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conte qu’en 1830, ayant été mises de force en liberté, elles rentrèrent toutes le soir. Dans la salle des mutines se trouvent les prostituées réfractaires à toute discipline ; c’est là que se trament les complots contre la règle de la prison, que les conversations les plus grossières et les plus cyniques se tien" nent sans aucune pudeur, que se nouent, malgré toute surveillance, ces liaisons contré nature qui sont le dernier degré de la dépravation. La salle des jeunes renferme, en généra], des prostituées qui ne sont pas encore endurcies par une longue habitude du désordre ; c’est de ce côté que sont dirigées surtout les tentatives de moralisation ; mais ces tentatives ont été, jusqu’à présent, peu efficaces. Au quartier des prostituées est annexée une infirmerie pour les filles atteintes de syphilis, qu’y envoie le dispensaire de la préfecture de police. Toutes les autres filles de cette catégorie sont détenues administrativement, sans jugement aucun. Pour les filles publiques, l’administration est toute - puissante et les règlements sont sévères. Les fautes légères, celles, par exemple, qui consistent à se trouver dans les lieux, publics à des heures indues, à sortir la tète nue ou avec une mise provocante, à s’enivrer, etc., sont punies de quinze jours à trois mois de détention. Pour les fautes graves, telles que des insultes aux médecins de l’administration, des propos trop libres tenus publiquement, la détention administrative s’étend à trois moins au moins, et atteint quelquefois une durée de huit et dix. mois.

Les surveillantes des diverses catégories de détenues sont des religieuses de l’ordre de Marie-Joseph. Elles se subdivisent ainsi : une sœur supérieure, une sœur pour la direction du bureau central des travaux., quatorze sœurs

Sour la première section, onze sœurs pour la euxième, -dix. sœurs pour la troisième. Toutes les détenues sont employées à des travaux de couture et reçoivent par semaine le montant de leur ouvrage ; elles travaillent en commun, dans de vastes ateliers. Les détenues en correction couchent isolément, dans des cellules ; les autres sont parquées quatre à quatre dans des chambres ou dans de grands dortoirs, un peu pôle-mêle, et quelquefois si entassées que les lits et les paillasses se touchent.

Un écrivain très-compétent, qui s’est occupé du régime des prisons et en a fait une étude spéciale, M. Maxime Ducamp (Paris, ses organes, t. III, 1873, in-8°)f donne sur le mouvement ordinaire de la maison de Saint-Lazare la statistique suivante : en 18S8, il est entré : comme prévenues ou condamnées pour crimes ou délits de droit commun, 2,859 femmes ; en correction, 232 jeunes filles de moins de seize ans ; condamnées administratives (prostituées), 4,831. Les recluses infirmes, section des vieilles, dans le quartier des filles publiques, étaient au nombre de 200.

Malgré toutes les divisions et subdivisions, quoiquon s’efforce d’empêcher l’échange de communications entre les divers quartiers la plus grande promiscuité règne à Saint-Lazare ; les philanthropes et même les simples journalistes ont souvent élevé la voix et demandé qu’une maison spéciale fût affectée aux jeunes détenues, qui ne peuvent que s’y corrompre. Leur3 plaintes n’ont jamais été écoutées. • Toute jeune fille qui entre en correction à Saint-Lazare, dit M. Maxime Ducamp, en sort vicieuse et pourrie jusqu’au fond du cœur. J’ai pu feuilleter deux, livres de messe saisis sur une enfant âgée de seize ans à peine, qui venait de passer trois mois, sur la demande de son père, dans cette maison maudite où les murailles suent le vice. Sur les marges, sur les blancs laissés par les alinéas, la petite prisonnière a écrit ses pensées ; plusieurs fois les dates sont indiquées ; on peut donc suivre la progression, elle est effroyable. Saint Antoine dans le désert ne fut pas plus tourmenté. Au fur et à mesure que les jours s’écoulent, que l’influence des compagnes pèse.davantage, le langage s’accentue, les rêveries se formulent, le sentiment s égare, change d’objet, devient maladif, outré, hors nature, et fait croire qu’on lit les élncubrations d’une évadée de Churenton. Jamais cri échappé à une Sapho éperdue ne fut à la fois plus plaintif et plus vibrant. « Il est donc temps que l’on avise, si l’on ne renonce pas à ce- système condamné de la correction.

