MARM
en taillé-douce brûlent l’huile à faire le noir. Il Vase dans lequel les plombiers fondent leur plomb.
— Bot. Marmite de singe, Nom vulgaire, à Cayeune, de quelques espèces de quartelé.
— Géol. Marmites de géants, Grands creux arrondis, à parois lisses, qu’on trouve dans certaines roches.
MARMITEtJX, EUSE adj. (mar-mi-teu, euze
— de l’ancien français marmite, que l’on trouve dans nos vieux auteurs avec la signification de papelard, hypocrite, ûiez tira ce inot de marmite, vase, par allusion à la marmite des pauvres ; mats'marmite, hypocrite, ’ est certainement beaucoup plus ancien que marmite, vase. Scheler est disposé k rattacher marmite, hypocrite, à marmot ; mais le ■sens de papelardie n’est pas dans marmot, Comme le pensent Génin et Littré, marmite, que l’on trouve employé au moyen âge avec la signification de papelard, hypocrite, sombre, sournois, est sans doute composé, comme chatiemile, d’un mot mile qui se trouve isolé dans ce vers du Roman du Menart :
Si l’une est chats l’autre est mite.
Mite est le latin mitis, doux, combiné avec la particule bien connue mur, qui signifie mai, de sorte que marmite, mate mitis, signifierait proprement mal doux, ce qui convient parfaitement au sournois et au papelard). Pauvre, misérable. Il Piteux, maussade : Je vais avec déiiit, en plusieurs ménages, monsieur revenir maussade et tout marmiteux des tracas des affaires, environ midi, que madame est encore à s’utlifer en son cabinet, (Montaigne.) Il Hypocrite, il Vieux mot. On a dit aussi marmite.
MARMITON s. m. (mar-mi-ton — rad. marmite). Celui qui, dans une cuisine, est chargé du plus bas emploi.
MARMITONNAGE s. m. (mar-mi-to-na-je
— rad. marmiton). Fam. Office de marmiton.
MARMITONNER v. n. ou intr. (mar-mi-toné
— rad. marmiton). Pop. Faire le marmiton, remplir l’office de marmiton.
MARMITONNERIE s. f. (mar’mi-to-ne-rl). Bande de marmitons : Toute la makmitonnerik se mit en l’air. (Th. Gaut.)
MARMITTA (Giaeomo), poèté italien, né k Parme, mort en 1561. Il fut un des disciples de sami Philippe de Néri et composa des Poésies qui ont été réunies et publiées à Parme (1534, in-4o). C’est k tort qu’on lui a attribué le poème de la Guerra di Parma (1552), dont le véritable auteur est Leggiadio.
MARMITTA (Ludovic), graveur italien qui vivait au xvie siècle. Comme son père François, dont il reçut les leçons, il devint graveur en pierres fines, se rendit à Rome, où il trouva un protecteur dans le cardinal Jean Salviati, et exécuta, entre autres ouvrages remarquables, quatre cachets en cristal pour ce prélat et un fort beau camée représentant la Tête de Socrate. Par la suite, poussé par l’amour du gain, Marmitta employa son talent à contrefaire des médailles antiques, acquit ainsi une grande fortune et vécut alors dans le repos.
MAKMOL (José), poète hispano-américain, né k Buenos-Ayres en 1818. Il faisait ses études de droit, dans sa ville natale, lorsque, en 1838, il fut emprisonné par’ ordre du dictateur Rosas, et banni peu de temps après. M. Murtnol voyagea dans l’Amérique du Sud, revint à Buenos-Ayres après la chute du dictateur, s’occupa avec ardeur de politique et fut, k diverses reprises, élu député. M. Marmol occupe un rang distingué parmi les poètes de l’Amérique méridionale. Il se rît d’abord connaître par des dithyrambes dirigés contre Rosas et qui furent la cause de son exil. Plus tard, un succès universel accueillit ses Cantos del peregrino (Chants du pèlerin), épopée rappelant par sa tonne le Childe Haraid de Byrou, et dont les cinq premiers chants furent publiés en 1847 à Montevideo, tandis que les cinq derniers ne parurent que plus tard. Il y peint avec une remarquable éloquence et une rare exactitude la luxuriante nature de l’Amérique tropicale, et l’on sent percer à chaque vers un lyrisme grandiose, inspiré par 1 amour de la patrie et par la haine du despotisme. Plus tard, Marmol publia deux draines, le Poêle et le Croisé ; mais ils contribuèrent moins k sa réputation que son roman intitulé Amélie (1852), dans lequel il a raconté l’histoire de Buenos-Ayres sous la domination de Rosas, et qui a plutôt la forme et la valeur de mémoires historiques que le mérite d’une œuvre de pure imagination.
