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son esprit était noble et gracieux, son langage animé et son attrait déjà fort grand ; de bonne heure elle avait montré les rares agréments qui devaient la faire aimer et qui rendirent si séduisante son enfance elle-même. Quand elle perdit subitement son mari (5 décembre 1560), et que, veuve à dix-huit ans, il fut décidé qu’au lieu de rester en son douaire de Touraine elle retournerait en son royaume d’Écosse pour y mettre ordre aux troubles civils qui s’y étaient élevés, ce fut un deuil universel en France, dans le monde des jeunes seigneurs, des nobles dames et des poètes. » Michelet conjecture, non sans raison, que les ardeurs sensuelles de celle qu’il appelle « cette grosse chamelle rousse » furent pour quelque chose dans la mort précoce du débile François II. À propos de cette épithète de rousse donnée à Marie Stuart par le grand historien, disons en passant que les auteurs ne sont pas d’accord sur la couleur de ses cheveux, que tous vantent néanmoins comme fort beaux. Walter Scott prétend qu’ils étaient noirs ; Mignet, d’après tous les contemporains, les fait blonds ; M. Dargaud les compare à un rayon de soleil, ce qui se rapprocherait de l’opinion de Michelet ; les poëtes de la pléiade en ont chanté les tresses d’or et Brantôme dit qu’ils étaient blond cendré, ce qui concilie à peu près toutes les opinions, sauf celle de Walter Scott.

Durant son séjour en France et pendant son règne éphémère, Marie Stuart avait commis, envers ses sujets d’Écosse, quelques actes d’une extrême imprudence. Par un premier acte secret, elle faisait donation de la couronne d’Écosse aux rois de France, à charge de la défendre contre les Anglais ; par un second, elle accordait l’usufruit du royaume d’Écosse au roi de France, jusqu’à ce que celui-ci eût été remboursé des sommes qu’il avait dépensées pour sa défense. Elle commit une faute plus grande encore en prenant, à la mort de Marie Tudor, d’après le conseil de Henri II et sous prétexte de l’illégitimité d’Élisabeth, les armes d’Angleterre à côté des armes d’Écosse. Ses droits à la couronne d’Angleterre n’étaient pas douteux. Comme descendante de la sœur de Henri VIII, mariée à son aïeul Jacques IV, elle était plus près du trône qu’Élisabeth, la fille d’Anne de Boulen, car les Anglais, en reconnaissant pour reine Marie Tudor, avaient implicitement proclamé la bâtardise d’Élisabeth. Mais des prétentions comme celles de Marie Stuart sont vaines quand elles ne peuvent se soutenir les armes à la main. La reine d’Angleterre se vengea en déchaînant en Écosse contre la régente l’opposition de l’aristocratie et le fanatisme presbytérien ; bientôt elle appuya ses sourdes menées de l’envoi de troupes anglaises auxquelles Marie de Guise opposa des auxiliaires français qui contribuèrent encore à la rendre impopulaire. Ses alliés du dedans succombèrent et la malheureuse princesse expira le 10 juin 1560. La paix d’Édimbourg donna au pays une tranquillité momentanée et incomplète ; elle consacrait la ruine de l’influence française et monarchique, le triomphe du parti anglais et des presbytériens ; la conduite des affaires devait appartenir à un conseil de douze membres, dont sept étaient nommés par la reine d’Écosse et cinq par les états. Le parti vainqueur multiplia ses attaques contre l’autorité royale, et les presbytériens, de proscrits devenus proscripteurs, se vengèrent en interdisant l’exercice du culte catholique et en bouleversant l’organisation ecclésiastique du royaume. Marie Stuart protesta contre le traité d’Édimbourg et contre les actes du Parlement, mais elle ne put faire davantage, et bientôt la mort de François II (5 décembre 1560) la rejeta bien loin des rêves au milieu desquels elle avait passé sa jeunesse. Détestée de Catherine de Médicis, elle dut se résigner à retourner en Écosse. Elle allait trouver la noblesse accoutumée à la rébellion et disposant de l’autorité, le peuple professant une autre religion qu’elle et tenant pour suspectes toutes les pratiques papistes, et en outre les intrigues de l’Angleterre guettant sa proie. Tout était menaçant autour d’elle.

