En insérant un même nombre de moyens géométriques entre les termes consécutifs d une progression géométrique, l’ensemble de tous les termes forme une nouvelle progression géométrique ; ainsi, en insérant trois moyens entre chacun des termes consécutifs de la progression

—^- 1 : 81 : 6561,

on obtient la nouvelle progression :

— 1 : 3 :9 : 27 : 81 : 243 : 720 : 2187 : 6561.

En hydraulique, on appelle rayon moyen d’une conduite en un point le quotient de la section transversale S d’un cours d’eau par le périmètre mouillé P ; on le représente généralement par la lettre R ; on a

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— Hist. Moyen âge. Quand on a médité l’histoire du moyen âge, trop exalté par les uns, trop dénigré par les autres, la première question qui s’impose à l’esprit est celle-ci : le moyen âge a-t-il été un progrès ou une décadence ? La question n’existe, évidemment, pour aucune des écoles fatalistes qui font de l’histoire un drame écrit d’avance par une puissance mystérieuse et joué à son bénéfice, pour ainsi dire, par des marionnettes. Nous n’admettons pas, avec Bossuet, que Dieu seul remplisse l’histoire et que l’homme, conduit comme un aveugle par un fil invisible, y suive à son insu une route tracée par un impénétrable dessein. Tout en reconnaissant, avec Vico, des analogies frappantes entre les évolutions de l’individu et celles de l’espèce, nous nous refusons à croire qu’ils tournent dans le même cercle et qu’il y ait pour l’humanité, comme pour l’homme pris isolément, une dernière période de déclin et de dépérissement aboutissant à la mort. Nous admettrons volontiers qu’il en soit ainsi pour un peuple et même pour un groupe de peuples ; mais quant à l’ensemble, nous croyons au progrès incessant et continu. Pour nous, le dogme de la perfectibilité indéfinie n’est pas une vaine abstraction. Nous en avons l’intuition par le simple examen de nos facultés ; nous en acquérons la preuve par des expériences positives. Mais si la marche générale de l’humanité se fait nécessairement en avant, il faut cependant admettre que le progrès, indéfini par sa nature, n’est pas nécessairement continu ; il faut reconnaître que le flambeau de la civilisation a subi de nombreuses éclipses et qu’à certaines époques de l’histoire de l’homme on a pu se demander avec anxiété si la société humaine n’était pas sur le point de se dissoudre. Le moyen âge est-il une de ces périodes néfastes ou marque-t-il un nouveau pas dans la marche du progrès ? C’est la question que nous voudrions étudier ; mais, pour ne laisser planer aucun doute sur notre appréciation, nous résumerons d’un mot l’idée que nous sommes arrivé à nous faire de cette grande et singulière évolution du monde occidental : le moyen âge, pour nous, a été un recul apparent, qui a préparé, en réalité, les grands progrès de l’humanité dans le monde moderne. Le moyen âge, en un mot, est une période d’incubation qu’a suivie le grand et douloureux enfantement de la science et de la liberté.