MARMOL Y CAHVAJAL (Louis), historien espagnol, né k Grenade vers 1520. Il suivit Charles-Quint en Afrique et assista au siège de Tunis (1538). Plus tard, il fut fait prisonnier par les Maures, resta huit ans captif et publia à son retour une curieuse relation de ses voyages dans le Sahara, le nord de l’Afrique et l’Égypte : Vescription générale de l’Afrique et histoire des guenes des chrétiens contre les infidèles, qui parut en deux parties, la première à Grenade (1573, 2 vol. in-fol.), la seconde k Malaga (1599, in-fol.), et a été traduite en français par Perrot d’Ablancourt sous le titre de VAfrique de Louis de Marmot
MARM
(Paris, 1G67, 3 vol. in-4»). Cet ouvrage, généralement exact et plein de matériaux intéressants pour la géographie de l’Afrique et l’histoire des pays barbaresques, est écrit dans un style prolixe et diffus. On lui doit, en outre : Mistoria de rebelion y casiigo de losMoriscos del reyno de GrunaJa (Malaga, 1600, in-fol.).
MARMOLITE s. f. (mar-mo-li-te — du lat. marmor, marbre, et du gr. lithos, pierre). Miner. Variété de serpentine. Il Variété de talc.
MARMONNÉ, ÉE (mar-mo-né) part, passé du v. Marmonner : Paroles marmonnées.
MARMONNER v. a. ou tr. (mar-mo-néautre forme de marmotter). Pop. Murmurer entre ses dents : Il marmonnait toutes ses kyrielles. (Rabelais.)
MARMONT, famille de Bourgogne, originaire
des Pays-Bas, et dont le nom patronymique
est Viesse. Elle avait pour représentant,
au xvie siècle, Alexis Viesse, lieutenant
au régiment de Vieille-Marine, père d’Hélion
Viesse, seigneur de Latrecey. Celui-ci eut,
entre autres enfants, Nicolas Viesse, prévôt
des maréchaux de France au bailliage de la
montagne et comté de Bar-sur-Seine. Son
fils, Simon Viesse, fut prévôt des maréchaux
de France et mourut en 1717, laissant, entre
autres enfants, Edme Viesse, père de Nicolas-Edme
Viesse de Marmont, capitaine au
régiment de Hainaut. Ce dernier fut le père
d’Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont, maréchal de France et duc de Raguse, dont nous allons parler.
MARMONT (Auguste-Frédéric-Louis VIESSE DE), duc DE RAGUSE, maréchal de France et membre de l'Institut, né à Châtillon-sur-Seine en 1774, mort à Venise en 1852. Son père, capitaine au régiment de Hainaut, le destinait à la magistrature ; mais le jeune Marmont céda à la vocation irrésistible qui le poussait vers la carrière des armes, et, à dix-sept ans, il fut reçu élève sous-lieutenant à l'école d'artillerie de Châlons, où il se distingua par ses goûts et ses aptitudes pour les sciences exactes, qualités qui devaient le rendre un des meilleurs généraux d'artillerie de son temps. Il débuta comme lieutenant au siège de Toulon et se fit remarquer de Bonaparte, dont le coup d'œil pénétrant eut bientôt discerné le rare mérite du jeune officier, et qui se l'attacha dès cette époque. En 1795, Marmont servit comme capitaine à l'armée du Rhin, où il commanda l'artillerie de l'avant-garde de Desaix, et, l'année suivante, il suivit Bonaparte à l'armée d'Italie comme aide de camp du nouveau général en chef. Il prit une part brillante à cette immortelle campagne, dont il revint avec le grade de chef de brigade, ayant à peine vingt-trois ans. Il accompagna ensuite Bonaparte dans l'expédition d’Égypte, se distingua à la prise de Malte, où il enleva le drapeau de l'ordre ; au siège d'Alexandrie, dont il enfonça une des portes à coups de hache ; à la bataille des Pyramides, au succès de laquelle il contribua avec le général Rampon, par la destruction d'un corps de mameluks. Chargé ensuite de la défense d'Alexandrie contre les attaques combinées des flottes anglaise, russe et turque, il résista victorieusement à un effroyable bombardement, malgré les horreurs de la peste et de la famine, auxquelles la ville était en proie. De retour en France avec son général en chef, il prit une part active au 18 brumaire, et reçut ensuite le commandement de