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MORD

Pour faire la guerre, il faut mordn, Et qui mord peut être mordu.

Arnault. Chacun, vous dénonçant à la haine publique. Se dit : fuyei cet homme, il mord, c’est un critique.

Gilbert.

— Poétiq. Mordre la poussière ou la poudre, Être tué ou ternisse dans un combat : Leurs plus vaillants guerriers avaient mordu

LA POUSSIÈRE.

J’ai fait mordre la poudre à ces audacieux.

Kacihe. Il Mordre le seiîi de sa nourrice, Se montrer ingrat envers ceux dont ou a reçu, des bienfaits.

Cela ne mord ni ne rue, C’est une chose fort inoffensive, il C’est un beau mâtin, s’il voulait mordre, C’est un homme plus vigoureux que brave.

t— Je ne sais quel chien l’a mordu, Je ne m explique, pus sou humeur.

— Prov. Un chien mort ne mord plus, Une personne morte ne peut plus nuire. Il Chien qui aboie ne mord pas, Les personnes qui t’ont beaucoup de bruit, et de menaces ne sont guère à craindre.

— Grav. Attaquer la planche à graver, en parlant de l’eau-forte : Ces ombres sont faibles ; l’eau-forte npas assez mordu le cuiure. Il Fuire attaquer par l’eau-forte : Il faut mordre davantage ces parties-là.

— Mar. S’engager dans le fond par une de ses pattes, en parlant de l’ancre : L’ancre ne mord pas le fond, ne mord pas.

— Pèche, Saisir l’appât, en parlant du poisson : Le poisson a mordu. L’anguille moud avidement l’appât.

— v. n. ou intr. Mordre à ou dans, Attaquer, entamer à coups de dents, prendre des bouchées sur : Mordre k’une poire, À une grappe de raisin. Mordre dans son pain, il Pain. Mordre à, Comprendre, saisir : Un enfant qui mord au latin. Je crois que c’est le langage des antipodes ; te diable n’y mordrait mie. (Rabelais.)

Belle conclusion et digne de l’exorde ! (morde.

On l’cutend toujours bien. Qui voudra mordre y

Racine.. Il Se laisser prendre à : Le soupçon, qualité k laquelle la vieitlesse mokd si volontiers de soimême. (Montaigne.)

Mordre à belles dents, Médire avec malignité :

Pour mordre d belles dents, tout fut de mon domaine ; Je tombai sans pitié sur la sottise humaine.

C. Délavions.

Mordre à la grappe, Se laisser séduire ou gagner : J’ai parié au prince, il a mordu k la grappe. (Le Sage.)

Mordre à l’hameçon ou à l’appât, Se laisser ruser, se laisser duper : Le poisson n’a pas voulu mordre à l’appât. (Boileau.)

Un aveugle y mordrait, C’est une chose extrêmement claire, simple, facile à comprendre.

La mort n’y mord, C’est une chose indestructible.

Mordre sur, Dépassef*par le bord, chevaucher sur : Les ardoises des toitures mordisnt les unes sur les autres. Il Fig. Exercer sa malignité sur : Ne l’étonné pas si te méchant trouve à mordre sur toi : l’émeri mord bien sur le diamant. (Max. orient.) Les caillettes et les imbéciles du bel air, qu’il ne faut jamais écouter ni en fait d’ouvrages d’esprit ni en autre chose, cherchent à mordre sur tout. (Volt.)

Ceci s’adresse à vous, esprits du dernier ordre, Qui, n’étant bons a rien, cherchez sur tout h mordre

La Fontaine. H Captiver, s’emparer de l’esprit de : Le premier devoir d’un orateur est de mordre sur son auditoire, de l’intéresser, sinon de le passionner. (Ste-Beuve.)

— Mar. Mordre ci, Tourner vers, commencer à passer à : Le vent mord au nord.

— Mécan. Engrener : Ce pignon ne mord pas assez.

— Techn. Prendre la teinture : Cette étoffe a bien mordu. Il S’imprimer sur l’étoffe, en parlant de la teinture : Cette teinture ne mord pas bien.

— Typogr. Mordre à, Couvrir certaines parties des pages, en parlant de la frisquette qui les empêche ainsi de recevoir l’impression : La frisquette a mordu au titre, au folio, à la signuture. Mordre sur, Avancer, s’imprimer sur : Lu vignette mord sur les lettres.