Pour bien saisir la valeur historique du moyen âge, il faut le mettre en présence de la période qui l’a précédé, l’antiquité. L’antiquité ! ce n’est pas nous qui essayerons d’en médire. On ne peut oublier la grande cité athénienne, l’austérité républicaine de Sparte, la grandeur des délibérations du sénat et l’ardent patriotisme du peuple romain ; c’est la Grèce qui a enfanté la philosophie et porté les arts à une perfection qui est restée désespérante ; cependant, il faut dire que, lorsque le moyen âge ouvrit une ère toute nouvelle à l’univers, la mémoire même de ces grandeurs antiques s’était effacée ; du monde antique, il ne restait que les abus. La puissance publique était tombée dans la main d’un seul homme, à la fois faible et tyrannique. L’empire romain était en quelque sorte un monde cristallisé dont tout idéal avait disparu. Or, lorsqu’une civilisation incomplète a rendu tout ce qu’elle peut rendre, à peine parvenue à son apogée, elle est condamnée à une lente décomposition et à la mort. Le droit romain n’était par le droit humain ; il faisait une large part à l’arbitraire et à la convention ; donc, il devait disparaître. On se trompe, d’ailleurs, lorsqu’on veut voir le monde entier dans l’empire. Sur toutes ses frontières s’agitaient des peuples, barbares si l’on veut, mais jeunes, pleins de sève et d’une vitalité expansive. Si Rome avait possédé la puissance civilisatrice des nations modernes qu’anime un esprit plus élevé, c’est-à-dire plus humain, elle aurait absorbé les barbares ou les aurait vaincus ; mais l’esclavage, le despotisme et la superstition ne sont pas précisément des forces civilisatrices. L’empire, d’ailleurs, se sentait miné et dissous au dedans par l’invasion d’une doctrine nouvelle plus puissante que la lance des barbares. Le christianisme attirait à lui les classes souffrantes par l’appât des récompenses célestes ; et détacher les hommes de la terre dans une pareille crise, c’était les délier de leurs devoirs civiques ; or, les classes souffrantes, c’était alors l’immense majorité des populations. Assailli au dehors, miné au dedans, l’empire succomba.

Toute action violente provoque une réaction non moins violente en sens inverse, et c’est ainsi que l’humanité passe d’un extrême à l’autre, en traversant le juste, le vrai, le rationnel sans s’y arrêter. Le monde romain avait mis des siècles à se constituer. Il n’en fallut pas tant pour le dissoudre, mais il fallut dix autres siècles pour enfanter un monde nouveau. Telles sont les grandes oscillations de l’histoire. Cette réaction anarchique, désordonnée, cette espèce de longue nuit où toute notion du vieux droit s’obscurcit et s’efface, c’est le moyen âge. À une concentration de pouvoir excessive succède la dispersion ou pour mieux dire l’anéantissement de la puissance publique ; au devoir civique, un instinct de liberté presque farouche ; à une philosophie savante, une scolastique puérile ; à des superstitions mortes, une foi vive, trop vive, qui va se perdre dans les nuages de l’ascétisme ; à une législation savante, des lois de hasard et de circonstance, mal digérées, mal comprises, mal obéies ; à des mœurs polies dans les classes éclairées, des mœurs sauvages et sanguinaires. Seule, la multitude reste le lendemain ce qu’elle était la veille : malheureuse sous l’empire romain, elle est malheureuse sous la domination germanique. D’esclave, elle est devenue serve ; le nom seul est changé.

À l’exception des Goths, qu’un long contact avec l’empire avait dépouillés de leur ancienne rudesse, les nouveaux maîtres de l’Occident étaient d’instinct tout l’opposé des anciens. Nés sous la tente, ils conservaient dans les cités les habitudes de la tente : indiscipline, insubordination, goût des aventures, mépris des arts et des lettres, le tout doublé d’une cupidité de sauvages. Égaux entre eux à titre d’hommes libres, ils ne reconnaissaient dans un chef élu que le premier parmi ses égaux et ne lui accordaient qu’une suprématie illusoire. Qu’était-ce que Clovis ? Un chef heureux, mais dont l’autorité fut toujours contestée malgré ses victoires. Quelle organisation sociale attendre de gens qui n’ont que le génie de la désorganisation ? Comment fixer dans un cadre politique ces flots de guerriers, mouvants comme les flots de la mer ? Les rois goths seuls y seraient parvenus ; dans leur trop courte domination, les deux Théodoric et Euric déployèrent de rares qualités gouvernementales et administratives ; mais, pour le malheur du monde, ils étaient ariens, et, en se coalisant avec leurs ennemis, l’Église chrétienne, qui visait à substituer l’unité religieuse à l’unité politique, les brisa.

