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tout le monde se découvrait, tendait lesbras, tombait à genoux : la salle était frémissante, les jeunes gens n’en sortaient que pour s’enrôler et courir aux frontières. Après thermidor, on lui fit chanter le Jiéoeil du peuple, l’hymne de la réaction, et il dut, en 1814, prostituer sa voix à la louange des alliés. En 1818, il devint professeur de chant au Conservatoire, quitta le théâtre en 1822 et se retira, en 1827, à Ingrande (Maine-et-Loire), où il passa les dernières années de sa vie. Lays a créé un grand nombre de rôles. Son admirable voix de baryton était pure, sonore, flexible, et étonnait autant par son étendue que par son volume. Il s’était fait une méthode de chant qui tenait le milieu entre le goût français et la manière italienne, et il prononçait si distinctement les paroles en chantant qu’on n’en perdait pas une syllabe. Ses plus beaux rôles étaient ceux du marchand, dans la Caravane du. Caire, de Cinna, dans la Vestale, du consul, dans le Triomphe de Trajan. Gros et court, il était peu fait pour jouer les rôles tragiques, mais il excellait dans le genre bouffe. Il passe pour avoir écrit ie rôle de Suûl dans l’oratorio-pastiche de ce nom. Pour se défendre contre les vives attaques dont sa conduite politique était l’objet de la part du parti royaliste, il avait publié, en 1795, un mémoire apologétique, intitulé : Lays, artiste du Théâtre des Arts, à ses

oncitoyens (in-8°).

LAZAGNE S. f. V. LASAGNE.

LAZARE (saint), frère de Marthe et de Marie. Il est difficile de démêler ce qu’il y a de vrai dans les traditions évangéliques et les traditions ecclésiastiques relatives à ce personnage. Nous nous bornerons à rappeler les unes et les autres, nous réservant de discuter le fait principal attribué à Lazare par les évangélistes.

Lazare habitait, avec ses deux sœurs, la petite ville de Béthanie, située à une faible distance de Jérusalem. Jésus les y visitait fréquemment. Or, pendant une excursion qu’il avait faite en Galilée, Lazare tomba malade. « Ses deux sœurs, raconte saint Jean, envoyèrent dire à Jésus ; « Seigneur, celui que vous aimez est malade. » Ce que Jésus ayant entendu, il dit : « Cette maladie ne va point à la mort ; mais elle n’est que pour la gloire de Dieu, et afin que le Fils de Dieu en soit o glorifié. » Or, Jésus aimait Marthe, Marie et Lazare. Ayant donc entendu dire que ce dernier était malade, il demeura encore deux jours au lieu où il était, et dit ensuite à ses disciples : « Retournons en Judée. Notre ami Lazare dort, mais je m’en vais le réveiller. » Ses disciples lui répondirent : « Seigneur, s’il dort, il sera guéri. » Jésus entendait parier de sa mort, tandis qu’ils crurent qu’il leur parlait du sommeil ordinaire. Jésus leur dit donc alors clairement :« Lazare est mort, et je me réjouis pour vous de ce que je n’étais pas là, afin que vous croyiez ; mais allons à lui. • Sur ce, Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples : » Al-Ions aussi, nous autres, afin de mourir avec lui. • Jésus, étant arrivé, trouva qu’il y avait déjà quatre jours que Lazare était dans le tombeau. Il y avait quantité de Juifs qui étaient venus voir Marthe et Marie pour les consoler de la mort de leur frère. Marthe ayant donc appris que Jésus venait, alla au-devant de lui. Alors Marthe dit à. Jésus : à Seigneur, si vous eussiez été ici, notre frère ne serait

« pas mort ; mais je sais que présentement

■ même Dieu vous accordera tout ce que vous lui demanderez. » Jésus lui répondit : « Votre frère ressuscitera, » Marthe ajouta : « Je sais qu’il ressuscitera en la résurrection qui se fera au dernier jour. » Jésus lui repartit :

« Je’suis la résurrection et la vie ; celui qui « croit en moi, quand même il serait mort, il vivra. Et quiconque vit et croit eu moi ne mourra jamais ; croyez-vous cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je crois que voua êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant qui est venu en ce monde. »

