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pendant près de trente ans avec une mâle Constance et une infinie variété de ressources, au travers d’obstacles sans cesse renaissants. Jl poursuivit sans relâche l’extinction des tyrannies dans les villes du Péloponèse, agrégea it la ligue Mégalopolis, Mantinée, Argos, Trêzène, Corinthe, Epidaure, etc., combattit les Etohens, ébranla la domination des Macédoniens dans toute la Grèce, et étendit l’influence de la-confédération sur le plus grand nombre des États helléniques ; mais en 224, battu par Cléomène, roi de Sparte, il ne craignit point d’appeler au secours de la ligue ces ennemis contre lesquels il avait lutté pendant trente ans, et fit nommer Antigone Doson, roi de Macédoine, généralissime de la confédération. Sans doute qu’à ce moment il redoutait de voir retomber le Péloponèse sous le joug de Sparte, dont le despotisme et la cruauté avaient laissé de si amers souvenirs, et que la suprématie macédonienne, qui s’exerçait de plus loin, lui sembla moins humiliante et moins dure ; mais il n’en prépara pas moins ainsi la ruine de la ligue Aehéenne. Aratus mourut empoisonné par Philippe III, successeur d’Antigone.' Il avait écrit une Histoire de la ligue Achéenne, que Polybe cite avec éloge et que Plutarque a pu. consulter.

ARATUS, poëte et astronome grec, né à Soli ou à Tarse en Cilicie, florissait vers le milieu du ntc siècle av. J.-C. Il vécut à la cour d’Alexandrie, auprès de Ptolémée Philadelphe, puis fut appelé en Macédoine par Antigone Gonathas, qui le prit en grande amitié. Aratus tient la première place parmi ces versificateurs de l’école alexandrine qui s’étaient donné pour mission de vulgariser la science par la poésie, de la fixer dans la mémoire par le rhythme et l’harmonie. Son poème astronomique intitulé les Phénomènes présente le tableau des notions qu’on possédait de son temps sur la terre, les corps célestes, les pronostics ou signes précurseurs des changements de temps, etc. Ce poème, purement didactique, se recommande par une disposition régulière et méthodique, des épisodes heureux et une versification élégante et soignée. Il était fort admiré des Grecs et des Romains. Eratosthène et Hipparque l’ont commenté. Cicéron, César, Ovide, l’ont traduit ou imité en vers latins. Enfin il eut une foule de scoliastes et de commentateurs jusque dans le vie siècle de l’ère chrétienne. Il en existe un grand nombre d’éditions et de traductions. L’abbé Halma en a donné une traduction française en 1823.

ARAC. V. Aarau.

ARAUCAN s. m. (a-rô-Ran). Linguist. Idiome des habitants de l’Araucanie, contrée de l’Amérique méridionale.

— Encycl. L’araucan est la langue des Molouches ou Araucans, qui habitent le Chili, l’Araucanie et la Patagonie. Les Molouches forment une population compacte qui se subdivise on plusieurs tribus, dont les principales sont : les Picunche, les Puelche, les Muilliche, etc. Les Araucans, qui ont longtemps lutté avec succès pour leur indépendance, sont, comparativement aux autres habitants de l’Amérique du Sud, dans un état de civilisation relative. Le nom de Molouche signifie proprement homme de guerre (dé moloun, guerre, et de che, gens). La langue molouche, comme la plupart des langues américaines^ appartient a la souche agglutinante. Elle rejette certains sons de nos langues et en adopte d’autres qui leur sont inconnus. Les sifflantes s et z sont rares, principalement a la fin des mots, qui sont généralement terminés par une voyelle ou par une des consonnes : 6, d, f, g, l, m, r ou v. Les substantifs dérivent des verbes au moyen de terminaisons uniformes. Le genre n’existe pas, à proprement parler, et quand on veut spécifier te sexe d’un être vivant, on fait suivre le mot de alca ? homme, ou de domo, femme. Les diminutifs sont rarement employés. Le duel et le pluriel se retrouvent dans les substantifs et dans les verbes. La déclinaison s’opère au moyen de particules postposées. Les adjectifs sont primitifs ou dérivés et ont des terminaisons spéciales pour marquer les degrés de comparaison. Les pronoms sont déclinables. Les verbes se conjuguent d’une manière uniforme et compliquée qui rappelle les conjugaisons complexes des langues agglutinantes en général et du turc en particulier. Les compléments directs et indirects s’accolent aux verbes dans des proportions indéfinies, de manière à former des mots démesurément longs. Nous citerons par exemple ce mot, qui cependant n’est pas des plus longs : induamctotavin, je ne veux pas manger avec lui. L’araucan possède a la fois des postpositions et des prépositions. Les adverbes dérivent directement des adjectifs ou des verbes par l’adjonction de la syllabe geti.

