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étrangers sur un sofa matelassé de plumes de colibri. (Volt.)

— Comra. Se dit d’une étoffe double, partiellement liée, très-épaisse, qui est ouatée par effet de trame : Les tissus matelassés furent primitivement faits et employés pour les espèces de manteaux appelés sorties de bal ; on en fit aussi pour couvre-pieds. (Bezon.)

— s. m. Etoffe matelassée : Ce sont les pigués qui ont donné lieu à l’idée première de la fabrication des matelassés, laquelle fabrication remonte aux dernières années du xvme siècle. (Bezon. J

MATELASSER v. a. ou tr. (ma-te-Ia-sérnd. matelas). Garnir de matelas : On matelassait les persiennes pour se mettre à l’abri des coups de fusil.

— Rembourrer : Matelasser une voiture, des sièges, un canapé.

— Par anal. Garnir, .-bourrer : La paille menue, le Crin et la laine sont les matériaux dont le bruant se sert pour matelasser son nid. (Buff.)

MATELASSIER, 1ÈRE s. (ma-te-]a-sié, ière — rud. matelas). Celui, celle qui fait ou carde les matelas : Les matelassiers ne doivent carder les matelas que dans un lieu trèsaéré, et le dos au vent, pour respirer le moins possible de poussière et d’odeurs. (Hêrat.)

MATELASSURE s. f. (ma-te-la-su-rerad. matelusser), Ce qui sert à matelasser, à rombourrer.)i Toile dont on garnit l’intérieur des panneaux d’une caisse de voiture.

— Porte doublure servant à renforcer : Cuirasse de navire garnie d’une matelassore de bois de chêne.

MATELÉE s. f. (ma-te-lée). Bot. Genre d’arbres, de la famille des sapindaeées, qui croissent dans ia Guyane.

MATELICA, ville du royaume d’Italie, province, district et à 35 kilom. S.-O de Macerata, sur la rive droite du San-Angelo, cheflieu de mandement ; 7,355 hab. Cette ville, ceinte de vieilles murailles, renferme quelques fabriques de lainages et de draps communs.