Cependant, les Juifs qui étaient avec Marie dans la maison et qui la consolaient, ayant vu qu’elle s’était levée promptement et qu’elle était sortie, la suivirent en disant : « Elle s’en va au sépulcre pour y pleurer, a Lorsque Marie fut venue au lieu où était Jésus, après l’avoir vu, elle se jeta à ses pieds en lui disant : « Seigneur, si vous èussiez été ici, notre frère ne serait pas mort. • Jésus, voyant qu’elle pleurait et que les Juifs qui étaient venus avec elie pleuraient aussi, frémit en son esprit et se troubla lui-même, et leur dit : «Ou l’avez-vous mis ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, venez et voyez. » Alors, Jésus pleura ; et les Juifs disaient entre eux : « Voyez comme il l’aimait I » Mais il y en eut aussi quelques-uns qui dirent : « Ne

■ pouvait-il pas empêcher qu’il ne mourût, lui qui a ouvert les yeux à un aveugle-né ?» Jésus, frémissant donc de nouveau en lui-même, vint au sépulcre, et il leur dit : « Otez la pierre. » Marthe lui dit : « Seigneur, il sent déjà mauvais, car il y a déjà quatre jours qu’il est là. » Jésus lui répondit : ■ Ne

« vous ai-je pas dit que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ? » Ils ôtèrent donc la pierre, et Jésus, levant les veux en haut, dit ces paroles : « Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m’avez exaucé. Pour moi, je savais que vous m’exaucez toujours ; mais je dis ceci pour ce peuple qui m’en ■ vironne, afin qu’ils croient que c est vous

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« qui m’avez envoyé. » Ayant dit ces mots, il cria d’une voix forte : «Lazare, venez dehors. » Et, à l’heure même, le mort sortit, ayant les pieds et les mains liés de bandelettes et le visage enveloppé d’un linge. Alors Jésus leur dit : « Déliez-le et le laissez aller. »

< Plusieurs donc de ceux d’entre les Juifs qui étaient venus voir Marthe et Marie, et qui avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui, tandis que quelques-uns allèrent trouver tes pharisiens et leur rapportèrent ce que Jésus avait fait. »

On assure que la résurrection de Lazare, en multipliant les conversions, exaspéra la colère des prêtres et précipita la mort de Jésus. Ils cherchèrent aussi à faire périr Lazare, devenu la preuve vivante du pouvoir divin de son ami. Il leur échappa cependant, et une tradition, longtemps admise en Provence, veut que Lazare et ses deux sœurs, jetés par les Juifs dans une misérable barque, aient abordé dans les environs de Marseille, dont Lazare serait devenu le premier évèque.

On a essayé beaucoup d’explications naturelles du fait raconté par saint Jean, explications qui ont nécessairement le tort d’être de simples hypothèses. Une seule nous paraitadmissible, au point de vue rationaliste, si l’on ne veut pas rejeter comme purement imaginaire le récit de Jean, c’est que Jésus et les deux sceurs de Lazare se sont entendus pour produire ce miracle décisif et frapper un grand coup sur l’imagination crédule des Juifs. Mais cette explication simple et brutale ne pouvait convenir à M. Renan, qui s’est montré si attentif à épargner k Jésus le nom d’imposteur, tout en admettant qu’ils’est permis de faux miracles. L’explication de M. Renan mérite d’être citée, au moins pour donner une idée des imaginations enfantines auxquelles peut être conduit un homme d’esprit, quand il s’est imposé un faux système : « La renommée, dit M. Renan, attribuait déjà à Jésus deux ou trois autres faits de ce genre. La famille de Béthanie put être amenée presque sans s’en douter à l’acte important qu’on désirait. Jésus y était adoré. Il semble que Lazare était malade, et que ce fut sur un message des deux sœurs alarmées (Marthe et Marie) que Jésus quitta la Pérée. La joie de son arrivée put ramener Lazare à la vie. Peut-être aussi l’ardent désir de fermer la bouche à ceux qui niaient outrageusement la mission divine de leur ami entraina-t-elle ces personnes passionnées au delà de toutes les bornes. Peut-être Lazare, pâle encore de sa maladie, se fit-il entourer de bandelettes comme un mort et enfermer dans son tombeau de famille. Ces tombeaux étaient de grandes chambres taillées dans le roc, où l’on pénétrait par une ouverture carrée que fermait une dalle énorme. Marthe et Marie vinrent au-devant de Jésus et, sans le laisser entrer dans Béthanie, le conduisirent à la grotte. L’émotion qu’éprouva Jésus près du tombeau de son ami, qu’il croyait mort, put être prise par les assistants pour ce trouble, ce frémissement qui accompagnaient les miracles, l’opinion populaire voulant que la vertu divine fût dans l’homme comme un principe épileptique et convulsif. Jésus (toujours dans l’hypothèse ci-dessus énoncée) désira voir encore celui qu’il avait aimé, et la pierre aj’ant été écartée, Lazare sortit avec ses bandelettes et la tête entourée d’un suaire. Cette apparition dut naturellement être regardée par tout le monde comme une résurrection. La foi ne connaît d’autre loi’ que l’intérêt de ce qu’elle croit le vrai. Le but qu’elle poursuit étant pour elle absolument saint, elle ne se fait aucun scrupule d’invoquer de mauvais arguments pour sa thèse, quand les bons ne réussissent pas. Si telle preuve n’est pas solide, tant d’autres le sont !... Si tel prodige n’est pas réel, tant d’autres l’ont étél... Intimement persuadés que Jésus était thaumaturge, Lazare et ses deux sceurs purent aider un de ses miracles à s’exécuter, comme tant d’hommes pieux qui, convaincus de la vérité de leur religion, ont cherché à triompher de l’obstination des hommes par des moyens dont ils voyaient bien la faiblesse. L’état de leur conscience était celui des stigmatisées, des convulsionnaires, des’possédées de couvent, entraînées par l’influence du monde où elles vivent et par leur propre croyance à des actes feints. Quant à Jésus, il n’était pas plus maître que saint Bernard, que saint François d’Assise, de modérer l’avidité de la foule et de ses propres disciples pour le merveilleux. La mort allait d’ailleurs, dans quelques jours, lui rendre sa liberté divine et l’arracher aux fatales nécessités d’un rôle qui devenait chaque jour plus exigeant, plus difficile à soutenir. »