Se mordre v. pr. Se blesser avec ses propres dents : Un animal blessé se mord luimême dans sa fureur, il Mordre à soi, mordre quelque partie de son propre corps : Se mordre la langue. Se mordre tes lèvres. Sa mordre les doiots. L’aspic qui se mord la queue symbolise l éternité. (Toussenel.)

— Se donner mutuellement des coups de dents : Des chiens qui se mordent avec rage.

— Pig. Médire l’un de l’autre :

Très-sots enfants de Dieu, chérissez-vous en frères, Et ne vous mordez pas pour d’affreuses chimères.

Voltaire.

Semordre la langue, Se repentir d’avoir

dit quelque chose : Il s’en est mordu la langue. Il Signifie aussi S’arrêter au moment do dire quelque chose dont on aperçoit subite MORE

ment l’inopportunité : Il allait parler, mais il se mordit la langue.

Se mordre les doigts, Se repentir de ce qu’on a fait, s’apercevoir qu’on a eu tort de le faire : jYe faites pas cela, vous vous en

MORDRIEZ LES DOIGTS.

Ma Aile est nonne ; ergo, c’est une sainte. Mal raisonné ; des quatre parts, les trois En ont regret et se mordent les doiyls.

La Fontaine.

Se mordre les lèvres, Eprouver quelque dépit : La jeune fille se mordit les lèvres et devint touterouge d’être ainsi trahie. (A. Paul.)

Il A signifié aussi Regretter ce qu’on a dit, se mordre la langue : Combien de sottises dis-je et réponds-je tous les jours, selon moi, et volontiers donc, combien plus fréquentes selon autrui ? Si je n’en mords les lèvres, qu’en doivent faire les autres ? (Montaigne.)

Aile : vous y faire mordre, Piez-vous-y : Les boursicotiers ! Eh bien, oui ! allez vous y faire mordre.

f — Us »e se mordront pas, Ils sont trop loin l’un de l’autre pour pouvoir se nuire : L’un est à Paris l’autre à Londres ; laissez-les faire,

ILS NE SE MORDRONT PAS.

MORDU, TJE (mor-du, û) part, passé du v. Mordre. Blessé par la pression des dents : Un chien mordu par le loup. Il Attaqué k coups de dents : Une poire mordue par un enfant,

— Rongé en partie : Une planche de gra-

veur mordue par l’acide. Quelques-uns des

' bas-reliefs, trop profondément mordus par la

flamme, s’exfoliaient et s’effritaient au contact de l’air. (Th. Gaut.)

— Fig. Attaqué méchamrrient en paroles : On n’est mordu que par ses amis, il Tourmenté, inquiété ; atteint, affecté : Il fut plus d’une fois mordu au cœur par un de ces mouvements de jalousie et d’envie assez familiers aux gens nés et élevés en province. (Balz.)

Mordu du chien de la métromanie, Le mal me prit, je fus auteur aussi.

Voltaire.

— Prov. Il vaut autant être mordu d’un chien que d’une chienne ou bien Mordu du chien ou du chat, c’est toujours bête à quatre pattes, Peu importe de qui nous vient le mal.

— Mar. Garant mordu, Garant de poulie pris et serré entre deux objets qui empêchent le mouvement.

— Techn. Se dit des coutures, pour indiquer la quantité dont un bord de l’étoffe empiète sur l’autre : Couture trop mordue, pas assez mordue.

— Bot. Se dit d’une feuille ou d’une racine coupée naturellement d’une façon brusque et irrégulière : Feuille mordue. Racine mordue.

