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où on le plaçait encore à la fin du xviiie siècle. (Ampère.)

ANTIÉTYMOLOGISTE s. m. (an-ti-é-ti-mo-lo-ji-ste ― de anti, et étymologiste). Celui qui n’observe point les lois de l’étymologie ; qui repousse l’orthographe étymologique : Les antiétymologistes trouvent, à l’égard du mot abri, une bonne occasion de s’égayer ; et, en effet, rien n’est drôle comme d’entendre les savants dans les origines des mots nous assurer que ce nom vient de apricus, qui signifie exposé au soleil. (***)

ANTIÉVANGÉLIQUE adj. (an-ti-é-van-jé-li-ke ― de anti, et évangélique). Contraire à l’Evangile, à son esprit : Croyances antiévangéliques. Doctrine antiévangélique.

ANTIF, IVE adj. (an-tif, i-ve ― du lat. antiquus, antique). Vieux mot usité au xiiie siècle, et qui signifiait ancien.

ANTIFARCINEUX, EUSE adj. et s. m. (an-ti-far-si-neu, eu-ze ― de anti, et farcineux). Art vétér. Propre à combattre le farcin : Remède artifarcineux. Il est peu d’artifarcineux qui méritent quelque confiance ; la médecine vétérinaire préconise cependant la ciguë, la noix vomique, les arsenicaux, le topique Terrat, les ferrugineux, les antimoniaux, les mercuriaux, les préparations de soufre, d’iode, de chlore, de brome, les eaux minérales sulfureuses, salines, etc. (Lecoq.)

ANTIFE s. m. (an-ti-fe). Argot. Mot qui signifiait primitivement église, lieu fréquenté de préférence par les filous, parce qu’ils y trouvent les chances les plus favorables au succès de leur industrie, au milieu de la foule qui s’y rend. || Battre l’antife, Battre le pavé des églises, et, par ext., le pavé des rues.

ANTIFÉBRILE adj. et s. m. (an-ti-fé-bri-le ― de anti, et fébrile). Méd. Propre à combattre la fièvre : Substance, potion antifébrile. Le quinquina est un excellent antifébrile. || On dit plus généralement fébrifuge.

ANTIFERMENTESCIBLE adj. (an-ti-fèr-man-tè-si-ble ― de anti et fermentescible). Qui ne fermente pas, ou qui ne fermente que difficilement.

ANTIFRANÇAIS, AISE adj. (an-ti-fran-sè, è-ze ― de anti, et de français). Contraire à la nationalité française, à la gloire, à l’influence, aux intérêts de la France : Le parti français et le parti antifrançais se balançaient au conclave. (Alex. Dum.) Les préjugés antifrançais sont aussi très-vigoureusement combattus en ce qui concerne l’espèce ovine. (Paul d’Ivoi.)

ANTIFRICTION s. f. (an-ti-fri-ksi-on ― de anti, et friction). Techn. Nom donné à un alliage destiné à faire les paliers ou coussinets des axes et essieux des locomotives, parce qu’il avait, croyait-on, la propriété de diminuer le frottement. L’expérience ayant démontré qu’il produisait un effet contraire, on l’a appelé métal d’antitraction.

— Méc. Système d’antifriction, Tout système destiné à diminuer, dans une machine, la perte de travail due au frottement des diverses parties de cette machine. || Adj. Presse antifriction, Nom d’une presse monétaire, construite par le mécanicien Dick, de Philadelphie, et dans laquelle la perte résultant du frottement est diminuée au moyen d’une succession de disques et de secteurs tournant autour d’axes horizontaux : La presse antifriction peut surtout servir à estamper, emboutir, poinçonner, etc., les pièces métalliques d’une assez faible épaisseur. (Poncelet.)

ANTIFROTTANT, ANTE adj. (an-ti-fro-tan, an-te ― de anti, et frottant). Techn. Se dit de rouleaux destinés à empêcher le frottement dans les roues de voiture et dans les cabestans

ANTIGALACTIQUE adj. et s. (an-ti-ga-la-kti-que) ― de anti et du gr. gala, galaktos, lait). Méd. Syn. de antilaiteux.

