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corps réellement simples et homogènes dans leur constitution. || Atomes composés, Atomes hétérogènes combinés en un seul atome, comme il arrive dans les corps composés.

— Méd. Atomes homéopathiques, dose à laquelle les médecins homéopathes administrent les remèdes préparés par les atténuations, pour éviter les aggravations des symptômes.

Encycl. I.Les atomes dans la physique et la métaphysique des anciens. L’expérience de tous les jours montre que les corps peuvent être réduits en parties fort petites, et cette divisibilité ne semble avoir que la limite opposée par la grossièreté de nos organes et de nos instruments. Lorsqu’un corps est réduit en une poudre impalpable, les grains de cette poudre paraissent, à l’œil armé d’un microscope, pouvoir toujours, quelque petits qu’ils soient, subir une nouvelle division. Cette divisibilité des corps n’a-t-elle aucune limite, ou, au contraire, pourrait-on arriver, après un grand nombre de sections, à des parcelles persistantes, inaltérables et indivisibles ? Les premières méditations faites sur la nature devaient rencontrer cette question : c’est celle des atomes.

Elle paraît s’être posée pour la première fois vers l’an 500 av. J.-C. A cette époque, s’était formée en Grèce, à Elée, une école philosophique bien connue sous le nom d’Ecole eléatique. Les éléates établissaient l’infinité de l’être, et de cette infinité déduisaient l’unité, l’indivisibilité, l’immutuabilité et l’immobilité de l’univers. Voici la suite de leurs raisonnements : l’être ne peut être fait du non-être ; il ne peut se changer en non-être ; donc il n’ a ni commencement ni fin ; donc il est infini. S’il est infini, il est un, car s’il y en avait deux êtres, ils se limiteraient réciproquement, et, par conséquent, ne seraient pas infinis. Si l’être est un, il est immuable ; car un seul être est toujours semblable à lui-même ; s’il pouvait s’altérer ou devenir plus grand, il ne serait pas un. Il est immobile parce qu’il ne peut être mû par rien, ni se mouvoir vers rien, puisque rien n’est hors de lui. Une autre raison de son immobilité, c’est que son unité et son infinité ne comportent pas l’existence du vide, ni hors de lui, ni en lui. Pas de vide, pas de mouvement ; comment l’être se déplacerait-il, comment resserrerait-il en lui-même, s’il remplit tout l’espace ? Comment le mouvement se produirait-il à travers le plein ? Les sens, il est vrai, nous montrent, dans le monde, pluralité et composition ; mais ce témoignage des sens peut et doit être récusé par la raison ; celle-ci nous dit que les deux modes d’existence de l’être, le temps et l’espace, sont continus, et que la divisibilté du continu ne pouvant être conçue que comme infinie est contradictoire, se réduit à l’absurde et équivaut à l’indivisibilité, puisqu’elle ne nous permet jamais d’atteindre les unités qui composent la prétendue pluralité du monde.

Ainsi, suivant les éléates, l’un, l’infini, l’immobile, le plein, le continu, l’indivisibilité, c’était la réalité donnée par la raison ; la pluralité, le mouvement, le vide, la discontinuité, c’était l’illusion produite par les sens. Qu’il y ait eu des gens qui aient refusé d’admettre cet antagonisme de la raison et de l’expérience, on le comprend facilement. Aussi, bientôt, vit-on Leucippe s’élever contre les éléates, et, tenant le témoignage des sens pour quelque chose, essayer de rétablir l’existence du vide, condition du mouvement. Il est juste de noter, avec M. Dumas, que, pour combattre ses adversaires, il employait de singuliers arguments, et que ses expériences offrent un contraste curieux entre leur prodigieux défaut de précision et l’extrême importance des conclusions qu’il en tirait. C’est ainsi qu’il prétendait qu’un vase plein de cendres pouvait recevoir autant d’eau que s’il eût été vide. « Que faisait-il donc, dit M. Dumas, de la cendre dont l’eau prenait la place ? La différence des quantités de liquides nécessaires dans les deux cas était pourtant facile à reconnaître. Je ne sais, ajoute l’éminent chimiste, si nous argumentons beaucoup mieux qu’alors, mais on conviendra du moins que l’art de l’expérimenter a fait quelques progrès depuis Leucippe. »