MATELIEF (Corneille), navigateur hollandais, né vers 1570, mort vers 1628. Il s’était fait connaître comme un habile marin dans i plusieurs voyages au long cours, lorsqu’il reçut, en 1605, le commandement d’une flotte de onze vaisseaux, portant 1,486 hommes, avec ordre d’aller attaquer sur terre et sur mer les colonies possédées dans les Indes orientales par les Portugais et les Espagnols et d’ouvrir des relations de commerce avec la Chine. Pani du Texel le 12 mai 1605 il longea les côtes d’Afrique, relâcha à l’archipel du Cap-Vert, à l’Ile d’Annobon, au Cap de Bonne-Espérance, à l’Ile Maurice, où il rencontra le Hollandais Van der Hagen, qui lui apprit qu’il avait vainement tenté de faire une descente à Malac’ca, défendue par Furtudo de Mendoza. remit à la voile et, arrivé à l’archipel Nicobar, annonça à ses équipages son intention d’attaquer les Hollandais et d’assiéger Malacca. Pour déterminer ses hommes, qui ne s’étaient engagés qu’à servir sur mer, à combattre également sur terre, il leur promit de ne pas s’opposer au pillage dans le cas où la ville serait prise. Arrivé devant Malacca, Matelief commença par brûler quatre vaisseaux portugais et essaya de prendre la ville ; mais il ne put que s’emparer desfaubourgset trouvala plus vive résistance dans la petite garnison portugaise, attendant l’arrivée d’une flotte sous les ordres du vice-roi Alphonse de Castro. En effet, le 16 août, apparurent les vaisseaux attendus, avec des forces considérables. Matelief dut alors abandonner le siège pour retourner promptement à bord et engagea sur-le-champ un combat terrible, dans lequel les Portugais, malgré la supériorité de leurs forces, eurent le dessous. Mais à la suite d’un nouveau combat qui eut lieu le 22, les vaisseaux hollandais durent abandonner le champ de bataille à leurs adversaires, qui délivrèrent Malacca, Ayant rallié sa flotte dans la rivière de Johore, Matelief y fit élever des fortifications, obtint du rajah sabrang la cession d’un vaste territoire v pour y établir un comptoir forlilié, puis, reprenant la mer, il fondit sur les vaisseaux portugais, en prit ou brûla un grand nombre, porta par ce succès un coup terrible à l’influence des Portugais dans les Indes et ébranla toutes leurs alliances. Toutefois, désespérant de recueillir quelque fruit de tous ses efforts, il choisit, le 1er janvier 1607, 589 marins parmi-les plus valides, envoya les autres en Hollande sur trois vaisseaux et se dirigea, avec les six bâtiments bien équipés qui lui restaient, vers Bentham et Jacatra, où ii fit des traités avec les indigènes. Il’visita successivement ensuite les Moluques, les Célèbes, Banda, Cainbelles, Lauho, puis se rendit devant Ternate (1607) pour secourir le roi indigène de cette île contre les Espagnols qui y construisaient un fort ; mais la supériorité des forces ennemies, la lenteur que mit le roi sauvage à lui amener des troupes, la mutinerie de ses propre ;, soldats décidèrent Alatelief à abandonner Ternate après avoir élevé un fort à Maleïe. Il résolut alors de remplir la seconde moitié de ses instructions, c’est-à-dire de se rendre en Chine pour y ouvrir des relations commerciales. Pour arriver à ce but, il entra en pourparler avec des mandarins, notamment avec le gouverneur de Canton, leur fit des-présents, se vit en butte à plusieurs humiliations, n’obtint rien de ce qu’il désirait et se vit contraint de renoncer à son entreprise. Il quitta en conséquence les parages de la Chine, et après avoir établi des factoreries sur la côte de Malacca, à Ternate, et dans divers autres points de la Malaisie, il reprit la route de l’Europe, doubla le cap de Bonne-Espérance, et débarqua en Hollande au mois de septembre 1608. Matelief, par son énergie et par son adresse, avait préparé les immenses conquêtes que la Hollande devait faire dans les Indes et la Malaisie. Bien qu’il n’eût point vu son entreprise couronnée d’un plein succès, ses compatriotes ne lui en tinrent pas moins compte de ses efforts et les états lui votèrent des remerciments. On possède une intéressante et curieuse relation du voyage et des opérations militaires de Mateliet. Cette relation a été éditée pour la première fois à Amsterdam, dans le Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la Compagnie des Indes orientales (1705).

MATELINEUR adj. (ma-te-li-neur — de matclin, ancienne forme du mot Mathurin, Toutefois la’liaison des sens nous échappe, comme il arrive presque toujours lorsqu’un nom propre en est venu à signifier certains hommes possédant certaines qualités ou certains vices). Eventé, qui a la tête légère :

Ces hommes médisants ont le feu bous la lèvre ; Us sont matelineurs, prompts à prendre la chèvre. RÉGNIER.

|| Vieux mot.

MATELLES (les), bourg de France (Hérauk), ch.-l. de cant., arrond. et k 16 kilom. N.-O. de Montpellier, sur la Dezidière, au pied de la montagne de Saint-Loup et du pic de Montferrand ; pop. aggl., 354 hab. — pop. tôt., 489 hab. Sur une montagne escarpée on voit les restes du château de Montferrand, ancien domaine des évêques de Montpellier. A 200 ou 300 mètres du bourg, le ruisseau du Liron naît d’une source très-abondante en hiver et magnifique par l’impétuosité de ses eaux, qui forment des cascades superbes.


MATELOT s. m. (ma-te-lo. — L’origine de ce mot est controversée. On la rapporte à mât, mast, d’où mastelot, dit Jal ; mais cela est impossible, car, dès les premiers temps, le s manque dans matelot :

Ly mathelot les voiles tendent,
Ly autres les avirons prendent.
(Histoire des trois Maries.)

