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époque. Il eut le talent de les placer dans des situations toujours piquantes, et de leur prêter des propos analogues à leur caractère. Peut-être a-t-il eu raison, cependant, de ne pas se lancer dans les comédies en cinq actes : tel peintre réussit admiraBlement dans les tableaux de chevalet, qui échoue complètement quand il s’agit d’une grande toile. Lafont fréquentait peu la société, nous voulons dire la bonne. Pour 8e délasser de ses travaux littéraires, il faisait des excursions à travers les environs de Paris, et, quand il se sentait fatigué, s’établissait dans le cabaret qui lui semblait le plus avenant. Après des libations plus ou moins prolongées, il rentrait à Paris, et se rendait dans un tripot quelconque, où le reste de son argent passait infailliblement entre les mains d’un autre propriétaire. Ainsi mis ù sec, Lafont vomissait des torrents d’imprécations contre l’abominable passion du jeu. Après quoi, il allait se remettre au travail, pour recommencer le même genre de vie quelques jours après. C’est ainsi que s’écoula+ia courte existence, et c’est peut-être une perte pour les lettres que la mort l’ait enlevé à l’âge où le talent atteint seulement la plénitude de sa force. On cite surtout, parmi les pièces de cet auteur : Danaê ou Jupiter Crispin ; le Naufrage ; l’Amour vengé, -les 2’rois frères rivaux  ; les Fêles de la folie ; la Critique ; la Provençale ; Hypermnestre ; les Amours de Protée, et l’Epreuve réciproque.

Lafont écrivit aussi des opéras, soit seul, soit en collaboration avec Le Sage et d’Orneval : la Décadence de l’opéra-comique ; le Jugement d’Apollon et de l’an par Midas, la lié forme du régiment de la calotte ; la Querelle des théâtres ; le Monde renversé. La marche de ces opéras est ingénieuse, les divertissements en sont bien amenés, la versification facile et naturelle, le tour vraiment lyrique.

Voici une épigramme qu’il fit au sujet du froid excessif de l’hiver de 1709.

Eh quoi ! s’écriait Apollon

Voyant le froid de son empire,

Pour chauffer le sacré vallon.

Le bois ne saurait donc suffire ? Bon, bon ! dit une des neuf sœurs, Condamnez vite à la brûlure

Tous les vers des méchants auteurs, Par là nous ferons feu qui dure.

LAFONT (Charles-Philippe), célèbre violoniste français, né à Paris en 1781, mort en 1839. Issu d’une famille composée presque exclusivement de musiciens, Lafont avait respiré, dès sa venue au monde, l’atmosphère de la mélodie. Sa mère, sœur du violoniste Bertheaume, et habile violoniste elle-même, lui enseigna les premières notions de l’instrument qui devait faire un jour sa fortune ; puis son oncle le prit sous sa direction, et le lit voyager en Allemagne. À son retour à Paris, Lafont prit des leçons de Rodolphe Kreutzer, et suivit le cours d’harmonie de Berton. Plus tard, quand Rode vint soumettre au public parisien la pureté sans précédent de son jeu, Lafont s’inscrivit parmi les élèves de cet artiste hors ligne, dont il s’efforça d’atteindre la perfection. En 1801, le jeune virtuose fit une excursion en Belgique pour essayer ses forces, et l’accueil qu’il reçut lui ayant donné pleine conscience de son talent, il revint à Paris, se remit à l’étude, et enfin, en 1805 et 1806, se produisit, avec un immense succès, aux concerts de l’Opéra et du Cirque-Olympique. Quand, en 1808, Rode quitta la Russie pour regagner la France, Lafont se rendit à Saint-Pétersbourg, et le remplaça dans le titre de violon solo de l’empereur de Russie. Après un séjour de six ans dans la capitale russe ; Lafont eut le désir de revoir Paris, et quand, en 1815, il fit sa rentrée dans cette ville, Louis XVIII le nomma premier violon de sa musique de chambre, position honorifique à laquelle il joignit le titre d’accompagnateur de la duchesse de Berry. Dès ce moment, Lafont fut sacré un des rois du violon, et, dans les concerts donnés, tant à l’Opéra que dans d’autres centres artistiques, il recueillit les applaudissements enthousiastes du public. De 1831 k 1838, il parcourut, en compagnie de Henri Herz, l’Allemagne, la Hollande et la France centrale. En 1839, il entreprit, avec ie même pianiste, une excursion dans le midi de la France, excursion qui eut une fin terrible. En revenant de Bagnères-de-Bigorre à Tarbes, la diligence dans laquelle se trouvaient les deux artistes versa, et Lafont fut tué sur le coup.

