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chaînent achevé (avril 1651), le roi, la reine et la cour, et, en 1G5S, Louis XIV érigea en sa faveur la terre de Maisons en marquisat. La cour revint à Maisons en juillet 1671, à l’occasion do la maladie qui devait emporter le duc d’Anjou, à Saint-Germain. Pendant une partie du règne de Louis XIV, le château de Maisons fut sans cesse fréquenté par tout ce que Marly ou Versailles contenaient de grands seigneurs, et aller à Maisons devint du meilleur ton. C’est au château de Maisons que Voltaire lut son poème de la Henriade. Le poëte était le commensal du président de Maisons, un des descendants du surintendant. Il fut atteint au château de la petite vérole, en 1723, et ne revint à la santé ju’à force de soins et d’attentions de la part du président. Louis XV, continuant la tradition royale, vint plus d’une fois loger à Maisons. La Du 13arry s’y trouvait vers 1770, et ce fut là, dit-on, qu’elle prépara la chute du ministère Choiseul. Elleessaya, mais en vain, do se faire acheter ce domaine seigneurial par son royal amant. Ce ne fut qu en 1777 que le château de Maisons fut acheté par le comte d’Artois à M. de Soyecourt, moyennant 2,300,000 livres. Il y donna des fêtes célèbres auxquelles Louis XVI et Marie-Antoinette assistèrent, et le conserva dans un grand état de prospérité jusqu’à la Révolution. La Révolution arriva : le comte d’Artois ayant émigré, le château fut mis sous le séquestre avec tout le domaine en dépendant. Le domaine de Maisons fut enfin acquis, comme bien national, le 6 pluviôse an VI, par un entrepreneur de transports militaires, Lanchère, pour la somme de 653,853 livres. En 1804, le maréchal Lanries en devenait propriétaire. C’est là qu’il venait, au milieu de sa famille et d’un très-petit nombre d’awis, se reposer entre deux, batailles des fatigues de la guerre. Après la mort du maréchal, la duchesse de Montebello continua à habiter Maisons, où elle reçut plusieurs fois >a visite de Napoléon. Lors des invasions de J814 et de 1815, la commune de Maisons fut dévastée ; le château, plus heureux, ’souffrit peu, et dut sans doute ce privilège à la présence des officiers supérieurs qui y logèrent. En ISIS, M’i< : de Montebello mit Maisons en vente : ce fut M. Laflitte qui l’acquit. Le château de Maisons et l’hôtel de la rue Laflitte (alors rue d’Artois) furent les deux centres où se prépara la révolution de Juillet 1830, où s’agitèrent les destinées futures de la branche d’Orléans. Jacques Laflitte exerçait à Maisons l’hospitalité la plus large : c’est là qu’il recueillit Manuel, après sa glorieuse expulsion de la Chambre en 1823, et que le grand orateur mourut le 22 août 1827. Bérangor aussi, dans un moment difficile, habita Maisons. Laflitte fit détruire les magnifiques écuries construites par Mausart, et, à la même époque (1834), il vendit une partie du parc, dont l’étendue était de 500 hectares, par lots de diverses grandeurs, et y établit la petite colonie qui forme aujourd’hui un village portant le nom de son fondateur (Maisoiib-Laflitte). Après la mort du célèbre banquier (1844), ses héritiers gardèrent le château jusqu’en 1849, et c’est alors que M. Thomas de Colmar en devint acquéreur. De Maisons on domine la Seine, le mont Valérien, les coteaux de Bougival, de Marly et Saint-Germain, panorama féerique qui fait de cette demeure, nous le répétons, une des plus belles résidences qui nous restent d’un temps déjà bien loin de nous.

BlAlSSAfiA, bourg du royaume d’Italie, province de Gênes, district et à 22 kilom. E. de Chiavari, mandement de Varèse Ligure ; 2,889 hab.

MAISSIAT (Michel), ingénieur français, né a Nantua en 1770, mort à Paris en 1822. Après avoir servi dans les armées de la République, de 1792 à 1794, il fut nommé, en 1793, ingénieur géographe, prit part à de nombreux travaux topographiques et fut adjoint, en 1801, au colonel Tranchot, pour exécuter la carte des départements nouvellement conquis sur la rive gauche du Rhin. En 1818, Massiai devint professeur de topographie à l’École d’état-major et reçut peu après le grade de chef d’escadron d’état-major. On lui doit l’invention de deux instruments pour exécuter les cartes, le graunnomètre et le nouveau rapporteur. Nous citerons parmi ses écrits : l’ables portatives de projections et de verticales pour avoir la réduction des côtés inclinés à l’horizon (Aix-la-Chapelle, 1806) ; Table des projections des ligues de plus grande pente (Paris, 1S19) ; Études lithograpIdées de topographie et de montagnes dans les environs de Ctostercamp, de Limbourg, etc.