Diez incline à tirer ce mot du latin matta, natte, mattarius, celui qui couche sur des nattes ; mais cela est bien peu fondé. Matelot se dit en allemand matrose, en danois matros, en hollandais matroos, et on a rapporté ces formes au hollandais maat, compagnon, anglais mate, homme). Mar. Homme qui fait partie de l’équipage d’un bâtiment : Enrôler des matelots. La reine Anne buvait comme la femme d’un matelot de sa flotte ; sa couronne, qu’elle ne jeta jamais par-dessus les moulins, lui penchait parfois sur l’oreille. (P. de Saint-Victor) Les matelots se passionnent pour leur navire ; ils pleurent de regret en le quittant, de tendresse en le retrouvant. (Chateaub.) Fierté et abnégation, audace et naïveté, haine et dévouement, prudence et témérité, tout cela réside dans le matelot et s’éveille à la moindre sensation qui l’effleure. (J. Lecomte) || Marin classé définitivement dans le cadre des hommes de mer, et qui reçoit la solde fixée par les règlements : Recevoir la paye de matelot. (Acad.) || Marin lié d’amitié avec un autre ; anciennement, Celui qui partageait son hamac avec un autre matelot, chacun des deux l’occupant à son tour : C’est mon matelot. Chaque homme d’équipage a son matelot, qu’il aime comme un frère. || Bâtiment d’une ligne de marche ou de combat, par rapport à celui qui le précède ou qui le suit. || Matelot d’avant ou Matelot de tête, Navire qui en précède un autre. || Matelot d’arrière, Navire qui en suit un autre. || Matelot du commandant, Nom donné à chacun des deux vaisseaux entre lesquels doit combattre le vaisseau amiral.

— Fig. Celui qui dirige une action, une affaire quelconque :

Laissez l’État, et n’en dites plus mot,
Il est pourvu d’un meilleur matelot.
Trévoux.

— Cost. Déguisement, ou vêtement d’enfant imitant l’habillement des matelots : Un matelot de velours noir. || Costume de carnaval semblable à celui que portent les marins.

— Ornith. Nom vulgaire de l’hirondelle de fenêtre.

— Moll. Nom vulgaire d’une espèce de coquille du genre cône.

— Adjectiv. Qui est habile marin, expert dans la science navale : Le duc del Viso, qui est brave et matelot, ne se lasse pas de dire que nous sommes heureux. (De Valbelle.)

— Encycl. Le matelot est le simple soldat de l’année navale, celui qui sert sur les bâtiments de l’État ; c’est aussi tout homme qui sert sur les bâtiments de commerce, ou même sur les barques.

Les matelots de la marine de guerre se recrutent par l’inscription maritime, les enrôlements volontaires, et au moyen d’une part du contingent de chaque année, fixée de concert entre le ministre de la guerre et le ministre de la marine. L’inscription maritime range sous la dénomination de matelots tous les marins immatriculés, c’est-à-dire ayant fait deux campagnes et non revêtus de grade, de l’âge de dix-huit à cinquante ans. Le marin qui n’a pas fait deux campagnes n’est que novice ; il n’est pas matelot, dans l’acception rigoureuse du mot. On compte environ 60,000 matelots en France.

Les articles 250 à 260 du code de commerce règlent les principales conditions des engagements des matelots avec les armateurs et les capitaines : les hommes de l’inscription maritime qui, n’ayant pas été pris pour les équipages de l’État, sont libres pour le moment, peuvent s’enrôler dans la marine marchande ; mais ils doivent répondre au premier appel, à la première réquisition des consuls et officiers ayant droit, n’importe où ils se trouvent. Quand un commerçant ou un armateur veut armer un navire marchand, il choisit un capitaine, lequel se charge d’enrôler des matelots, de terminer l’armement à sa guise : le capitaine a soin de se munir d’une feuille d’armement, espèce de passeport qu’il est forcé d’exhiber dans tous les ports. Le recrutement de la marine marchande se fait de quatre manières différentes : 1º par le louage au mois ; 2º pour une expédition convenue ; 3º au fret ; 4º au profit. Les deux premières méthodes d’enrôlement se font au moyen de simples contrats de louage ; par les deux secondes, le matelot devient, pour ainsi dire, lui-même commerçant. Il est bien entendu qu’en cas de départ, d’absence prolongée, le matelot est toujours poursuivi comme déserteur, à quelque titre qu’il se soit engagé.

