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en réalité un cirque de hautes montagnes renfermant un immense bassin, rempli de collines abruptes hérissées d’aiguilles de quartz violet, et les deux amants voyagaient comme la flèche à travers des paysages enchantés, dont les améthystes, les sardoinos, les hyacinthes, les béryls, les saphirs, les chrysoprases, les turquoises, les lazulites de la géode figurent des pics de glace, des forêts, des vallons, des collines. Est-il besoin de dire qu’une hallucination momentanée avait fait voir au tendre amoureux de Laura ces resplendissantes merveilles- ? Mais on eut toutes les peines du monde a le convaincre que ce voyage qu’il racontait avoir fait dans les rayonnantes régions du cristal n’était qu’un rêve, et plusieurs fois Hartz recommença au milieu’du délire ses fantastiques excursions dans les mers d’opales, les montagnes de turquoises et toutes les beautés inénarrables du monde cristallin. Heureusement Laura l’aimait et le soigna si bien, qu’elle parvint à le ramener au monde réej. Quelques mois après sa guérison, elle devint sa femme, et fut si tendre et si dévouée, qu’il finit par ne plus même regretter les sublimes jouissances de ses rêves.

La donnée de ce roman est toute descriptive, et nous ne saurions donner une idée plus juste de l’effet produit par ce livre qu’en le comparant à une fantasmagorie prestigieuse qui vous donne le vertige à force d’éblouissements et de splendeurs.

LAURAC-LE-GUAND, village et commune de France (Aude), cant. de Fanjeaux, arrond. et à 16 kilotn. S.-E. de Castelnaudary, sur le Rieutort ; 540 hab. Commerce de grains et de bestiaux. C’était autrefois une place forte qui fut démantelée par Louis IX.

LAURACÉ, ÉE (lô-ra-sé). Bot. Syn. de

LAURINÉ.

LAUF.AGUAIS, AISE s. et adj. (lô-ra-ghè, o-ze). Géogr. Habitant du Lauraguais ; qui appartient à ce pays ou a ses habitants ; Les Lauraguais. H a été constaté que la race lauraguaise est celle qui fournit te lait le plus ■ riche ; la race de moutons de Tarascon, qui n’est qu’une variété de la race ULVttJiOVMSiz, fournit un lait dont la composition est sensiblement la même. (A. Rivière.)

LAURAGUAIS (le), ancien petit pays de France, qui faisait partie de la province du Languedoc, aux environs dç Castelnaudary. D’abord domaine des comtes de Toulouse, il passa ensuite dans la maison d’Aragon, qui céda ses droits sur ce paya à saint Louis. Louis XI l’érigea en comté et le donna, en 147 ?, à Bertrand de La Tour, comte d’Auvergne, en échange du comté de Boulogne, dont le roi s’était saisi à la mort de Charles le Téméraire. À son avènement au trône, Louis XIII réunit définitivement le Lauraguais à la couronne. Plusieurs familles ont porté depuis le nom de Lauraguais.

Le Lauraguais nourrit une race ovine très-estiraée, provenant du mélange déjà très-ancien de la race inérine avec celle du pays, La fertilité et les conditions olimatériques de la contrée ont fait le reste. Par le fait, la race ovine du Lauraguais jouit d’une grande et légitime réputation. Sa taille est un peu au-dessus de la moyenne. Le corps est long, la tête petite, quoique busquée, presque toujours sans cornes. Le front est garni d’un petit toupet de laine. Les oreilles sont grandes et pendantes. La toison fournit une laine plutôt commune que fine, mais bien tassée, couvrant tout le corps, moins la tète et les extrémités, et rappelant un peu celle du mérinos ; cette laine est recherchée par les fabriques de drap de Castres ; pourtant les mèches sont peu homogènes. Bien conformé dans les parties supérieures, le mouton du Lauraguais manque

