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en Anjou, en 1761, mort à Paris en 1831. Il se fit ordonner prêtre et professa les belles-lettres et la philosophie à La Flèche jusqu’au moment où la Révolution vint fermer le collège de cette petite ville. Venu à Paris, il se confina prudemment dans la retraite, et, en 1799, il prit la direction du Journal des dames et des modes. On vit alors cet ecclésiastique, dont le caractère était sérieux et les mœurs austères, fréquenter les lieux publics pour y observer la toilette des dames, courir les théâtres et rendre compte des pièces nouvelles. « Il sortait toujours sans parapluie, dit Fayolle ; s’il venait à pleuvoir, il en achetait un. Il oubliait souvent sa tabatière, et, dans ce cas, il en achetait une autre. Chaque fois qu’il sortait, il achetait quelque chose, tantôt une paire de bas de soie, tantôt une paire de souliers, un habit ou un chapeau. Il avait toujours dans sa poche des pièces de 15 et de 30 sous pour donner aux pauvres qu’il rencontrait dans la rue. À sa mort, on a trouvé parmi ses effets 1,000 paires de bas de soie, 2,000 paires de souliers, 6 douzaines d’habits bleus, 100 chapeaux ronds, 40 parapluies, 20 tabatières et 10,000 francs en pièces de 15 et de 30 sous. » On a de lui : le Voyageur à Paris, tableau pittoresque et moral de cette capitale (Paris, 1789, 2 vol. in-12) ; Géographie historique et littéraire de la France (Paris, 1791, 4 vol. in-12) ; Géographie de la France d’après la nouvelle division en 83 départements (Paris, 1791, in-8o) ; Nouvelle bibliothèque des enfants (Paris, 1794, in-12) ; Histoire naturelle des quadrupèdes et des reptiles (Paris, 1794, in-12) ; Voyages en France et autres, pays, en prose et en vers (Paris, an IV, 4 vol. in-18) ; Dictionnaire des proverbes français (Paris, 1821) ; Galerie française de femmes célèbres (Paris, 1827, gr. in-4o), ouvrage illustré et fort curieux ; Costumes des femmes de Hambourg, du Tyrol, de la Hollande, de la Suisse, de la Franconie, de l’Espagne, etc. (Paris, 1827, in-4o), avec dessins de Lauté, gravés par Gœtine ; Observations sur les modes et les usages de Paris, pour servir d’explication aux 115 caricatures publiées sous le titre de Bon genre, .depuis le commencement du XIXe siècle (Paris, sans date, in-4o); Costumes des femmes du pays de Caux et de plusieurs autres parties de l’ancienne Normandie (Paris, 1827, in-4o), dessins de Lauté, gravés par Gœtine, avec explication pour chaque planche par La Mésangère, etc.

LA MESNARDIÈRE (Hippolyte-Jules Pilet de), poète français, né à Loudun en 1610, mort à Paris en 1G63. Il fut reçu docteur en médecine à Nantes, et publia, à propos des possédées, un Traité de la mélancolie où il attribue les extravagances des religieuses à des maléfices. Cet ouvrage lui valut la faveur du cardinal de Richelieu. Attaché comme médecin a la personne du puissant ministre, La Mesnardière exerça le même emploi auprès de Gaston d’Orléans, ce qui ne laissa pas de paraître singulier à ceux qui connaissaient l’antipathie que ce prince avait pour le cardinal. Mais La Mesnardière renonça bientôt complètement à la pratique de son art pour se livrer à la culture des lettres, et devint successivement maître d’hôtel du roi et lecteur ordinaire de la chambre. Il entra, en 1655, à l’Académie, en remplacement de Tristan l’Hermite. Les.jugements qu’ont portés de lui ses contemporains et l’oubli dans lequel ses œuvres sont tombées semblent prouver qu’en cette occasion l’Académie sacrifia plutôt à la faveur qu’au mérite. On a de La Mesnardière : Traité de ta mélancolie (La Flèche, 1635, in-8o) ; Raisonnement sur la nature des esprits gui servent au sentiment (Paris, 1638, in-12) ; Panégyrique de l’roian, traduit ou plutôt imité do Pline (1638, in-4o) ; la Poétique (1640, in-4o), ouvrage inachevé ; le Caractère élégiaque (1640, in-4o) ; g.Pucelle d’Orléans, tragédie (L642, in-4o), qui fut attribuée à Benserade ; Alinde, tragédie, dont a dit qu’elle était ennuyeuse dans toutes les règles, car toutes y sont scrupuleusement observées (1643, in-4o) ; Lettres de Pline le consul (1643, in-12), incomplet ; les Poésies de Jules de La Mesnardière (1656, in-fol.), recueil de pièces latines et françaises ; Lettre du ■ sieur du Rivage, contenant quelques observations sur le poëme épique et sur le poème de la Pucelle (1656, in-4o) ; Chant nuptial pour le mariage du roi’(16G0, in-fol.) ; Relations de guerre, contenant le secours d’Arras en 1054, le siège de Valence en 1656 et le siège de Duukerque en 1658 (1662 et 1072, in-12).