Le 14 août 1561, Marie Stuart s’embarqua, après avoir cherché à préparer son retour par des mesures de conciliation. On connaît le touchant récit que Brantôme nous a laissé de son voyage, et une mélancolique romance, qui n’est peut-être pas d’elle, mais qu’on lui attribue toujours,

Adieu, plaisant pays de France,

a popularisé ses adieux au pays qu’elle regrettait. Sa tristesse trouva bientôt de nouveaux aliments dans le sombre aspect de l’Écosse, dont les mœurs farouches, l’austérité presbytérienne et la pauvreté froissaient la délicatesse de ses goûts et éveillaient ses répugnances. « Qu’on se figure en effet, dit M. Paul de Saint-Victor, cette fille des Guises, cette enfant de la Renaissance transportée presque subitement de la cour licencieuse de Fontainebleau dans la froide et sombre Écosse du XVIe siècle, condamnée à régner sur ce camp de l’Église militante du calvinisme, qui exècre en elle la séduction du catholicisme, la magicienne de la papauté. À peine a-t-elle mis le pied sur le sol de son nouveau royaume que la lutte commence, lutte inégale de la passion fragile et brillante du Midi contre l’âpre fanatisme du Nord. Sa beauté voluptueuse scandalise la rude escorte qui l’attend sur la grève. « Ce n’est pas une chrétienne, murmurent sous leurs casques les gentilshommes sauvages de le Réforme, c’est Diane, c’est quelque divinité païenne. » Marie essaye d’abord d’apprivoiser les hommes de proie qui l’entourent ; elle entreprend de gagner Knox, le farouche tribun de l’idée nouvelle ; elle veut acclimater sur cette terre rigide la poésie, la danse, la musique, l’élégance, toutes les fleurs de la civilisation italienne : elle ne réussit qu’à effaroucher ce peuple austère, ces ascètes de la Bible et de l’épée, qui n’adorent que le Dieu du désert. » En présence d’une noblesse turbulente, d’une secte enivrée de son triomphe, d’une reine rivale et hostile, elle était condamnée à la plus grande circonspection, et la fougue de son caractère, enclin aux exagérations et aux passions extrêmes, peu susceptible de tempérament, l’y disposait mal. Cependant sa conduite fut d’abord adroite ; elle s’entoura d’un conseil à la tête duquel elle plaça son frère naturel, le comte de Murray, politique habile, peut-être trop habile, qui lui traça un système de conciliation dont elle recueillit quelques fruits ; sa légèreté, son amour des plaisirs et des fêtes les lui firent perdre rapidement. En dépit des déclamations furibondes de Knox, elle provoquait par sa conduite les interprétations les plus hostiles, en même temps que son caractère enjoué l’exposait à des entreprises hardies. Chastelard, ce spirituel et chevaleresque gentilhomme français, prit au sérieux quelques paroles de galanterie qu’elle lui avait adressées, osa acheter la complicité d’une de ses femmes et se cacha sous le lit de la reine, croyant la posséder par ce trait d’audace. Marie, qui se sentait soupçonnée, le laissa périr sur l’échafaud. C’était pour elle une impérieuse nécessité de se remarier. Philippe fit proposer son fils, don Carlos, ce fou qui faisait manger à son cordonnier les bottes qu’il trouvait trop étroites ; Élisabeth proposa Leicester, son platonique amoureux ; à ces prétendants Marie préféra son cousin Darnley, fils du comte de Lennox, jeune homme d’un extérieur agréable, mais d’une intelligence bornée et d’un caractère méprisable. De plus, il était catholique ; le peuple gronda ; Knox fit retentir la chaire de ses imprécations, et Murray, soit qu’il vît avec dépit que le gouvernement allait lui échapper, soit qu’il s’irritât de ce que ses idées conciliatrices étaient méconnues, se rangea parmi les ennemis acharnés de la reine. Le mariage fut célébré le 25 juillet 1565 ; toutefois Marie s’opposa à ce que Darnley fût couronné comme il le demandait avec instance : elle craignait un soulèvement populaire. Douglas et Murray profitèrent de l’irritation que ce refus lui causa pour l’entraîner à un acte d’autorité qu’ils méditaient depuis longtemps. Un chanteur italien, David Rizzio, qui avait plu à Marie