Jj’araucan se subdivise en un assez grand nombre de dialectes, dont les plus grandes divergences consistent la plupart du temps dans des différences persistantes de prononciation et des prédominances de certaines articulations. En résumé, l’araucan est une des langues les plus riches et les plus sonores de l’Amérique du Sud. Il est parlé encore aujourd’hui avec une grande pureté, à cause de la fière indépendance des Araucans, qui veillent avec un soin jaloux à ne pas y introduire de mots espagnols. Quoique les Araucans ne connaissent pas l’usage de l’écriture, ils possèdent cependant une littérature très-originale. Ils ont un goût marqué pour l’élo ARA

I quence et 1* poésie. Leurs vers, sans obéir

à des règles invariables de prosodie, ne man | quent pas d’harmonie, grâce à quelques asso ' nances et consonnances qui viennent ça et là

donner àl’oreillela satisfaction qu’elle réclame.

Leurs vers sont généralement de huit ou de

onze syllabes, et leurs poésies sont destinées

à perpétuer la mémoire des exploits de leurs

guerriers célèbres. La langue des Araucans a

! même eu les honneurs de l impression, et l’on

I a publié non-seulement des grammaires et des

I dictionnaires, mais même une épopée tout

entière.

Arauenn» (l'), poème épique, en trente-sept chants, d’Alonzo de Ercilla. Ce poème a pour sujet l’expédition qu’entreprit Philippe II contre les Araucans, un des peuples du Chili qui résistèrent aux Espagnols avec le plus de courage et d’opiniâtreté. Ercilla, qui" avait pris

; part à cette expédition, alors qu’il n’avait que

vingt et un ans, employa les intervalles de loisir que* la guerre lui laissait, à en chanter les événements. Faute de papier, il écrivit la première partie de son ouvrage sur de petits morceaux de cuir qu’il eut ensuite beaucoup de peine à coordonner. C’est sur le théâtre même de ses exploits qu’il imagina d’immortaliser le peuple brave etintelligent qu’il combattait, et ses vers empruntent a sa profession une sorte de candeur militaire et de-simplicité martiale qui en fait le plus grand charme. Le poëme de VAraucana est aussi sauvage que la nation qui en est le sujet. C’est moins une épopée qu’une relation en vers, qu’un bulletin poétique. De là vient un défaut sensible, c’est qu’il n’y a point d’Achille, de Renaud, de Vasco de Gama, c’est-à-dire aucune personnification d’un parti ou d’un intérêt national : aussi, l’attention se partageant entre trop d’objets divers, l’intérêt, qui ne repose sur aucun personnage particulier, s’affaiblit en se divisant. Les Espagnols vainqueurs sont nécessairement les héros du poème ; c’est en leur honneur qu’il est com Fosé j et cependant toute la gloire, comme tout intérêt, demeure aux Indiens vaincus ; ils ont pour eux l’éclat d’une bonne cause et toutes les vertus d’un peuple libre qui défend ses foyers, ses dieux, les os de ses pères et les berceaux de ses enfants. Aussi, dans ce poëme, ce qu’il y a de grand, de noble, de généreux, de touchant, leur est accordé sans partage. Malgré les imperfections que nous avons signalées, le poème de Y Araucaria mérite non-seulement la célébrité dont il jouit en Espagne, mais encore une place parmi les grandes œuvres de l’esprit humain.

Ercilla commença la seconde partie de son poëme sur le vaisseau qui le ramenait en' Europe. Arrivé à Madrid, il présenta son manuscrit à Philippe II, qui ne tint aucun compte du mérite de 1 auteur, ni comme poëte, ni comme soldat, ni comme navigateur. Cette sorte de disgrâce n’arrêta pas le poète, qui acheva la seconde partie de son œuvre et en composa une troisième, où, par des fictions sans valeur, il fait intervenir Bellone, qui lui annonce la bataille de Saint-Quentin gagnée par Philippe sur les Français, et même la victoire de Lépante, qu’il entrevoit dans la caverne de l’enchanteur "Viton ; mais toutes ces flatteries intempestives sont sans valeur poétique, et le feu sacré s’est éteint aux dernières lignes de la première partie, que l’enthousiasme avait dictée à la muse du soldat Ercilla étant mort sans avoir pu achever son œuvre, ce fut Santistéban y Osorio qui la compléta par une suite de trente-trois chants, dont la dernière édition a été publiée à Madrid en 1733, in-fol.