Les bons matelots sont rares et précieux. Le vice-amiral Bouet-Willaumez estime que le nombre de bons matelots est presque toujours réduit, dans la composition de l’équipage d’un bâtiment, au dixième des hommes embarqués. Ce sont les maîtres de manœuvre, les seconds maîtres, les contremaîtres, quartiers-maîtres et gabiers. Ceux qui les suivent sont matelots, sans être habiles à tout ; viennent ensuite les novices qui sont à leur deuxième ou troisième campagne. Un homme ne peut pas faire un bon matelot s’il n’a pas commencé à naviguer à l’âge de quatorze à quinze ans, s’il n’est pas d’une constitution robuste, et s’il n’a pas une vocation décidée pour la mer. Ce n’est qu’au bout de plusieurs années de navigation, tant au long cours qu’au grand ou petit cabotage, qu’il peut savoir fourrer, estroper, garnir les vergues, enverguer les voiles, les serrer, prendre des ris, gréer et dégréer les vergues, mâts de perroquet, de cacatois et flèches en l’air, etc., passer les manœuvres courantes en général, enfin gréer toute espèce de bâtiments ; bien gouverner, sonder à la main, coudre et raccommoder les voiles, faire toutes espèces d’amarrages, d’épissures, de nœuds, de sangles, de paillets, du bitord, de la bignerolle, des commandes, des filets de pêche, des filets de bastingage ; goudronner, barbouiller, lancer des grenades, bien manœuvrer le canon, comme le fusil et le pistolet, et se servir des armes blanches ; en un mot, un bon matelot est un homme extraordinaire par rapport à ceux qui sont éloignés des ports de mer. C’est un homme précieux, ne se rebutant dans aucune circonstance ; les périls les plus imminents ne l’effrayent jamais ; il est intrépide dans les combats comme pendant les tempêtes. Le malheur de cette classe d’hommes, si importante dans un État qui a une marine, est d’être généralement mal appréciée, parce qu’elle est mal connue du plus grand nombre qui ne navigue pas. Le matelot a une mécanique visuelle, qu’il sait employer à propos ; il est hardi, agile, alerte, robuste, fait k la fatigue. Il affronte tous les dangers et il est l’homme le plus subordonné. Le bon matelot est propre à tout, si toutefois on sait bien le diriger, le bien conduire, c’est-à-dire s’en faire craindre et s’en faire aimer. » Le matelot est généralement religieux, et surtout superstitieux, à cause de son peu d’instruction. U n’aime pas la terre, il s’y ennuie ; il a la maladie qu’on pourrait appeler tædium terræ. Il lui faut l’océan, le ciel et l’eau. A terre, il dépense largement l’argent qu’il a gagné, qu’il a été forcé d’économiser sur le plancher de son bâtiment ; il est alors débauché et jette l’or à pleines mains. Le mot matelot a été employé comme synonyme d’ami. Autrefois chaque homme de mer se choisissait un matelot ; c’était son camarade, son frère à la vie et à la mort, son matelot. Ils étaient amatelotés. Étaient aussi amatelotés autrefois le matelot de quart de tribord et le matelot de quart de bâbord, qui se servaient alternativement du même hamac.

Dans un chantier de construction, on désigne aussi sous le nom de matelot l’ouvrier charpentier de 2e et de 3e classe qui travaille sous la conduite d’un chef ouvrier ; matelot a ici le sens de compagnon.

On nomme matelots du commandant les deux vaisseaux entre lesquels le vaisseau amiral doit combattre ; selon leur ordre de marche, l’un est appelé le matelot de l’avant et l’autre le matelot de l’arrière.

Dans une ligne de bataille, tous les vaisseaux doivent être les matelots les uns des autres.


MATELOTAGE s. m. (ma-te-lo-ta-je — rad. matelot). Art du matelot : École de matelotage.

— Paye, salaire des matelots : Toucher son matelotage.

— Amitié, lien qui existe entre deux marins camarades, matelots l’un de l’autre : Le matelotage des flibustiers était une union intime et indissoluble, qui rendait les biens communs entre matelots pendant la vie, et les assurait au survivant en cas de mort.


MATELOTE s. f. (ma-te-lo-te — fém. de matelot). Femme d’un matelot.

MATELOTE s. f. (ma-te-lo-te — rad. matelot). Art culin. Mets généralement composé de poisson apprêté au vin et aux oignons : Une matelote marinière, à la marinière. Une matelote normande. Une matelote d’anguille, de brochet. Mme de Cornuel comparait les contes à ces matelotes dont on dit que la sauce fait manger le poisson. (Noël.)

