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MALESHERBOIS, OISE s. et adj. (ma-lezèr-boi, oi-ze). Géogr. Habitant deMalesherbes ; qui appartient à cette ville ou à ses habitants : Les Malissiieiîbois. La population

MALKSIIliRBOISE.

MALESP1NB (A.), journaliste français, né à Sisteron (Basses-Alpes) en 1830. Il partit fort jeune pour l’Amérique, où il s’exerça au métier de journaliste en publiant une feuille périodique. A vingt-deux ans, il revint en France, et entra en 1863 à 'Opinion nationale, où il se fit bientôt remarquer par une brillante polémique en faveur de l’abolition de l’esclavage. Il resta jusqu’en 1870 attaché à cette feuille en qualité de secrétaire de la rédaction, et se signala par la vivacité de ses attaques contre le gouvernement impérial. Lorsque la guerre fut déclarée à la Prusss, M. Malespine resta à Paris et prit part à la défense de la capitale en s’enrôlant dans les bataillons de marche de la garde nationale. Sa courageuse conduite lui valut la croix de la Légion d’honneur. Après le siège, il accentua sa ligne politique et fonda un journal, la Héforme, .dans lequel il exposa ses idées radicales. Il ne prit pas part cependant aux actes de la Commune et ne fut pas mêlé aux événements de l’année 1871. U ne blessure qu’il reçut alors à la tête à la suite d’un accident déchemin de fer le força au repos.

M. Malespine a publié en volumes un assez grand nombre de ses articles de journaux et plusieurs brochures de circonstance, particulièrement sur les questions se rapportant au service médical dans la marine, qu’il a beaucoup étudiées. Nous citerons : la Médecine navale, urgence d’une réorganisation (1862, in-8") ; la Médecine navale et te doctorat (1863, in-8») ; De l’organisation du corps médical de l’armée appliquée à la marine (1863, in-8°) ; Réorganisation du service de santé de la marine (18G4, in-so) ; Solution de la question mexicaine (1864, in-8") ; les États-Unis en 1865, d’après les documents officiels communiqués au Congrès (1865, in-8°). 11 a. aussi traduit de l’anglais les Relations extérieures des ÉtatsUnis, de Charles Sumner.

MALESPINl (Celio), conteur italien, né à Florence vers 1540. Il servit dans les armées de Philippe II, roi d’Espagne, puis séjourna à Venise, où il se trouvait lors de la peste de 1570, et devint en 1580 secrétaire du grand-duc de Toscane. On ignore l’époque de sa mort. On a de lui, sous le titre de Ducento novelle (Venise, 1G02, in-4<>), un recueil de deux cents nouvelles imitées du Décamëron de Boccace. On trouve dans les récits de Malespini des particularités intéressantes et ils ne manquent ni d’esprit ni de naturel, bien qu’ils soient extrêmement inférieurs aux contes du fameux Florentin.

MALESTAN s. m. (ma-lè-stan). Pêche. Tonneau défoncé dans lequel on met la sardine, il Sardines mises en saumure, avant d’être placées dans les barils.

MALESTROlT, bourg de France (Morbihan), ch.-l. de cant., arrond. et à 18 kilom. S. dte Ploermel, sur l’Oust ; pop. aggl, i,582 hab. — pop. tôt., 1, G91 hab. Ardoisière ; fabrication de charrues, instruments aratoires ; tanneries. Commerce de gros draps, cuirs. L’église Saint-Gilles, en partie romane, en partie du xv« siècle, otfre de beaux vitraux et de curieuses sculptures. L’église de la Madeleine, de la même époque que la précédente, conserve une belle verrière et une curieuse croix byzautine. On trouve aussi dans le bourg quelques maisons de bois du xvc et du xvie siècle. En face de la halle, sur une maison en bois, est sculptée, au milieu de sujets grivois, une Truie gui file dont les légendes locales n’expliquent pas l’origine.

