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de la mort des girondins, ayant envahi la halle aux poissons à la tête d’une bande de femmes, manifestation dirigée contre les dames de la halle accusées de modérantisme, elle fut moins heureuse qu’aux Tuileries ou à la Convention. Les poissardes, plus fortes que les assaillantes, s’emparèrent individuellement de chaque manifestante et leur appliquèrent, au grand amusement des hommes, une indécente correction.

Au dire de Prudhomme, Rose Lacombe fut dénoncée, à cette époque, comme se livrant à des menées royalistes, ce qui semble inacceptable ; il ajoute que la Convention, fatiguée de ses manifestations continuelles, lui imposa le silence, et, pour lui donner du pain, l’attacha à la police. Il paraît certain qu’elle fut compromise pour avoir aidé un suspect à fuir ; en juin 1794, elle vendait du sucre, du vin et divers comestibles à la porte des prisons. On manque de détails sur la fin de sa vie, qui fut, sans doute, obscure et misérable.


LACOMBE (Joseph-Félix Leblanc de), écrivain français, né à Lorient en 1790. Entré de bonne heure au service, il était déjà colonel en 1815 ; mais l’inaction forcée dans laquelle il demeura sous les Bourbons le dégoûta de la carrière militaire, et il y renonça en 1830. Ami de Charlet, il publia la correspondance de cet artiste et le catalogue de son œuvre, sous ce titre : Charlet, sa vie, ses lettres ; description raisonnée de son œuvre (Tours, 1856, in-8°).


LACOMBE (Francis), publiciste français, né à Toulouse en 1817, mort à Arcachon en 1867. Il se destina d’abord à la carrière médicale, qu’il abandonna pour suivre celle des lettres. Après avoir publié des articles dans la Gazette du Languedoc, il se rendit à Paris (1837), collabora à l’Écho de France, à l’Écho français, à la Patrie, fonda les Débats industriels, dont, sur la réclamation de Berlin, il dut changer le titre en celui de Vigie industrielle, et devint, en 1848, un des rédacteurs de l’Assemblée nationale. Dans cette feuille, créée pour combattre les institutions républicaines, Lacombe s’occupa principalement de traiter les questions d’économie politique, et attaqua avec violence les hommes et les doctrines du jour. La guerre acharnée qu’il fit notamment à Louis Blanc prit un tel caractère, que le frère de ce dernier, M. Charles Blanc, demanda à Lacombe une rétractation. Il s’ensuivit entre eux un duel au pistolet, dans lequel Lacombe reçut une balle en pleine poitrine ; mais, par bonheur, cette balle vint s’amortir sur une pièce de 5 francs, ce qui fit dire à un des témoins, au spirituel Méry : « Vous avez de l’argent bien placé. » Depuis lors, l’adversaire de Charles Blanc collabora au Spectateur, à l’Union et à la Mode nouvelle, organes du parti légitimiste. On lui doit les ouvrages suivants : De l’organisation générale du travail (1848) ; Études sur les socialistes modernes (1851, in-8°) ; Histoire de la bourgeoisie de Paris (1851-1852, 4 vol. in-8°) ; Histoire de la monarchie en Europe (1853-1855, in-8°) ; la France et l’Allemagne sous le premier Empire (1860, in-18) ; Histoire de la papauté (1867, 2 vol. in-8°).


LACOMBE (Louis Trouillon, dit), compositeur firnçais, né à Bourges en 1818. Il reçut de sa mère les premières leçons de piano, entra, en 1830, au Conservatoire de Paris, et remporta le premier prix de piano au concours de 1831. Il entreprit alors une excursion artistique dans le nord de la France, la Belgique, l’Allemagne et l’Autriche, et s’arrêta, en 1834, à Vienne, où le jeune virtuose perfectionna son talent de pianiste sous la direction de Charles Czerny, en même temps qu’il étudiait la composition musicale avec Sechter et avec Seyfried. En 1837, Lacombe recommença ses voyages et revint, en 1839, se fixer à Paris comme professeur de piano. Depuis cette époque, il s’est fait connaître par de nombreuses compositions, qui révèlent un talent sérieux et élevé. Parmi ses œuvres, nous citerons : les Adieux à la patrie ; les Harmonies de la nature ; Manfred, symphonie dramatique ; l’Ondine et le pêcheur ; Arva ou les Hongrois (1849), symphonie d’un grand caractère ; le Retour des guerriers ; la Ronde fantastique ; la Polonaise ; la musique des intermèdes d’un drame intitulé : l’Amour, par M. Niboyet ; la Madone, opéra en un acte, joué au Théâtre-Lyrique en 1861, et qui eut peu de succès. On lui doit aussi : quinze Lieders, pour voix seule, avec accompagnement de piano, tous écrits sur des poésies de Victor Hugo, de Musset et de Gautier ; un grand chœur : Cimbres et Teutons, chanté avec un succès triomphal, par 5,000 orphéonistes, au Palais de l’industrie ; un trio en la mineur, une Marche turque, Larmes et Sourires, Simples mélodies, et, enfin, sa plus récente publication : Romances sans paroles, autant de poèmes musicaux dans lesquels l’artiste a mis tout son cœur.