MAISSIAT (Jacques), homme politique et médecin français, neveu du précédent, né à Nantua en 1805. Lorsqu’il eut achevé ses études médicales à Pans et pris le grade de docteur (1838), il se rit recevoir agrégé cette mémo année, puis devint successivement préparateur de Duvernay au Collège de France et conservateur adjoint du musée de la Faculté de médecine de Paris. En 1848, M.Maissiat fut nommé représentant à l’Assemblée constituante par les électeurs de l’Ain, le premier de la liste. Il fit partie du comité de l’instruction publique, présenta plusieurs rapports, et vota avec la droite. Réélu à la Législative, il siégea sur les bancs de la majorité et appuya toutes les mesures présentées

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par la réaction. Après le coup d’État du 2 décembre 1851, le docteur Maissiat renonça complètement à la politique etdevint conservateur en chef du musée de la Faculté de médecine. Il a pris une grande part à l’organisation du musée d’anatomie comparée. Nous citerons du lui : Études de physique animale (1843, in-4o) ; Lois générales de ïopti(/ue{&43) ; Notions statistiques siir /aiJrme(1851, in-8o) ; Jules César en Gaule (1SCG, in-S»), etc.

MAISS1N (Louis-Eugène), marin et écrivain français, né à Paris en 1811, mort à la Guyane en 1851. Il entra dans la marine à seize ans, devint capitaine de corvette en 1844, capitaine de vaisseau et gouverneur de la Guyane en 1850 et mourut emporté par la fièvre jaune. On lui doit : Aperçu, sur les ressources générales actuelles de lamiritie française (Toulon, 1840, in-s°) ; Études historiques sur la marine militaire (Toulon, 1843, in-S°) ; Notes sur l’histoire de la marine anglaise de 1733 à 1815, et plusieurs travaux estimés, insérés dans les Annales maritimes, entre autres, Essais sur les évolutions navales ; Des conditions de la navigation par la vapeur, etc.

MA1SSONY ou MEYSSONI (François), ’jurisconsulte français, né à Marseille. Il vivait au xvie siècle, et il jouit comme avocat d’une grande réputation parmi ses concitoyens. « Bien différent d’un grand nombre de ses confrères, dit P. Levot, il s’était fait un devoir de la concision ; ses consultations et ses plaidoyers, qu’il écrivait presque toujours en vers, ne se composaient que de quelques lignes. Un quatrain suffit une fois pour lui faire gagner un procès très-ardu. ■ On a de lui la traduction d’une compilation italienne et espagnole sous le titre de : le Livre du consulat, contenant les lois, ordonnances, statuts et coutumes touchant les contrats, marchandises, négociations maritimes et de la navigation (l’a ;-is, 1577, in-4").

MAÏSSOUR, en anglais Mysore, en indoustani Maheshasura, ville forte de l’Indoustan anglais, capitale de l’État de même nom, dans la présidence de Madras, à 14 kilom. S.-O.de Seringapatam ; 50,000 hab. Résidence du rajah de Maïssour. La forteresse de Maïssour occupe le sommet d’une colline escarpée, et renferme le palais du rajah. La ville s’étend sur une longueur de 2 kilom. environ, au bas dé la colline. En 1593, elle fut prise par Adil-Chahy, souverain de Bedjapour, qui ne tarda pas à l’abandonner ; peu de temps après, le rajah de Maïssour transféra le siège de son gouvernement à Seringapatam, mais conserva en bon état la forteresse de Maïssour. En 1787, Tippoo-Saeb fit raser Maïssour et sa forteresse, et construisit avec les matériaux, sur une petite montagne voisine, une nouvelle forteresse qui fut détruite en 1799 La forteresse actuelle fût construite quelques années après.