MALESZEWSKI (Pierre-Paul), littérateur polonais, né à Lautenbourg en 1767, mort en 1828. II lit presque toutes ses études en France, puis visita l’Angleterre et l’Italie. En 1799, il devint contrôleur général de l’armée des Alpes et fit ensuite la campagne d’Allemagne. De retour en France, il écrivit dans ditférents journaux, habita la Pologne tant qu’exista le grand-duché de Varsovie, et, après la chute de Napoléon, il revint en France, où il s’occupa jusqu’à.sa mort de travaux littéraires. Ou a de lui’, en français : Des ports sur la mer Baltique et ta mer Noire ; Essai historique et politique sur la Pologne depuis son origine jusqu’à 1788 (Paris, IS32 ; 1833., 2o édit.), ouvrage précédé d’une notice sur l’auteur, laquelle avait déjà été publiée séparément (Paris, 1829). Il laissait en manuscrit une biographie tràs-délaillée de Kosciusko.

MALET (Louis), seigneur de Gka ville, amiral de France, gouverneur de Picardie et de Normandie, né en Normandie en M33, mort dans son château de Marcoussin en 1516. Descendant d’une illustre famille anglo- normande, Louis Malet fut l’un des hommes qui eurent le plus de crédit dans les cours de Louis XI, Charles VIII et Louis XII. En 1486, il fut élevé à la dignité d’amiral de France, se distingua comme tel à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, et suivit Charles VIII à la conquête du royaume de Naples. — Sa tille", Anne Malkt, femme de Pierre de Balzac d’Entragues, cultiva les lettres avec succès et fut fort recherchée de ses contemporains. Elle rajeunit, à la demande de la reine Claude, le style du vieux et curieux roman d’Aixi(a

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et Palëmon, qu’elle mit en rimes. Ce monument se trouve à la Bibliothèque nationale.

MALET (Claude-François de), général, célèbre par l’étonnante conspiration qui porte son nom, né à Dôle (Jura) le 28 juin 1754, fusillé le 29 octobre 1812. Il appartenait à une famille noble issue du Périgord, entra à seize ans dans les mousquetaires et servit jusqu’au licenciement de ce corps. Rallié avec enthousiasme à la Révolution, il fut nommé en 1790 commandant de la garde nationale de sa ville natale, et délégué pour conduire à Paris, les gardes nationaux fédérés du Jura qui avaient été désignés pour assister à la grande fédération du Champ de Mars, le 14 juillet. En 1702, il partit à la tête d’un, bataillon de volontaires, se fit remarquer par sa bravoure aux armées du Rhin et d’Italie, devint en 1799 général de brigade, servit sous Championnet, puis sous Màsséna, à l’armée d’Italie, et fut nommé gouverneur de Pavie, puis de Rome. Quelques démêlés avec le gouvernement papal le firent remplacer par lé général Miollis. Il fut chargé ensuite de divers commandements secondaires à l’intérieur.

Républicain sincère, Malet n’avait vu qu’avec douleur et indignation l’attentat du 18 brumaire. Aussi l’année suivante, commandant dans la Côte-d’Or, n’avait-il envoyé au premier consul aucune de ces adresses servîtes dont le futur empereur était déjà si avide, et lors du passage de celui-ci à Dijon, l’avait-il reçu avec un visage morne et froid. L’abbé Lafon a même raconté, et son témoignage est corroboré par celui de Desmarets, directeur de la police impériale, qu’il avait formé, do concert avec le général Brune, le projet d’arrêter le premier consul à’ Dijon, assertion vraisemblable, quand on songe à l’audace d’exécution dont il devait donner plus tard des preuves si éclatantes.

Quoi qu’il en soit, son caractère indépendant et ses opinions bien connues expliquent assez la disgrâce où il était tombé quoiqu’il se fût distingué par plusieurs actions d’éclat. Distrait de 1 armée active et envoyé à Bordeaux avec le titre de commandant’du département, il avait voté contre le consulat a vie. Relégué ensuite aux Sables-d’Olonne, il manifesta une opposition encore plus vive. Cependant, Bonaparte, qui’avait rencontré dans l’année, et beaucoup plus qu’on ne le croit communément, d’autres hommes qui avaient gardé les traditions révolutionnaires et qu’il avait assouplis, essaya de gagner ceiui-ci par les mêmes moyens qui lui avaient si bien réussi. Malet fut nommé commandant de la Légion d’honneur. Mais il s’était borné à accuser réception par cette lettre sèche et froide à Lacêpede, grand chancelier de l’ordre :

« Citoyen, j’ai reçu la lettre par laquelle vous m’annoncez la marque de confiance que m’a donnée le grand conseil de la Légion d’honneur. C’est un encouragement à me rendre de plus en plus digne d’une association fondée sur l’amour de la patrie et de la liberté. » ’ ■