LAMET (Adrien-Augustin de BuSSY de), théologien français, né dans le Beauvoisis en 1021 ; mort à- Paris en 1691. Après avoir pris le bonnet de docteur en Sorbonne, il suivit en Angleterre, en Hollande, en Italie, son parent et son ami, le fameux Paul de Gondi, cardinal de Retz, puis revint à Paris et consacra le reste de sa vie à l’étude, à l’éducation d’enfants pauvres, à la direction de maisons religieuses. Lamet fut aussi aumônier des prisons et chargé d’accompagner au supplice les condamnés à mort. On a publié après sa mort un ouvrage.de lui, intitulé : Résolution de plusieurs cas de conscience (1714, in-8o), lequel a été plusieurs fois réédité, revu par l’abbé Goujet et public par ce dernier sous le titre de Dictionnaire des cas de conscience (Paris, 1733, 2 vol. in-fol.).

LAMET II (Augustin-Louis-Charles, marquis »k), né à Henneucourt, en Picardie, en 1755, mort en 1837. Il était l’aîné des survivants

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de cette famille. Son père, chef d’état-major du maréchal de Broglie, dont il avait épousé la sœur, mourut dans les guerres de Hanovre. C’est à tort qu’on a répété qu’Augustin avait été élevé aux frais de la dauphine Marie-Antoinette. Il était du même âge que cette

princesse, et il entrait au service au moment où elle quittait l’Autriche pour venir en France. En outre, il était possesseur d’une grande fortune territoriale, seigneur d’Hennencourt, de Senlis, de Mareuil, près d’Abbeville, de Millencourt, etc. Nous faisons cette observation, qui doit s’appliquer également à ses frères, parce que, lorsqu’ils entrèrent dans le parti constitutionnel, les royalistes, pour les taxer d’ingratitude, prétendirent qu’ils devaient tout aux bienfaits de la cour-, assertion si souvent répétée qu’elle a été en quelque sorte consacrée.

Au reste, le marquis de Lameth ne prit aucune part aux événements politiques, En sortant du service, il se retira dans ses terres, et, sous l’Empire, il siégea obscurément au Corps législatif, de 1805 à 1810, comme député de la Somme.

Il eut deux fils, qui suivirent la carrière des armes, mais qui moururent jeunes pendant les guerres de l’Empire.

LAMETH (Théodore, comte de), frère du précédent, né à Paris en 1756, mort en 1E54. Il servit d’abord dans la marine, puis passa dans un régiment de cavalerie, avec le grade de capitaine, et fît avec ses frères la guerre de l’indépendance américaine. Il en revint colonel en second, et obtint bientôt après le commandement d’un régiment de cavalerie, Royal-Étranger. Lié, comme ses frères, avec La Fayette, Ëyron, etc., il n’était pas étranger aux idées de réforme qui entraînaient la jeune noblesse, mais cependant il ne prit d’abord aucune part aux événements. lise borna, comme chef militaire, à maintenir, la discipline dans ses troupes et à éviter toute collision avec les habitants des villes où il tenait garnison. En 1790, les électeurs du Jura le récompensèrent de sa modération en le nommant président de l’administration départementale, puis dépeté à l’Assemblée législative. Quoique appartenant au parti constitutionnel, il vota souvent avec la droite, où siégeaientd’ailleurs bon nombre de feuillants. On sait que les hommes de cette nuance étaient depuis longtemps dépassés par la marche inexorable de la Révolution, et que beaucoup étaient restés en arrière, aux régions du royalisme de 1789, quand la France était déjà presque entrée dans la République. Théodore de Lameth lutta assez vigoureusement dans le sons de ses idées, n’abandonna pas ^Assemblée après le 10 août et protesta à la tribune contre les massacres de septembre. Son frère Charles ayant été arrêté à Rouen, il obtint même un décret d’élargissement dans la dernière séance de l’Assemblée législative.