ANTIGALEUX, EUSE adj. et s. m. (an-ti-ga-leu, eu-ze ― de anti, et galeux). Méd. Se dit des remèdes propres à guérir la gale. Syn. inusité de antipsorique, antidartreux et antiherpétique.

ANTIGALLICAN, ANE adj. (an-ti-gall-li-kan, a-ne ― de anti, et gallican). Qui est opposé à l’Eglise gallicane, aux principes de l’Eglise gallicane : L’Hospital contre-carra si bien toutes les mesures antigallicanes et politiques des Guises, qu’il fut exilé à sa terre. (Balz.) En général, les tendances de l’épiscopat français sont antigallicanes. (Guéroult.) || Syn. d’ultramontain.

ANTIGALLICANISME s. m. (an-ti-gall-li-ka-ni-sme ― rad. antigallican). Ensemble des principes, des intérêts, en opposition avec les principes et les intérêts de l’Eglise gallicane. || Syn. d’ultramontanisme.

ANTIGANGRÉNEUX, EUSE adj. et s. (an-ti-gan-gré-neu, eu-ze ― de anti, et gangréneux). Méd. Qui est propre a guérir la gangrène, à s’opposer à ses progrès.

ANTIGARIS s. m. (an-ti-ga-riss ― de Antigaris, n. pr.). Géogr. anc. Nom d’une des deux tribus ajoutées aux dix anciennes, dont se composait la population d’Athènes.

ANTIGASTRONOMIQUE adj. (an-ti-ga-stro-no-mi-ke ― de anti, et gastronomique). Contraire à la gastronomie, aux plaisirs de la table. Si, comme moi, l’on n’a pas le goût de prolonger par trop de telles séances antigastronomiques, on remonte sur le pont, où les femmes peuvent se livrer aux douceurs du cigare. (E. Sue.)

ANTIGÈNES, médecin grec du iiie siècle av. J.-C., mentionné par Cœlius Aurelianus. Il avait composé un Traité sur les fièvres et les tumeurs. || Autre médecin grec qui vivait à Rome au temps de Galien, dont il était l’adversaire. || Historien grec qui avait écrit une vie d’Alexandre le Grand, où se trouvait racontée l’entrevue du conquérant avec la reine des Amazones. || Général d’Alexandre le Grand et l’un des chefs des argyraspides. Après la défaite d’Eumène, dont il avait embrassé le parti, il tomba entre les mains d’Antigone, qui le fit brûler vif.

ANTIGÉNIDAS, nom de deux célèbres joueurs de flûte thébains. Le premier donna des leçons à Alcibiade ; le second perfectionna la flûte, dont il multiplia les tons en augmentant le nombre des trous de cet instrument. Il joua aux noces d’Iphicrate et devant Alexandre ; il accompagnait le poëte Philoxène lorsque celui-ci récitait ses vers. Ses deux filles suivirent sa profession ; elles sont citées dans une épigramme de l’Anthologie grecque.

ANTIGÉNIDIEN adj. m. (an-ti-jé-ni-di-ain ― de Antigénidas, n. pr.). Se dit d’un mode de musique inventé par Antigénidas, contemporain d’Alexandre.

ANTIGÉOMÈTRE s. m. (an-ti-jé-o-mè-tre ― de anti, et de géomètre). Néol. Ennemi de la géométrie, et des mathématiques en général.

ANTIGÉOMÉTRIQUE adj. (an-ti-jé-o-mé-tri-ke ― de anti et géométrique). Contraire à la géométrie, à sa méthode, à ses principes : Goûts, propositions antigéométriques.

ANTIGERMANIQUE adj. (an-ti-jèr-ma-ni-ke ― de anti, et germanike). Qui est contraire à l’Allemagne, à ses intérêts, à ses institutions. Cette Allemande lança le jeune Fritz, à l’âge de vingt et un ans, dans des dissipations antigermaniques. (Balz.)