par son talent original et ses saillies grotesques, possédait alors toute sa confiance. De simple bouffon de cour et de racleur de guitare, il était devenu un personnage ; Marie l’avait fait son secrétaire pour la correspondance étrangère et les plus importantes affaires lui passaient par les mains. Son influence était telle que Murray, qui, à l’instigation d’Élisabeth, venait de tenter contre sa sœur une révolte à main armée, sollicitait l’appui de Rizzio pour rentrer en grâce. Loin de vouloir lui complaire, Rizzio excita la reine contre lui et exalta imprudemment ses désirs de vengeance ; ce fut sa perte. Les seigneurs écossais, honteux de voir ce bouffon jouir de privilèges qui leur étaient déniés, entrer chez la reine à toute heure, souper familièrement avec elle, persuadèrent à Darnley qu’il était son amant. Il n’y avait guère apparence ; Rizzio était déjà vieux, d’une laideur très-caractérisée et d’ailleurs contrefait. Mais Darnley, qui plusieurs fois s’était vu repousser de la chambre à coucher de la reine parce qu’il s’y était présenté absolument ivre, crut facilement ce qu’on lui suggérait et entra dans le complot. Un soir que Marie soupait en tête-à-tête avec son favori, un groupe d’hommes, à la tête desquels étaient Douglas et lord Ruthwen, envahissent la chambre. Pendant que Darnley s’empare de Marie, on entraîne Rizzio dans la pièce voisine et il est immédiatement massacré ; on compta sur son cadavre cinquante-six coups de dague (9 mars 1566). La reine, gardée à vue, fut prisonnière dans son propre palais. Captive entre les mains des conjurés, Marie cessa de pleurer pour songer à sa délivrance. Elle n’eut pas de peine à reprendre son ascendant sur l’âme faible de Darnley, à qui elle feignit de pardonner le rôle qu’il avait joué dans cette nuit sinistre. Elle le regagna, le détermina à faciliter son évasion et à s’enfuir avec elle à Dunbar. À peine libre, elle l’associa à sa vengeance et força ses complices à fuir en Angleterre. Sa captivité n’avait duré que huit jours. Quelques semaines après, elle accouchait du fils qui fut roi d’Angleterre sous le nom de Jacques Ier. Cette naissance ne resserra aucunement les liens des deux époux ; Marie haïssait Darnley et avait toujours sous les yeux le cadavre de son favori assassiné. Elle prit bientôt pour amant le comte de Bothwell, qui la séduisit en flattant ses idées de vengeance et dont le caractère résolu indiquait un homme qui ne reculerait devant rien, pas même devant un crime. Bothwell aussi, comme Chastelard, s’était fait cacher sous le lit de la reine et l’avait ainsi obtenue par surprise, mais elle ne le fit pas décapiter. De concert avec Lethington et avec Murray, qui s’était rallié à sa sœur, il agita d’abord la question de divorce ; Marie rejeta cet expédient. Alors Bothwell songea à tuer Darnley ; Murray lui garantit l’impunité. Darnley s’était retiré à Glascow, dans sa famille ; une réconciliation avec Marie le ramena à Édimbourg (janvier 1567). Peu de temps après il tomba malade de la petite vérole et on le fit transporter dans une maison de campagne près d’Holyrood ; c’était un petit castel abandonné, sous les planchers duquel Bothwell avait fait pratiquer une mine. Pendant que la reine, conviée à un bal, dansait joyeusement, la maison saute ; par surcroît de précaution, Darnley avait été étranglé à l’avance (10 février 1567). La voix publique était unanime pour accuser Bothwell et Marie Stuart ; celle-ci fut obligée de citer son amant devant une cour de justice qui l’acquitta. Bien plus, Bothwell obtint du libre consentement des lords une déclaration constatant son innocence et une supplique par laquelle ils le recommandaient à la reine comme le plus digne époux qu’elle pût choisir. Marie voulut ne paraître céder qu’à la violence et une comédie d’enlèvement fut jouée, d’accord avec elle. Le 24 avril suivant, comme elle allait voir son jeune fils à Stirling, Bothwell arrêta son carrosse, à la tête de quelques cavaliers, et, à la suite de cette violence simulée, elle épousa son amant (15 mai 1567).