Après la proclamation de la République, il ne se crut plus en sûreté à Paris, se réfugia en Suisse, puis en Allemagne, rentra en France au commencement du Consulat et vécut dès lors, jusqu’à la fin de sa longue existence, dans une retraite absolue, d’où il ne sortit qu’un moment, pendant les Cent-Jours, pour siéger à la Chambre des représentants comme député de la Somme. Il a

publié, en 1843, des Observations rectificatives sur les notices relatives à ses frères Charles et Alexandre, qui se trouvent dans la biographie Michaud.

LAMETH (Charles-Malo-François, comte de), frère des précédents, né à Paris en 1757, mort en 1832. Il alla, comme ses frères, combattre pour l’indépendance américaine. Il était alors capitaine, et il servit d’une manière brillante sous Rochambeau. À la prise d’Yorktown, affaire décisive pour la liberté américaine, il fut grièvement blessé de deux coups de feu dans une action d’éclat, ce qui lui valut la croix de Saint-Louis, puis, mais non pas immédiatement, comme on le lit partout, le grade de colonel en second des dragons d’Orléans. Ce ne fut aussi que huit ans après cette affaire qu’il devint colonel commandant des cuirassiers du roi, régiment que son père avait autrefois commandé, il dut ce grade moins à la faveur, quoi qu’on en ait dit, qu’à sa conduite dans la guerre d’Amérique. En outre, il paya son brevet 100,000 francs, suivant les coutumes d’alors.

En 1789, il fut élu député aux états généraux par la noblesse de l’Artois. S’il ne lit point partie de la minorité de la noblesse qui, après la séance royale du 23 juin, se réunit au tiers état, c’est qu’à cet égard son mandat était absolu. Quant à son opinion personnelle, elle n’était pas douteuse. Aussi, lorsque la réunion des trots ordres eut constitué l’Assemblée nationale, il prit place au côté gauche et se prononça pour les réformes et pour le régime constitutionnel. Orateur facile, il acquit une certaine popularité en combattant le parti de la cour, se prononça contre le marc d’argent, comme condition d’éligibilité, pour la liberté de la presse et l’égalité des cultes, contre les privilèges nobiliaires, et fut nommé, en 1790, membre du comité des recherches. En cette qualité, il eut à faire une perquisition nocturne au couvent des Annonciades, pour y découvrir les traces de M. de Barentin, un des ministres décrétés d’accusation. Les journaux royalistes s’égayèrent fort de cette expédition, et le mar LaMÊ

quis de Bonay en fit le sujet d’un petit poème assez agréable, la Prise des Annonciades, qui débutait ainsi :

Je chante ce héros de milice bourgeoise, Orateur à Paris, général ô. Pontoise.

En réalité, cette visite chez les nonnes des Annonciades, faite en grand appareil avec force troupes, comme s’il s’agissait d’un siège, n’était qu’une comédie qui avait bien plutôt pour but de faire évader M. de Barentin, dans le cas où il eût été caché dans le couvent, dont l’abbesse était sa propre sœur. Les membres du comité restèrent fort longtemps auprès de Mm« de Barentin, pour laisser supposer à la foule du dehors qu’ils se livraient a de minutieuses recherches. Mais leur perquisition fut purement fictive et se borna à une longue causerie sur toutes sortes de sujets, excepté sur celui qui était l’objet de leur mission.

Les royalistes n’en gardèrent pas moins une aigre rancune à Laineth, taudis que les patriotes seuls avaient été joués.

Quelque temps après, Charles, de Lameth ayant été blessé dans un duel politique par le duc de Castries, le peuple, furieux, alla dévaster l’hôtel de ce dernier.

Lors des discussions sur le Livre rouge, Lameth, dit la Biographie de Leipzig, reproduite textuellement par la Biographie Michaud, «garda le silence, parce qu’il s’y trouvait porté pour des sommes considérables, que son éducation et celle de ses frères avaient coûtées au roi, et fit reporter au trésor royal l’argent qui en avait été tiré pour sa famille, lequel ne se montait pas à moins de 60,000 fr. »