Quoi qu’il en soit, Leucippe regardait la matière comme une éponge dont les grains isolés nagent dans le vide. Ces grains sont solides, plein, impénétrables, infiniment petits. Tous les corps que nous connaissons sont ainsi formés de vide et de plein. Avec l’élément matériel, ou l’élément du plein, avec le vide et avec le mouvement, Leucippe constitue le monde ; il donne aux grains qui le composent des figures diverses, et explique ainsi la dissemblance des diverses sortes de matières que nous observons. Il admet, d’ailleurs (ce qui semble une prévision de l’isomérie des chimistes modernes), que les éléments matériels, bien qu’en même nombre et de même figure, peuvent, en se groupant de diverses manières, produire des corps très-divers, de même que les lettres de l’alphabet, en variant leur assemblage, peuvent fournir également bien une comédie ou une tragédie. Enfin, il se rend compte de la production et de la destruction des corps par l’aggrégation et par la dissociation des particules matérielles.

Partis du principe de l’unité de l’être, les éléates s’étaient trouvés conduits à mettre entre la raison et les sens une barrière infranchissable, et à nier, au niom de la première, le vide et le mouvement ; en partant du mouvement et du vide, Leucippe aboutit à la pluralité, à la multiplicité infinie de l’être ; il se borna, du reste, à affirmer le mouvement, le vide et les éléments matériels, sans se prononcer sur la divisibilité et la durée de ces éléments.

Démocrite alla plus loin que Leucippe, son maître ; il posa, le premier, que la matière n’est pas divisible à l’infini, et que tout corps est composé de particules insécables et inaltérables ; le premier, il se servit, pour désigner ces particules, du nom d’atome, qui devait avoir dans la philosophie et dans la science une si heureuse fortune. Ne pouvant concevoir le passage de l’unité rationnelle des éléates à la pluralité apparente et sensible, Démocrite voit sous cette dernière une pluralité réelle qui rétablit l’accord de la raison et de l’expérience. Sans doute, dit-il, l’être vrai, la véritable unité, c’est l’être plein ; mais de ces êtres pleins, il en existe une infinité et non point un seul ; ils sont portés dans le vide, séparés les uns des autres par le vide ; ils sont invisibles à cause de la petitesse de leur volume ; ils s’assemblent pour la génération, et pour la dissolution se désagrègent. Ainsi, la transformation, l’accroissement des corps devient intelligible ; la coexistence dans l’être de l’un et du rien, de l’atome et du vide, explique tous les phénomènes. L’atome est indivisible parce qu’il est sans parties ; il est indivisible parce qu’il est plein, c’est à dire sans vide intérieur. Maintenant, en quoi les atomes diffèrent-ils les uns des autres ? Ils diffèrent en grandeur et en figure, et comme le nombre des figures est infini, il existe une infinité d’atomes ou de corps premiers, simples, élémentaires, qui se meuvent éternellement dans l’infini du vide en se choquant et se repoussant mutuellement. Ils ne sont doués d’aucune pesanteur essentielle, pas plus qu’ils ne le sont des autres qualités sensibles ; le pesant et le léger, le dur et le mou résultent dans les mixtes, de la proportion du vide dans les pleins.

De l’atome, Démocrite passa au groupe : il existe, dit-il, trois choses dans un groupe, le rysme, la diathèse et le trope. Le premier de ces termes exprime la figure spéciale apportée par l’atome ; la diathèse est l’ordre ou l’arrangement que peut effectuer un assemblage d’atomes ; le trope est la position variée que tel ou tel atome peut occuper. Ainsi, tout naît de la combinaison et de l’agacement, et l’on peut dire, d’une certaine manière, que les êtres composés sont des nombres, comme le prétendait les pythagoriciens. En se groupant, les atomes forment le feu, l’eau, l’air, la terre, concrétions que leur solidité rend impassables et met à l’abri des transformations ; par leurs torbillons portés circulairement dans l’espace, ils composent le soleil, la lune, la terre et tous les astres.