Et voilà à quelles hypothèses.conduit l’habitude de ménager la chèvre et le chou. Entre Jésus thaumaturge et Jésus imposteur, il faut absolument choisir ; chercher un moyen terme, c’est faire preuve de simplicité ou de mauvaise foi.

— Iconogr, Résurrection de Lazare. Ce sujet est un de ceux qui se présentent le plus souvent sur les monuments de l’art chrétien primitif, sur les sarcophages comme sur les simples pierres des loculi, dans les peintures des catacombes comme dans les mosaïques des églises. Ces représentations si fréquentes, dit l’abbé Martigny, avaient pour but de tenir en éveil, dans le cœur des premiers

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chrétiens, l’espoir de la résurrection de la chair et de soutenir leur courage au milieu des persécutions.

Les artistes de ces temps anciens figurent ordinairement Lazare comme une petite momie enveloppée de bandelettes, la tête voilée, d’un suaire qui, le plus souvent, encadre la face et la laissé à découvert ; cette momie est placée debout à l’entrée d’un édicule, et le Christ la touche avec une verge ou étend vers elle la main droite. Il existe, d’ailleurs, des différences de détails assez notables dans les représentations de cette scène. Les monuments les plus anciens, les peintures des catacombes, par exemple, n’offrent d’ordinaire que les deux personnages essentiels, Jésus et Lazare ; sur les sarcophages, qui sont en général plus modernes que ces peintures, la scène est complétée par la présence des deux, sœurs de Lazare, Marthe et Marie, . ou de l’une d’elles au moins, que l’on voit prosternée aux pieds du Sauveur. Quelquefois la scène s’élargit encore, de façon à admettre plusieurs disciples de Jésus. Le sépulcre de Lazare est ordinairement figuré comme un édicule précédé d’un péristyle et d’une rampe ; parfois il est creusé dans la roche brute, selon la coutume des Juifs, et ne présente aucun ornement architectural ; certains artistes, enfin, moins initiés aux coutumes hébraïques, ont représenté Lazare couché dans un sarcophage.

La Résurrection de Lazare a été.représentée par un grand nombre de peintres modernes, notamment par Giotto, dans une admirable fresque dont nous donnons ci-après la description ; par le Guerchin (au Louvre, gravé par Pasqualini et par Vivant-Denon), le Bassan (à l’Académie des beaux-arts de Venise), le Véronèse (gravé par Gio.-Ant. Lorenzini), Jac. Palma le Jeune (gravé par L. Kilian et par Q. Bcel), Bonifazio (au Louvre), Sébastien del Piombo (à la National GaLlery), Salvator Rosa (gravé par P.-L. Bombelli), An t. Vassilacchi (à Pérouse), Giol. Muziano (au Louvre), Nicolas Fruînenti (sujet central d’un triptyque signé et daté de 1461, au musée des Offices), Mubuse (volet d’un triptyque, au musée de Bruxelles), Lucas Cranach le Vieux (au mu- ! sôe de Dresde), Otto Venius (cathédrale de j Gand), Abr. Bloeinaert (musée de Munich,