ANTIGNA (Jean-Pierre-Alexandre), peintre français, né à Orléans en 1818. Elève de Paul Delaroche, il a commencé par faire de la peinture religieuse et a exposé successivement la Naissance de Jésus-Christ (1841), la Vision de Jacob (1842), la Tentation de saint Antoine (1843), qui n’eurent aucun succès. En 1845, outre une Madeleine repentante, il envoya au Salon divers tableaux de genre, entre autres un Mendiant et des Baigneuses, qui attirèrent sur lui l’attention. A partir de cette époque, il a eu le bon esprit de renoncer aux tableaux de religion pour ne peindre que des sujets familiers, empruntés d’ordinaire à la vie rustique. Il a obtenu dans ce genre d’honorables succès, en copiant la nature simplement, franchement, sans recherche de l’élégance, comme sans parti pris de réalisme. Les scènes de deuil, les intérieurs enfumés et misérables, les enfants en haillons et les vieilles gens courbés par le travail, sont les motifs qu’il traite avec une sorte de prédilection, le plus souvent dans des cadres de dimensions restreintes. L’Incendie (V. ce mot) qu’il a exposé en 1850 et 1855, et qui figure aujourd’hui au musée du Luxembourg, a les proportions d’un tableau d’histoire ; c’est son œuvre la plus importante et la mieux réussie ; elle lui a valu une médaille de première classe. L’Empereur visitant les ouvriers ardoisiers d’Angers pendant l’inondation de 1856 (commande du min. d’Etat, 1857) est un tableau froid et péniblement exécuté. La Scène de guerre civile (chouans poursuivis par les bleus et réfugiés dans une chaumière) (1859) pourrait servir de pendant à l’Incendie : la composition est assez bien conçue, un peu mélodramatique toutefois. Ces trois grandes toiles font exception dans l’œuvre de M. Antigna, qui n’est jamais plus expressif que lorsqu’il met en scène de petites figures. On a reproché à sa peinture un excès de solidité et l’abus des tons gris et ternes ; mais ce n’est pas sans intention qu’il assombrit sa couleur et qu’il évite les mièvreries et les papillotages de la touche, en peignant les misères et les tristesses sociales. Il a su d’ailleurs, trouver sur sa palette des tons clairs et gais lorsqu’il a voulu peindre des scènes riantes, telles que la Ronde d’enfants (1853), la Descente et le Sommeil de midi (1859). Cette dernière composition, qui a été justement admirée, n’a qu’un personnage : une fillette des champs, endormie dans un nid de verdure et de fleurs où jouent les rayons du soleil. M. Antigna n’a rien fait de plus séduisant que ce tableautin. C’est une figure charmante aussi, mais de plus grandes proportions, qu’il a placée dans son tableau du Salon de 1864, intitulé le Miroir des bois : une petite villageoise entièrement nue et debout auprès d’une source, où elle est toute surprise et tout heureuse d’apercevoir son image.

ANTIGNAC (Antoine), chansonnier, né à Paris en 1772, mort en 1823. Il fut un des plus joyeux convives des soupers du Caveau moderne et l’émule de Désaugiers, qui lui a consacré une chanson charmante ou l’on remarque cette strophe :

Si les bons cœurs ont droit au bonheur des élus,
Si l’esprit, la gaîté, peuvent goûter ses charmes,
Sur Antignac cessons de répandre des larmes :
C’est un ami de moins, c’est un heureux de plus.

Antignac était un poëte spirituel et correct, mais sans beaucoup de verve ni de malice. Un recueil de ses chansons a été publié en 1809.

ANTIGOA. V. antigua.

ANTIGONE s. f. (an-ti-go-ne — du gr. anti, contre ; gônia, angle). Bot. Genre de la famille des polygonées, renfermant des arbrisseaux grimpants, qui vivent au Mexique.

— Conchyl. Genre de coquille aussi nommé cythérée.