MAÏSSOUUouMVSOUE, État de l’Indoustan anglais, dans leDecari, situé entre 11° 35’ et 15" de lat. N., 720 25’ et 76° 20’ de long. E., borné au N. parle Batàghatet le Beydjapour ; à l’E., par la province de Salem etdeBarahmahl ; au S., par celle de Coïmbétoûr ; au S.-0., parle Malabar, età l’O., parle Kanara, dont elle est séparée par les Ghattes occidentales. Superficie, 11,430 kilom. ; 3,800,000 hab. Capitale, Maïssour. Bordé et en partie traversé à l’O. par les Ghattes occidentales, et au S.-E. par les Ghattes orientales, le Maïssour est couvert à l’intérieur, surtout vers le N., par de nombreuses montagnes. Quoique plus voisin de la mer d’Oman que du golfe de Bengale, il appartient presque tout entier au bassin de ce dernier golfe. Le Câvery, la Chimcha, l’Arkavotty, le Panar, le Palar, nu S. ; le Tchittravotty, le Pennar, le Vadavotty, la Bcdra, la Tounga, le Tchordz et la Voruah, au N., sont les principaux cours d’eau qu’il envoie à ce golfe. LeCherravotty, dans le N.-O., est le seul tributaire de la mer d’Oman. Le climat est tempéré et salubre ; les pluies périodiques qui inondent les côtes de Malabar et de Coroinandel sont en partie arrêtées par les Ghattes, et durent peu dans le Maïssour. Le riz est la principale production ; on cultive aussi le sésame d’Orient et la canne à sucre. Le froment n’est récolté qu’en petite quantité. Le bétel croit dans les lieux bas et humides. Le pavot du territoire de Colar est employé soit à la préparation de l’opium, soit dans la composition d’une sorte de gâteau destiné aux premières classes indigènes. Le tabac, d’ailleurs peu cultivé, est d’une qualité inférieure. Le cocotier est fort commun. Les bœufs, les buffles, les moutons, et une race de chèvres à longues jambes composent le principal bétail du Maïssour. Les chevaux y sont petits et mal faits ; les ânes des Ghattes sont employés dans beaucoup de travaux. Ce pays est riche en fer, qu’on travaille fort mal. Le sel s’offre abondamment à la surface du sol, dans divers cantons, pendant la saison sèche. Le quartz, le feldspath, la hornblende et le mica forment la base des rochers de la plus grande partie de cet État.

Le Maïssour n’ayant subi le joug des mahométans que durant trente-huit années, sous llayder-Ali et Tippoo-Saëb, les mœurs et les usages indous sy sont conservés dans une assez grande pureté. Les hommes sont robustes, sains et plus grands que ceux de la côte de Coromandel ; les femmes sont généralement belles, et se parent avec goût. La polygamie est permise. Les veuves, dans

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certaines castes, ne peuvent pas se remarier ; mais il est rare aujourd’hui qu’elles soient brûlées sur le bûcher de leurs époux. Tchamrady, qui monta sur le trône en 1507, est le premier souverain du Maïssour dont l’histoire fasse mention. Ses États furent agrandis par Tiinrady, par Rady-Oundeyer, qui obtint en 1610 l’importante place de Seringapatam, et par Tchick-Deo-Rady, qui, entre autres villes, conquit Bangalore. Tchûmrady fut déposé en 1784 par ses ministres Deorady et Nouserady, qui placèrent sur le trône Tchicko-Keiehenrady. Sous ce règne, en général habile, llayder-Ali, subjugua le Dindigal (1755) et s’empara du souverain pouvoir (1760). Chassé de Seringapatam la même année par son propre ministre, Condy-Raou, Hayder reprit le pouvoir en 17C1 et fit diverses conquêtes. En 1771, il fut complètement défait par les Mahrattes. Il fut plus heureux dans la guerre qu’il entreprit contre les Anglais, avec l’aide des Français. Malheureusement, il mourut en 1782, laissant le trône à son fils, Tippoo-Saëb. Celui-ci poursuivit les desseins de son père, et continua la guerre jusqu’en 1784 ; mais alors, privé des secours de la France, il fut obligé de faire la paix. En 1790, il attaqua le rajah de Travancore, qui implora l’assistance des Anglais • la guerre qui s’ensuivit fut terminée en 1792 par un traité qui fit perdre à Tippoo la moitié de ses possessions. Il ne tarda pas à recommencer les hostilités. Seringapatam fut assiégée par le général Harvis en 1799, et Tippoo périt en défendant sa capitale. Alors les Anghiis placèrent sur le trône le jeuife Mahiv-Radjah-Krichna-Oudiaver, descendant des anciens

rajahs de Maïssour et lui imposèrent un tribut annuel. De cette époque date l’omnipotence des Anglais dans ce vaste État. Ils occupent les places fortes, ont un résident à Seringapatam, et perçoivent la moitié des revenus.