Dans le cadre restreint que nous nous sommes imposé, nous n’avons pas la prétention d’enfermer une histoire qui demanderait des volumes ; nous devons même éliminer les considérations secondaires, pour nous attacher à des vues générales. Et la première qui nous frappe, c’est que pendant six cents ans, c’est-à-dire depuis Clovis jusqu’à la constitution définitive de la monarchie française et à la création des grandes communes italiennes, flamandes et germaniques, l’Europe fut un vaste camp retranché où des guerriers vivaient comme au milieu de races ennemies. Partout deux peuples, deux droits, deux législations, deux tendances radicalement contraires. Dans l’Allemagne, où les armes romaines n’ont fait qu’apparaître, domine l’esprit germanique. Là règne une certaine homogénéité favorable à une reconstruction politique. Aussi l’Allemagne parvient-elle de bonne heure à la création d’un empire unitaire. Dans la Gaule septentrionale, la fusion des deux races est lente à se faire, si lente qu’il ne serait pas impossible, même aujourd’hui, de retrouver le vieux sang gaulois dans les populations autochthones. L’Italie et la Gaule méridionale, qui se sont moins ressenties de l’invasion, ont conservé quelque chose de la civilisation romaine. Aussi, que l’on ne soit pas surpris d’y voir surgir un jour des consuls, des capitouls, des préfets et de savants jurisconsultes. C’est précisément pour être restée plus romaine que les autres provinces que l’Italie s’est moins ressentie de l’esprit du moyen âge. C’est aussi la cloche de l’hôtel de ville de Milan qui, la première, a sonné le tocsin contre les barbares, de même que l’université de Bologne a professé la première les Institutes, les Pandectes, et transmis au monde nouveau le flambeau de l’antiquité.

Ainsi, l’irruption des races scythiques du haut des plateaux de l’Asie dans l’Europe occidentale avait ressemblé aux éruptions successives d’un volcan qui projette ses torrents de laves dans toutes les directions, et ces laves couvraient le sol sans s’y agréger. En Afrique, les Vandales d’abord, puis les Arabes ; en Espagne, Vandales, Suèves et Goths ; dans la Gaule, Goths, Burgondes et Francs ; en Italie, Francs, Lombards et Hongrois vivaient entre eux, comme avec les populations indigènes, à l’état de guerre, et de ces chocs multipliés il ne pouvait résulter qu’une immense confusion. Au VIIIe siècle, il n’y manquait plus que les Saxons et les Normands. Et si, en s’établissant fortement sur le haut Danube, les Germains n’eussent opposé une digue insurmontable aux flots de Slaves que l’Asie lançait incessamment sur l’Europe, la confusion eût été au comble. Pour relier et maintenir en faisceau tous ces éléments discordants, il eût fallu la main de fer de plusieurs Charlemagne : il n’en surgit qu’un seul. Et encore, lorsqu’il parut, il n’était déjà plus temps : les ducs, les comtes et les barons s’étaient déjà partagé les lambeaux de la puissance publique. Sous les faibles successeurs de Charlemagne, l’usurpation se complète. Les offices deviennent alors héréditaires ; on compte autant de souverains que de bénéfices et de domaines. Le pacte de vassalité qui les relie entre eux n’est qu’un lien tout personnel. Toute idée générale de patrie, de nation, de droit public, a disparu. Il y a là les débris d’une civilisation ancienne et tous les éléments d’une civilisation future, mais point de société politique. Tel est le caractère négatif de la féodalité.