ANTIGONE, fille d’Œdipe et de Jocaste, sœur d’Etéocle et de Polynice, servit de guide à son père aveugle quand il se fut crevé les yeux. Elle brava les ordres de Créon, roi de Thèbes, pour rendre les derniers honneurs au corps de son frère Polynice, et fut condamnée par le tyran à être enterrée vive. Sophocle a immortalisé Antigone, dont le nom est resté le modèle de la piété filiale ; les écrivains y font de fréquentes allusions :

« La misère ne vous fait pas peur ; vous vivrez au besoin de racines et d’eau claire. C’est noble, c’est grand, c’est beau, c’est héroïque. Je vous vois déjà reprenant sans pâlir le chemin de la pauvreté. Mais votre fille, monsieur, votre fille, car vous êtes père, monsieur le marquis ! S’il vous plaît d’accepter le rôle d’Œdipe, imposerez-vous à cette aimable enfant la tâche d’Antigone ? » Jules Sandeau.


Antigone, tragédie de Sophocle. Cette pièce fait suite à l’Œdipe Roi et à l’Œdipe à Colonne du même poète. Créon, proclamé roi de Thèbes après la mort des deux fils d’Œdipe, avait défendu sous peine de mort d’ensevelir Polynice, pour le punir d’avoir porté la guerre civile dans sa patrie ; mais Antigone, écoutant plutôt les inspirations de la piété fraternelle que les conseils de la prudence et de la crainte, a bravé la défense de Créon. Le tyran prononce contre elle l’arrêt de mort. Ni la douleur d’Hémon, son fils, qui aime Antigone, ni l’héroïsme de cette princesse, ni les menaces du devin Tirésias, ne peuvent le fléchir. Antigone périt victime de son dévouement, dans une caverne où elle meurt de faim. Mais Créon subit le châtiment de sa cruauté par le suicide de son fils, qui ne peut survivre à la mort d’Antigone.

Antigone, on le sait, est l’héroïne de la piété filiale ; c’est la femme toujours prête à se dévouer aux sentiments de la nature. Ce type si pur se transforme et s’agrandit encore dans la tragédie de Sophocle : Antigone s’immole à la piété fraternelle. Après avoir connu la misère et l’exil, elle n’hésite pas à ajouter au sacrifice : Thèbes est opprimée ; seule elle aura le courage de mépriser les volontés iniques d’un tyran cruel et ambitieux. Antigone, c’est l’affection du foyer, le cri de la nature en révolte contre des décrets arbitraires qui offensent l’humanité. Ainsi la jeune fille est sublime par son caractère et par ses actes ; mais Sophocle se garde bien d’en faire un être au-dessus des faiblesses de son sexe. Antigone a un cœur ouvert à la douleur, aux regrets, à l’espoir. Son arrêt de mort est irrévocable ; alors elle pleure sa jeunesse, et, comme la fille de Jephté, elle regrette des bonheurs inconnus, les joies de l’hymen et les douleurs si douces de la maternité : « Mon cœur, répond-elle à Créon, est fait pour aimer, non pour haïr ». L’héroïne est encore plus sensible que touchante : un amour mutuel, mais discret et mystérieux, règne entre la jeune fille et Hémon ; rien n’a trahi cette passion innocente : un simple aveu aurait terni la pureté d’Antigone ; seul le chœur, interprète des sentiments comprimés de ces deux âmes, chante à l’Amour un hymne éloquent. Au dénoûment, Hémon se perce de son épée sur le corps d’Antigone, et c’est ainsi seulement que se révèle l’énergie de sa passion.

Le poëte excelle dans la peinture de ces caractères si distincts. Il fait de Créon un ambitieux jaloux de son autorité et corrompu par un long abus du pouvoir absolu. C’est aussi un sophiste qui cherche à justifier ses volontés les plus arbitraires par des maximes morales. Il veut couvrir du manteau de la justice l’odieux d’une loi sanguinaire. Son orgueil s’obstine, et son opiniâtreté amène la ruine de toute sa famille.