Les principales œuvres de ce violoniste se composent de sept concertos, diverses fantaisies ou airs variés, et vingt duos pour piano et violon. Lafont a également composé un grand nombre de romances, parmi lesquelles brillent, au premier rang, le petit chef-d’œuvre intitulé : C’est une larme, et le Départ du jeune marin. Il a, en outre, fait représenter deux opéras-comiques, dont il avait écrit la partition. L’un, intitulé : Zétie et l’eruille, a été joué, eu 1803, à Feydeau, sans aucun succès ; l’autre, dont le titre nous est inconnu, a été composé pour l’Ermitage, théâtre particulier de 1 empereur de Russie,

LAFONT, chanteur français, né à Bordeaux en 1800, mort à Paris le 15 août 1838. Il débuta sur la scène de l’Opéra, avec beaucoup d’éclat, le t% septembre 1828, dans la Muette

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de Portici, Il se montra avec honneur à côté de ses chefs d’emploi dans les rôles de ténor, et reprit avec succès Polynice dans Œdipe à Colone. 11 a créé plusieurs rôles importants, notamment celui de Raimbaut dans Robert le Diable (1831). Contemporain d’Adolphe Nourrit et de Cornélie Falcon, il en a partagé les triomphes.

LAFONT. (Pierre-Chéri), artiste dramatique français, né à Bordeaux en 1801, mort en 1873. 11 fut destiné à la chirurgie de marine. Après avoir fait, la lancette à la main, deux voyages aux Indes, il vint à Paris en 1822, ets’essaya dans un opéra-comique, chez Doyen. Désaugiers, alors directeur de la salle du Vaudeville, l’y remarqua et l’engagea. Jusqu’en 1832, il attacha son nom à tous les ouvrages importants joués à ce théâtre ; puis il passa aux Nouveautés, et y créa Jean avec un rare bonheur. De l’élégance, une distinction native, un ton excellent, de la grâce, de la finesse, de la verve, mais surtout une jolie figure et des manières séduisantes, qui lui permettaient de représenter d’une façon charmante les mauvais sujets élégants des vaudevilles de l’époque, lui valurent une double célébrité, comme homme et comme acteur. On s’éprit de ses qualités physiques, bien plus encore que de ses qualités dramatiques. Héros véritable ou supposé des aventures les plus galantes, il devint bientôt la passion de cette partie féminine du public qui, à Paris comme ailleurs, fait volontiers la mode. Il devint donc l’acteur à la mode, et on alla jusqu’à l’appeler Y enfant chéri des dames. Jamais peut-être, il faut bien le reconnaître, jamais plus beau jeune premier

n’avait incendié les chaumières, les boudoirs, les mansardes, les châteaux, la ville et la cour... du vaudeville. Jamais plus joli hussard n’avait mieux tutoyé des yeux la brune et la blonde, et quand il apparaissait ganté, frisé, rasé de frais, souriant, la main sur son cœur, la flamme aux yeux, devant Minette ou Pauline, Jenny Colon ou ûéjazet, c’était dans toute la salle un murmure de satisfaction. Et pourtant, ce héros de la galanterie, ce charmant mauvais sujet qui séduisait toutes les femmes et n’en épousait aucune, l’éternel vainqueur de Léonide, des Pages de Bassompierre, des Liaisons dangereuses, de Pierre le Itouge, de Madame Grégoire, tenta de se fixer un beau jour par le mariage, et, pour la première fois, il aima pour le bon motif. Depuis quelques années déjà, il allait régulièrement en Angleterre donner des représentations avec Jenny Colon. À force de djre à la séduisante actrice qu’il l’aimait, à force de la séduire sous tous les costumes, en prose et en chansons, il Yé- pousa à Londres en 1829. Mais les fers conjugaux de d’enfant chéri des dames» avaient, à n’en pas douter, été forgés par le forgeron de Gretna-Green ; car, à leur retour en France, les deux époux jugèrent à propos de faire annuler judiciairement leur mariage, donnant ainsi raison à la chanson que si souvent ils avaient chantée ensemble dans le Hussard de Felsheim : Nos amourE ont duré toute une semaine.