Lorsque Napoléon se fit proclamer empereur, Malet lui adressa la lettre de félicitation suivante :

« Citoyen premier consul, nous réunissons nos vœux à ceux des Français qui désirent voir leur patrie heureuse et libre. Si un empire héréditaire est le seul refuge contre les factions, soyez empereur ; mais employez toute l’autorité que votre suprême magistrature vous donne pour que cette nouvelle forme de gouvernement soit constituée de manière à nous préserver de l’incapacité ou de la tyrannie de vos successeurs, et qu’en cédant une portion si précieuse de notre liberté nous n’encourions pas un jour, de la part de nos enfants, le reproche d’avoir sacrifié la leur. Je suis, etc. »

En même temps il écrit au général de division Gobert :

« J’ai pensé que, lorsqu’on était forcé par des circonstances impérieuses de donner une telle adhésion, il fallait y mettre de la dignité et ne pas trop ressembler aux grenouilles qui demandent un roi. »

Malet appartenait-il à la société secrète des Pfiiladelpkes, comme l’a prétendu Charles Nodier dans son Histoire un peu romanesque des sociétés secrètes de l’urmée, publiée en 1815 ? Le fait est certain, et il est attesté par Rousselin de Saint-Albin dans sa Conjuration du général Malet, et par M. E. Hatnel dans son Histoire^ des deux conspirations du général Malet. Le général devint même chef suprême ou grand archonte de cette association, qui, sous des formes maçonniques, poursuivait le but du rétablissement de la liberté et des institutions démocratiques.

Malet, souvent signalé pour sa haine de la tyrannie impériale, avait été destitué et rayé du contrôle de l’armée en 1807.

Il n’en fut dès lors que plus libre pour suivre ses projets. Epoux et père, il eût pu goûter le bonheur domestique dans la tranquille obscurité du foyer ; mais il n’était pas homme à oui lier les engagements sacrés qu’il avait pris envers la liberté, dans la grande fédération de 1790, et Ce noble serment de vivre libre ou mourir que, depuis, nous n’avons que trop souvent oublié. 11 commença dès lors à combiner ses plans et à donner un corps à sa conception pour le ren MALE

versement de l’Empire. Il choisit sévèrement, il groupa quelques coopérateurs d’élite : l’ancien conventionnel Florent-Guyot, le philosophe Jacquemont, chef de division au ministère de l’intérieur, les généraux Guillaume et Guillet, le savant grammairien Lemare, l’ancien montagnard Ricord, le professeur Bazin, le médecin Gindre, et autres hommes du caractère le plus énergique et de l’intelligence la plus distinguée.

On sait quelles étaient ses combinaisons : pou de personnes dans le secret : une poignée d’hommes intrépides pour frapper un coup prompt et inattendu ; un faux sènatusconsulte, de fausses nominations de fonctionnaires, afin de s’emparer des principaux centres de l’autorité publique, ce qu’en terme de guerre on nomme des positions ; enfin une action énergique et rapide, dans le but de placer, par une manœuvre habile, les forces mêmes de l’ennemi dans la main des conspirateurs, en se saisissant par surprise des commandements civils et militaires. Ce plan hardi, simple, profond, vraiment stratégique et militaire, et qui semble un chapitre du traité des ruses de guerre, est le pivot de toutes les conjurations Malet, de 1808 à 1812, pendant près de cinq années, car cette lutte se poursuivit pendant toute cette période et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, avec l’unité de composition et d’action d un drame classique. On y sent une même tête et une même main. Cette première conspiration de 1808, qui devait coïncider avec les embarras de la guerre d’Espagne, était peu connue des biographes avant les récits de Saint-Albin et de M. Hamel. Elle eut cependant assez de consistance et fut sur le point d’éclater. Le mouvement devait avoir lieu dans la nuit du 30 mai. Toutes les pièces et proclamations étaient imprimées, et, chose caractéristique, le sénatus-consulte pour la déchéance restera comme modèle, et le Sénat en imitera les

firincipaux considérants contre Bonaparte ors de la Restauration.