Que Mme de Lameth la mère, qui était sœur, fille et petite-tille de trois maréchaux de France, veuve depuis près de trente ans d’un général, ait reçu une pension minime, cela n’aurait rien eu que de conforme aux usages. Encore, cela n’a pas été vérifié. « Ce que j’aflirme, dit Théodore de Lamoth dans la brochure que nous avons citée à sa notice, c’est que nous n’avons eu, à notre connaissance, aucune obligation du genre que l’on, suppose, si ce n’est à notre mère, et très-particulierement à notre aïeul, qui a plus que

suffi à ce qui nous était nécessaire. »

Quoi qu’il en soit, Charles de Lameth ne garda point le silence ; aux allusions concernant sa famille il répondit nettement qu’il ne croyait pas qu’elle fut inscrite Sur le livre des pensions, mais que la supposition seule du fait lui indiquait ce qu’il avait à faire. Le lendemain même, il déposa, non au trésor royal, mais sur le bureau du président de l’Assemblée, la somme de 60,000 fr.

Dans les débats sur le droit de paix et de guerre, il soutint fort sagement que cette prérogative devait appartenir exclusivement à la nation. Plusieurs fois, il lutta contre Mirabeau lui-même, notamment lorsqu’il demanda que les membres de la famille royale, sauf le roi et le Dauphin, ne pussent jouir d’aucun privilège en dehors du droit commun. En janvier 1791, il fit décréter que tous tes ecclésiastiques prêteraient le serment à la constitution civile du clergé ou que leurs places seraient déclarées vacantes. Enfin, lors de la fuite du roi, il insista pour l’adoption de mesures énergiques, notamment l’arrestation de Bouille et des officiers suspects d’aristocratie. Cependant, nommé président de l’Assemblée te 3 juillet suivant, il se montra fort opposé à la déchéance.

Vers la fin de la session, le parti constitutionnel, se sentant débordé par l’extrême gauche, cherchait, comme on le sait, les moyens de revenir sur beaucoup de mesures qu’il avait adoptées par entraînement plutôt que par conviction, et de rendre à la royauté quelques-unes des prérogatives qui lui avaient été enlevées. Il fut même question de reviser en ce sens la constitution. Charles de Lameth, qui était feuillant bien plutôt que démocrate, prit une part assez active à ce mouvement rétrograde, très-énergiquement prononcé, mais tout à fait impuissant. Il n’eut pas, d’ailleurs, le temps de se compromettre dans ces menées politiques qui prenaient de plus en plus le caractère de petites intrigues. À la lin de 1791, il alla commander un corps de cavalerie à l’armée du Nord, sous Rochambeau, remplacé bientôt par La Fayette. À ce moment, les divisions qui avaient existé précédemment entre les Lameth, Duport, Barnave et le groupe de leurs amis, d’une part, et La Fayette, de l’autre, avaient cesse depuis le massacre du Ohamp-de-Mars, dans lequel toutes les nuances du parti constitutionnel s’étaient compromises. Dès lors, il n’était plus question entre ces groupes rivaux que de latter contre les démocrates et d’enrayer la Révolution, dans le but illusoire de « sauver la monarchie » au milieu de ce naufrage de toutes les institutions de l’ancien régime.

Après la journée du 10 août, Charles de Lameth, qui ne paraît pas avoir pris une grande part auxmanœuvres fayettistes, lit un voyage en Normandie et fut arrêté à Yvetot, puis conduit à Rouen. Il fut remis en liberté par les efibrts de son frère Théodore, qui était membre de l’Assemblée législative, se retira peu de temps après à Hambourg, où il fut rejoint par son frère Alexandre, et monta avec lui une maison de commerce. Après le 18 brumaire, il rentra en France, fut employé par l’empereur en Allemagne, en 1809, et nommé gouverneur de Sautona, en Espagne (1812),

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place qu’il remit, en 1814, h. Ferdinand VII, d’après les ordres do Louis XVIII, qui le nomma lieutenant général. Il vécut dès lors dans la retraite jusqu’en 1829, fut nommé à cette époque député par le collège de Pontoise, fit partie des 221, protesta contre les ordonnances de juillet, adhéra à la Révolution, mais, avec cette inconséquence des vieux constitutionnels, vota ensuite en faveur do l’hérédité de la pairie. Comme la plupart des députés qui avaient concouru au renversement des Bourbons, il était engagé dans les voies d’une nouvelle réaction, lorsque la mort vint l’enlever.