LACOMBE (Étienne-Charles Mercier de), publiciste et homme politique, né à Paris en 1832. Il a commencé à se faire connaître, comme journaliste, par des articles publiés dans la Gazette de France et dans le Correspondant. En 1867, il se porta candidat au conseil général dans le canton d’Auzon (Haute-Loire) ; mais il échoua devant les efforts hostiles de l’administration, et fonda, en 1868, à Clermont-Ferrand, l’Indépendant du Centre, journal destiné à combattre la politique de l’Empire. Lors des élections du 8 février 1871. les électeurs du Puy-de-Dôme envoyèrent M. Lacombe siéger à l’Assemblée nationale. Membre du parti légitimiste et clérical, il s’est associé à tous les votes réactionnaires de cette Assemblée, où il a pris assez rarement la parole. Lors de la discussion de la loi sur les conseils généraux, il a prononcé un discours en faveur de la décentralisation administrative. Outre des brochures politiques, on doit à M. Lacombe : Henri IV et sa politique, ouvrage qui lui a valu le second prix Gobert.


LACOMBE DE CROUZET (Claude-Agrève), théologien français, né à Saint-Agrève (Ardèche) en 1752, mort en 1834. Il se fit recevoir docteur en théologie et remplit les fonctions de prieur, puis de commissaire général de l’ordre du Saint-Sépulcre, enfin de supérieur des religieux de l’Observance. Nous citerons, parmi ses écrits : Hommage aux principes religieux et politiques ou Court et simple exposé de quelques vérités importantes (1816, in-12) ; Lettres sur l’état actuel de l’Église en France (Paris, 1818-1828, in-12) ; les Regards d’un chrétien tournés vers le saint sépulcre de Jérusalem (Paris, 1819, in-8°).


LACOMBE-SAINT-MICHEL (Jean-Pierre), conventionnel, né dans le Languedoc vers 1740, mort en 1812. Il était capitaine d’artillerie à l’époque de la Révolution et faisait partie du corps de Broglie. Soldat depuis vingt-cinq ans et décoré de la croix de Saint-Louis, il embrassa néanmoins les principes de la Révolution avec chaleur. Aussi, lorsque Broglie prit le commandement des troupes rassemblées autour de Versailles et destinées par la cour à dissoudre l’Assemblée, il manifesta énergiquement ses sentiments patriotiques. Dans les grandes journées des 12, 13 et 14 juillet, il se joignit au peuple et contribua à la prise de la Bastille. Aussi fut-il destitué la nuit suivante. En 1791, le département du Tarn le nomma députa à l’Assemblée législative. Il prit sa place à l’extrême gauche, s’éleva, dès le commencement de la session, contre les officiers royalistes qui quittaient l’armée pour aller rejoindre les émigrés, proposa des mesures pour les punir et pour les remplacer, fit décréter la translation à Orléans des ministres et autres personnes mises en accusation par l’Assemblée, et, enfin, fit adopter plusieurs modifications importantes dans l’organisation militaire. Au 10 août, il contribua à l’attaque du château des Tuileries, fut ensuite envoyé en mission, par l’Assemblée, au camp de Soissons, puis à l’armée de Bayonne, pour faire accepter le décret de déchéance de Louis XVI, enfin en Savoie, pour destituer le général Montesquiou.