Des Nouveautés, M. Lafont revint au Vaudeville ; mais, après l’incendie de ce théâtre, alors situé rue de Chartres (18 juillet 183S), il entra aux Variétés, où il débuta, en novembre 1839, par le rôle du perruquier dans l’Amour. Il commençait alors à prendre de l’embonpoint ; il eut le bon esprit de délaisser ses rôles d’amoureux pour aborder les militaires et les comiques élégants. En 1848, M. Lafont abandonna les Variétés, et l’on n’entendit plus parler de lui que par les journaux de Londres, où il avait pris, depuis longtemps, l’habitude d’aller jouer tous les ans son répertoire. Au mois de mars de cette même année 1848, on apprit qu’il venait d’épouser Mlle Pauline Leroux (v. ci-après). Rentré au Vaudeville, le 16 mai 1855, dans le Chevalier du guet et le Lion empaillé, il comprit qu’il n’était plus l’acteur jeune et fringant de ses débuts, et sut, en modifiant son jeu, montrer toutes les ressources de son talent dans la Dernière conquête, le Fils de M. Godard, les Infidèles, etc. En 1859 et 1860, il a joué, avec beaucoup de succès, au Gymnase, le rôle de La Rivonnière dans te Père prodigue, succès qui s’est continué, dans Montjoye en 1863. Appelé à la Comédie-Française pour y paraître aussitôt après les représentations de cette dernière pièce, M. Lafont demanda et obtint la résiliation de l’engagement qui le liait à notre première scène, et préféra rester au Gymnase, où, d’ailleurs, il a été retenu par traité avantageux. Il y a créé, en grand comédien, le rôle de Mortemer dans les Vieux garçons, en janvier 1865. M. Lafont était un des rares artistes à qui l’on peut donner toutes les passions, tous les vices, toutes les vertus que l’on souhaite ; il les traduisait, il les sauvait par cette suprême élégance qui dénote l’artiste supérieur et l’homme comme il faut. On lui a reproché de toujours mapquer de sensibilité ; il est vrai que. bien qu’il ait pu faire sourire son auditoire à volonté, il était rarement capable de le faire pleurer. On ne pouvait lui demander la passion de Bocage ni les chaleureux élans de Frédérick-Lemaître. Outre les créations de cet

artiste que nous avons déjà indiquées, nous citerons encore : les Deux cousines, Arriver à propos, le Dernier jour de deuil, Léontine ; Austerlitz, de la Croix d’or ; Jean Dubarry

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dans Madame Dubarry ; Te Favori ; Dubois dans le Régent ; Rosambert, dans Faublas ; la Robe de chambre, Père et pari Ain, le Comte de Saint-Germain, les Confessions de JeanJacques Rousseau, Casanova au fort SaintAndré, le Mari à la ville et la femme à la campagne, Maria Padilla, le Mariage d’orgueil, le Chevalier de Saint-Georges, le Hochet d’une coquette ; le marquis, dans la Chaîne électrique ; Candolle, dans la Nuit aux soufflets ; Fargeau le nourrisseur, Halifax ; Rameau-d’Or, dans les Deux brigadiers ; Carabins et Carabines, Un conte de fées, le Tricorne enchanté, le Lansquenet, le Mousquetaire gris, les Extrêmes se touchent, les Premières coquetteries, les Douze travaux d’Hercule, les Belles de la cour.’ Parmi ses reprises, nous rappellerons le rôle du général dans le Gamin de Paris, et celui de Matignon dans les Premières armes de Richelieu.

LAFONT (Pauline Leroux, dame), danseuse française, femme du précédent,

dont elle n’a jamais porté le nom à la scène, née à Paris vers 1816. Admise de bonne heure dans la classe de danse des enfants à l’Opéra, elle débuta à ce théâtre le 20 décembre 1827, par un pas dans le divertissement de la Caravane. La noblesse de ses poses, une vigueur d’exéution au-dessus de son âge, sa gentillesse éveillèrent l’attention de Vestris, qui se hâta de cultiver les excellentes dispositions de la jeune danseuse et la conduisit àl’étranger, où il lui fit faire ses grands débuts. De retour en France, Mlle Pauline Leroux reparut à notre Académie de musique, où MIIe Taglioni venait d’opérer une révolution, et nous la voyons figurer dans l’Almanach royal de 1830 parmi le personnel de la ^danse ; mais ce n’est qu’un peu plus tard qu’elle conquit la réputation à laquelle elle arriva depuis. Appelée à remplacer Mlle Taglioni, lors du départ de celli-ci, dans le rôle de la Fille du Danube, elle se blessa cruellement à la jambe à l’une des répétitions, et ce ne fut qu’au bout de trois années de souffrance et de travail qu’elle put reparaîtrédans un rôle nouveau, le Diable amoureux. Depuis lors, elle était arrivée à tenir une place distinguée parmi celles de nos danseuses qui possèdent le mieux l’art de séduire et de plaire, soit par les pas les plus gracieux, soit par un pantomime énergique et savante, lorsqu’elle quitta le théâtre dans tout l’éclat de la beauté et du talent, et épousa M. Lafont, C’était une danseuse de la bonne école et une mime d’une grande expression. Le rôle du diable amoureux, que nous citions plus haut, est resté comme un éclatant souvenir de cette école, dont Mme Gardet et MU" Bigottini étaient la plus réelle expression.