! gravé par J. Muller), Rottenhamer (musée

« du Belvédère à Vienne), Rubens (au musée ’ de Turin, gravé par B.-A. Bolswert), H. de Hess (fresque dans l’église deTous-les-Saints, I à Munich), Jouvenet (v. ci-après), Philippe de Champaigne (autrefois dans l’église des Carmélites, à Paris), Bon Boullongne (autrefois dans l’église des Chartreux, à Paris, gravé par Moyreau), Eustache Le Sueur (gravé par J.-J. Avril l’aîné), Benjamin West (gravé, en 17S1, par Valentin Green), Bertin (autrefois dans la chapelle du château du Plessis, près de Paris), F. Krause (inusée de Dijon), Deshays (Salon de 1763), Lair (tableau exécuté pour l’ancienne église du Calvaire, au Mont-Valérien), Eugène Delacroix (Salon tie 1850), J. Brémona (même Salon), P.-C. Marquis (Salon de 1868), Verdier (église Saint-Germain-des-Prés à Paris), P. Lebrun (Salon

de 1870), etc.

Parmi les nombreuses estampes représentant la Résurrection de Lazare, nous citerons : une admirable eau-forte de Rembrandt, dont il y a plusieurs copies, une, entre autres, exécutée en contre-partie par J.-E. Haid ; une eau-forte de J. Lievens, dont Jacob Louis a fait une copie ; une eau-forte de Phil.-Hiéron Brinckmau, dans la manière de Rembrandt ; deux pièces différentes, gravées aussi à l’imitation de ce dernier maître, par le Génois Benedetto Casliglione ; diverses gravures de Lucas de Leyde, Gio.-B. Franco, G. Blecker, J.-I. Bendl, Isaac Duehemins, de Bruxelles (d’après Adr. de Werdt), Fr. Laurents (d’après Dietrich, 1763), J. Bellange, G. Lallemand, etc.

Le même sujet est représenté dans une mosaïque du vestibule de l’église Saint-Marc, de Venise, exécutée par les Zuccati, d’après les dessins du Pordenone.

Les auteurs des diverses compositions qué nous venons d’énumérer ont cherché, pour la plupart, à exprimer la surprise, mêlée de crainte, des spectateurs du miracle opéré par Jésus ; quelques-uns, comme Rembrandt et Castiglione, ont mis en relief le côté fantastique de la scène ; d’autres, comme Sébastien del Piombo, Paul Véronèse, le Bassan, Rubens, ont groupé de nombreux personnages dont ils ont varié, d’une façon plus ou moins pittoresque, les attitudes et les expressions. Beaucoup ont donné à Lazare une apparence cadavérique ; c’est ce qui est arrivé à Deshays, qui a représenté le ressuscité sortant debout du tombeau, tendant vers Jésus ses bras encore embarrassés de son linceul et gardant sur son visage l’image de la mort. Tout en reconnaissant que ce tableau n’est pas sans effet, que les groupes en sont bien distribués, Diderot écrivait à son ami Grimm : « Il me semble qu’il vaudrait autant ne pas faire les choses k demi, et qu’il n’en coûterait pas plus de rendre la santé avec la vie. Voyez-moi un peu ce Lazare de Deshays ; je vous assure qu’il lui faudra plus de six mois pour se refaire de sa résurrection. « El le spirituel incrédule, après avoir cité les admirables compositions de Rembrandt et de Jouvenet sur le même sujet, ajoutait d’un ton moitié plaisan^, moitié sérieux : « Que