Les idéés atomiques de Démocrite furent adoptées par Epicure. Suivant ce dernier, l’univers est corps en partie, en partie vide ; les sens nous rendent témoignage de l’existence des corps ; quant au vide, s’il n’existait pas, les corps n’aurait ni place à occuper, ni moyen de se mouvoir. Les corps peuvent être envisagés de deux manières, comme composés et comme composants ; ceux-ci, dont tous les autres sont formés, sont indivisibles, inaltérables, éternels ; ce sont des atomes. Les atomes ont trois qualités : figure, grandeur, poids. Le nombre des figures diverses des atomes n’est pas infini, car ce qui est fini ne peut recevoir une infinité de modifications ; mais il est indéterminable, sans cela nous ne verrions pas tant de composés différents. La grandeur de l’atome est toujours déterminée ; ni la divisibilité à l’infini, ni l’absence de terme à la petitesse ne peuvent être admises dans les corps ; car il faudrait admettre qu’un nombre infini forme un assemblage fini, et que deux composés, évidemment inégaux, contiennent un nombre également infini de parties. Le poids, enfin, est une impulsion interne de l’atome, qui le précipite de haut en bas dans le vide. Si les atomes n’avaient pas d’autre mouvement que celui de la pesanteur, tombant tous dans le vide avec la même rapidité, ils ne pourraient ni se choquer, ni s’accrocher, et démeureraient dans une parfaite indépendance les uns des autres ; mais leur chute n’est pas exactement perpendiculaire ; ils possèdent une force qu’Epicure appelle force de déclinaison et qui les fait dévier un peu de la direction que leur imprime la pesanteur ; et c’est cette force de déclinaison qui explique la formation de tous les composés, en un mot, la création du monde. Les composés qui proviennent de la rencontre et du groupement des atomes doivent toutes leurs qualités aux diverses dispositions de leurs éléments. Toute transposition amène à un changement : il n’y a de permanent que l’atome et ses trois propriétés essentielles.

Après Epicure, Lucrèce, qui força, dit Voltaire, la langue latine à exprimer les idées philosophiques, et à les exprimer en vers, Lucrèce admit les atomes et le vide. On trouve dans son beau poëme, De Natura rerum, les idées d’Epicure developpées, étendues, embellies par l’harmonie du language.

Le poëte montre d’abord que le vide est la condition du mouvement ; que hors de la matière et du vide il ne se peut rien imaginer, rien concevoir ; que les principes de la matière sont solides et éternels : solides, parce qu’ils ne renferment pas de vides dans leur tissu ; éternels, parce qu’ils sont solides. Malgré cette solidité des éléments, ajoute-t-il, comme tous les corps sont mélés de vide, il n’y en a pas un qui ne puisse s’amollir, et prendre la nature de l’eau, de l’air, de la terre et du feu. Au contraire, si les éléments étaient mous, il serait impossible d’expliquer la formation des cailloux et du fer : la nature n’aurait plus de base dans ses ouvrages. Les éléments de la matière sont donc simples et solides ; et c’est leur union plus ou moins étroite qui donne aux corps leur dureté et leur résistance.

Huc accedit, uti solidissima material
Plie et tombe de haut, mon Dieu, quand il te nomme !
Corpera cum constant, possint tamen omnia reddi
Mollia quæ fiant, aer, aqua, terra, vapores,
Quo pacto fiant, et qua vi cumque genatur,
Admistum quoniam simul est in rebus inane.
At contra, si mollia sint primordia rerum,
Unde queant validi silices ferrumque creari
Non poterit ratio reddi : nam funditus omnis
Principio fundamenti natura carebit.
Sunt igitur solida pollentia simplicitate
Quorum condenso magis omnia conciliatu
Arctari possunt, validasque ostendere vires.

Suivant Lucrèce, c’est la stabilité de ces éléments, simples et solides, qui assure la fixité des espèces, qui donne des bornes à la puissance productrice de la nature, et qui explique pourquoi les siècles ramènent les mêmes temperaments, les mêmes mouvements, la même manière de vivre et les mêmes mœurs dans les générations différentes. Combattant l’homœomérie d’Anaxagore, il fait cette remarque très-juste que les os ne sont pas composés d’atomes d’os, le sang d’atomes de sang ; car puisque notre corps s’accroît par la nourriture, toutes ses parties doivent être formées d’éléments hétérogènes, ou bien les aliments renfermerait des atomes de chair, de sang, etc., et ce seraient eux qui seraient formés d’atomes de natures différentes.