MOHDVIN1ENS ou MORDUANS, peuple de race finnoise, établi dans la Russie d’Europe. Jornandès, qui les mentionne sous le nom de Mordens, suppose qu’ils faisaient partie du royaume de Hermanarik, Nestor et d’autres historiens et chroniqueurs du moyen âge en parlent également, mais sans laisser sur eux rien de précis. Une donnée plus instructive ressort du récit d’une bataille qui, suivant les anciens auteurs russes, a été livrée en 1104 par le prince de Moscou, Jaroslaw, Swjatosiawitch, contre les Mordviniens et où ceux-ci remportèrent la victoire. Cette bataille, du reste, n’était qu’un prélude ; la lutte, suspendue d’abord par l’invasion des Mongols, reprit ensuite avec un nouvel acharnement entre les deux peuples, jusqu’à ce qu’enfin les Mordviniens durent se soumettre à la domination moscovite. Les Mordviniens se divisent en deux branches : les Mokschaniens et les Ersaniens. Les Mokschaniens habitent à l’est, principalement sur les bords des fleuves Sura et Mokscha ; les Ersaniens à l’ouest, sur les bords de l’Oka. Ces deux races, d’ailleurs, sont plus ou moins également répandues dans les gouvernements de Wiaika, Kazan, Nijegorod, Pensa, Saratow, Tambov et Limbirski. Jadis nomades et n’ayant guère d’autres armes que lare, les Mordviniens, par suite de L’extrême fertilité des territoires sur lesquels ils s’établirent, prirent peu à peu des habitudes sédentaires et devinrent d’habiles et laborieux agriculteurs ; ils excellent aussi dans l’élevage des bestiaux et dans l’apiculture, à l’exemple des Baschirs, leurs voisins. Depuis le règne de l’impératrice Anna.lvanovna, qui leur envoya des missionnaires, ils ont presque tous embrassé le christianisme. Leur nombre total s’élève à 500,000 âmes environ.

MORE s. m. (mo-re). Syn. de Maure.

Gris de More, Gris tirant sur le noir : De quelle couleur me conseilles-tu de prendre cet habit ? Gris de fer ou cris de More ? (Brueys.)

— Prov. A laver la télé d’un More on perd sa lessive, Ou perd son temps a entreprendre quelque chose d’impossible, particulièrement la conversion d’une personne obstinée.

— Manège. Cheval de cap more ou cavecé de more, Cheval rouan, à tête et extrémités noires.

— s. m. Langue des Mores ; Savoir le more. Parler le more.

— Adjectiv. : Peuple more. Pays mores.

— Rein. Quelques-uns disent more, d’autres moresque ou mauresque au féminin : C est ainsi qu’une More eut l’industrie de devenir reine chrétienne. (Th. Gaut.) Cette galanterie mit

MORE

fort avant le prince français dans le cœur de la belle More. (Th. Gaut.’)

— Encycl. V. Maure. MORE s. f. (mo-re). Art mil. V. mora.

— Econ. domest. Espèce d’hydromel.

— Techn. Pierre noire employée dans la savonnerie.

MORE (Thomas), plus connu sous le nom latinisé de Mnmi. grand chancelier d’Angleterre, né dans Milk street, à Londres, en US0, mort en 1535. Fils d’un des juges du banc du roi, il fut placé à quinze ans en qualité de page chez le cardinal Morton, archevêque de Cantorbéry, puis, en 1497, il alla continuer ses études à Oxford, où il connut Érasme. Les deux jeunes gens se lièrent, en ce couit espace de temps, d’une étroite amitié qui ne finit qu’avec leur vie. Ce fut a Oxford que Thomas More composa la plupart de ses poëmes anglais. En quittant l’université, Thomas More s’adonna ù l’étude des lois et devint un savant jurisconsulte. Nommé lecteur à la cour de chancellerie, il lit pendant trois ans un cours qui fut très-suivi et vivement applaudi. En même temps, il faisait avec un égal succès à l’église de Saint-Laurent des conférences sur l’ouvrage de suint Augustin, la Cité de Dieu. Passionné pour les études théologiques, Thomas More eut la pensée de s’enfermer dans un couvent. Dans le but d’éprouver préalablement sa vocation, il se logea près d’un couvent de chartreux et, comme un frère lai, se mjt à pratiquer les plus rigoureuses austérités de cet ordre sévère ; niais, trouvant bientôt qu’il ne gngnait rien en pieté par toutes ces observances, il en vint à penser que les ordres religieux n’étaient pas aussi utiles qu’on avait coutume de le dire. Renonçant à la vie monastique, More songea à se faire simple prêtre ; mais bientôt encore il s’aperçut que, né pour la vie domestique, il aurait trop de peine à pratiquer rigoureusement toutes les obligations de cet état. Il prit alors la sage résolution de se marier, épousa la fille de Coït, un gentilhomme du comté d’Essex, et trouva dans cette union le bonheur domestique le plus complet.