l'artillerie destinée à la nouvelle campagne d'Italie. Le premier consul le chargea d'organiser le passage du mont Saint-Bernard, et il sut vaincre tous les obstacles qu'il devait rencontrer dans une entreprise aussi difficile. À Marengo, l'artillerie de Marmont jeta le désordre dans les rangs autrichiens, et Kellermann en profita habilement pour charger et couper l'armée ennemie, jusqu'à ce moment victorieuse. Nommé général de division d'artillerie, puis premier inspecteur général de cette arme, il y apporta de grands perfectionnements et commanda quelque temps après l'armée française en Hollande. Le 14 juin 1804, il fut fait grand officier de la Légion d'honneur, et grand-aigle le 2 février 1805, puis colonel général des chasseurs à cheval. Lorsque la guerre éclata de nouveau entre la France et l'Autriche, vers la fin de l'année 1805, Marmont prit une grande part au blocus et à la reddition d'Ulm. L'année suivante, il reçut le commandement supérieur de l'armée de Dalmatie, avec le titre de gouverneur général des provinces illyriennes, dégagea Raguse, assiégée par les Russes, et vainquit ces derniers en plusieurs circonstances. Dans ce nouveau poste, il révéla tous les talents d'un grand administrateur, introduisit une foule d'améliorations dans son gouvernement, et ouvrit à travers les marais et les montagnes une route de 300 kilomètres, qui inaugura une ère nouvelle pour le pays. Cette activité infatigable faisait dire de lui par les Dalmates : « Les Autrichiens pendant huit ans ont discuté des plans de route sans les exécuter ; Marmont est monté à cheval, et, quand il en est descendu, elle était terminée. » Lorsque l'empereur d'Autriche visita la Dalmatie, en 1818, à la vue des travaux accomplis par le général français, il dit en riant au prince de Metternich : « Il est bien fâcheux que le maréchal Marmont ne soit pas resté en Dalmatie deux ou trois ans de plus. »
Vers la fin de 1807, Marmont fut créé duc de Raguse, puis, lorsque commença la campagne d'Autriche de 1809, il reçut l'ordre de réunir son corps d'armée et d'opérer sa jonction avec les troupes d'Eugène de Beauharnais, opération qu'il exécuta heureusement après avoir battu les Autrichiens en diverses rencontres. Toutefois, il ne prit aucune part à la bataille de Wagram ; il se tint à Znaïm, malgré les instructions contraires qu'il avait reçues de Napoléon, et se vit sur le point d'être écrasé par les débris de l'armée autrichienne. Il n'en fut pas moins alors nommé maréchal de France. Marmont reprit ensuite ses fonctions en Dalmatie, et les continua jusqu'en 1811, époque à laquelle il fut appelé à remplacer Masséna dans le commandement de l'armée de Portugal, qui venait de rentrer en Espagne. Il eut alors la tâche difficile de surveiller et de combattre Wellington. Ses premiers succès lui inspirèrent une confiance fatale, et, le 22 juillet 1812, il perdit contre le général anglais la bataille des Arapiles, dans laquelle lui-même eut le bras droit fracassé par un boulet dès le commencement de l'action, ce qui contribua sans doute à notre défaite. Dans la campagne de 1813, en Allemagne, Marmont eut le commandement du sixième corps de la grande armée et prit une grande part aux batailles de Lutzen, de Bautzen, de Dresde et de Leipzig. Dans la campagne de 1814, qui avait lieu chez nous cette fois, le duc de Raguse se signala par des prodiges d'activité et d'audace sous les murs de Paris surtout, où il lutta contre les Russes avec une indomptable énergie ; il défendit en désespéré les hauteurs de Belleville ; mais la supériorité du nombre était trop écrasante pour qu'on pût conserver le moindre espoir, et les maréchaux Marmont et Mortier durent se résigner à la douloureuse nécessité de traiter avec l'ennemi ; toutefois Mortier se refusa à signer la capitulation. Quant à Marmont, il se retira sur Essonne avec son corps d'armée, qui se montait à environ 20,000 hommes.