Quelques indiscrétions, les délations d’un général nommé Lemoine mirent la police sur les traces ; plusieurs conjurés furent arrêtés. Malet jugea prudent de renoncer pour le moment à 1 entreprise, de mettre en sûreté toutes les pièces et d’attendre une occasion plus favorable.

Malet ne tarda pas à être arrêté comme ses principaux compagnons ; ayant appris que sa femme avait été jetée en prison, il était venu se livrer lui-même. Les preuves matérielles manquaient ; il n’y avait pas de corps de délit, rien que quelques aveux des généraux Guillaume et Guillet-, mais les prévenus n’en furent pas moins gardés sans jugement dans les cachots, par mesure de sûreté et de répression, suivant la formule des lettres de cachet du régime impérial.

Désormais, c’est le général Malet seul qui, du fond de sa prison, va renouer les fils, préparer laborieusement une tentative nouvelle. Cette entreprise extraordinaire du vieux général républicain, que Rousselin de Saint-Albin nomme avec un si grand bonheur d’expression o l’action la plus antique des temps modernes, » devait éclater comme un météore le 23 octobre 1812.

Dans le silence de sa solitud», l’indomptable républicain recommença a méditer, à combiner ses plans, mais sans s’ouvrir à personne, sans confident et sans complices. Pendant plusieurs années, il observe froidement la marche et les mouvements de Bonaparte, attendant avec patience le moment de le frapper. Enfin des circonstances favorables se présentent. Napoléon part pour la campagne de Russie. Les éventualités probables de cette lointaine expédition paraissent présenter à Malet des chances de réussite pour l’entreprise qu’il médite. Spectacle étrange et saisissant pour qui eût pu l’observer, que celui de ce prisonnier, seul et dénué de tout, méditant du fond de son cachot le renversement du colosse qui dominait le monde et le remplissait de son nom I Phénomène plus extraordinaire encore, ce rêve en apparence insensé a été sur le point de devenir une réalité 1

Malet avait obtenu sa translation dans une maison de santé du docteur Dubuisson, située près de la barrière du Trône, et où étaient déjà gardés, sous la surveillance de la police, M. de Polignao et l’abbé Lafon. Cette translation dans un établissement d’où l’on pouvait s’échapper plus facilement formait naturellement la base do ses opérations.

Dans la situation où était la France, lasse d’une prétendue gloire et rassasiée de despotisme, épuisée par tant d’entreprises folles et gigantesques, il fut naturellement amené à seposer ce problème au milieu de ses méditations : dans I état actuel des esprits, qu’adviendrait-il si l’on apprenait tout à coup, que Napoléon est mort à six cents lieues de sa capitale ?

Ce fut la base de ses combinaisons. Répandre tout à coup le bruit de la mort de l’empereur, s’emparer de la force militaire et des grands postes civils, former un gouvernement provisoire, composé en grande majorité d’anciens républicains, réorganiser la garde nationale, avec La Fayette pour chef, enfin restaurer la grande République et les institutions populaires et faire la paix avec l’Europe ; telle était, en sa forte simplicité, la combinaison qu’il agitait en son vaste esprit.

L’abbé Lafon, l’un de ses compagnons à la

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maison de santé, et qui a laissé une relation du mémorable événement, prétend ridiculement que le but du général était de rétablir le gouvernement monarchique. Mais le passé républicain de Malet, ses déclarations formelles, toutes les pièces judiciaires et autres ne permettent pas d’attacher la moindre importance àvcette illusion enfantine.

Dans son projet, le gouvernement provisoire devait être ainsi composé : le général Moreau, président ; Carnot, vice-président ; le général Augereau ; Bigonnet, ex-législateur ; Frochot, préfet de la Seine ; Florent-Guyôt, ex-législateur ; Destutt-Tracy, sénateur ; Jacquemont, ex-tribun ; Mathieu de Montmorency ; le général Malet ; de Noailles ; le vice-amiral Truguet ; Volney, sénateur ; Garât, sénateur : Lambreeht, sénateur.

Dans cette commission figurent deux hommes de l’ancien régime ; mais sans doute que, dans l’idée de Malet, ces noms ne devaient servir, au moment décisif, qu’à rallier toutes les nuances d’opposition contre Bonaparte. La majorité était républicaine.