Quels sont les éléments essentiels des atomes ? Ce sont, outre la solidité, l’indivisibilité et l’éternité, le mouvement et la figure. Le mouvement est essentiel aux atomes, parce qu’il n’y a pas de centre où ils puissent jamais s’arrêter ; ce mouvement est de la plus grande rapidité, parce qu’ayant le vide pour théâtre, il ne rencontre aucun obstacle ; la direction est de haut en bas, et si nous voyons des corps s’élever, comme la flamme, c’est un état forcé, contraire à leur tendance naturelle ; pourtant il ne faut pas croire que la chute des atomes soit rigoureusement perpendiculaire ; « s’ils n’avaient pas la faculté de décliner un peu de la ligne droite, ils tomberaient parallèlement dans le vide comme les gouttes de pluie ; jamais ils ne se seraient rencontrés ni heurtés ; jamais la nature n’eût rien produit » :

Quod nisi declinare solerent omnia deorsum,
Imbris uti guttæ, caderent per inane profundum,
Nec foret offensus natus, nec plaga creata
Principiis : ita nil unquam natura creasset.

Voilà ce que la raison nous fait découvrir ; car nous ne pouvons pas même apercevoir l’atome, bien loin d’en distinguer les mouvements. C’est encore la raison qui nous éclaire sur les figures des atomes ; elle nous dit que les corps qui nous environnent ne pourraient agir sur nos sens de tant de manières différentes, si leurs atomes n’étaient diversement configurés. « Les corps durs et compactes doivent avoir des atomes plus recourbés, plus intimement unis et entrelacés comme des rameaux  » :

. . . . Quæ nobis durata ac spissa videntur
Hæc magis hamatis inter sese esse necesse est
Et quasi ramosis alte compacta teneri.

Les corps liquides ne peuvent être composés que de parties lisses et sphériques :

Illa autem debent ex levibus atque rotundis
Esse magis, fluido quæ corpore liquida constant.

Si les atomes ont des figures déterminées, ils n’ont pas de couleur, parce qu’ils ne reçoivent pas la lumière, et que c’est la lumière qui produit la couleur :

. . . Quoniam nequeunt sine luce colores
Esse, neque in lucem existunt primordia rerum
Scire licet quam sint nullo velata colore.

Une autre raison ne permet pas de leur accorder la couleur ; c’est qu’il n’est pas de couleur qui ne se puisse convertir en toute autre ; or, les atomes ne peuvent subir de pareils changements ; leur nature exige qu’ils soient immuables, sans quoi l’univers serait anéanti :

Omnis enim color omnino mutatur in omnes
Quod facere haud ullo debent primordia pacto.
Immutabile enim quiddam superare necesse est
Ne res ad nihilum redigantur funditus omnes.

La couleur n’est pas, du reste, la seule qualité sensible refusée par la nature aux atomes ; ils sont encore inaccessibles au froid, au chaud, privés de sons, de saveurs et d’odeurs. Ils sont de plus insensibles, et ce n’est qu’à leur situation et à leurs mouvements respectifs qu’est due la sensibilité dont jouissent certains groupes. Règle générale, c’est par la diversité des modes de groupement des atomes qu’il faut expliquer la diversité des qualités des corps. Les atomes ressemblent aux lettres dont nous formons les mots ; c’est leur arrangement qui donne, en quelque sorte, aux corps leurs divers sens :

. . . Esdem cœlum, mare, terras, flumina, solem
Significant ; eadem fruges, arbusta, animantes.

II.Les atomes dans la physique et la métaphysique du xviie et xviiie siècle. La question des atomes et celle du vide, qui avaient été l’objet de tant de discussions en Grèce, furent de nouveau soulevées au commencement du xviie siècle. Descartes rejetait les atomes et le vide, parce qu’il ne concevait aucune discontinuité dans l’étendue, aucune limite à sa division, et qu’il ne séparait pas l’idée d’étendue de celle de matière. « La nature de la matière ou de corps pris en général, dit-il, ne consiste point en ce qu’il est une chose dure, ou pesante, ou colorée, ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement en ce qu’il est une substance étendue en longeur, largeur et profondeur. Pour ce qui est la dureté, nous n’en connaissons autre chose par le moyen de l’attouchement, sinon que les parties des corps durs résistent au mouvement de nos mains lorsqu’elles le rencontrent ; mais si, toutes les fois que nous portons nos mains quelque part, les coprs qui sont en cet endroit-là se retiraient aussi vite comme elles en approchent, il est certain que nous ne sentirions jamais de dureté ; et, néanmoins, nous n’avons aucune raison qui nous puisse faire croire que les corps qui se retireraient de cette sorte perdissent pour cela ce qui les fait corps. D’où il suit que leur nature ne consiste pas en la dureté que nous sentons quelquefois à leur occasion, ni aussi en la pesanteur, chaleur et autres qualités de ce genre ; car si nous examinons quelque corps que ce soit, nous pouvons penser qu’il n’a en soi aucune de ces qualités, et cependant nous connaissons clairement et distinctement qu’il a tout ce qui le fait corps, pourvu qu’il ait de l’extension en longueur, largeur et profondeur ; d’où il suit aussi que, pour être, il n’a besoin d’elles en aucune façon, et que sa nature consiste en cela seul qu’il est une substance qui a de l’extension…