Les lords protestants formèrent aussitôt une ligue au nom des intérêts du pays et du jeune roi menacé, et obtinrent le concours d’Élisabeth. Une première tentative contre les deux époux échoua, mais bientôt un terrible soulèvement arracha Marie Stuart à sa trompeuse sécurité. Elle rassembla quelques troupes et marcha avec Bothwell contre les confédérés, qu’ils rencontrèrent non loin d’Édimbourg, à Carberry-Hill ; l’armée royale fit défection. La reine, dans cette extrémité, entra en conférence avec les chefs de l’insurrection, qui lui promirent de lui conserver leur foi si elle voulait se séparer de son mari ; elle y consentit et eut avec Bothwell, sur les hauteurs de Carberry, une dernière entrevue. Après ces adieux suprêmes, elle rejoignit Lindsay, un des chefs presbytériens, et lui prenant la main : « Par la main qui est maintenant dans la vôtre, dit-elle, j’aurai votre tête pour cela. » Vaine et imprudente menace qui aggrava sa triste situation. Elle s’aperçut bientôt qu’elle était prisonnière et, lorsqu’elle entra avec les vainqueurs à Édimbourg, ce fut précédée de la bannière vengeresse sur laquelle on avait représenté le meurtre de Darnley et au milieu des injures de la populace.

Marie fut enfermée au château de Lochleven, situé au milieu du lac de ce nom, et confiée à Marguerite Douglas, ancienne maîtresse de Jacques V, dont la haine implacable garantissait suffisamment la surveillance vigilante. Quant à Bothwell, il alla mener la vie de pirate dans les Orcades jusqu’au moment où, fait prisonnier par les Norvégiens, il fut enfermé au château de Malmoë, dans lequel il mourut en 1576. Il avait confié à un de ses serviteurs une cassette d’argent, présent de Marie Stuart et renfermant la correspondance de celle-ci. Elle tomba entre les mains du parti victorieux et plus tard ces pièces furent une arme terrible dont on se servit contre l’infortunée princesse.

Quelques fanatiques réclamaient le jugement et la mort de la reine d’Écosse ; ce parti fut abandonné, mais on lui arracha la signature d’un acte par lequel elle abdiquait en faveur de son fils et nommait Murray régent du royaume. Elle travailla alors activement à abréger sa dure captivité ; après une tentative infructueuse, elle réussit à s’échapper avec l’aide du fils de lady Douglas, George Douglas, qui n’avait pu résister à la séduction qu’elle exerçait autour d’elle. À peine libre, elle déclara son abdication nulle et fit appel à ses partisans ; 6, 000 hommes se rallièrent à sa cause, mais Murray l’amusa par de perfides négociations, puis la força d’accepter la bataille à Longside (13 mai 1568). L’engagement ne dura pas une heure ; Marie, voyant s’évanouir sa dernière espérance, fut réduite à fuir pour échapper à une nouvelle captivité. Suivie d’un petit nombre de serviteurs, elle fit à cheval une course de 60 milles vers la frontière méridionale et, pouvant s’embarquer pour la France, se décida à demander asile à Élisabeth. L’un des partis était plus sûr, l’autre plus aisé. Ce fut ce qui trancha ses irrésolutions. À peine avait-elle débarqué sur les côtes du Cumberland qu’Élisabeth commanda de s’assurer de sa personne. On la retint d’abord sous prétexte de lui faire avoir une entrevue avec la reine d’Angleterre, entrevue toujours promise et toujours différée ; puis on lui fit entendre qu’avant tout il fallait que, par un procès public, elle se purgeât des soupçons émis contre elle relativement au meurtre de Darnley. Marie se récria, déclara que, reine indépendante, elle n’était justiciable d’aucune juridiction et réclama le droit de s’embarquer pour la France : il était trop tard. Détenue d’abord avec quelques égards au château de Carlisle, Marie vit peu à peu se resserrer autour d’elle cette captivité qui devait durer dix-neuf ans (18 mai 1568-5 février 1587). Traînée de château en château, elle fit en vain appel aux puissances du continent, dont les plaintes et les menaces ne servirent qu’à aggraver sa situation. Un premier procès fut instruit ; Marie se résigna à se défendre devant une commission qui siégeait à York sous la présidence du duc de Norfolk. À la suite de manœuvres odieuses, dans lesquelles on enveloppa la reine d’Écosse et le régent, celui-ci produisit devant la commission, brusquement transférée à Westminster, des pièces trouvées, dit-il, dans les bagages de la reine lors de sa fuite. Ces pièces prouvaient la complicité de Marie dans le meurtre de Darnley, mais on n’en montra jamais les originaux. Élisabeth, poursuivant sa politique tortueuse, ne prononça pas sur le fond ; elle s’arma seulement de la décision des juges pour retenir Marie Stuart captive. Malgré tout, Marie était encore redoutable pour sa rivale. En présence de cet indigne abus de la force, on oubliait les faiblesses et les fautes de la victime pour ne songer qu’aux violences du bourreau. Du fond de sa prison la reine d’Écosse cherchait à soulever ses partisans et se créait des sympathies parmi l’aristocratie anglaise. Une ligue formidable se forma bientôt en sa faveur ; le duc de Norfolk, le comte de Pembroke, les comtes de Northumberland et de Westmoreland y entrèrent ; un projet de mariage fut formé entre Norfolk et la prisonnière. Élisabeth déploya une activité à la hauteur de ces circonstances périlleuses ; le duc, jeté en prison avec ses principaux adhérents (1569), désavoua ses projets ; l’insurrection des comtés du nord sous Westmoreland et Northumberland fut écrasée et le protestantisme anglican sortit triomphant de cette crise. Norfolk ne porta cependant sa tête sur l’échafaud que trois ans plus tard, et après avoir été convaincu de nouveaux complots.