d’ampleur en avant : le garrot n’est pas assez épais, la poitrine est un peu étroite et serrée en arrière des coudes. Malgré ces légères imperfections, cette race est éminemment propre à la production simultanée de la viande et de la laine. Sous l’influence d’un régime abondant, elle acquiert un poids considérable ; les mâles pèsent jusqu’à 70 kilogr. Les femelles, tout en fournissant aux exigences de l’allaitement, donnent encore il la traite une vingtaine de litres’de lait par an. Les portées doubles sont communes ; on compte généralement cent cinquante agneaux pour cent brebis. Le mode d’entretien de cette race est intéressant à plus d’un titre ; nous allons dire en quoi il consiste, d’après M. J.-E. Vialas, qui en a fait une-remarquable description : «Les moutons du Lauraguais, dit-il, mènent une vie fort régulière ; chez eux, pas de parcage, pas de longue stabulation ; tous les jours, tant en hiver qu’en été, lorsque les intempéries ne se font pas trop sentir, ces animaux sont conduits au pâturage. Dans notre contrée, comme partout, je pense^ les heures varient suivant les saisons ; tantôt le matin ou le soir sont réservés pour la sortie du troupeau, et l’animal se repose au milieu du jour ; tantôt c’est l’opposé qui se présente. Quanta la nourriture, elle est ordinairement saine et se compose du foin des prairies naturelles, de luzerne, de 6alnfoin et de vesces ; de plus, pour la saison rigoureuse, les feuilles de quelques arbres, notamment celles des peupliers, sont recueillies au commencement de l’automne, desséchées au soleil et conservées avec soin, pour être ensuite données aux moutons durant l’époque des frimas,

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aux heures où l’on devrait les conduire au pâturage ; exceptionnellement des grains, des tubercules, des racines, des aliments farineux sont donnés, à moins que le propriétaire, ayant entrepris l’engraissement de quelques-uns, ne sacrifie pour eux quelques portions de ses récoltes. Quand le troupeau trouve au pacage assez de matières alimentaires, chose qui se présente au printemps, alors que los herbes poussent avec beaucoup de vigueur, et en automne quand il est conduit dans les prairies naturelles, les grands herbivores n’y venant plus, dans ces deux cas la ration de nourriture sèche est petite ; quand, au contraire, arrive la morte saison, les fourrages secs sont distribués au troupeau avec plus de profusion. Dans presque toute la France, et aussi dans notre contrée, on choisit pour la lutto les mois de septembre, octobre et novembre, afin d’avoir des agneaux en février, mars et avril, époque où la végétation qui commence fournit une herbe tendre et abondante, qui convient jeune au produit et augmente la sécrétion lactée de la mère. Entretenus dans cet état pendant un mois ou un mois et demi environ, ces agneaux sont ensuite livrés à la boucherie. Le berger ne s’occupe plus alors que de favoriser la formation du lait, et ce produit est vendu par lui tous les jours pour la fabrication du fromage, ou pour être consommé en nature, » Dos croisements nombreux ont été tentés ; partout où le mouton du Lauraguais a été introduit, dans l’Aude, la Haute-Garonne, le Gers, le Tarn-et-Garonne et le Lot, on a essayé de l’améliorer avec des races venues d’Angleterre, de France et d’Espagne. On a eu ainsi des dishley-lauraguais, des southdown-lauraguais et surtout des dishley-mauchanys-mérinos-lauraguais. Ces derniers résultent de l’accouplement de la brebis du Lauraguais avec une prétendue race angloespagnole-française créée à Alfort, et à laquelle,

on a attribué nombre de qualités que 1 expérience n’a nullement démontrées. A notre avis, le mouton du Lauraguais étant lui-même un métis, son alliance avec d’autres métis ne peut que lui être nuisible. Les défauts de conformation, du reste assez légers, que nous avons remarqués chez cette bello race disparaîtraient facilement par les moyens de la sélection et d’une nourriture abondante. Les propriétaires désireux de tenter la chance des croisements feront bien d’avoir recours à la race mérine ; cela vaudra mieux que d’employer un métis mérinos quelconque, très-exigeant sous le rapport de 1 alimentation, et n’ayant pas la puissance héréditaire indispensable dans les opérations de ce genre.

LAURAGUAIS (Louis - Léon - Félicité de Brancas, comte de), écrivain français. V. Brancas.

LAURATE s. m. (lô-ra-te). Chim. Sel résultant de la combinaison de l’acide laurique avec une base.

’ LAUIIATI DE SIENNE (Pierre), peintre italien. V. Lorenzetti.

LAURE s. f. (lô-re — du gr. laura, rue, et en grec moderne, cloître). Sorte de vaste monastère habité par des religieux soumis à un abbé, et qui se réunissaient seulement une fois par semaine pour entendre l’office et faire les repas en commun.

La Sainte-Laure, Monastère de saint Athanase, qui est le plus célèbre.des monastères du mont Athos.