En même temps qu’il exerçait avec succès ses fonctions d’avocat, More remplit celles de sous-shérif de la ville de Londres et s’acquitta de sa charge avec un esprit d’équité, avec un désintéressement qui le rendirent extrêmement cher à ses concitoyens. Au commencement de 1504, Henri VII ayant convoqué le Parlement dans le but d’obtenir un subside à l’occasion du mariage de sa fille Marguerite avec le roi d’Écosse, More, élu député à la Chambre des communes, fit échouer la demande du roi, qui conçut contre lui le plus vif ressentiment. Peu d’années après l’avènement de Henri VIII (1514), More fut appelé à prendre une part plus active aux affaires publiques ; il fut nommé par le roi maître des requêtes et membre du conseil privé et, bien que conservant sa charge de sous-shérif, il dut abandonner sa profession d’avocat. Ce fut vers cette époque qu’après avoir perdu sa première femme (i5U), il conclut un nouveau mariage avec une veuve, Alyce Middleton, qui ne remplaça pas l’épouse chérie qu’il avait perdue, mais fut, dit-on, pour ses enfants une seconde mère. La maison de sir Thomas ne tarda guère à devenir fort nombreuse ; ses filles, après leur mariage, demeurèrent sous son toit avec leurs époux et leurs enfants, formant autour de lui une famille affectionnée. À mesure que More avançait dans la vie, sa renommée s étendait et bientôt, à son grand regret, la faveur du monarque vint le déranger de sa vie de famille pour l’obliger à demeurer au palais. De 1514 à 1523, il fut plusieurs fois envoyé en ambassade dans les Pays-Bas, pour conclure des traités de commerce, et il s’acquitta de ces différentes missions de la manière la plus heureuse comine’la plus honorable. Ce fut vers cette époque, en 1513, qu’il publia sa fameuse Utopie. Obligé de résigner en 15 ta sa chai’ge de sous-shérif, il reçut de Henri V111 celle de trésorier de l’Echiquier, qui était richement rétribuée. Nommé eu 1523 président de la Chambre des communes, More prononça à la séance d’ouverture un admirable discours, qui est resté comme un curieux monument de la langue anglaise au xvie siècle et un modèle du genre. À partir de ce jour, le cardinal Wolsey devint jaloux de lui comme d’un rival et fit tous ses efforts pour le perdro dans l’esprit de Henri VIII ; mais ce prince, devinant sans doute les secrets motifs de Wolsey et pensant peut-être déjà a faire de More un premier ministre, continua à le combler de ses faveurs et, vers la fin de 1525, le nomma chancelier du duché de Laucastre, office qu’il conserva jusqu’au jour où le grand sceau lui fut remis. En 1520, More accompagna le roi d’Angleterre dans le voyage que celui-ci fit en France, et ce fut lui qui composa le compliment que Henri adressa à François Ier lors de l’entrevue du Camp du drap n’or.

La réputation de sir Thomas était alors européenne ; il avait publié ses Epigrammes, son Utopie, sa Réfutation des luthériens, et ces trois ouvrages, traduits en plusieurs langues, avaient attiré sur lui l’attention générale. Telle était sa situation, lorsque, eu 1526, commencèrent les discussions sur le divorce de Henri VIII et de Catherine d’Aragon, dont le résultat devait être la chute de Wolsey,

MORE

, qui, le 17 octobre 1529, dut remettre les sceaux et s’éloigner de la cour. Le roi jeta les yeux sur More pour remplacer le cardinal Wolsey et, pensant pétrir à son gré un dignitaire qui lui devrait tout, il leva de sa toute-puissante volonté les obstacles s’opposant à l’élévation do More, qui était de trop petite noblesse pour aspirer à un semblable poste. La nomination de More eut l’applaudissement, non - seulement de l’Angleterre, mais encore de toute l’Europe savante, dont Érasme semble s’être fait l’organe dans ses écrits. More déploya dans ce poste éminent de grands talents et une rare vertu. Il concourut à la promulgation de lois excellentes et détruisit une foule d’abus qui s’étaient enracinés sous son prédécesseur. More fut, il est vrai, accusé d’avoir persécuté les luthériens ; mais Érasme l’a complètement lavé de cette accusation, qui avait été portée contre lui par le presbytérien Fox, auteur du martyrologe des chefs protestants. Lorsque Henri VIII rompit les liens qui l’attachaient à l’Église romaine, More, catholique sincère, résigna sa charge et rentra dans la retraite (16 mai 1532). Prières, menaces, offres brillantes, rien ne put lui arracher le serment de suprématie que le roi exigeait de Ses sujets : il se réfugia dans sa conscience et attendit sans pâlir les persécutions de celui qu’on a nommé le Néron de l’Angleterre.