Réélu député à la Convention nationale, il y vota la mort du roi sans appel ni sursis. Peu de temps après, ses connaissances militaires et son dévouement à la cause de la Révolution le firent charger d’une nouvelle mission, en Corse, afin d’approvisionner cette île et d’y faire exécuter les décrets des diverses assemblées, relatifs à la constitution civile du clergé, aux prêtres réfractaires, etc. Il eut alors à lutter contre le parti corse qui s’était déclaré hostile à la France, résista avec une grande vigueur aux Anglais, que Paoli avait appelés dans l’île, et refusa de leur rendre Bastia. Mais les vivres ayant fini par lui manquer entièrement, il fut obligé, faute de secours, d’évacuer la Corse. De retour au sein de la Convention, il reçut bientôt une nouvelle mission auprès de l’armée des Ardennes, aux succès de laquelle il contribua avec l’énergie et la capacité qu’il a montrées dans tous les actes de sa vie publique. En février 1795, il fut nommé membre du comité de Salut public, n’eut aucune part aux excès de la réaction thermidorienne et entra, après la session conventionnelle, au Conseil des Anciens, où il fut souvent chargé de rapports sur la partie militaire, et où il soutint vigoureusement le Directoire contre la réaction royaliste, qui commençait à se démasquer, même au sein des conseils. Élu président le 28 octobre 1797, il réclama vivement, le 15 janvier suivant, des indemnités pour les citoyens acquittés par la haute cour de Vendôme (affaire Babeuf). Sorti du Corps législatif en mai 1798, il reprit son grade dans l’artillerie, fut nommé presque aussitôt ambassadeur de la République à Naples, mais quitta cette cour en 1799, fatigué des tracasseries mesquines qu’on faisait au républicain et à l’ancien conventionnel. Il rentra alors dans l’armée, fut employé successivement comme général de brigade, puis de division, enfin comme inspecteur général d’artillerie, servit avec distinction dans la campagne d’Italie, en 1805, dans le Hanovre pendant la campagne de Prusse, puis en Espagne. Mais ses fatigues et l’altération de sa santé l’obligèrent à quitter le service. Il se retira dans son domaine de Saint-Michel, où il acheva ses jours au milieu de vives souffrances. La France perdit en lui un officier de haute valeur et un citoyen austère et dévoué.


LACON s. m. (la-kon). Entom. Genre d’insectes coléoptères pentamères, de la famille des sternoxes, tribu des taupins, dont l’espèce unique habite l’Australie.

LAÇON s. m. (la-son — rad. lacs). Collet en fil de laiton, servant à prendre le lièvre.

LACO

LACON (Cornélius), un des favoris de Galba, mort en 70 de notre ère. Élevé par son maître à la hante dignité de préfet du prétoire (69), il se signala par son arrogance, par son incapacité, refusa de se rendre en Germanie pour calmer le mécontentement des légions placées sous les ordres de Vitellius, et fut peut-être cause de la mort de Galba, qu’il décida à se présenter devant les soldats révoltés. À l’avènement d’Othon, Lacon, condamné à la déportation, fut tué par le centurion chargé de le conduire en exil. D’après Pluturque, il périt en même temps que Galba.

LACON, un des chiens d’Actéon, dont Ovide fait le dénombrement dans le IIIe livre des Métamorphoses ; il l’appelle le puissant, le vaillant Lacon :

prêsvalidusgve Lacon.

Horace (Ode vi, 1. V) mentionne aussi le fauve, le roux Lacon parmi les chiens agiles : Nain qualis aut Molo$sus, aut fulvus Lacon...

On appelait aussi Lacon un bon chien de belle race, parce que les chiens de Laconie, ou du pays de Lacédémone (canes laconicï), étaient fort estimés à Rome, particulièrement comme chiens de chasse.

LA CONDAMINE (Charles-Marie de), mathématicien et littérateur français, né à Paris en 1701, mort dans la même ville en 1774. Après une jeunesse assez orageuse, il embrassa la carrière militaire, et, en 1719, assista nu siège de Roses, où sa curiosité faillit lui devenir fatale ; car son manteau rouge servit de point de mire à une batterie ennemie qu’il examinait, la lorgnette à la main. Il renonça bientôt à l’état militaire pour se livrer à l’étude des sciences. Il fut admis, comme adjoint chimiste, à l’Académie des sciences. Après différents voyages lo long des côtes de l’Afrique et de l’Asie, il obtint, en 1736, de faire partie de l’expédition qu’on envoyait à l’équateur déterminer la figure de la terre. Les deux autres membres de l’expédition étaient Godin et Bouguer. Comme savant, La Condamine ne peut être comparé à, Bouguer ; néanmoins, les services qu’il rendit dans cette campagne scientifique sont peut-être supérieurs à ceux que rendirent ses collègues. L’exactitude de ses observations, le soin scrupuleux qu’il mettait à les exécuter avaient déjà un grand prix dans une opération aussi dulicate ; mais où La Condamine fut indispensable, ce fut dans les négociations interminables qu’il fallut engager avec ces peuples à demi sauvages, que la vue d’un télescope exaspérait, et qui voyaient dans un sextant une menace de révolution. La Condamine, seul, par son courage inébranlable, par là fécondité prodigieuse des ressources de son esprit, était capable de menacer à propos, de flatter quand il fallait, d’arriver, en un mot, à dominer et à gagner ces populations défiantes et superstitieuses. La Condamine, en dehors du but