— Encycl. Généralement, les cellules de la laure avaient pour centre commun une chapelle, de sorte que les religieux qui les habitaient participaient à la fois de la vie érémitique et de la vie cénobitique. Tous les solitaires de la laure formaient une société sous l’obéissance d’un supérieur. Les hagjographes disent que la première laure fut fondée vers le commencement du ive siècle, par saint Ghariton ; elle était située en Palestine, non loin de Jérusalem, près des bords de la mer Morte ; on la nommait la laure de Pharau ; le même saint établit en Palestine deux autres taures, l’une près de Jéricho, et l’autre dans le désert de Thécua ; cette dernière était connue sous le nom de laure de Senca. Dans le vo siècle, saint Euthyme le Grand créa une laure à cinq lieues de Jérusalem ; le fondateur n’y voulut pas recevoir de jeunes gens encore imberbes. À son imitation, saint Sabas fonda une laure sur une montagne au pied de laquelle passait le torrent du Cédron, à trois lieues de Bethléem et à cinq de Jérusalem ; il y réunit jusqu’à cent cinquante solitaires. Les religieux des taures vivaient seuls dans leurs cellules, cinq jours de la semaine, sans autre nourriture que du pain et quelques dattes. Le samedi et le dimanche seulement, ils venaient au monastère, et, après avoir assisté aux offices, ils mangeaient des aliments cuits et buvaient un peu de vin. Après les vêpres du dimanche, ils retournaient dans leurs cellules.

    1. LAURE (Jean-François-Hyacinthe-Jules),

peintre français ## LAURE (Jean-François-Hyacinthe-Jules), peintre français, né à Grenoble en 1806, mort à Paris en 1861. Il se rendit dans cette dernière ville, où il reçut des leçons d’Hersent, d’Ingres, et suivit, de 1825 à 1820, les cours de l’École des beaux-arts. Après avoir voyagé en Italie et en Espugne, il se fixa à Paris, où il s’est adonné au genre historique et au portrait. Parmi ses tableaux, dans lesquels,

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a défaut d’originalité, on trouve de sérieuses qualités de dessin et de composition, nous citerons : Lelia, Stenio, llamlet, JJoratio, la Méditation, la Mélancolie, Une paysanne de Rome, Mozart et Clément XIV, l’Assomption delà Vierge, Milton dictant le Paradis perdu, Mitjnonnette et Champrosé, etc. Parmi ses portraits, nous mentionnerons : ceux de J/me Laure, sa mère, de JtfHc Cerrito, de il/nie Frizzolini, de Lola Montés ; ceux de M. Charton, de Caruot, etc., qui furent exposés pour la plupartau Salon de 1855.

LAURE DE NOVES, Provençale illustrée par Pétrarque, née à Avignon, ou peut-être à Noves, petit bourg situé à peu de distance de cette ville, vers 1308, morte à Avignon le 6 avril 1348. Son père était Audibert de Noves, chevalier, possesseur de beaux domaines dans le comtat d’Avignon. Elle épousa, le 16 janvier 1325, Hugues de Sade, un des ancêtres de ce marquis de Sade, fameux par ses romans obscènes. Une de ses sœurs prit le voile dans un couvent d’Avignon. Elle se fit remarquer, au milieu de la corruption des mœurs de la ville papale, par son honnêteté, sa vertu, sa pudeur, autant que par le charme de son visage et de toute sa personne ; mais elle serait sans doute restée bien obscure, si elle n’avait rencontré, dans Pétrarque, le chantre de toutes ses perfections.