MAISTRAL (Esprit-Tranquille), marin français, né à Quimper en 1763, mort en 1815. Embarqué comme mousse en 1775, il avait, avant l’âge de vingt ans, assisté à quatorze combats. En 1783, il fut nommé lieutenant de frégate, et dix ans plus tard capitaine de vaisseau. En 1794, Maistral fut emprisonné comme suspect, puis relâché. Il fit la campagne d’Irlande sur le Fougueux, croisa ensuite dans la Manche sur le Mont-Blanc, avec lequel il eut à soutenir de nombreux engagements contre les Anglais, et prit une part brillante au combat du cap Finistère (1805). où il sauva le vaisseau Y Allas sur le point de tomber au pouvoir de l’ennemi. Lors de la bataille de Trafalgar, à Villeneuve, dit M. A. de Lacuze, avait désigné le Neptune, commandé par Maistral, comme devant être le matelot d’arrière du-vaisseau amiral le Bucenlaure ; mais Maistral, ainsi que neuf autres vaisseaux espagnols et français, tombèrent sous le vent et ne purent^ entrer que successivement en ligne. Le Redoutable (capitaine Lucas) prit courageusement le poste du Neptune. Maistral, après avoir envoyé quelques bordées au Victory, qui portait l’amiral Nelson, jugea convenable de regagner l’arrière-garde, puis, après avoir canonné quelque temps le Bel— liste, qui démâté et attaqué par trois vaisseaux français, ne répondait plus au feu, Maistral passa à l’extrême arrière-garde. L’amiral Gravina venait d’être mortellement blessé : on fit le signal de retraite de son vaisseau, le Prince-des-Asluries, et aussitôt Maistral se mit en retraite, suivant le pavillon espagnol. Il gagna ensuite Algésiras, où il dut se rendre prisonnier sans coup férir en 1808. • La conduite de Maistral en cette circonstance fut l’objet des plus vives critiques ; toutefois, dans un rapport fait par Beaudran, aide de camp de l’amiral Villeneuve, Maistral se trouve pleinement justifié des reproches d’impéritie, de timidité et même de trahison auxquels il a été en butte. De retour en France, Maistral demanda vainement à passer devant, un conseil de guerre pour se justifier. Le gouvernement, dont il avait conservé toute la confiance, le nomma chef maritime de Brest en 1813. Chef d’escadre en 1814, il devint, l’année suivante, contre-amiral et mourut quelques mois après, — Son frère, Désiré-Marie Maistral, marin comme lui, né à Quimper en 1764, mourut à Brest en 18-42. Il lit la guerre d’Amérique sous d’Estaing, fut faitprisonnier par les Anglais à bord du Hoche (1799), recouvra la liberté en 1800, devint alors capitaine de vaisseau, fit partie de l’expédition de Saint-Domingue et devint par

la suite commandant des forces navales du royaume d’Italie. Il prit sa retraite en 1807.

MAISTRANCE s. f. (mè-stran-se — rad. maistre, anc. orlhogr. de maître). Mar. Corps des maîtres ou premierssous-officiers de marine, chargés, dans un port ou sur un navire do guerre, des détails du service.

Ecoles de maistrance, Ecoles maritimes où l’on forme des maîtres et des contremaîtres.

— Encycl. La maistrance est placée sous la surveillance des ingénieurs ou des.officiers de vaisseau. Il y a en France trois écoles de maistrance, renfermant une cinquantaine d’élèves environ, à elles trois : elles sont établies à Brest, à Rochefort et à Toulon. On enseigne dans ces écoles l’arithmétique, la géométrie élémentaire, la géométrie descriptive, les éléments de statique, la stabilité des corps flottants, le dessin linéaire et

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la comptabilité des ateliers. Il faut, pour y être admis, avoir vingt et un ans, avoir servi trois ans dans les ports ; et avoir subi un examen dont le programme est déterminé par les règlements.

La maistrance se recrute parmi les hommes les mieux rompus au métier, sur la proposition des officiers des bâtiments réunis en conseil. L’avancement en grade ou en classe ne peut être donné, au plus tôt, que tous les six mois.