Ce fut Voltaire qui, le premier, fit connaître à l’Europe le poëme d’Ercilla. « L’auteur de la Ifenriade, dit M. Louis Viardot, avait déjà reconnu qu’en certains endroits Ercilla surpassait Homère, et que, par exemple, le vieux Colocolo apaisant la querelle des caciques, était supérieur à Nestor au milieu des chefs grecs. Il aurait pu reconnaître aussi que, deux lois encore, le même vieillard est obligé de calmer des irritations rivales, et que, sans se répéter, il montre à trois reprises une égale éloquence. Il aurait pu reconnaître que, dans ses paroles comme dans ses actions, le cacique des caciques Caupolican est plus grand que le roi des rois Agamemnon, qui conseille toujours le parti le plus timide, et ne se risque jamais dans les mêlées. Il aurait pu reconnaître enfin qu’Ercilla peut revendiquer la même gloire pour tous les discours que renferme son poëme, et que, dans certaines parties dramatiques, personne, sans excepter Homère, ne l’a sur-La critique a beaucoup varié sur le mérite de cette œuvre : les uns en parlent comme d’un ouvrage ennuyeux et prosaïque ; un écrivain anglais place Ercilla sur la ^même ligne qu’Homère et l’Arioste pour le talent de la narration ; Raynouard, tout en reconnaissant qu’Ercilla a marché sur les traces de l’Arioste, lui reproche de longues digressions et des épisodes qu’il n’a pas eu l’art de rattacher à son sujet. Cervantes prétendait que VAraucana pouvait être comparée aux meilleurs poëmes épiques de l’Italie. Un critique allemand, fort sévère pour ce poëme, lui accorde cependant un style correct, des images vraies, de belles descriptions, un intérêt qui va toujours croissant, une certaine unité d’action, et un esprit d’héroïsme répandu dans tout l’ouvrage. D autres écrivains, plaçant VAraucana bien au-dessous de la Jérusalem délivrée, considèrent

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ce poëme, sous différents rapports, comme très-supérieur à la Henriade, et lui assignent un rang qui le met sur la même ligne que les Lusiades.

VAraucana a été traduite en français et abrégée par M. Gilibert de Merlhiac (Paris, 1824).

ARAUCANIE, contrée de l’Amérique du Sud, habitée par des Indiens indépendants, située au sud du Chili, entre les Andes à l’E., et l’océan Pacifique à l’O., par 37» et 400 lat. S., sur une longueur de 480 kilom., et une largeur moyenne de 200.

L’ancienne limite des Araucans, au nord, était la rivière Biobio. Maintenant, la frontière de la république chilienne a été portée quinze lieues plus loin, mais seulement du côté de la mer. À l’est, les possessions des Araucans s’avancent jusqu’à la rivière. Trois petits bourgs fortifiés, el Nacimiento, Tucapel et Santa-Barbara servent d’avant-postes sur le territoire même des Indiens, borné au sud par la rivière de Valdivia, qui sort du lac Guanègue, et coule parallèlement au Biobio. A l’orient, on aperçoit sur les Andes une masseconique, blanche à sa base, noire à son sommet ; elle est baignée par un lac où prend sa source la rivière de la Laza, et le cratère qui vomit des flammes à son centre s’appelle le volcand’Antuco. Les montagnes se prolongent vers le sud, et l’on voit fuir les ondulations des collines, des vallées, des bois et des fleurs, dans l’insaisissable lointain d’un immense horizon. D’épaisses forêts, des plantes variées, selon la température des différentes élévations, couvrent les monts araucans. À côté des neiges perpétuelles croissent les hêtres et les cyprès. Plus bas et sur la chaîne de la côte, ou le climat est plus tempéré, on observe une grande variété et même de grands contrastes dans la végétation. Partout le sol se couvre de graminées ; partout les arbres séculaires prêtent leurs branches aux plantes grimpantes, avides d’air et de lumière, qui croissent en désordre et forment à leur sommet un enchevêtrement inextricable que ne peuvent percer les rayons du soleil. Les arbres les plus remarquables sont le chêne, le rauli, le noisetier ; dans les vallées, la 'plante appelée copiguey dans les marais, le cannellier. Toutes ces familles et une infinité d’autres, telles que le buis, les roseaux longs, forts et flexibles, que l’Araucan emploie pour fabriquer ses lances et construire ses cabanes, constituent une des principales beautés du paysage. Des montagnes descendent des cours d’eau nombreux qui fertilisent les vallées. Parmi ces rivières, le Biobio, le Cauten, l’Impérial, qui reçoivent un grand nombre d’affluents, sont navigables pour de petites embarcations. Le lac situé le plus au nord est celui de Villarica. Il a trente-quatre lieues de circonférence. Les autres sont le lac de Guanègue, et ceux de Rinilme, de Pivilmeico et de Lajara ; ce dernier se trouve à la base du volcan du même nom. Ces nappes d’eau communiquent entre elles, et, depuis peu, avec celle de Rauco ; celle-ci, la plus grande de toutes, renferme cinq îles, et donne naissance au Rio-Bueno. L’Araucanie est le lieu le plus beau, le plus fertile et le mieux arrosé ou territoire chilien ; les céréales y sont cultivées avec un succès surprenant ; mais la principale richesse du pays consiste en troupeaux, de bœufs, de vigognes et de chevaux de race andalouse d’une beauté et d’une force remarquables. L’ornithologie y montre ses variétés les plus belles, surtout dans le voisinage des lacs peuplés de plusieurs espèces de poissons d’eau douce.