Qu’est-ce, en effet, qu’un seigneur féodal ? Un brigand retranché dans un château fort et qui n’en descend que pour détrousser les passants ou attaquer ses voisins. Quelle est sa vie ? La guerre. Et après la guerre ? Les tournois. Et après les tournois ? L’orgie. Il s’intitule comte par la grâce de Dieu, mais en réalité il ne relève que de son épée. Tout est à lui, la terre et l’homme, le poisson dans l’eau, l’oiseau dans l’air, le gibier dans la forêt. Il bat monnaie et rend la haute et la basse justice. Quelle justice ! Le gibet dressé à côté de son donjon est l’emblème parlant de sa toute-puissance. Aucune culture morale ni intellectuelle n’amollit cette âme de fer. Le vrai gentilhomme dédaigne les lettres et les arts. Ami de Dieu en qui il voit un tyran comme lui, ennemi de tout le monde, il vit seul comme la bête fauve dans son antre. S’il prenait fantaisie aux loups de s’agréger en société, ils ne choisiraient pas d’autre pacte social que le code de la féodalité.

Toutefois, comme il est impossible que la lumière morale qui éclaire tout homme venant au monde s’éteigne tout à fait dans la conscience humaine, il faut bien que les dernières étincelles s’en soient conservées quelque part. C’est le sanctuaire de l’Église qui en est le refuge. Or, par le malheur des temps, cette lumière va s’affaiblissant de siècle en siècle, de jour en jour. Les temps primitifs de l’Église avaient été illustrés par de grands docteurs, dont l’art suprême avait été de fondre la philosophie grecque avec le dogme chrétien. Les Pères jurent par Platon autant que par l’Évangile ; mais plus on s’éloigne du foyer des sciences et des lettres, plus l’ombre s’épaissit. Au Xe siècle, il fait nuit complète, et les pasteurs des peuples, pour la plupart aussi ignorants que le troupeau, sont infiniment plus corrompus que lui.

Dans leur invasion dévastatrice, les barbares n’avaient rencontré de résistance sérieuse que dans la puissance morale de l’Église et dans les fonctions civiles dont elle était investie. Au naufrage des institutions politiques avaient résisté quelques municipes administrés par des évêques. Le mandat que les défenseurs des cités avaient reçu du peuple fut leur point d’appui. La supériorité de leurs lumières leur valut de plus un ascendant considérable sur l’esprit inculte des conquérants. Le fier Sicambre se courbait sous la bénédiction de saint Rémi. Le brutal Chilpéric redoutait les remontrances de Grégoire de Tours et frémissait sous les rudes apostrophes de saint Germain. Quel bien n’eût pas fait l’Église si elle était restée fidèle à sa mission ! L’ambition, la soif des honneurs et des richesses, une cupidité effrénée et insatiable la perdirent et perdirent le monde avec elle. Le pape est roi, les évêques sont barons et l’Église est devenue une société politique. Ses dignitaires perçoivent la dîme, possèdent des châteaux, des domaines, des sénéchaux, des vassaux, une milice, des juges et des bourreaux. Ils auraient pu s’opposer à la spoliation universelle, ils ont préféré y prendre part, et cette part ira croissant, parce que l’Église est une caste, et qu’il est de l’essence des castes d’être insatiables.

Vers l’an 1000 de l’ère chrétienne, celui qu’on attend pour juger le monde peut descendre des nuées au milieu des éclairs et des tonnerres ; la trompette de ses anges ne surprendra personne. Chacun prête l’oreille et croit l’entendre sonner avec la dernière heure du millénaire écoulé. Le cataclysme universel laissera peu de regrets. Celui qui avait encore quelque chose l’a donné au prêtre pour racheter son âme. Abruties par l’ignorance et la misère, écrasées par les terreurs de la superstition, les populations errent comme des ombres autour des donjons et des beffrois. Ces êtres humains nous font pitié. Sont-ce bien là les descendants des fiers Romains ? Sont-ce les fils des fiers Gaulois ? Ces Grecs honteux et lâches tremblent devant une poignée de barbares ; sont-ils de la race des soldats de Marathon ? Mais s’il en est ainsi, nous dira-t-on, où est le progrès ? Eh bien, oui, répondrons-nous, il fallait qu’il en fût ainsi pour que l’écrasante et stérile unité romaine fût brisée, pour que dans ce fumier du moyen âge germât la semence de la civilisation moderne.