Une note latine, inscrite par Pétrarque en marge de son Virgile, et dont l’authenticité est aujourd’hui prouvée, est le document le plus certain concernant celle que le poëte a immortalisée. Nous traduisons cette note textuellement : « Laure, illustre par ses propres vertus et longtemps célébrée dans mes poésies, apparut pour la première fois à mes yeux, dans le premier temps de mon adolescence, l’an du Seigneur 1327, le sixième jour du mois d’avril, dans l’église Sainte-Claire, à Avignon, à l’heure matinale, et, dans cette même ville, au mois d’avril, le même sixième jour, à la même heure du matin, mais l’an 1348, cette pure lumière fut enlevée à la vie, tandis que moi j’étais par hasard à Vérone, hélas ! ignorant de mon malheur. La fatale nouvelle m’en parvint à Parme, par l’intermédiaire de mon cher Louis, cette même année, au mois de mai, le dixième jour au matin. Ce corps très-chaste et très-beau fut placé dans l’église des Frères mineurs, le jour même de sa mort, sur le soir. Son âme, comme Sénèque parle de Scipion l’Africain, est retournée, j’en suis sûr, au ciel d’où elle était venue. Pour conserver le cruel souvenir de cet événement, je trouve une amère douceur à l’écrire de préférence sur ce livre, qui revient souvent sous mes yeux, pour que je sache qu’il n’y a plus rien désormais qui puisse me plaire dans cette vie ; mon lien le plus fort étant brisé, la vue fréquente de ces paroles et l’estimation du temps qui fuit m’avertira qu’il est l’heure de quitter Babylone. Avec la grâce de Dieu, cela me sera facile en songeant fortement et virilement aux inutiles soucis, aux vaines espérances et aux événements inattendus de ma vie passée. » Le précieux Virgile où se trouve cette note manuscrite est déposé à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan ; il a fait un court séjour à notre Bibliothèque nationale, de 1796 à 1815. La certitude avérée de ce document coupe court à toutes les hypothèses des critiques et érudits qui n’ont voulu voir dans cette Laure du poëte qu’un personnage imaginaire, une fiction idéale. Laure ne fut pas, pour Pétrarque, une Iris en l’air, comme l’a avancé Voltaire.

Maintenant y a-t-il identité entre la Laure de Pétrarque et Laure de Noves, mariée à Hugues de Sade ? C’est là un point beaucoup plus délicat. Rien, dans les vers ou dans la prose du poëte, ne jette aucun jour sur la question ; il lui a consacré trois cent dix-huit sonnets et quatre-vingt-huit chansons ; il a composé pour elle, après sa mort, ses Triomphes, qui sont d’admirables élans de poésie funèbre et, dans tout cela, aucun indice ne révèle la personnalité même de celle qu’il célèbre. L’auteur anonyme d’une Vie de Pétrarque, imprimée dès 1471, et qui fut contemporain du poëte, dit que Laure n’était pas mariée ; qu’elle se nommait Laurette, habitait un château près d’Avignon, fut la muse de Pétrarque, tout en restant chaste, et que, de son côté, le poëte refusa au pape, qui l’en priait, de l’épouser, de peur de voir diminuer son amour pour elle. Un antiquaire italien, Velutello, a corroboré ce témoignage de ses propres recherches, et l’abbé Costaing, reprenant tous les arguments invoqués par les adversaires de Laure de Noves, prétend, dans sa Muse de Pétrarque (1820), que la maîtresse idéale du poëte fut Laure des Baux, de la maison d’Orange, dont le tombeau se voit encore à Galas. Cette dernière hypothèse doit être écartée, puisqu’on a le témoignage de Pétrarque sur le lieu de sépulture de celle qu’il avait chantée.

En faveur de l’identité de Laure de Noves avec la Laure de Pétrarque, on a trouvé dans un de ses traités latins un souvenir de ses amours ; il y dit que Laure approche chaque jour de la tombe, épuisée qu’elle est par les maladies et par ses nombreuses couches. Donc Laure était mariée : donc c’était Laure de Noves. Malheureusement les mots crebris partubus, écrits crebris ptubus par abréviation dans certains manuscrits, sont remplacés par : crebris perturbationibus dans les autres, ce qui donnerait : « Épuisée par de graves soucis » et non par des couches. Tout est ainsi remis en question. La date de la mort, qui est la même ou à peu près, 3 avril 1348, pour Laure de Noves, d’après les documents d’Avignon, 6 avril 1348 pour celle de Pétrarque, d’après la note marginale du Virgile, serait certainement suffisante, en toute autre biographie, pour qu’on pût assimiler l’un à l’autre les deux personnages ; mais Avignon était alors désolé par une peste terrible qui fit périr en sept mois cent vingt mille personnes, cette fameuse peste appelée noire à Florence, et dont Boccace a fuit l’émouvant tableau dans le Décaméron ; deux personnes du nom de Laure ont bien pu mourir ensemble dans une telle épidémie. Enfin, en 1533, François Ier, passant par Avignon, voulut voir le tombeau de Laure, dans l’église des Frères mineurs ; il fut ouvert par ses ordres : on trouva parmi les ossements un petit coffret renfermant une médaille de bronze et un parchemin. La médaille offrait le profil d’une femme se cachant pudiquement les seins ; sur le parchemin était écrit un sonnet, signé de Pétrarque. Ainsi cette tombe était bien celle de la femme que le poëte avait aimée : si les écussons gravés sur la pierre tumulaire avaient offert les armoiries de la famille de Noves ou de celle de Sade, la question d’identité serait résolue, mais ils étaient absolument frustes, effacés ; on ne distinguait qu’une rose sculptée au sommet de la pierre. Depuis, ce tombeau a été détruit, avec l’église des Cordeliers.