Le printemps commence en septembre, l’été en décembre, l’automne en mars, et l’hiver en juin. Le climat varie dans une même latitude, selon l’élévation des vallées ou le voisinage de la mer. Près des Andes, la température est plus froide ; mais sur les côtes, les brises de mer attiédissent l’atmosphère. Les nuits d’hiver sont froides, mais pendant le jour la transparence de l’air laisse pénétrer sans obstacle les rayons du soleil. Les pluies sont fréquentes dans l’Araucanie ; les gelées et la neige y sont très-rares. Des brises maritimes et a’abondantes rosées rafraîchissent les soirées et les nuits de l’été. Les vents dominants sont en été ceux du sud-ouest ; en hiver ceux du nord. Les épidémies y sont inconnues, et, chose plus extraordinaire, on n’y rencontre pas J, —:

L’Araucanie est divisée en quatre tétrarchies parallèles, d’étendue presque égale, et distinguées, en langage araucanien, par des noms indiquant la position sur le littoral ; dans l’intérieur, sur les hauts plateaux, etc. Chaque tétrarchie se subdivise en cinq provinces, et chaque province en neuf districts. Politiquement, les Araucans sont partagés en plusieurs tribus comprises dans les quatre tétrarchies. La principale, celle des Araucans, tire son nom du mot auca, qui signifie libre. Le gouvernement est aristocratique et se compose de trois ordres : les toquis, les ulmens et les caciques. Les toquis sont quatre chefs indépendants qui commandent aux quatre tétrarchies ; nonobstant leur indépendance réciproque, ils forment une confédération pour le bien commun. Les ulmens ont le commandement des provinces sous leur toqui respectif, et les caciques administrent les districts. Les toquis possèdent à peine une ombre de souveraineté ; le pouvoir réel réside dans le vutacoyag ou aucacoyag, le grand conseil. Les affaires importantes, telles que la division du territoire, ta nomination des chefs suprêmes,

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les déclarations de guerre, les traités, les alliances, etc., se décident dans l’assemblée générale, à la majorité des voix. Tout Araucan a le aroit de voter. Il y a des hiérarchies établies par la valeur, par la descendance masculine et par la richesse.

Les sujets ne sont tenus envers leur chef à aucun service personnel, excepté en temps de guerre. Les lois sont la coutume et la tradition. La réunion de celles-ci s’appelle admapu. Les crimes que l’on regarde comme méritant la peine capitale sont la félonie, l’homicide volontaire, l’adultère, le vol d’un objet important et la magie. La peine du talion est la plus usitée. Il n’y a pas de prisons ; le criminel est aussitôt exécuté. La polygamie existe chez eux, mais ils limitent ordinairement à quatre le nombre de leurs femmes. Une seule est épouse légitime, les autres sont concubines. La femme vit dans l’entière dépendance du mari, qui a droit de vie et de mort sur elle et sur ses enfants. Chacune des épouses est oblifée de faire un dîner pour le mari. Il y a donc, ans la même maison, autant de foyers qu’il y a de femmes. Elles accouchent au bord de la rivière. Le père prend l’enfant, se jette avec lui à la nage, et puis tous s’en retournent à la

venu. Quand les forces de l’enfant le permettent, le père lui apprend le maniement des armes, l’emmène dans ses courses, et l’habitue de bonne heure à la vue du sang.