Pour ce qui est du vide, au sens que les philosophes prennent ce mot, à savoir pour un espace où il n’y a point de substance, il est évident qu’il n’y a point d’espace en l’unvers qui soit tel, parce que l’extension de l’espace ou du lieu intérieur n’est point différente de l’extension du corps. Et comme de cela seul qu’un corps est étendu en longueur, largeur et profondeur, nous avons raison de conclure de même de l’espace qu’on suppose vide, à savoir que puisqu’il y a en lui de l’extension, il y a nécessairement de la substance…

Il est aussi très-aisé de connaître qu’il ne peut pas y avoir d’atomes, c’est-à-dire de parties des corps ou de la matière, qui soint de leur nature indivisibles, ainsi que quelques philosophes ont imaginé. D’autant que, pour petites qu’on suppose ces parties, néanmoins, parce qu’il faut qu’elles soient étendues, nous concevons qu’il n’y en a pas une d’entre elles qui ne puisse être encore divisée en deux ou plus grand nombre d’autres plus petites, d’où il suit qu’elle est divisible. Car de ce que nous connaissons clairement et distinctement qu’une chose peut être divisée, nous devons juger qu’elle est divisible, parce que, si nous en jugeons autrement, le jugement que nous ferions de cette chose serait contraire à la connaissance que nous avons. »

Gassendi, au contraire, l’adversaire le plus constant de Descartes, fit revivre les idées d’Epicure et composa l’univers d’atomes. Mais les atomes de Gassendi ne s’accrochent pas comme ceux d’Epicure et de Lucrèce ; ils ne se touchent même pas. Tenus à distance par des forces qui les dominent, ils laissent entre eux beaucoup de vide, et leur assemblage ne présente que peu de plein : « Ainsi, dit M. Dumas, Gassendi, perfectionnant l’image que l’on se faisait des atomes et de leurs rapports mutuels, l’a rapprochée de celle que nous nous en faisons aujourd’hui, en admettant des forces qui tiennent les atomes en équilibre, et des espaces qui les séparent et qui sont beaucoup plus étendus que les atomes eux-mêmes. » Du reste, il prêtait à ces atomes des propriétés de fantasie ; il formait la lumière d’atomes ronds, expliquait par des atomes paticuliers le froid, le chaud, les sons, les saveurs, les odeurs, etc.

La découverte de l’attraction universelle, en faisant jouer des idées cartésiennes sur le plein, conduisit Newton à admettre les atomes. Leibnitz combattit tout à la fois et l’attraction comme incompréhensible, c’est-à-dire chimérique ou miraculeuse, et le vide et les atomes comme incompatibles avec l’infinie perfection de Dieu. « Tout ceux, dit-il, qui sont pour le vide se laissent plus mener par l’imagination que par la raison. Quand j’étais jeune garçon, je donnais aussi dans le vide et dans les atomes ; mais la raison me ramena. L’imagination était riante. On borne là ses recherches, on fixe sa méditation comme avec un clou, on croit avoir trouvé les premiers éléments, un non plus ultrà. Nous voudrions que la nature n’allât pas plus loin, qu’elle fût finie comme notre esprit ; mais ce n’est point connaître la grandeur et la majesté de l’auteur des choses. Le moindre corpuscule est actuellement subdivisé à l’infini, et contient un monde de nouvelles créatures, dont l’unvers manquerait si ce corpuscule était un atome, c’est-à-dire un corps tout d’une pièce sans subdivision. Tout de même, vouloir du vide dans la nature, c’est attribuer à Dieu une production très-imparfaite ; c’est violer le grand principe de la nécessité d’une raison suffisante… Je pose que toute perfection que Dieu a pu mettre dans les choses sans