de l’expédition, rit dans les Cordillères quelques observations importantes, notamment celle de l’attraction du fil à plomb par les grandes masses de montagnes. Ce voyage ne dura pas moins de dix années ; à son retour, La Condamine en publia la relation, et s’attira, à ce sujet, des attaques pleines d’aigreur de la part de Bouguer, auquel il ne répondit que par de spirituelles saillies. Ce fut à cette époque qu’il s’occupa d’un projet de mesure universelle et qu’il proposa d’adopter pour unité la longueur du pendule battant la seconde à l’équateur. Il chercha ensuite à prouver l’utilité de l’inoculation de la petite vérole, et, par ses écrits à ce sujet, ne contribua pas peu à la répandre. Dans un voyage qu’il fit en Italie, il s’exposa gravement, en heurtant sans hésitation les idées et les croyances superstitieuses d’un peuple ignorant et fanatisé par les prêtres. Le fait lùlrite d’être raconté. Arrivé dans un village situé sur le bord de la mer, il remarqua, dans une niche soigneusement abritée contre le vent, un gros cierge qui brûlait en plein midi. « Pourquoi ce cierge ? demandut-il à des pécheurs qui travaillaient sur le rivage.

— Pourquoi I Signor, ignorez-vous donc que, si ce cierge venait à s’éteindre, la mer, que voilà, envahirait aussitôt le village ?-Vraiment !

et vous en êtes sûr ? — Pardi ! »

La Condamine se tourna brusquement et souffla le cierge. Après un instant de stupeur, les pécheurs voulurent lui faire un mauvais parti, et il n’eut que le temps de décamper. C’est pendant ce voyage que La Condamine obtint du pape la permission d’épouser sa nièce. Quand il forma cette union, il était vieux, malade et sourd. Il y trouva néanmoins le bonheur, et nous avons même de lui un madrigal galant, adressé A Madame de La Condamine le lendemain dejes noces : D’Aurore et de Tithon vous connaissez l’histoire ; Notre hymen en rappelle aujourd’hui la mémoire ; Mais de mon sort Tithon serait jnlouj. Que ses liens sont différents des nôtres ! L’Aurore entre ses bras voit vieillir son époux, Et je rajeunis dans les vôtres.

Ce qui le rajeunissait surtout, c’était son inépuisable gaieté, et ce fut sans doute aussi son véritable secret pour rendre heureuse sa jeune femme. Rien, en effet, n’était capable d’altérer la sérénité de cet heureux caractère, pas même la douleur physique à laquelle il fut condamné dans ses dernières années, et dont il se vengeait en la raillant.

LACO

On autre côté de son caractère, non moins curieux à observer, c’est son insatiable curiosité. Nous ne parlons pas de sa curiosité scientifique, qui était grande en effet, mais qui lui était commune avec tous les autres savants ; nous voulons parler de cette curiosité vulgaire que l’on reproche généralement aux femmes, et qui était portée, chez La Condamine, a un degré héroïque. On va voir que le mot n’est pas exagéré. À Constantinople, où il avait eu mainte occasion de voir de pauvres diables condamnés à la bastonnade sur la plante des pieds, la curiosité lui prit de savoir si ce supplice était bien douloureux. Il entre dans un bazar, vole ostensiblement une babiole, est appréhendé au corps, conduit au cadi, et a enfin la satisfaction de recevoir vingt-cinq coups de bâton. Quelquefois, sa curiosité était d’une indiscrétion qu’on trouverait impardonnable, si ce penchant n’avait été, chez lui, véritablement invincible. Se trouvant un jour chez M"’e de Choiseul, au moment où elle écrivait une lettre, il s’approcha doucement de son fauteuil, afin de lire par-dessus l’épaule de la dame ce qu’elle écrivait. iMm« de Choiseul se mit à écrire : < Je vous en dirais bien davantage si M. de La Condamine n’était pas derrière moi, lisant ce que j’écris. — Ah ! Madame, s’écria ingénument notre curieux, rien n’est plus injuste, et je vous assure que je no lis pas. » Une autre lois, le duc de Choiseul, en rentrant, le trouva qui furetait dans ses papiers. Le ministre en rit, mais recommanda à notre savant de ne pas recommencer ce jeu.