LAFONT (Charles), auteur dramatique français, né à Liège le 16 décembre 1809, mort à Paris en 1864. Il débuta comme journaliste en 1830, et aborda ensuite le théâtre. Parmi ses principaux ouvrages, nous citerons : la Famille Moronval, drame (1834) ; François Jaffier, drame (1836) ; le Chef-d’œuvre inconnu, comédie (Théâtre-Français, 1837)- Un cas de conscience (Théâtre-Français, 1839), comédie qui servit de débutàMlle Doze ; Jarvis l’honnête homme, drame (1840), remis en trois actes au théâtre sous le titre du Marchand de Londres ; Ivan de Russie, tragédie en cinq actes (Odéon, 1841) ; le Séducteur et le mari, drame (1842) ; la Folle de la Cité, drame (1843) ; la Marquis d’Aubray, drame (1848) ; Mme de Laverrière, drame (1850) ; YArioste, comédie en un acte et en vers ; Un dernier crispin, comédie en un acte et en vers (Odéon, 1854). De plus, il a donné, en collaboration avec Charles Desnoyer, le Tremblement de terre de la Martinique, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 1840) ; avec M. Noël Parfait : Fabio le novice, drame en cinq actes (Ambigu, 1841), et Un Français en Sibérie, draine en cinq actes (Ambigu,1843) ; avec M. Anicet-Bourgeois, la Petite Fadelte, pièce tirée du roman de Mme George Sand (Variétés, 1850), etc ; On lui doit, en outre, un volume de poésies, ayant pour titre les Légendes de la charité. Il avait été attaché à la Bibliothèque Saint-Geneviève en 1S3S.

LAFONT D’AUXONNE, écrivain français, né vers 1770, mort en 1849. Il entra dans les ordres, s’adonna à la poésie, et fit paraître quelques pièces de vers, dont l’une, intitulée : Marie Smart prête à monter sur l’échafaud, fut insérée, en 1806, dans le recueil de l’Académie des Jeux floraux. Par la suite, Lafont devintprofesseurau petit séminaire d’Evreux (1811), curé de Drancy, près de Versailles (1813-1814), attaché à l’église des Carmélites (1817), et finit par jeter le froc aux orties. Il établit ensuite une fabrique de bleu de Prusse, qui ne réussit point, comparut, comme témoin, dans une affaire correctionnelle, où il joua un triste rôle, fût quelque temps employé par le banquier Michel le Jeune, et mourut dans un état voisin de la misère. Sa délicatesse et ses mœurs étaient loin d’être à l’abri de tout reproche. Ses principaux ouvrages sont : Histoire de M'ale' de Maiittenon (Parii, 1814, 2 vol. in-18) ; Mémoires secrets et universels des malheurs et de la mort de la reine de France (Paris, 1824, in-8o) ; le Crime du 16 octobre ou les Fantômes de Marly (Paris, 1820, in-4o) ; Mémoire au roi sur l’imposture et te faux matériel de la Conciergerie (1825, in-8u) ; Appel à l’opinion publique sur Iq. mort de Louis-Henri-Joseph de Bourbon,

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prince de Condë (1829, in-8o) ; Mémoires de il/me la marquise de Monlespart (1829, 2 vol. in-sc) ; Lettres anecdotiques et politiques sur les deux départs de la famille royale en 1815 et 1830 (1832, in-8»).

LAFONT DE SAVINES (Charles), né à Embrun en 1742, mort en 1814. Evéque de Viviers depuis 1778, il accueillit la Révolution avec enthousiasme, se démit de sa dignité en 1791 ; pour adhérer à la constitution civile du clergé, et fut élu par les citoyens évêque constitutionnel de l’Ardèche. Lors du mouvement anticatholiqua de l’an II, il résigna ses fonctions ecclésiastiques et déposa solennellement ses lettres de prêtrise entre les mains de l’administration départementale. Victime de la réaction religieuse suscitée par Robespierre, il fut emprisonné, et ne recouvra sa liberté qu’après le 9 thermidor. Il reprit alors possession de son siège, essaya d’appliquer les réformes révolutionnaires, telles que le mariage des prêtres, le divorce, la constitution civile du clergé, etc., mais succomba sous les attaques des réacteurs, et fut obligé d’abandonner son diocèse. Sous le consulat, le malheureux patriote-subit la plus odieuse des persécutions. Victime des haines cléricales et du despotisme de Bonaparte, il fut enfermé comme fou à Charenton, où il passa plusieurs années. On a de lui : Examen des principes de la constitution civile du clergé (1792, in-8o). Il a été l.’éditeur du poème de-Malfilâtre, Narcisse dans l’île de 'é/ius(1769).