Le mariage projeté de Henri Vfll et d’Anne Boulen avait été aussi une des causes de la démission de More qui, bien que rentré dans la vie privée, prévoyait le coup cruel qui ne devait pas tarder à le frapper. Les menaces de rupture avec le saint-siége n’ayant en rien modifié la conduite du pape, on se préparait à les réaliser et, sans attendre que le pontife romain eût ratifié le divorce de Catherine et de Henri, ce dernier épousa secrètement Anne Boulen le 25 janvier 1533. A Pâques suivant, elle fut déclarée reine et l’on prépara les cérémonies du couronnement. More, invité par le roi à assister à cette cérémonie, refusa et par cet acte de courage offensa mortellement la nouvelle reine qui, à partir de ce jour, poussa le roi à prendre à son égard les mesures les plus violentes. Diverses accusations de corruption et d’offense envers la reine furent portées contre lui, et More figura dans un bill de proscription. Son refus de prêter serment d’allégeance aux.descendants de la nouvelle reine et de reconnaître la suprématie spirituelle de Henri VIII accéléra sa perte ; il fut condamné à une prison perpétuelle et à la confiscation de ses biens (1534). Pendant un an que dura sa captivité ù la Tour de Londres, More résista aux menaces du roi et aux supplications de sa famille. Rien n’ébranla sa résolution. Enfin, Henri, furieux de la résistance d’un seul homme parmi tant d’esclaves assouplis à sa volonté, le fit citer le 7 mai 1535 à la barre du banc du roi pour crime de haute trahison, condamner à mort le icrjuji]et et décapiter le 6 du même mois. More mourut avec la dignité d’un philosophe et la foi d’un martyr. 11 avait, jusqu’au dernier moment, conservé un tel calme, qu’il dit en souriant a un ami qui l’aidait à franchir les degrés de l’échalaud : .« Aidez-moi à monter, car il n’y a pas d’apparence que vous m’aidiez à descendre. » Un beau portrait d’ilolbein nous a transmis les traits de sir Thomas More, et un de ses biographes, son arrière-petil-rils, nous a laissé la description de l’extérieur de son bisaïeul, dont le souvenir était pieusement gardé dans sa famille. Selon ces deux portraits, More était de taille moyenne, bien fait, pâle de visage ; ses cheveux étaient châtains, ses yeux gris, sa physionomie douce et gaie. Son organe, sans être précisément beau, était clair et sonore. Son régime était simple et sobre ; il ne buvait de vin que pour porter quelque santé ou pour répoudre à celles qu’on lui avait portées. Enfin son caractère, soit comme homme public, soit comme homme privé, approchait de la perfection autant peut-être qu’il ait jamais été donné à aucun homme d’en approcher. Avant d’être revêtu de la haute dignité qu’il avait sacrifiée avec tant de grandeur, More, comme nous l’avons dit, s était fait connaître de l’Europe savante par des travaux littéraires qui le mettaient au rang des bons écrivains de l’époque. Parmi ses écrits, réunis et publiés à diverses reprises (Londres, 1555 ; Bàle, 15C5 ; Louvain, 1566 ; Francfort, 1589), nous citerons : l’Histoire de Richard III, celle d’Édouard V ; des Poésies latines ; divers écrits théologiques ; des lettres ; mais le plus célèbre de tous est son Utopie ou De optimo reipubiiae statu, deque nova insula Utopia, plan n’une cité idéale, d’une république parfaite, noble rêve de la philosophie depuis les plus anciens sophistes grecs, auquel nous consacrerons un article particulier (v. utopik). C’est depuis la publication de ce livre qu’on a donné le nom d’utopies à tous les ouvrages de même nature, ainsi qu’aux idées considérées comme chimériques et irréalisables.

More (portraits de Thomas), par Holbein. Érasme envoya à son ami Thomas More, en 1525, son portrait peint par Holbein et lui recommanda l’artiste qui projetait alors un voyage en Angleterre. Thomas More lui répondit : • Votre peintre, mon cher Érasme, est un artiste admirable, mais je crains qu’il ne trouve pas l’Angleterre aussi féconde pour lui qu’il l’espère. Pour qu’il ne la trouve pas