Un autre trait de curiosité plus inexplicable encore. Lors de l’exécution de Damiens, qui fut, comme on sait, tiré à quatre chevaux, La Condamine, pour mieux voir, s’était glissé jusque parmi les valets du bourreau. Les archers voulurent l’écarter ; mais l’exécuteur, dont il avait sans doute acheté la protection, le retint en disant : ■ Laissez Monsieur, c’est un amateur. j Enfin, La Condamine périt victime de son insatiable curiosité. Ayant su qu’un jeune chirurgien proposait une opération nouvelle et très-hardie pour une des infirmités dont il souffrait, il le fit appeler et le priajd’opérer sur lui. Le praticien hésitait. « Cela ne peut avoir aucun inconvénient pour vous, lui dit l’académicien ; si vous me tuez, je suis vieux et malade, on dira que la nature ne vous a point Secondé ; si, au contraire, par impossible, vous me guérissez, je rendrai compte moi-même de votre méthode à l’Académie, ce qui vous fera le plus grand honneur. ■ Le jeune homme cède enfin et commence à opérer. « Allez donc doucement, je vous prie, Monsieur, disait La Condamine malgré la souffrance ; laissez-moi bien examiner, bien voir, sans quoi je ne pourrais pas faire mon rapport. » La Condamine succomba aux suites de cette dangereuse expérience.

La Condamine, avons-nous dit, riait de ses douleurs ; il s’amusait même à les chansonner. De petites pièces de vers faciles, naturelles et souvent fines, furent la dernière occupation de cette imagination toujours en éveil. On n’a guère mieux tourné l’épigramme que La Condamine. On se rappelle son Souper du prédicateur :

Un cordelier avait un jour prêché

Un beau sermon contre l’intempérance,

Et déployé toute son éloquence

Pour démontrer que c’est un grand péché.

Un auditeur, qui se sentit touché.

Court s’accuser d’un peu de gourmandise ;

Dans la cellule il voit la table mise,

Et de Champagne un flacon débouché,

Plus deux perdrix, une rouge, une grise ;

On peut jugur quelle fut 6a surprise !

■ Par mon sermon je vous ai convaincu,

Dit le pater ; mais l’habitude est prise,

Et c’est ainsi que j’ai toujours vécu ;

Dispensez-vous d’un conseil inutile ;

Tout ce que j’ai prêché pour un écu

Je ne voudrois le faire pour cent mille. •

Son Avare converti a une tournure plus vive encore :

Sire Harpagon, confondu par le prune De son pasteur, dit : • Je veux ni’amender ; Rien n’est si beau, si divin que l’aumône, Et de ce pas je vais... la demander. ■

Ce fut en 1760 qu’eut lieu l’admission de La Condamine à l’Académie française. Elle provoqua cette épigramine, .attribuée par les uns à Piron, par les autres à La Condamine lui-même :

La Condamine est aujourd’hui

Reçu dans la troupe immortelle ; Il est bien sourd : tant mieux pour lui : Mais non muet : tant pis pour elle. Si elle est de La Condamine, elle est parfaite. Il ne faut, du reste, pas prendre au sérieux cette boutade, car notre auteur, qui avait beaucoup vu et beaucoup retenu, savait se faire écouter aveu plaisir. Buflon répondit pompeusement au discours simple et bref du récipiendaire. La Condamine laissa son fauteuil à Delille et fut loué, selon l’usage académique, par ce dernier.

Voici la liste des ouvrages de La Condamine : The distance of the tropicks (1738, in-8°) ; Estrnto de observaciones en el viago del rio de Amazonas (1745, in-12) ; Relation abrégée d’un voyage fait dans l’intérieur de l’Amérique méridionale (Paris, 1745, iu-S°), traduite en anglais et en hollandais (1747,