Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 11, part. 2, Molk-Napo.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MORA MORA MORA MORA 543


admis une morale naturelle à côté et au-dessus de la morale ecclésiastique. La France seule, à l’heure qu’il est, donne l’exemple d’une pareille intolérance.

Morale et d’économie politique (essais de), ouvrage extrait des œuvres de Franklin, avec une introduction et des notes, par M. E. Laboulaye (1567). Le commentateur fait connaître ainsi son travail : « J’ai résumé dans ces quelques pages le symbole religieux, moral, économique et politique de Franklin ; je laisse maintenant la parole à ce philosophe, aussi aimable que sensé. En le lisant, on ne se sent pas emporté vers les régions de l’idéal : c’est un vrai fils de la terre, il ne la quitte jamais ; en revanche, on se sent plus raisonnable, plus courageux, plus content de soi-même et des autres. En nous faisant aimer le travail, l’ordre et l’économie, en nous montrant le prix de la liberté et de l’égalité, Franklin nous réconcilie avec la vie et nous apprend à nous trouver heureux ici-bas. Connaît-on beaucoup de philosophes qui aient rendu un service plus grand à l’humanité ? Le recueil extrait des œuvres de Franklin par M. Laboulaye est une suite de nombreuses et très-courtes dissertations sur divers objets ; quelques-unes ont un cadre littéraire : celui de l’apologue, de la fable, de l’allégorie, du dialogue ; d’autres sont de simples lettres traitant de questions de politique et de morale, sur le ton familier de la conversation. L’auteur montre partout ce sens pratique qui caractérise sa sagesse ; il défend, avec toute l’ardeur dont sa nature pacifique est capable, l’égalité et la liberté ; il ne sépare pas l’une de l’autre et les montre toutes deux inséparables de la dignité de l’homme. Qu’on lise ses réflexions sur la guerre, sur la noblesse, Sur la presse, sur le traitement des magistrats, sur la perte du temps, sur le gaspillage de la vie, et l’on verra qu’il y a vraiment de la grandeur morale et civique dans cette philosophie si simple.

Morale fouillée dans ses fondements (la) ou Essai d’Anthropodicée, par P. Sièrebois (Boissière) (Paris, 1867, in-8o). Après avoir montré l’importance du rôle que joue l’habitude dans l’exercice de toutes nos facultés, l’auteur discute à fond la question du libre arbitre. Il n’admet point la liberté dite d’indifférence ; il est déterministe et reconnaît que les mobiles intérieurs qui font agir la volonté se sont constitués lentement par l’influence directe ou indirecte des circonstances extérieures. Pour former à la vertu les jeunes esprits, il veut qu’on leur fasse d’abord sentir qu’ils ont un grand intérêt à éviter tout ce qui, dans leurs actes, pourrait leur attirer la colère, la haine, le mépris des personnes qui les entourent. Quand les jeunes gens auront bien compris cette première instruction, ils feront de bonnes actions, et s’abstiendront des mauvaises, d’abord par intérêt bien entendu, puis bientôt par habitude, et ce sera déjà la vertu, mais une vertu que l’on pourrait appeler aveugle. Cette habitude ensuite engendrera des passions morales, telles que le besoin d’être approuvé, la crainte du blâme, l’orgueil de se sentir digne d’estime, et dès que les jeunes gens auront senti la nécessité, pour être heureux, de compter avec ces nouveaux sentiments, ils deviendront vertueux avec réflexion, et l’on pourra dire encore qu’ils le sont avec désintéressement ; car il y a deux sortes de désintéressement : l’un qui suppose l’oubli complet de son propre intérêt, comme lorsqu’on est vertueux uniquement par habitude ; l’autre qui, étant réfléchi, ne peut pas être complètement étranger à l’intérêt personnel, mais exige seulement que cet intérêt ne soit pas exclusivement personnel ; le besoin d’approbation, par exemple, et la crainte du blâme sont des intérêts qui, tout en se rapportant à la personne, se rapportent aussi à ceux de qui viennent l’approbation et le blâme.