LAFONTAINE (Jean DE), écrivain hermétique français, né à Valenciennes en 13S1, mort on ne sait à quelle époque. Il fut mayeur ou échevin de sa ville natale, et occupait encore cette charge en 1441. Il avait une connaissance approfondie de la poésie française, des mathématiques et de la philosophie, et écrivit probablement plusieurs ouvrages ; mais on ne connaît que le suivant : la Fontaine des amoureux de science. Ce livre est tout entier consacré à l’alchimie, qui, aux yeux de l’auteur, résume et comprend toutes les autres sciences. Il est écrit en vers assez coulants, mais en général d’un sens peu facile à saisir, ce qui n’a rien d’étonnant dans un traité d’alchimie. Il a été plusieurs fois réédité, notamment à Lyon en 1562 (in-16), en 1571 (in-8°).


LA FONTAINE (Jean DE), le premier des fabulistes et un des plus grands poëtes français, né à Château-Thierry le 8 juillet 1621, mort à Paris le 13 avril 1695. Son père était maître des eaux et forêts ; sa mère, Françoise Pidoux, était fille d’un bailli de Coulommiers. Il eut pour premier précepteur le maître d’école de son village, puis il entra à l’Oratoire de Reims, non qu’il eût des goûts ecclésiastiques bien prononcés, car il avoua lui-même qu’il n’avait pu mordre à la théologie ; mais il fut, sans doute, placé là par sa famille qui aurait voulu le faire pourvoir, plus tard, de quelque gras bénéfice. Son frère Claude y fut placé avec lui et y resta ; quant à Jean, bientôt dégoûté du genre de vie et d’études du séminaire, il rentra dans la vie civile et dépensa quelque peu sa jeunesse et son patrimoine en dissipations et en plaisirs. C’est à Reims que se passa cette première période de sa vie, aussi a-t-il toujours conservé de Reims le meilleur souvenir :

Il n’est cité que je préfère à Reims,
C’est l’ornement et l’honneur de la France,
Car sans compter l’ampoule et les bons vins.
Charmants objets y sont en abondance.
Par ce point-là, je n’entends, quant à moi.
Tours ni portaux, mais gentilles Gauloises,
Ayant trouvé telle de nos Rémoises
Friande assez pour la bouche d’un roi.

Sa famille le maria (1647), et son père, pour lui faire une position, lui céda sa place de maître des eaux et forêts. La Fontaine ne s’occupa guère de ses fonctions, autrement peut-être que pour se promener au bord des eaux et dans les bois ; il en ignora toute sa vie les premiers éléments. Quant à son mariage, il ne tint pas non plus une grande place dans sa vie. « Marie Héricart, sa femme, dit M. Géruzez, avait de la beauté et de l’esprit, mais elle manquait de ces qualités solides, amour de l’ordre et du travail, fermeté de caractère, qui auraient discipliné et subjugué son mari. Pendant qu’elle lisait des romans, La Fontaine cherchait des distractions au dehors, ou rêvait soit à ses vers, soit à ceux de ses auteurs favoris. La fortune du jeune ménage ne tarda pas à s’obérer. Plus tard, le père de La Fontaine laissa, de son côté, une succession embarrassée ; des emprunts contractés pour acquitter ses dettes et conserver le bien intact devinrent de nouvelles causes d’embarras, de sorte qu’on s’explique facilement que notre poëte, inhabile aux soins d’intérêt, incapable d’ailleurs de s’imposer aucune privation et ne trouvant auprès de lui ni secours ni direction, ait mangé, comme il le dit gaiement, son fonds avec son revenu, de manière à n’avoir plus, après quelques années, ni revenu ni fonds. » Les deux époux se séparèrent aimablement, Mme de La Fontaine avait une fortune distincte de celle de son mari ; elle vécut de son côté, tandis que son mari vivait du sien et oubliait assez fréquemment qu’il était marié.

Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dés demain, je chercherai femme,

dit-il au début de sa fable du Mal marié.