On a annexé à la prison de Saint-Lazare et logé dans ses vastes bâtiments la boucherie, la boulangerie et les magasins généraux de toutes les prisons de la Seine. Les fours cuisent journellement 32 fournées de chacune 230 pains. La lingerie, installée dans les vieux dortoirs du couvent, est admirablement tenue. Sous la direction d’une femme alerte et fort entendue, tout le linge porté dans les prisons de Paris sort de ce vestiaire, et y rentre pour y subir le lavage. On y envoie chercher, non-seulement les chemises, les pantalons de toile, les bonnets, mais jusqu’aux chemises de force, bouclées de courroies, jusqu’aux suaires de grosse toile dans lesquies les malheureux, détenus seront ensevelis. Tout cela est rangé par sections et par casiers, avec beaucoup d’ordre et de soin. ■Jette lingerie modèle a fait l’admiration de l’écrivain que nous citions plus haut.

LAZARE (saint), religieux et peintre grec, mort à Rome en 867. Il peignait des sujets

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religieux, et l’empereur Théophile, ardent iconoclaste, !e fit flageller. Le saint, guéri de ses plaies, continua à peindre les images de la Vierge et de Jésus.

LAZARE, souverain de la Servie ; mort en 1389. L’empire de Servie ayant été démembré à la mort de Doukhan, son fils naturel, Lazare, s’empara de la région nord-ouest ou Syrniie, pendant que Woukaschin se rendait maître de l’autre partie du pays. Après la mort de ce dernier, tué en combattant contre les Turcs, Lazare évita le même sort en faisant la paix avec les envahisseurs, réunit sous son autorité presque toute la Servie (1377) et régna paisiblement pendant dix ans. En 1387, pour s’affranchir du tribut qu’il payait à Amurat, il fit alliance avec le souverain de Bulgarie, battit les Turcs en plusieurs rencontres, mais fut attaqué à son tour par Amurat lui-même qui le vainquit complètement à Kossovo (1389). Dans cette bataille, Amurat perdit la vie, et Lazare, fait prisonnier, fut égorgé par ordre du sultan mourant.

LAZARE (Louis-Clément), écrivain français, né à Paris en 1811. Il a fait une étude spécialédes questions municipales et de l’histoire de Paris, a fondé, avec son frère, Félix Lazare, la Revue municipale, qui fut supprimée en 1861, à la suite d’une condamnation pour délit de presse, et a été attaché à la rédaction de la Patrie. On lui doit : Dictionnaire des rues et monuments de Paris (1844, in-4o), en collaboration avec son frère ; deux Mémoires sur les travaux de construction et de restauration à effectuer à Paris (1850) ; Paris, son administration ancienne et moderne (1855, ïn-12), etc.

Lazare et le uiunii riche, parabole racontée dans l’Évangile de Saint Lue (ch. x.vt). D’après l’évangéliste, Jésus dit à ses disciples : « Il y avait un homme riche qui s’habillait de pourpre et de lin, et qui faisait tous les jours des festins magnifiques ; et, près de sa porte, était étendu Lazare, tout couvert de plaies et d’ulcères. Or Lazare aurait bien voulu se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, mais personne ne les lui donnait ; seulement les chiens venaient et léchaient ses ulcères. Lazare mourut, et les anges portèrent son âme dans le sein d’Abraham ; le riche mourut aussi, et il eut l’enfer pour sépulture. Levant les yeux au milieu de ses tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein, et il s’écria : « Père j> Abraham, ayez pitié de moi et envoyez Lazare, afin qu’il trempe son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre cruellement. » Mais Abraham lui répondit qu’ayant été dans les délices pendant que Lazare souffrait il était juste qu’il fût dans les tourments pendant que celui-ci était dans la joie, a

Quelques Pères de l’Église n’ont pas voulu voir une parabole dans ce récit de Jésus, et ont admis l’existence du pauvre Lazare ; la tradition populaire eu avait même fait le patron des lépreux.

Nos écrivains font de fréquentes allusions à l’histoire de Lazare. En voici quelques exemples : ’

Un cicéronien de la Renaissance disait, dans son exclusive admiration d’érudit, que l’antiquité est, pour nous autres modernes, ce qu’étaient pour Lazare les débris de la table du riche. Certes, nous n’en sommes plus là ; mais pourtant on éprouve je ne sais quelle douce satisfaction à recueillir précieusement ces miettes éparses, et c’est un charme pour les plus délicats d’en goûter la saveur. ■ Charles Labitte.