MAISTRE (Joseph-Marie, comte de), homme d’État, écrivain et philosophe, né à Chambéry (Savoie) en 1754, mort en 1821. La famille do de Maistre était originaire du Languedoc. Au xvue siècle, elle formait deux branches, dont l’une alla s’établir en Savoie : c’est à cette dernière qu’appartient Joseph de Maistre. Son père, le comte François-Xavier de Maistre, fut président du sénat de Savoie et conservateur des apanages des princes. Joseph-Miirie était l’ai né de dix enfants et se disposa de bonne heure à entrer comme son père dans la magistrature. Les jésuites avaient été chargés de son éducation, et les habitudes régulières pratiquées dans leurs maisons trouvèrent chez lui un terrain bien préparé par l’éducation paternelle. Après avoir terminé ses études classiques, on décida qu’il ferait son droit à l’université de Turin. 11 avait une excellente qualité pour aborder la science de Cujas, c’était une mémoire prodigieuse. « Un jour, dit Sainte-Beuve, un écolier l’ayant défié sur sa mémoire, qu’il avait extraordinaire, il releva le gant et tint le pari : il s’agissait de réciter^tout un livre de ('Enéide, le lendemain, en présence du collège assemblé. De Maistre ne fit pas une faute et l’emporta. • En 1818, un vieux prêtre lui ayant rappelé cette circonstance, il répondit ; » Eh bien ! curé, croiriez-vous que je serais homme à vous réciter sur l’heure ce même livre de l’Enéide aussi couramment qu’alors ?» Il comparait volontiers son cerveau à un casier à tiroirs numérotés. Il mettait dans chaque tiroir des connaissances particulières qui s’y conservaient intactes et il les retrouvait quand il eu avait besoin.

En 1786, il épousa MH« de Morand, dont il eut un fils et deux filles, l’une mariée à M. Ferray, l’autre au duc de Laval-Montmorency. Joseph de Maistre fut nommé sénateur en 17SS. Mais le métier de condamner les gens à mort (te sénat de Savoie étant une cour judiciaire) ne lui convenait pas. Quand la Révolution française éclata, de Maistre l’accueillit d’abord assez bien, et ses idées libérales firent quelque scandale parmi la noblesse du royaume de Sardaigne. De Maistre était membre de la loge réformée de Chambéry, qui n’était pas dangereuse à la vérité. Quand les troupes françaises de Montesquiou firent leur apparition dans la ville (22 septembre 1792), les frères du comte étaient allés rejoindre le drapeau sarde ; lui resta jusqu’au milieu de l’hiver et se rendit ensuite avec sa famille dans le val d’Aoste, c’est-à-dire hors du territoire occupé par les Français. Quelque temps après fut édictée la loi dite des Allobroges, qui ordonnait aux émigrés savoisiens de rentrer chez eux sous peine de voir leurs biens confisqués. MIDE de Maistre, à l’insu de son mari et enceinte de près de neuf mois, traversa les Alpes en plein hiver à dos de mulet, avec ses deux jeunes enfants, pour sauver quelques lambeaux de sa fortune. Joseph de Maistre vint la rejoindre aussitôt et se rendit à la municipalité, où il refusa do prêter le serinent exigé et d’écrire son nom sur le registre destiné à recevoir les noms de tous les citoyens actifs. Lorsqu’on lui demanda les contributions de guerre, qui étaient censées volontaires : « Je ne donne point d’argent, répondit-il, pour faire tuer mes frères qui sont au service du roi de Sardaigne. » Cela lui valut une visite domiciliaire. Mme de Maistre en fut saisie au point de ressentir aussitôt les douleurs de l’enfantement. Le troisième enfant de Mma de Maistre naquit le lendemain. Après avoir pourvu aux besoins les plus urgents de sa famille, le comte partit pour Lausanne. Il y resta trois ans et en partit eu 1797 pour rentrer en Piémont, où le roi Victor-Amédée lui ordonna de retourner à Lausanne. Il devait renseigner le ministère sarde sur ce qui se passerait en France. Bonaparte trouva plus tard sa correspondance à Venise. De Maistre avait publié récemment son premier ouvnige important : Considérations sur la Révolution française (Neufchàtel, 1796, l vol. in-8o). On n’avait encore vu de lui qu’un Éloge de Victor-Amédée 111, duc de Savoie (Utiambéry, 1775, in-8»), qui no pouvait à aucun titre faire préjuger ne son talent d’écrivain. Cet opuscule ne brillait guerô par la logique. À côté d’opinions libérales telles qu’on pouvait les attendre d’un jeune homme de cette époque, il défendait les règlements faits contre la publicité hostile au gouvernement. En 1777, ayant prononcé un discours de rentrée devant le sénat do Savoie, il le parsema de tirades banales en l’honneur de la vertu, de l’Être suprême et encore d’invectives contre les préjugés, trahissant ainsi un élève de Jean-Jacques. Dans les Considérations, do Maistre raconte les persécutions subies pendant la Révolution. On avait emprisonné des enfants en bas âge, séparé des époux. « C’était, disait le représentant Albitte, pour satisfaire à. la décence. » De Maistre écrit à ce sujet : > La cruauté,