— Chorégr. Danse en usage parmi les matelots : Danser la matelote. || Air sur lequel on exécute cette danse.

À la matelote, à la manière, à la façon des matelots : On a porté pendant un temps des chausses à la matelote, serrées sur la cuisse. (Trév.)

— Encycl. Art culin. On appelait autrefois matelote une manière d’accommoder le poisson frais, ragoût fort à la mode d.-ms les auberges situées près des rivières ; aujourd’hui, le mot matelote a pris de l’extension ; il s’applique, non-seulement à un ragoût de poisson, mais encore à une sauce qui accommode des cervelles de bœuf et de veau, ainsi que des ailes de volaille ; la matelote de poisson est devenue matelote à la marinière.

Dans tous les cas, il est plus facile de donner la formule de ces sauces que de les réussir ; voici ces formules :

Matelote de cervelles. Après avoir fait dégorger les cervelles dans de l’eau chaude, on enleve les membranes qui les recouvrent ; on les fait cuire dans moitié bouillon et moitié vin ; on sale et on poivre. Lorsqu’elles sont cuites à point, on les met de nouveau dans une casserole avec un verre de vin et un verre de bouillon ; on ajoute un bouquet garni, du sel, du poivre, des petits oignons et des champignons passés dans le beurre ; après quelques moments d’ébullition, on lie la sauce à l’aide d’un roux.

Les langues braisées se préparent de même en matelote, ainsi que les ailerons de volaille et principalement ceux du dindon. Mais ce n’est pas là la véritable matelote, la vieille matelote de poisson ; à peine est-ce une imitation de la sauce des matelotes que nous appelons à la marinière.

Matelote à la marinière. Kretz, dans le Pécheur français, nous apprend comment se fait cette matelote : « Comme l’art de bien faire une matelote est un talent qui doit être au nombre de ceux qui distinguent un pêcheur, j’ai cru devoir en donner la recette, dit-il.

» Une carpe, une anguille, un barbillon et une lotte sont les quatre poissons préférés pour la composer. Prenez-les vivants, si cela se peut, au moment même de les faire cuire ; après les avoir nettoyés, vidés et bien essuyés sans les laver, il faut les couper par tronçons. Mettez-les dans un chaudron qui ne soit pas trop grand pour cet usage, les têtes et les tronçons d’anguille les premiers. Ajoutez sel, poivre, ail, thym, laurier et persil ; arrosez le tout de bon vin rouge, dont le poisson sera à peine couvert ; placez le chaudron sur un feu de bois clair ; aussitôt que le vin commence à bouillir, mettez un demi-verre d’eau-de-vie que vous allumez, et laissez cuire et brûler le tout pendant un quart d’heure ; ôtez alors le chaudron du feu, et avec du beurre mariné dans de la farine liez la sauce. Si vous voulez la garnir, ajoutez oignons, champignons, culs d’artichauts, cuits dans le beurre.

» Dressez enfin sur un plat, en mettant les croûtes les premières et ornant le tout d’une douzaine d’écrevisses cuites à l’avance.

» Une telle matelote prouve le bon goût du pécheur qui l’offre, et laisse toujours un agréable souvenir dans la mémoire de ceux qui sont appelés à en prendre leur part. »

En quelques pays, on jette des œufs cassés dans le vin bouillant de la matelote ; on casse les œufs les uns après les autres, et on les met dans une cuiller à potage, laquelle plonge dans le vin bouillant jusqu’à ce que le blanc des œufs soit pris. « Ce plat, dit Grimod de La Reyniere, exige, pour être réussi, une attention continue, une surveillance active ; dès qu’il est sur le feu, il ne faut pas le quitter d’un seul instant ; il faut être exclusivement occupé de lui. Quelque actif que soit un cuisinier, il ne peut se multiplier et se fixer auprès du chaudron, tandis que ses casseroles l’appellent. Il est donc obligé d’aller sans cesse de l’un aux autres et, pendant ce temps, la matelote languit ou brûle ; car l’on sait qu’un simple coup de feu de trop peut lui faire perdre une grande partie de ses qualités.

» On mange presque toujours la matelote à la mi-carême ; mais elle n’est pas moins bonne dans l’avent que dans le carême. La Râpée a le monopole des matelotes ; il faut