Nous voici arrivés à une phase bien contestée encore de la vie du maréchal Marmont, phase qui a attiré sur son nom plus de célébrité que tous ses succès militaires ; nous voulons dire sa trahison présumée. Nous résumerons ici la question telle qu'elle a été étudiée et élucidée par M. Thiers, qui nous semble avoir jugé l'homme et les circonstances avec une grande impartialité ; mais disons tout de suite, pour expliquer dans quelle terrible situation d'esprit a dû se trouver Marmont, disons qu'il avait entendu à Paris la formidable explosion de haines qui venait d'éclater contre l'Empire et contre l'auteur de tous les malheurs de la France, disons qu'il avait été enveloppé par les intrigues, non-seulement des royalistes, mais encore de ceux qui, à l'exemple de Talleyrand, se retournaient contre l'Empire après l’avoir servi, et qui répétaient sur tous les tons au maréchal qu'une plus longue fidélité à un seul homme serait l'immolation de tous les intérêts de la patrie.
Le 4 avril 1814, Napoléon rédigeait lui-même et signait le fameux acte suivant :
« Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'empereur Napoléon, fidèle à son serment, déclare qu'il est prêt à descendre du trône, à quitter la France et même la vie, pour le bien de la patrie, inséparable des droits de son fils, de ceux de la régence de l'impératrice et des lois de l'Empire. Fait en notre palais de Fontainebleau, le 4 avril 1814. » On voit que, dans cet acte, Napoléon réservait les droits de sa femme et de son fils ; deux jours après, 6 avril, il signait cette autre formule : « Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'empereur Napoléon, fidèle à ses serments, déclare qu'il renonce pour lui et ses héritiers aux trônes de France et d'Italie, parce qu'il n'est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'intérêt de la France. » Ici, l'abdication est absolue ; quel événement avait donc apporté cet immense changement dans la rédaction ? C'est maintenant que se dévoile le rôle joué par Marmont dans ces tristes journées.
Tandis que les maréchaux, réunis autour de Napoléon à Fontainebleau, s'efforçaient de lui arracher son abdication personnelle, scène qui est restée célèbre, mais dont on a exagéré la violence, le gouvernement provisoire établi à Paris sous les auspices des souverains alliés faisait tous ses efforts pour détacher Marmont de Napoléon. Établi à Essonnes avec 20,000 hommes, dans une forte position, il permettait à l'empereur, en réunissant les autres débris de ses troupes, de tenter un effort désespéré sur les ennemis, de leur livrer même dans Paris une bataille qui pouvait devenir désastreuse pour eux. Marmont fut donc circonvenu par les agents du gouvernement provisoire ; on parla à son ambition, à sa vanité, à son patriotisme même, en lui dévoilant le tableau des calamités que l'opiniâtreté de Napoléon pouvait déchaîner sur la capitale et sur la France, tristes éventualités qui n'étaient certes pas invraisemblables. Ces considérations frappèrent son esprit, et, après de longues et cruelles indécisions, il consentit à entrer en pourparlers avec le prince de Schwarzenberg, commandant de l'armée autrichienne, et tous deux convinrent des conditions suivantes :
« Marmont devait, avec son corps d'armée, quitter l'Essonne le lendemain, gagner la route de la Normandie, où il se mettrait à la disposition du gouvernement provisoire, et comme il ne se dissimulait pas les conséquences d'un acte pareil, car non-seulement il enlevait à Napoléon près du tiers de son armée, mais la position si importante de l'Essonne, il avait stipulé que, si par suite de cet événement, Napoléon tombait dans les mains des monarques alliés, on respecterait sa vie, sa liberté, sa grandeur passée, et on lui procurerait une retraite à la fois sûre et convenable. Cette seule précaution, dictée par un repentir honorable, condamnait l'acte de Marmont, en révélant toute la gravité que lui-même y attachait. »
Cet arrangement devait rester secret jusqu'à son exécution ; Marmont en instruisit seulement ses généraux divisionnaires, auxquels il apprit l'abdication conditionnelle de Napoléon, et il les trouva tout disposés à marcher dans la voie qu'il venait d'ouvrir. Marmont dut alors se rendre à Paris avec les autres maréchaux pour y plaider la cause de Napoléon auprès des souverains alliés. Sur ces entrefaites, le général Souham, qui commandait à la place de Marmont, reçut l'ordre de se rendre à Fontainebleau ; il crut alors, avec les autres généraux, Compans, Bordesoulle, Meynadier, que Napoléon était instruit de tout ; et ils résolurent de précipiter le mouvement convenu, même en l'absence de Marmont. Ils prévinrent donc le prince de Schwarzenberg de leur dessein, et, le 5 avril, vers 4 heures du matin, le 6e corps franchit l'Essonne. Officiers et soldats ignoraient le secret de cette marche ; ils ne commencèrent à concevoir des soupçons qu'en voyant les ennemis border paisiblement les routes et les laisser passer sans faire feu. Les murmures commencèrent à éclater alors, et tout présageait un soulèvement en arrivant à Versailles. Une seule division ne suivit point le mouvement, celle du général Lucotte, à qui l'ordre parut suspect, et qui refusa de l'exécuter ; mais la ligne de l'Essonne n'en fut pas moins perdue pour Napoléon, qui dut voir dans cette défection la ruine de ses dernières espérances.