Fit-il part de son plan à ses deux compagnons, qui étaient royalistes ? Cela est plus que douteux de la part d’un tel homme. Tout au plus leur laissa-t-il pressentir vaguement qu’il travaillait au renversement do Bonaparte, pour en tirer quelques services utiles. D’ailleurs, qui serait entré dans cette conspiration d’un seul homme, si le fond des choses avait été révélé ? L’entreprise eût paru vraiment trop insensée.

Toutes les pièces nécessaires étant fabriquées ou retrouvées, proclamations, sénatusconsulte, ordres, dépêches, avec les cachets, les signatures, etc., Malet, qui avait eu le soin de faire préparer au dehors, par sa femme, ce qui lui était nécessaire, choisit un moment où les nouvelles de la grande armée manquaient depuis plusieurs jours, et s’évade de la maison de santé, le 22 octobre 1812, à onze heures du soir, avec l’abbé Lafon, auquel il avait réservé un rôle, mais qui d’ailleurs resta inactif. Revêtu de 1 uniforme d’officier général, à cheval, et suivi d’un aide de camp, le caporal Râteau, et d’un faux commissaire de police, un afflué nommé Boutreux, il se présente dans la nuit à la caserne Popincourl, fait réveiller le colonel, nommé Soulier, lui annonce que la nouvelle de la mort de l’empereur est arrivée à Paris depuis quelques heures ; que le Sénat, immédiatement assemblé, a déclaré sa famille déchue et nommé un gouvernement provisoire, lequel l’a investi, lui, Malet, du commandement de Paris. Il lui remet en même temps un paquet cacheté contenant, entre autres pièces, la proclamation du Sénat et là copie de sa propre nomination. Le.colonel, entièrement persuadé, met son régiment à la disposition du général, qui enlève de la même manière la îoo cohorte de la garde nationale active, envoie des détachements s’emparer du Trésor, do la Banque, de la Poste aux lettres, de l’Hôtel de ville, en remettant aux officiers des pièces qui doivent leur faire livrer ces établissements sans difficulté. Lui-même se rend à la1 Force, où les généraux Guidai et Lahorie languissaient depuis plusieurs années, comme lui suspects de républicanisme. Il leur donne à chacun un paquet cacheté contenant la nomination du premier au ministère de la police générale, et de l’autre commo préfet de police, avec ordre de s’assurer du duc deRovigo et de Pnsquier, qui remplissaient ces fonctions. Puis il se porte à l’état-major, place Vendôme, chez liullin, commandant de la 1"J division militaire, et lui annonce le nouvel ordre do choses, pur suite duquel il vient le remplacer, liullin montrant quelque méfiance et faisant dos dif-ficultés, Malet, pour qui les moments étaient précieux, lui casse la mâchoire d’un coup de pistolet. Cet étonnant coup de main, sans précédent, se trouvait ainsi presque consommé, lorsque, les adjudants de place Laborde et Doucet étant accourus, se précipitent sur Malet, le terrassent et l’emmènent en prison. Une inspiration subite et surtout ce malheureux coup de pistolet leur avaient fait deviner ce qu’aucun des fonctionnaires n’avait encore soupçonné, à savoir qu’ils étaient en présence d’un’audacieux conspirateur.

Ainsi, sous le gouvernement le plus absolu et le plus fidèlement servi, un homme prisonnier, sans ressources, sans amis, entreprend de faire une révolution à lui seul. De la solitude d’une maison de santé, où il est soumis à une sévère surveillance, n’ayant pour agents qu’un caporal presque idiot qui ne comprend rien à ce qu’il copie, un nbbé royaliste bavard et poltron, qui croit servir les Bourbons, parle et ne lait rien, enfin un prêtre espagnol qui prête sa chambre parce qu’il croit aider à l’évasion de Ferdinand VII, Malet se lève contre Napoléon. À minuit, à l’heure même où il commence l’exécution de son projet gigantesque.il n’a pas un écu, pas un complice, pas même la moindre liaison ni dans l’armée ni dans l’administration ; et, cinq heures après, cet homme est maître de la garnison, du ministère et de la préfecture do police ; le ministre, ’le préfet sont captifs ; deux prisonniers d’État, qui ne se doutaient de rien quelques instants auparavant, remplacent ces deux hauts fonctionnaires ; Paris, en s’éveillant, trouve presque un gouvernement établi. Puis, tout à coup, avant que la conspiration poussée plus avant ait compromis

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