La justice n’est autre chose que l’application de la force sociale au triomphe de certaines volontés individuelles contre d’autres volontés antagonistes, quand ce triomphe est visiblement utile au point de vue général. L’idée d’utilité entre nécessairement dans celle de la justice, mais il faut que cette utilité ait assez d’importance, au point de vue général, pour que l’intérêt même de la société exige que la force sociale vienne au secours des volontés qui pourraient se trouver trop faibles par elles-mêmes.

L’homme vertueux mérite l’estime et l’amour des autres hommes, bien qu’il ne soit pas devenu vertueux sans subir l’influence de mille circonstances extérieures. Car il n’y a rien de mystique dans l’idée du mérite, qui ne diffère de la simple production que par la conscience de celui qui produit ; un bon fruit produit une sensation délicieuse et ne la mérite pas, parce qu’il la produit d’une manière inconsciente ; un bienfaiteur mérite la reconnaissance, parce qu’il la produit sciemment, c’est-à-dire en la prévoyant au moins comme possible. Nous n’estimons pas le fruit, parce que le fruit est dénué de connaissance ; nous estimons l’homme vertueux, parce qu’il peut connaître les sentiments que nous avons pour lui, et parce que ces sentiments peuvent contribuer à faire naître la vertu chez d’autres hommes ; cela suffit, et il n’est nullement nécessaire, pour expliquer notre estime, que la vertu de cet homme soit créée de toutes pièces par une volonté sans rapports d’aucune sorte avec les êtres et les faits extérieurs.

Ce n’est point la conscience qui pousse l’homme aux bonnes actions, qui le détourne des mauvaises ; la conscience ne joue jamais le rôle d’un moteur, elle n’est qu’un témoin, elle se borne à nous faire connaître si nos actes sont conformes ou contraires a la justice. Ce qui nous fait agir, c’est notre constitut moral, c’est-à-dire l’ensemble de tous les sentiments, sympathies, antipathies, désirs, craintes, etc., qui se sont développés en nous dans tout le cours de notre vie. La Conscience est à peu près la même chez tous les Hommes, vertueux ou vicieux ; mais le constitut moral de l’homme de bien diffère beaucoup de celui du méchant, et c’est pour cela précisément que la conduite de l’un ne ressemble nullement à celle de l’autre.

Dans un long chapitre intitulé : De la justice politique, on trouve ensuite des aperçus, quelquefois originaux, sur les diverses formes de gouvernement, sur le luxe, l’hérédité, l’aumône, la guerre, etc. Mais nous ne pour vous entrer dans ces détails, et ce que nous venons de dire suffit pour faire apprécier, les tendances et la portée du livre.

Morale pour tous (la), par Ad. Franck (Paris, 1868, in-18). Dans cet Ouvragé de vulgarisation, nous trouvons tout d’abord une bonne division de la morale. M. Franck y distingue deux parties : l’une théorique, qui nous apprend quel est l’instrument et quel est le principe de la morale, c’est-à-dire quelles sont les conditions sans lesquelles elle ne saurait exister, c’est la psychologie morale ; l’autre pratique, composée des règles et des préceptes, des obligations et des défenses auxquelles nous avons à conformer nos actions, c’est la morale proprement dite. Les questions qui, selon notre auteur, se placent dans la psychologie morale, sont la distinction de l’âme et du corps, le libre arbitre, l’idée générale du bien et du devoir, l’immortalité de l’âme et les sanctions de la vie future. On doit remarquer qu’il en écarte l’existence de Dieu, ce qui donne à penser qu’il ne fait pas dériver du commandement divin la force obligatoire de la loi morale. Toutefois, il déclare à la fin du livre qu’il importe de remonter « de la loi au législateur ; » qu’ainsi « nous ayons la certitude de ne pas nous abuser par une vaine métaphore, ou de ne pas tomber dans cette illusion qu’on appelle une abstraction réalisée ; » que « ce législateur est un être réel, un souverain qui veut être obéi autant qu’il veut être aime ; » que « la saine raison, aussi bien que le sentiment et la foi universelle du genre humain, répudie ce qu’on a appelé récemment la morale indépendante, c’est-à-dire une morale absolument étrangère à la croyance en Dieu. »

Ce qu’il y a de tout à fait remarquable dans ce livre, c’est la critique que fait l’auteur du célèbre précepte évangélique : « Ne faites bas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit. »