La nouvelle de ce grave événement produisit dans l'esprit des souverains alliés un effet décisif ; jusqu'alors ils avaient eu des ménagements pour Napoléon, qui était encore redoutable pour eux ; mais sa terrible épée venait de lui être arrachée des mains, et Alexandre annonça aux négociateurs, Caulaincourt, Ney et Macdonald, que les souverains ne pouvaient plus se contenter d'une abdication conditionnelle, qu'il leur fallait l'abdication absolue de Napoléon pour lui et sa famille. Telle est l'explication de la différence qui existe entre les deux formules que nous avons données plus haut.
Marmont avait été consterné en apprenant ce qui venait de se passer : « Je suis perdu, s'écria-t-il, déshonoré à jamais ! » Mais il se borna à des exclamations et ne tenta aucun effort pour réparer le mal, ou du moins pour diminuer la part de responsabilité qui allait peser sur lui. Tout à coup on apprit que le 6e corps, instruit enfin du véritable rôle qu'on venait de lui faire jouer, était en pleine révolte à Versailles contre ses généraux ; ce fut encore Marmont qu'on chargea d'user de son influence sur l'esprit de ses soldats pour les ramener à l'obéissance, et il y réussit en les flattant, puis en leur démontrant l'impossibilité de résister à l'ennemi, en leur promettant même de revenir se mettre à leur tête dès que l'armée serait reconstituée.
« Ainsi s'accomplit cette opération, qu'on a appelée la trahison du maréchal Marmont. Si l'acte de ce maréchal avait consisté à préférer les Bourbons à Napoléon, la paix à la guerre, l'espérance de la liberté au despotisme, rien n'eût été plus simple, plus légitime, plus avouable ; mais, même en ne tenant aucun compte des devoirs de la reconnaissance, on ne peut oublier que Marmont était revêtu de la confiance personnelle de Napoléon, qu'il était sous les armes et qu'il occupait sur l'Essonne une position capitale ; or, quitter en ce moment cette position avec tout son corps d'armée, par suite d'une convention secrète avec le prince de Schwarzenberg, ce n'était pas opter comme un citoyen libre de ses volontés entre un gouvernement et un autre, c'était tenir la conduite du soldat qui déserte à l'ennemi ! Cet acte malheureux, Marmont a prétendu depuis n'en avoir qu'une part, et il est vrai qu'après en avoir voulu et accompli lui-même le commencement, il s'arrêta au milieu, effrayé de ce qu'il avait fait ! Ses généraux divisionnaires, égarés par une fausse terreur, reprirent l'acte interrompu et l'achevèrent pour leur compte, mais Marmont, en venant s'en approprier la fin par sa conduite à Versailles, consentit à l'assumer tout entier sur sa tête, et à en porter le fardeau aux yeux de la postérité ! » (Hist. du Consulat et de l'Empire.)
Oui, le jugement est juste dans sa sévérité ; en regard des principes inflexibles de la morale, il n'est pas de compromis possible avec les circonstances mêmes et avec sa conscience. Cette réserve faite en l'honneur d'un