« Quelle ruche ou plutôt quelle fourmilière en travail que cette vaillante race des industriels de la rue ! Us pullulent tellement àPa ris, qu’ils semblent germer dans la boue du macadam. Parmi ces Lazares de l’industrie, qui viennent s’asseoir comme ils peuvent à la table, ou plutôt sous la table parisienne, pour s’y disputer les miettes qui en tombent, il y a toute une légion de parasites étrangers, lesquels, au rebours des hirondelles, s’en viennent pour la plupart avec les neiges et s’en retournent avec les roses. »

Victor Fotjrnel.

« Donnez, riches : l’aumône est sœur de la prière. Hélas ! quand un vieillard, sur votre seuil de pierre Tout roidi par l’hiver, en vain tombe à genoux ; Quand les petits enfants, les mains de froid rougies, Ramassent sous vos pieds tes miettes des orgies, La face du Seigneur se détourne de vous..

V. Hugo.

Lmaro, recueil de poésies, par A. Barbier (1837). Ce recueil esi d’ordinaire imprimé à la suite des ïambes ; c’est un plaidoyer lyrique en faveur du pauvre, du prolétaire. Le poète" a pris pour sujet de ses chants l’Angleterre, les corruptions patentes ou secrètes, les vices de Londres, la misère de l’Irlande, l’égoïsme des hautes classes, les ravages sociaux causés par une implacable industrie, les plaies morales que l’amour de l’or engendre et que le dénûment entretient. En présence de ce douloureux spectacle, le potHe a été saisi d’horreur et de pitié. La compassion, non la colère, a été sa muse ; l’élégie mélancolique, bien plus que l’ardente satire, l’a inspiré. Le

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Minotaure, lisez la prostitution, rappelle poétiquement la vieille légende Cretoise et fait déplorer l’avilissement de la femme ; c’est un dialogue de jeunes filles, dont les voix gémissantes disent la cause de leur chute : la pauvreté, l’oisiveté, l’amour trompé, l’abandon, le désespoir, la vanité qui souille l’âme et le corps pour parer la figure. La simplicité pathétique de leurs plaintes, l’accent de vérité de leurs paroles, excitent une compassion poignante. Ce morceau élevé échappe au cynisme, grâce à la franchise de la pensée et de l’expression. Dans la pièce intitulée : les Belles collines -d’Irlande, on a comme le pendant de la première églogue de Virgile. Un paysan irlandais, cultivant un sol étranger, se plaint avec mélancolie de l’exil, et il oublie sa douleur en chantant la terre absente. Les stances graves de cette élégie sont d’une tristesse pénétrante- l’exquise sobriété de la forme en fait une clés plus belles pièces du recueil. La Lyre d’airain évoque la misère laborieuse, celle que l’industrie engendre, et que le travail mécanique semble développer au lieu d’en être le remède ; servitude matérielle et abâtardissement moral, tuant le corps et dégradant l’intelligence, détruisant la famille, immolant jusqu’à l’enfance. On entend dans cette mélopée navrante le dialogue du maître et de l’ouvrier, de la mère et des enfants. Eternelles questions du safaire, du luxe inutile et de l’inégalité écrasante. L’Hymne à la Nature, l’épilogue du recueil, en est le plus beau fragment. En présence du triomphe de l’industrie, le poète se demande ce que deviendra la nature, c’est-à-dire le sentiment de la création, de la beauté, de la poésie, de la dignité morale de l’homme. Animé d’une noble inquiétude, il exprime ses craintes et ses regrets sur un mode tendre et rêveur ; il entrevoit un compromis nécessaire entre les forces et les instincts en lutte : l’industrie, la science et la poésie s’invitent, dans le plus éloquent dialogue, a une alliance fraternelle, gage d’un progrès solidaire.

Lazare est, dans son ensemble, une belle œuvre ; l’inspiration qui en a dicté les diverses parties est digne de l’auteur des ïambes ; mais, quoique les beaux vers y abondent, Auguste Barbier n’a pas trouvé pour peindre les misères du peuple des accents aussi énergiques et aussi entraînants que pour chanter sa victoire.