La Saint-Barthélemy (1572), en alarmant Élisabeth et tous les anglicans, fit resserrer les chaînes de Marie Stuart. Dès ce moment sa mort fut résolue. Elle était en effet une menace perpétuelle pour l’Angleterre en présence des sanglantes menées des catholiques du continent et des sommations impérieuses de Philippe II, qui faisait les préparatifs de sa formidable Armada. Il fallait préparer les esprits à ce coup tragique. Élisabeth, ou plutôt Cecil, son ministre, fit répandre à profusion le fameux pamphlet de Buchanan, précepteur du fils de Marie Stuart, Detection of the duinges of Mary, où les accusations les plus haineuses étaient portées contre elle. Elle était alors détenue au château de Sheffield, et si étroitement qu’on lui laissait à peine une femme pour la servir. Dix années s’écoulèrent ainsi au milieu des tergiversations d’Élisabeth et de complots isolés en faveur de la prisonnière. Sa santé s’altérait ; Marie demanda qu’il lui fût permis d’aller à Buxton prendre les eaux, et il fallut que les ambassadeurs de France et d’Espagne appuyassent sa requête pour qu’il y fût fait droit. Élisabeth le lui permit, à condition qu’elle ne ferait pas même voir son visage et que Shrewsbury, son geôlier, exercerait autour d’elle la surveillance la plus active. Cecil, devenu lord Burleigh, eut cependant la curiosité de se rendre à Buxton et put jouir tout à son aise de l’abaissement de sa victime. Réintégrée à Sheffield, Marie Stuart écrivit à Élisabeth une lettre suppliante (novembre 1582) ; elle s’humiliait enfin, se déclarait prête à abdiquer ses droits sur la couronne d’Angleterre et implorait seulement la faculté d’aller finir ses jours en France. Élisabeth laissa la lettre sans réponse, et autour d’elle les plus odieuses machinations se tramaient contre sa rivale. Leicester, qui voulait se faire pardonner à force d’infamie son ancien attachement pour Marie Stuart, se chargea de la faire empoisonner : Walsingham, le secrétaire d’État, rejeta cette proposition avec horreur ; mais Leicester n’y renonça pas et il essaya de gagner Amias Pawlet, gouverneur de Tutbury, où la prisonnière avait été transférée. Pawlet, qui traitait durement Marie, refusa pourtant de tremper dans un acte aussi odieux. Cependant l’exaspération que d’incessants complots en faveur de la reine d’Écosse entretenaient en Angleterre finit par se traduire en mesures légales. Un certain nombre d’exaltés avaient déjà péri sur l’échafaud (1582-1584). Les protestants formèrent une association dont les membres s’engageaient à défendre la reine contre tous les ennemis du dedans et du dehors ; le Parlement la continua et y ajouta une clause portant que, « si quelque rébellion était excitée dans le royaume, ou quelque dessein tramé contre la vie de la reine, Sa Majesté était autorisée à nommer des commissaires pour juger les personnes par qui ou pour qui ces complots auraient été formés, pour les déclarer inhabiles à prétendre à la couronne, si elles y avaient des droits, et les poursuivre jusqu’à la mort. » Marie vit son arrêt de mort dans cette loi ; sa santé était ruinée par cette longue captivité, ses jambes enflées la portaient difficilement ; mais son agonie durait trop au gré de ses persécuteurs, on cherchait un prétexte pour la frapper ; avec son imprévoyance habituelle elle donna des armes contre elle. Un nouveau complot fut tramé contre les jours d’Élisabeth sous les auspices de Philippe II (1586). Babington en était le principal agent, et la police, sous l’œil de laquelle tout se tramait, lui facilita les moyens