« Tous les devoirs que la justice nous impose, dit M. Franck, ont été réunis dans ce seul précepte : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit. » La justice ayant pour première condition la réciprocité, dont la conséquence est de placer les autres sous la protection des mêmes lois que nous revendiquons pour nous-mêmes, il était impossible de l’enseigner sous une forme plus vive et plus populaire… Cependant il est difficile de se persuader que ce que nous estimons un mal pour nous soit la seule mesure de ce que nous devons regarder comme criminel à l’égard des autres… Si le juste et l’injuste ne sont point susceptibles de varier suivant nos dispositions et nos sentiments personnels, ce que nous ne voulons pas qu’on nous fasse n’est pas l’expression dernière de ce que nous ne devons pas faire aux autres, et nous sommes obligés de donner à la justice Une base plus ferme et plus prédise. »

Le plus sérieux reproche que nous puissions faire à M. Franck, c’est de fausser la notion du droit par la manière dont il la déduit. On remarquera d’abord que l’idée du droit ne figuré pus parmi les questions théoriques qu’il examine dans la psychologie morale. Elle n’apparaît que dans la deuxième partie du livre. Le droit, selon notre auteur, n’est autre chose que le moyen d’accomplissement des devoirs envers soi-même. Selon nous, le droit est l’objet, le principal, sinon l’unique objet du devoir. Nous disons que le droit et le devoir sont corrélatifs en ce sens que mon droit au respect et votre devoir de me respecter ne sont que les deux faces d’une même chose. M. Franck entend autrement la corrélation du droit et du devoir. « Droit et devoir, dit-il, sont deux notions corrélatives qui se supposent et s’appellent réciproquement ; de sorte que notre esprit est dans la nécessité ou de les accepter ou de les repousser ensemble. Ils nous représentent le même principe, la même loi, la loi morale, sous deux aspects différents. En effet, ce que la loi m’ordonne de faire, ce qu’elle me prescrit comme un devoir, elle défend aux autres de l’empêcher, d’y mettre obstacle par quelque moyen que ce soit ; elle me déclare inviolable dans l’usage que je fais de mes facultés pour lui obéir ; et cette inviolabilité, empruntée à mes obligations, et limitée par elles, voilà précisément ce qui constitue mon droit. « Il en résulte évidemment que dans tous les actes qui ne se rapportent pas à l’accomplissement du devoir je ne puis invoquer mon inviolabilité, et surtout que je cesse d’être inviolable à vos yeux lorsque j’use de mes facultés contre ce que vous appelez ma destination, contre mes devoirs envers moi-même ou envers Dieu. C’est précisément le langage qu’ont toujours tenu les morales religieuses ; c’est aussi le langage du positivisme. » L’homme, dit Auguste Comte, n’a pas d’autre droit que celui de faire son devoir. » Nous ne pouvons accepter cette définition, du droit.