Lazare le pâtre, drame en cinq actes, de Bouchardy (théâtre de l’Ambigu, 7 novembre 1S40). Lazare le pâtre est un des modèles du genre comme enchevêtrement d’intrigues, coups de théâtre, scènes pathétiques. Cosme de Médicis a jadis recueilli cinq orphelins, les Salviati. Devenus grands, ils lui ont juré un dévouement sans bornes. Cosme s’est révolté contre un gouvernement inique et est tombé au pouvoir de ses ennemis ; les Salviati le délivrent, mais les trois plus jeunes perdent la vie dans la lutte. Un quatrième se fait encore tuer pour lui donner le temps de s’échapper. Avant de périr, il a eu le temps de confier à son dernier frère, Lazare, caché sous les vêtements d’un pâtre, un Uls qu’il a eu secrètement d’une demoiselle noble, Nativa Pazzi. Lazare a surpris la trahison de Judael de Médicis, le cousin de Cosme, qui a fait assassiner les autres membres de sa famille, dans le but d’hériter du trône et de la fortune des Médicis. Judael, après une vaine tentative d’empoisonnement, le jette dans les fers et l’y retient. S’il l’a laissé vivre, c’est qu’il le croit muet par suite des ravages du poison. Tous ces événements forment Te prologue.

Le premier acte nous reporte quinze années plus tard. Cosme règne à Florence et il a épousé Nativa Pazzi, sans se douter qu’elle fut la mère de l’enfant de Salviati, qu’il a vainement cherché depuis quinze ans pour l’adopter. Judael, tout-puissant auprès de lui, machine une nouvelle intrigue : à Sait que le testament de son cousin est caché dans sa chambre à coucher, et il offre la liberté à Lazare, s’il veut aller le dérober pendant la nuit. Le muet accepte dans l’espoir d’être utile à Cosme en trahissant Judasi. Pendant qu’il s’introduit dans la chambre de Cosme, Nativa cause avec un jeune enseigne, Juliano. C’est son fils qu’elle voit secrètement, à l’insu de Cosme. Au moment où le jeune homme s’éloigne, il est arrêté ; Judael l’accuse d’être l’amant de Nativa, et Juliano, pour sauver l’honneur de sa mère, s’avoue fauteur de la soustraction commise par Lazare. Ce.dévouement ne fait point le compte de Judael, qui, pour perdre Nativa, dénonce Lazare. Cosme se voit trahi par sa femme, mais, dans sa bonté, apprenant que Juliano est le fils de ce Salviati qui s’est fait tuer pour lui, il lui pardonne et lui ménage les moyens de fuir. Lazare se fait alors reconnaître par Cosme, lui révèle les liens qui unissent Nativa et Juliano, et les crimes de Judael. Pendant quinze années il a souffert dans les prisons, il s’est condamné au silence, mais l’heure de la vengeance a sonné. Il va réhabiliter Nativa, assurer un trône au fils de son frère et rendre en une fois à son bourreau toutes les tortures qu’il lui a fait endurer.

Judael arrive sans se douter du châtiment suspendu sur sa tête ; il croit Nativa perdue, il a pris ses mesures pour fairo assassiner Juliano et n’a plus, pour atteindre le but de son ambition et de sa cupidité, qu’à faire dis LAZA

paraître Lazare. « Tu vas fuir en France, lui dit-il ; oublie Florence, et surtout ne trahis jamais mes secrets ; mais j’oubliais que tu es muet : je n’ai pas besoin de te recommander le silence. — Si je ne voulais pas le garder, monseigneur I » répond Lazare. Judael éperdu saisit son épée, mais Lazare a la sienne et lui dit dédaigneusement : « Un Salviati ne se bat jamais contre un seul ennemi. » Le vrai nom de Lazare lui étant ainsi révélé, Judael le menace, le défie de le citer devant un tribunal, n’ayant pas de preuves. « Vous vous trompez, reprend Lazare, et, tirant un rideau, il montre Cosme sur son trône, au milieu de juges. Judael veut fuir : Lazare d’un côté, Juliano de l’autre, lui barrent le passage, l’épée à la main. Cosme appelle Juliano à ses côtés et ordonne au bourreau de s’emparer du traître Judael.

LAZARET s. m. (la-za-rè. — On lit dans lo Voyaije en Syrie : « Les aveugles des villages viennent s’établir au Caire, a la mosquée de fleurs (el azhar), où ils ont une espèce d’hôpital ; lazaret me parait venir de là. » C’est une erreur, car lazaret vient tout simplement du bas latin lazarus, ladre, lépreux). Etablissement isolé dans une rade, bâti et disposé pour recevoir des malades, des marchandises, des équipages suspects do contagion : Le lazaret de Marseille.