Tout à coup, au moment où l’humanité parait prête à se coucher dans son sépulcre, elle est réveillée par le bruit des croisades, par les querelles du sacerdoce et de l’empire, par l’insurrection des communes italiennes et françaises : triple guerre déclarée à la féodalité sur tous les points à la fois. À Milan, à Gand, à Laon, à Lyon, à Castelnaudary, on peut voir que l’âme humaine n’était pas morte et qu’il ne lui manquait, pour reconquérir la plénitude de la vie, que de s’incarner dans un corps nouveau. Ce corps s’appelle commune aujourd’hui ; demain il s’appellera nation. Il est enfanté, comme l’homme lui-même, dans la douleur et dans le sang. Pour celui qui étudie la philosophie de l’histoire, il n’y a pas d’époque plus intéressante. En Italie, les ligues lombardes ; en Allemagne, les ligues du Rhin ; en Flandre, les grandes communes de Gand, de Bruges et d’Ypres ; en France, les petites communes de Laon et de Vézelay, autant de vastes ateliers du travail qui éclaire, qui féconde et qui moralise, s’agitent et s’organisent dans un désordre apparent, qui n’est que la surabondance de la vitalité. C’est la lutte du droit impérissable contre la force passagère. Assaut au donjon couronné d’une hache d’armes ou d’une croix, et ce donjon s’écroule sous le maillet du tisserand. Décimée, humiliée et ruinée, la féodalité est trois fois vaincue, et le monde est affranchi.

Dans la moisson de gloire de ces temps héroïques, c’est la France qui a cueilli la plus belle gerbe. Pour son salut et pour le salut du monde, la France était constituée d’une façon plus unitaire que les autres contrées de l’Europe. À travers beaucoup de péripéties et de vicissitudes, les provinces se groupaient peu à peu autour d’un noyau d’une puissante attraction, et, grâce au concours de ses fidèles communes, la royauté reconquérait ses anciens droits. Louis IX supprime les justices seigneuriales et abolit le duel judiciaire ; Philippe le Bel décrète la permanence des parlements ; Charles V administre, Charles VII se crée une armée et des finances, Louis XI brise les grands vassaux de la couronne. Une nation est née. Romaine par sa centralisation, gauloise par l’audace de son esprit, franque par le sentiment indomptable de son indépendance, universelle enfin par son génie, la France est à elle seule toute une civilisation. À elle surtout, la mission de précéder les autres et de les guider vers de nouvelles destinées. Pourquoi ce grand rôle n’est-il pas échu à l’Italie ? Pourquoi pas à l’Allemagne ? La raison en est toute simple : l’Italie, fractionnée en petites républiques indépendantes, ne saurait graviter vers son centre sans se laisser absorber par la théocratie ; quant à l’Allemagne, tous ses efforts n’aboutissent qu’à une confédération. L’empire y est purement nominal. Dans le partage de la souveraineté qui s’opère entre l’empereur et les princes électeurs, on voit se perpétuer le vieil esprit germanique, esprit centrifuge en quelque sorte et rebelle à l’unité politique.

Unité de pensée et de foi, unité dans la variété des modes, telle a toujours été, telle sera toujours l’inspiration de l’humanité ; car la vérité ne triomphe et ne s’établit d’une façon durable qu’à la condition d’être universellement acceptée. Mais, pour obtenir l’adhésion de toutes les consciences, cette foi commune doit briller assez haut pour éclairer le inonde entier, elle doit être assez vaste pour contenir tout le développement des facultés humaines. Or, l’antiquité n’avait jamais rien eu de semblable. La Rome des Césars n’avait pu donner au monde que l’unité politique. Au moyen âge, la Rome des papes y substitua l’unité religieuse : deux idées incomplètes et partant insuffisantes. Il y eut un jour où l’Église catholique put se croire à la veille d’absorber le monde. L’Église dominait alors les consciences par ses dogmes Elle attirait les peuples par la soif de la justice et