Morale et la loi de l’histoire (La), par A. Gratry, prêtre de l’Oratoire (Paris, 1868, 2 vol. in-8o). « La science des lois de l’histoire, cette science nouvelle que Vicot a nommée, mais qu’il n’a pu connaître, j’essaye d’en enseigner les principes dans ce livre. » C’est en ces termes que, dans une courte préface, le Père Gratry nous dit le but, l’espoir qui guide sa plumé. Le livre du P. Gratry est consacré à l’examen des caractères et de la marche du progrès politique et social dans ses rapports avec la morale évangélique. C’est une apologie philosophique et historique de la morale de l’Évangile, que le P. Gratry considère comme la source unique des progrès de l’humanité. D’après l’auteur, tout le progrès est contenu dans les principes de fraternité, d’égalité et de liberté proclamés par l’Évangile ; tous les perfectionnements de l’humanité se réduisent à une intelligente explication de ces formules chrétiennes : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux ; qui cherche trouve ; qui demande reçoit ; quiconque frappe voit s’ouvrir les portes. » On avait dit : Hors de l’Église, point de salut ; le P. Gratry dit à son tour : Hors de la morale évangélique, point de progrès. C’est en ce sens, d’après lui, que la morale est la loi de l’histoire. Or, la loi et ses déductions sont applicables dans les trois mondes où l’homme doit s’éveiller, le monde de la nature, le monde humain, le monde divin. Il en résulte que, dans le devoir unique d’obéir à la loi unique, on peut distinguer trois devoirs ou plutôt trois grandes tâches nécessaires imposées à l’humanité : 1o remplir la terre et la dompter ; 2o ordonner tout le globe terrestre dans la justice et l’équité ; 3o chercher avant tout le royaume de Dieu et la justice de Dieu. Dès que l’homme se met à son premier devoir, l’expérience lui apprend qu’il ne le peut remplir s’il ne remplit pas le second. L’homme ne peut pas couvrir la terre et la dompter, s’il ne dispose le globe dans l’ordre et la justice ; et il ne peut que commencer ces deux grandes entreprises, il ne peut les accomplir s’il n’accomplit pas la troisième, s’il ne cherche avant tout le royaume et la justice de Dieu. Il essaye de dompter la terre, et puis, pour la dompter, il essaye d’établir la justice ; puis, pour établir la justice, entreprise plus difficile encore que la première, il a recours à Dieu. Il recommence ensuite son travail et pour dompter la terre et pour établir la justice. Ce sont là les trois grands cercles historiques qu’entrevoyait Vico, sans pouvoir distinguer ce que chacun d’eux contenait. Il vit bien ces trois périodes récurrentes se suivre toujours dans le même ordre, et puis recommencer ; mais ces périodes récurrentes ne recommencent qu’en s’élevant toujours et en se résumant. Elles vont en réduisant toujours le labeur de chaque cercle, tout en agrandissant, à chaque pas, l’horizon, comme ces routes en spirale qui s’élèvent de la plaine au sommet des montagnes. À mesure que les périodes recommencent, nous avançons vers la pénétration mutuelle des cercles et des travaux. Les premières sont de beaucoup plus longues et plus lentes, comme l’orbite et le mouvement des plus lointaines planètes ; les dernières sont à la fois beaucoup plus rapides et plus courtes. Dans chaque cercle, dans chaque grande période de l’histoire, les trois phases secondaires sont toujours : 1o persévérer, malgré l’obstacle, dans la loi ; 2o arriver par ce mérite à la connaissance de la vérité, 3o et, par la vérité, à la possession de la liberté.

Cette distinction des trois phases secondaires de chaque grande période historique, qui sont en même temps les trois moments du progrès de l’âme : obéissance persévérante à la loi, connaissance de la vérité, possession de la liberté, cette distinction s’appuie non seulement sur le témoignage de l’Évangile, mais encore sur celui de la science. Il faut entendre le Père Gratry : « En tout ordre de choses, Dieu donne la vie croissante et opère le progrès par un procédé analogue à celui par lequel dans la nature se déploie la force physique. Or, la science aujourd’hui sait et démontre que la force, une au fond, se déploie en trois moments distincts. La force physique universelle est partout. Tout corps y est plongé et ne peut pas n’en pas ressentir l’effet nécessaire et premier. L’effet premier, c’est la chaleur ; la chaleur est un mouvement vibratoire de chaque atome des corps. C’est l’amplitude des vibrations, la force des vibrations, non la rapidité, qui constitue le degré de chaleur. Ceci est le premier temps du progrès et le premier déploiement de la force. Mais pendant que l’amplitude des vibrations augmente, leur vitesse ne variant pas, il arrive tout à coup un degré de température, bien déterminé pour chaque corps, où s’établissent d’autres vibrations plus rapides, mais sans déranger les premières. Ces nouvelles vibrations constituent la seconde puissance de la force. Elles produisent la lumière. Mais, si l’amplitude des premières augmente toujours, celle des secondes augmente en proportion et la chaleur et la lumière vont en croissant. Vient alors le troisième moment. Quand les vibrations chaudes et les vibrations lumineuses sont arrivées à un degré déterminé de force et d’amplitude, tout à coup de nouvelles vibrations, plus rapides que les précédentes, s’établissent ; c’est la troisième espèce d’ondes, celles qu’il faut nommer les rayons d’énergie chimique. Tels sont les trois temps du progrès, les trois moments du développement de la force physique dans l’atome. C’est le parfait symbole des trois temps du progrès dans l’esprit libre et intelligent. Lé premier temps du progrès est donné. Ce premier temps ou ce premier état est celui qui répond à ce qu’on appelle en physique la température générale de l’espace ; état de chaleur nécessaire qui donne à l’âme le primitif et impersonnel mouvement de la vie. L’esprit intelligent et libre en perçoit : quelque, chose par lueurs vagues et en prend, en laisse quelque chose, par choix secret et instinctif. Selon l’habituelle direction de ce choix, la vie est comprimée ou dilatée, altérée ou favorisée : Si ce choix est conforme aux lois universelles, la force de la vie augmente, la chaleur de l’âme se déploie et, croissant toujours, finit par arriver à la lumière… De la marche continue de la chaleur et de la lumière réunies et toujours croissantes procédera ce que l’Évangile nomme la liberté, c’est-à-dire le plein déploiement de la force, de la force royale, de l’acte plein, de la liberté pure, qui opère dans la justice et la lumière, dont la chaleur et la lumière ne sont que germes et précurseurs. C’est le troisième temps du progrès.