— Encycl. Les lazarets sont ordinairement des lieux clos de murs, avec un jardin, de vastes cours et tout le matériel nécessaire pour purifier les hommes et les objets qui y séjournent. Quoique l’institution des lazarets remonte fort haut, ce n’est qu’après avoir été pendant longtemps et à diverses époques désolées par la peste, que les villes de la Méditerranée songèrent à en empêcher l’introduction à l’aide des quarantaines. Venise s’occupa la première de cette grave question. En 1348, elle établit des provéditeurs de la santé’ ; en 1403, elle songeai isoler les malades, et créa a cet effet un hôpital dans une île appartenant aux pères augustins, et appelée SainteMarie-de-Nasaretk, d’où l’on pourrait croire qu’est venu le nom de lazaret, si l’on ne savait que saint Lazare est regardé comme le patron des ladres ou lépreux. L’installation de cet établissement parut tellement utile que, pour faire face aux dépenses qu’elle nécessitait, le grand conseil prescrivit aux notaires de Venise, présents et futurs, de ne pas manquer, en recevant les testaments, de demander aux testateurs s’ils étaient dans l’intention de faire quelque legs à l’hôpital de Sainte-Marie-de-Nazareth. Les notaires devaient

enregistrer les réponses. Bientôt on s’aperçut de l’avantage de cet isolement des pestiférés ; mais il fallut, du temps pour en venir aux mesures préventives. Ce ne fut qu’en 14S5 que la magistrature de santé fut créée, et tout porte à croire que c’est de cette époque que date la purification des marchandises. Venise a donc eu l’honneur d’inaugurer ce système de précautions auquel on peut dire que l’Europe doit, en grande partie, sa population actuelle. Gènes suivit de près cet exemple. À Marseille, les premières mesures datent de la peste de 1476 ; on les doit au roi René. Remarquons toutefois qu’à Gènes, non plus qu’à Marseille, les lazarets ne parvinrent pas toujours» préserver la santé publique. Ils avaient eu ce résultat en 1629, année où toute l’Italie fut envahie ; mais, en 165C, la peste pénétra dans la ville, et y fit des ravages tellement horribles que, ne pouvant plus enterrer les morts, on dut les brûler. Assurément ce fait ne manqua pas, plus tard, de donner des armes à ceux qui combattirent le système des lazarets ; cependant il est bon de remarquer, en prenant Marseille pour exemple, qu’elle avait été désolée par la peste en 1505, 1506, 1507, 1527, 1530, 1547, 1557, 1553, 1580, 1586, 1587, 1030, 1649 et 1650, c’est-à-dire qu’elle avait eu quatorze visites du fléau en cent quarante-cinq uns. À partir de 1650, elle prit plus de précautions qu elle n’en avait pris jusqu’alors ; un nouveau lazaret fut construit, et de 1650 à 1720, c’est-à-dire pendant soixante-dix ans. elle échappa à la maladie. Depuis l’infection de 1720, plus de peste dans la ville, tandis qu’on la voit sévir au lazaret, une fois en 1721, deux fois en 1723, deux fois en 1720, une fois dans chacune des années 1731, 1735, 1741, 1760, 1768, 1784, 1785, 1786, deux fois en 1796, une fois en 1819 et deux fois en 1825.

Quant aux précautions employées par les autorités à l’égard des navires qui arrivaient dans les lazarets et à la durée des quarantaines auxquelles ils étaient soumis, ce serait une histoire trop longue à écrire ici. Ces mesures variaient avec les localités et avec le lieu de provenance du navire et des marchandises. En général, elles étaient extrêmement sévères et méticuleuses. Aussi n’est-il point étonnant que le commerce ait réclamé a diverses reprises contre leur rigueur, et que les gouvernements les aient peu à peu adoucies. Néanmoins, elle étaient encore, dans ces dernières années, tellement vexatoires que, sur les réclamations du commerce, les gouvernements de France, d’Autriche, des Deux-Siciles, d’Espagne, de la Grande-Bretagne, de Grèce, de Portugal, de Russie, de Sardaigne, de Toscane, de Turquie et des États romains tombèrent d’accord sur la nécessité d’une réforme des différents systèmes adoptés à ce sujet, et aussi d’une législation uniforme. En conséquence, une convention sanitaire entre ces diverses puissances fut con-