Malgré quelques variations dans le type produites par le sang européen, on peut dire que la physionomie des Araucans est à peu près uniforme. La tête est grosse ; les lèvres sont moins charnues que celles des autres tribus américaines. La figure offre une ellipse plus prononcée. Le front est assez proéminent, et le nez, légèrement aplati, a des narines très-ouvertes. Les yeux sont noirs, et ils les tiennent en général immobiles. Les os du visage sont forts, saillants, mais ne paraissent tels qu’après un certain développement de l’individu. La barbe est courte, peu abondante, et ils ont l’habitude de l’arracher à mesure qu’elle pousse. Les cils sont noirs, minces et recourbés. Les cheveux forts, noirs et lisses, ne tombent pas dans la vieillesse. Les dents sont verticales et très-fortes. Les formes du corps offrent un aspect massif. Les Indiens se tiennent droits, mais leur démarche est disgracieuse, parce qu’ils ont les jambes arquées et les pieds en dedans.

L’habillement des Araucans est fabriqué par eux-mêmes et par leurs femmes. La laine de la vigogne et du chilihuèque leur sert à tisser les ponchos, espèce de manteaux carrés avec une ouverture au centre pour laisser passer la tête. Ils ne portent pas de chapeau, mais bien un bandeau sur le front pour retenir les cheveux. En fait de chaussures, ils se servent de la hojota, espèce de sandale. Quelques-uns portent des bottes en cuir pour monter à cheval. On ne voit jamais ces soldats de l’indépendance sans f éperon fixé au talon.

L’habitation est proportionnée au nombre des femmes. Elle est construite en bois et en paille, et située près de quelque rivière, ou adossée à une colline ou à une forêt. Les Araucans ne construisent pas de bourgs, parce qu’ils les regardent comme le tombeau ie la liberté. L’Araucan vit seul ; il est roi : le pouvoir de l’État s’arrête au seuil de sa porte.

La langue des Araucans, appelée chili-dugu, est euphonique, abondante en voyelles, et d’une structure fort simple. On dirait qu’une géométrie inflexible a présidé à la formation des mots et a celle de la syntaxe de cet idiome. De presque chaque substantif on peut former un verbe, et cette particularité imprime à la langue un mouvement et une énergie extrêmes.

Depuis trois siècles les principales forces des Araucans consistent dans la cavalerie. Les hommes sont armés de lances souples et très-longues, que nous ne pourrions manier qu’avec difficulté. Ils ont conservé l’usage des laques, arme terrible, qui se compose de trois pierres ou grosses balles de plomb réunies par trois cordes. Ils prennent une des balles dans leur main, et ils font décrire un cercle aux deux autres par dessus leur tête. Ce mouvement communique une grande force d’impulsion au projectile qu’ils lancent, et qui s’enroule autour du corps qu’ils veulent blesser ou saisir. Quand l’ennemi est en fuite, ils visent aux jambes de son cheval, et aussitôt on voit rouler à terre la monture et le cavalier. Ils ne sont pas cruels comme les Indiens du nord. On ne les voit pas brûier vifs leurs prisonniers, ni scalper les vaincus ; tous sont admis à rançon, et il s’en rachète un nombre considérable.

Les Araucans croient à la transmigration des âmes dans d’autres régions, où elles mènent une existence analogue, quoique plus immatérielle. La mort d’un Araucan ne cause aucune tristesse. On prépare les funérailles, mais ces apprêts durent quelquefois trois mois, tandis que le cadavre demeure sans sépulture. On achète les vêtements de deuil, et 1 on s’approvisionne de maïs, de viande et de breuvages pour trois cents personnes. Au jour fixé, on place le cadavre dans un canoi, et on l’emporte au lieu de la sépulture. Ce n’est que sur le bord de la tombe que commencent les cris, les longues oraisons funèbres et les libations prolongées. Les parents sacrifient des animaux, leur arrachent le cœur, et en expriment le sang sur le corps du défunt. Les Araucans, pleins d’animation, courent à cheval à droite,