Ce n’est pas tout. Ces trois temps que présente le développement de la force physique comme celui de la force morale, le P. Gratry ne manque pas de les retrouver dans le mystère de la Trinité. « Ces trois effets distincts de la force unique, dit-il, sont dans une manifeste analogie avec la formule catholique relative à la vie intérieure de. Dieu : trois hypostases distinctes dans l’unité de la nature divine ; trois actes qui, dans leur vie absolue, éternelle, sont pourtant soumis à cette loi, que le Père, de sa plénitude, engendre son Fils, la lumière ou la vérité, et que de l’un et l’autre procède l’Esprit, qui est dans la vie éternelle et universelle ce qu’est dans la nature la force opératrice, ce qu’est dans l’âme la liberté qui opère dans la justice et la lumière, ce qu’est enfin ce complet déploiement des forces, cause du bonheur, de l’amour et de la perpétuité dans la vie. » Ebloui de la Lumière qui sort à ses yeux de ces puériles analogies où les esprits mystiques se complaisent, le P. Gratry pousse le cri de joie et de triomphe qu’arrache le sentiment de la découverte : eurêka. « Nous croyons, dit-il, en faisant connaître cette loi de la vie, du progrès de l’histoire, presque inaperçue jusqu’ici, rendre à la science universelle, un signalé service. »

Morale indépendante dans son principe et dans son objet (la), par C. Coignet (Paris, 1868). Voici la thèse soutenue par M. Coignet. Tous les hommes se sentent soumis à une loi commune empreinte dans leurs âmes, avec le même caractère. Or une pareille universalité est loin d’appartenir aux idées religieuses, qui varient entre les diverses religions et au sein même de chaque religion. Est-ce donc sur cette mer orageuse qu’il faut exposer la morale universelle ? Elle est faite pour être un lien entre les hommes : faut-il l’associer à ce qui divise les hommes ?

Sans aucun doute, on peut compter sur la droiture naturelle de la conscience pour sauver là morale, même aux dépens de la logique ; mais si elle ne doit trouver son salut qu’en faisant violence à son prétendu principe, quel plus fort argument en faveur de son indépendance ? De plus, le spectacle des contradictions humaines a de tout temps fait naître le scepticisme. On s’épargne la peine de choisir entre les doctrines qui se disputent les âmes, en déclarant qu’elles sont toutes également incertaines. Or, la morale ne peut être préservée que par son indépendance, rattachée à ces opinions religieuses dont la diversité est le triomphe du scepticisme, comment ne succomberait-elle pas sous les mêmes coups ?

La volonté se sent à la fois libre et obligée par une loi. C’est dans la liberté elle-même qu’il faut, trouver, la loi de la liberté ; il n’y a rien au-dessus de la liberté. Cette liberté, qui nous paraît limitée, il faut la rendre illimitée ; pour se réaliser, sans contradiction, la liberté doit suivre une ligne déterminée que nous appelons le bien moral ; il y a une règle inhérente à la liberté, dans ce sens que, pour se maintenir, pour se développer, pour, se réaliser pleinement, la liberté doit se conformer à cette règle. On peut tirer de ce principe, indépendant de toute idée métaphysique et de toute idée religieuse, ces deux grands préceptes : respectez votre personnalité ; res-