L’abbé de Sade, dans ses volumineux Mémoires sur la vie de Pétrarque (1764-1767), a démontré cette identité, qui est probable, mais non certaine. Du moins a-t-il bien réussi à dégager la personnalité même de Laure de Noves, qu’avant lui il était permis de prendre pour une fiction.

Pétrarque n’eut avec celle qu’il célébra, quelle qu’elle soit, que des relations toutes platoniques. Il est douteux même qu’il l’approchât, qu’il fût admis chez elle ; il se contentait, on le voit par ses vers, de la rencontrer à l’église, de la regarder de loin se promener sous les orangers de son parc, et même il avait acheté près d’Avignon un petit domaine, afin de se rapprocher d’elle. Il la rendit célèbre, de son vivant, au point que Charles de Luxembourg, depuis empereur d’Allemagne, étant de passage à Avignon, se la fit présenter entre toutes les grandes dames de la ville et la baisa au front et sur les yeux. Pétrarque a relaté l’événement dans un sonnet. Cet amour, qui resta pur, n’était pourtant pas exempt chez lui des tourments sensuels, car il se plaint souvent de la violence de ses désirs ; mais Laure sut toujours le contenir, tout en conservant son affection, et les fréquents voyages du poëte à travers l’Europe, ses retours constants à Avignon et à Vaucluse témoignent à la fois de ses ennuis, de ses inquiétudes, et du besoin continuel qu’il avait pourtant de revoir l’objet aimé.

Les poésies de Pétrarque sont le plus beau monument qui ait été élevé en l’honneur de Laure ; on croit, de plus, avoir son image dans un bas-relief que des érudits prétendent avoir appartenu à Pétrarque, et dans quelques peintures de Simon de Sienne, ami du poëte, qui sont encore à Avignon. Le peintre fit son portrait, et il a souvent placé la même figure dans ses autres compositions ; on la trouve, entre autres, sous la voûte du péristyle de l’ancienne cathédrale. Le basrelief appartient à une famille florentine ; le portrait fait par Simon de Sienne ne subsiste que dans les gravures de certaines éditions de Pétrarque.


Laure persécutée, tragédie de Rotrou (1637). L’intrigue de cette pièce, contemporaine des grands succès du Cid, a quelques rapports avec l’histoire d’Inès de Castro. Rotrou s’y montre, par endroits, un digne émule de Corneille. Elle tient une certaine place dans l’histoire de l’origine de notre théâtre, et nous en emprunterons l’analyse à M. Hipp. Lucas. Laure, jeune beauté adorée par Oranthée, fils du roi de Hongrie, et qui répond à sa tendresse, n’a pas un rang égal au sien. Le roi s’oppose au mariage de son fils, auquel il veut faire épouser une infante. Pour arriver à son but, il essaye de perdre Laure auprès de son fils, tandis que, sous un autre nom, Laure qu’il n’a jamais vue le séduit à son tour. Le roi, qui découvre cette ruse, est plus furieux quo jamais ; une demoiselle de Laure, toute semblable à sa maîtresse, et un certain Octave, gentilhomme d’Oranthée, amoureux de Laure, se prêtent aux volontés du roi. Lydie, après avoir pris les vêtements de Laure, recevra les hommages d’Octave aux yeux d’Oranthée abusé ; moyen que Shakspearu a employé dans Beaucoup de bruit pour rien. Octave, quoique l’ami d’Oranthée, nccepté.ee rôle odieux. Une chose remarquable, c’est que le roi, qui se sert de lui, n’en exprime pas moins avec beaucoup d’énergie le sentiment de mépris que cette bassesse do courtisan lui inspire :

VotlJt de" ces flatteurs dont une cour abonde. Qui ; l’intérêt gouverne au grC de tout lu monda ; Ennemis du repos, amis du changement, Lâches et résolus b. tout événement. Telles gens toutefois approchent des couronnes ; On se sert de leur vice, et l’on hait leurs personnes*

C’est le stylo de Corneille. Le prince, toujours épris, malgré la scène d’injidélité dont