LAMETH (Alexandre - Théodore - Victor, comte dk), frère des précédents, né à Paris en 1760, mort en 1S29. Capitaine au régiment de Royal-Cavalerie, il partit, comme ses frères, pour combattre en Amérique dans les guerres de la liberté, dirigea l’attaque contre la Jamaïque, fut aide de camp de Rochambeau, et fut nommé, à son retour, colonel de cavalerie (1785). Député de la noblesse de Péronne aux étals généraux de 1789, il fut un des premiers de son ordre à se réunir au tiers état, n’ayant pas, comme son frère Charles, de mandat impératif à cet égard. Comme la plupart des jeunes nobles qui avaient fait la guerre d’Amérique, il avait rapporté des idées d’indépendance républicaine qui, combinées’avec les principes philosophiques du xvnio siècle, étaient naturellement incompatibles avec les institutions do l’ancien régime. Aussi prit-il sa place sur les bancs de la gauche, comme son frère, et se mit-il à poursuivre avec une ardeur passionnée la réalisation de toutes les réformes. Dans la nuit mémorable du 4 août, il se prononça contre les privilèges féodaux, fut un de ceux qui donnèrent l’exemple en faisant publiquement l’abandon de ceux qu’il possédait, proposa dès le 8 août d’hypothéquer les biens du clergé en faveur des créanciers de l’État, combattit Mirabeau dans la question du veto, qu’il ne voulait que suspensif, attaqua avec beaucoup de vigueur les parlements et fut un de ceux qui contribuèrent le plus à leur dissolution. En février 1790, il présenta un rapport sur l’organisation de l’armée, demanda ensuite que l’on fit enlever les statues symboliques des provinces enchaînées aux pieds de Louis XIV, sur la place des Victoires, et fut le premier à mettre en question si on laisserait au roi le droit de paix et de guerre. À la suite de cette séance, lui et son frère furent accueillis à la sortie de l’Assemblée par des milliers de patriotes réunis pour les acclamer. Il se prononça aussi pour l’abolition progressive de l’esclavage dans les colonies, pour la liberté absolue de la presse, et généralement contre tous les privilèges nobiliaires, ecclésiastiques et gouvernementaux.

Il ne combattit pas seulement Mirabeau ù la tribune de l’Assemblée, pour ses tergiversations dont nous avons aujourd’hui le secret, mais encore aux Jacobins, dans une séance fameuse, à la suite de laquelle Camille Desmoulins écrivit dans son journal : « Hercule-Mirabeau a perdu sa massue ; Alexandre Lameth.la lui a arrachée. »

À propos de cette exécution, Théodore Lameth, qui en avait été témoin, rapporte cet épisode, dont il affirme sur l’honneur l’exactitude :

« Pendant la torture qu’il endurait, couvert de sueur, Mirabeau, assis près de la tribune, à la droite d’Alexandre, le tira plusieurs fois par son habit, et, avec l’accent suppliant, répéta : « Assez, assez 1 » Mais celui qui le démasquait lui répondit : « Non I vous êtes trop perfide, vous l’avez été trop de fois. » Membre du comité militaire, qui l’élut constamment son président, il proposa beaucoup de réformes, dont la plupart furent successivement adoptées. On rapporte même une

anecdote assez curieuse. Son projet sur la réorganisation de l’armée avait fait une telle impression, qu’à la fin de la séance un lieutenant général, membre exalté du côté droit, vint à lui et lui dit : « Quand nous aurons fait la contre-révolution, ce qui ne tardera pas, vous serez pendu ; mais je demanderai que votre organisation soit conservée, car elle no laisse rien à désirer. •

Après la fuite de Varennes, il se fit dans son esprit le même revirement qu’on peut signaler chez la plupart des constitutionnels, qui eussent voulu arrêter.la Révolution au point précis qu’ils lui avaient assigné pour but. Alexandre entra dès lors en relations secrètes avec la cour, en même temps que Barnave et autres, qui se flattaient d’attacher le roi aux principes constitutionnels et de terminer pacifiquement la Révolution. Ces relations, dont on a trouvé les preuves dans l’Armoire de fer, étaient d’ailleurs désintéressées. Comme ses amis, it se bornait à donner des conseils qu’on feignait d’accueillir, mais sans les suivre, car la cour, asservie à la faction du passé, détestait presque autant la politique constitutionnelle que les principes révolutionnaires. Cette politique de compromis et

d’équivoques n’eût point d’ailleurs sauvé la royauté.

Au commencement de la campagne de 1792, Alexandre Lameth alla servir à l’armée du Nord, sous Luckner et sous La Fayette, entra dans les projets do ce dernier, après le 10 août, partagea sa fuite, fut pris en même temps que lui par les Autrichiens, en-