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penseriez-vous de moi, si j’osais vous diro que toutes ces tètes de ressuscites, belles sans doute et du plus grand effet, sont fausses ? Patience, écoutez-moi. Est-ce qu’un homme sait qu’il est mort ? Est ce qu’il sait qu’il est ressuscité ? Je m’en rapporte à vous, marquis de la vallée de Josaphat, chevalier sans peur de la résurrection, illustre Montamy, vous qui avez calculé géométriquement la place qu’il faudra à tout le inonde au grand jour du jugement, et qui, à l’exemple de Notre-Seigneur entre les deux larrons, aurez la bonté de placer, dans ce moment critique, h votre droite Grimm l’hérétique et à votre gauche Diderot le mécréant, afin de nous l’aire passer en paradis comme les grands seigneurs font passer la contrebande dans leurs carrosses, aux barrières de Paris. Illustre Montamy, je m’en rapporte à vous : n’estil pas vrai que, de tous ceux qui assistent à une résurrection, le ressuscité est un des mieux autorises à n’y pas croire ? Pourquoi donc cet étonnement, ces marques de sensibilité et tous ces signes caractéristiques de la connaissance de l’état qui a précédé et du bienfait rendu que les peintres ne manquent jamais de donner à leurs ressuscites ? La seule expression vraie qu’ils puissent avoir est celle d’un homme qui sort d’un profond sommeil ou d’une longue défaillance. Si l’on répand sur son visage quelque vestige léger de plaisir, c’est de respirer la douceur de l’air, c’est de retrouver la lumière du jour. Mais suivez cette idée, et les détails vous en feront bientôt sentir toute la vérité. Ne voyezvous pas combien cette action faible et vague du ressuscité, portée vers le ciel et distraite des assistants, rendra la joie et l’étonnement de ceux-ci énergiques ? Il ne les voit pas, il ne les entend pas ; il a la bouche entr’ouverte, il respire, il rouvre les yeux à la lumière, il la cherche ; cependant, les autres sont comme pétrifiés... Qu’on m’amène incessamment un grand maître, et, s’il répond à ce que je sens, je vous offre une résurrection plus vraie, plus miraculeuse, plus pathétique et plus forte qu’aucune de celles que vous ayez encore vues. »

N’est-ce pas là, en effet, une composition pensée et écrite d’une façon magistrale ?

Lnznro (LA RÉSURRECTION DE), fresque de

Giotto, dans l’égliseSanta-Maria dell’Arena, à Padoue. La scène se passe dans un paysage sauvage, au fond d’un rocher sur lequel trois petits arbres croissent péniblement et dans le flanc duquel est taillé le sépulcre de Lazare. Celui-ci est debout, à la porte du tombeau, enveloppé tout entier, à l’exception du visage, d’un linceul blanc que fixent des bandelettes ; il est soutenu par un vieillard qui s’apprête à le dépouiller de*son suaire et qui se retourne vers "Jésus, comme pour demander ses ordres. Le Christ, vêtu d’une robe rouge et d’un manteau bleu, lève la main droite et bénit Lazare. Derrière lui se tiennent ses apôtres, et à ses pieds sont prosternées Marthe et Marie, qui joignent les mains. Les amis du ressuscité s’approchent de lui et l’examinent avec une curiosité mêlée de crainte. Une femme, debout à côté de Lazare, est enveloppée d’un manteau brun qui est ramené sur sa tête et ne laisse voir que ses yeux et son front, à la manière orientale. Derrière elle, une femme se bouche le nez avec un par de son manteau, et, sur le premier plan, deux valets portent la pierre qui fermait l’entrée du sépulcre.

Cette fresque est une des plus expressives, des mieux ordonnées que Giotto ait exécutées ; «c’est tout un drame, dit M. Paul Mantz, où le rôle de chaque personnage est marqué avec la plus parfaite intelligence, où la vérité de 1 expression se concilie avec la noblesse des attitudes. » Cette admirable peinture a été reproduite en chromo-lithographie par Kellerhoven.

Lazare (laeésuiîRIîction de), chef-d’œuvre de Sébastien del Piombo ; à la National Gallcry de Londres. Au milieu de la composition, Marie est agenouillée devant Jésus, qui, la main droite levée et la gauche tendue vers Lazare, ordonne à celui-ci de se lever et de marcher. Lazare est assis sur le bord du sépulcre, la tète et le3 épaules couvertes du linceul ; il regarde avec reconnaissance le Sauveur ; un jeune homme dénoue les bandelettes qui entourent ses jambes. Une jeune femme, debout derrière Marie, se détourne avec effroi du ressuscité ; trois autres femmes et un homme, placés au second plan à droite, se bouchent le nez ; un vieillard placé sx la gauche de Jésus lève les mains en signe d’étonnement ; plusieurs autres spectateurs témoignent leur stupéfaction ; quelques-uns sont ngenouillés à gauche, au premier plan, et l’un d’eux joint les mains, comme pour adorer le Christ. Dans le fond, des Pharisiens s’entretiennent avec animation des prodiges opérés par le Nazaréen. Le paysage est varié et pittoresque : il est traversé par une rivière sur laquelle est jeté un pont à plusieurs arches conduisant à une ville.

Ce superbe tableau est signé : Sebastianvs Venetus faciebat ; il fut exécuté à Rome en 1519, pour le cardinal, Jules de Médicis (depuis Clément VII), qui le destinait à la cathédrale de Narbonne, dont il était évèque, et qui avait chargé Raphaël de peindre pour la même église une Transfiguration. Vasari dit que les deux tableaux, une fois terminés, furent exposés publiquement et ex-