Il ressort de cette tragédie une triste vérité d’observation : la versatilité de la foule donnant invariablement raison au dernier venu : les vieillards thébains, qui composent le chœur, approuvent tour à tour chaque personnage, et acceptent avec la même complaisance débonnaire les diverses situations qui se déroulent. Créon préconise l’arbitraire et l’obéissance passive : il a raison ; son fils proteste en faveur de la justice et de la liberté humaine : il a raison ; le chœur est ému de compassion au sort d’Antigone, mais il se tait devant l’oppresseur, et n’accorde pas même une larme à la victime qui marche à la mort.

Cette belle tragédie, d’une poésie si noble et si touchante, a aussi une valeur politique : la démocratique Athènes applaudissait à l’auteur qui exposait avec un ton grave des maximes généreuses sur les devoirs du citoyen ou sur les obligations imposées au chef de l’Etat, dont la première est de sacrifier au bien public ses affections particulières. Ailleurs, Sophocle attaque l’anarchie et l’insubordination aux lois et aux magistrats. Mais c’est surtout contre la tyrannie que le poëte exprime une haine patriotique, et ce sentiment s’exhale de l’ensemble comme des parties de tout l’ouvrage. Il n’est donc pas surprenant que les Athéniens aient répondu à ces grandes leçons par des acclamations enthousiastes et élevé Sophocle à la dignité de stratège, fonction où il eut Périclès pour collègue.

L’œuvre de Sophocle respire un si puissant intérêt dramatique, que, traduite fidèlement en français, elle a pu, quoique dépouillée du charme de la langue grecque, malgré la différence des mœurs et l’intervalle de plus de deux mille ans, exciter de nos jours, sur la scène française, de profondes émotions.

Antigone, tragédie d’Alamanni. L’auteur, déjà célèbre en Italie, se contenta de la gloire de faire passer dans la langue italienne les beautés de cette même Antigone de Sophocle que Rucellaï avait déjà imitée dans sa Rosemonde. Il suivit exactement, scène par scène, la marche du poète grec, et ne se donna d’autre liberté que d’étendre ou de resserrer quelques passages. Il conserva même fidèlement le chœur de ces vieux Thébains, introduit par Sophocle comme un éloge indirect du gouvernement républicain d’Athènes, et comme une satire de la royauté dégénérée en tyrannie. Le seul mérite que puisse avoir eu Alamanni dans cette pièce, c’est celui du style. Il est, à cet égard, fort supérieur aux poëtes qui l’ont précédé. Il garde pour ainsi dire le milieu entre la trop grande simplicité de Trissin et la grandeur étudiée de Rucellaï. La clarté, l’élégance, peu d’énergie, mais jamais d’enflure, telles sont les qualités que l’on retrouve généralement dans les poésies d’Alamanni, et qui ne brillent pas moins dans son Antigone. Il est à croire qu’il la composa en France pendant son exil ; du moins, elle fut imprimée pour la première fois a Lyon (1533).

Dans une de ses pièces, Giraldi avait personnifié la Tragédie, qui y récitait le prologue ; Alamanni assistait à la représentation. Dix ans après, quand Giraldi fit imprimer sa pièce, il ajouta un épilogue où la Tragédie se félicitait elle-même d’avoir, en cette occasion, paru en scène devant celui qui avait, revêtu d’un habit toscan, transporté de Thèbes jusqu’au delà des Alpes la sensible sœur de Polynice.

Antigone, tragédie de Rotrou, représentée à Paris en 1638. L’Antigone de Sophocle et les Phéniciennes d’Euripide, furent les deux tragédies grecques dans lesquelles Rotrou puisa son sujet. La simplicité antique se prétait peu à la multitude d’incidents qui surchargeaient alors la scène française. Non content de ces deux modèles, qui ne lui parurent pas suffisants, Rotrou emprunta encore quelques traits de la Thébaïde de Sénèque ; en général, cependant, ce fut Euripide qu’il imita le plus fidèlement, surtout dans la première moitié de sa tragédie, tout en altérant le caractère primitif des héros. Euripide fait porter l’intérêt du spectateur sur Polynice, en représentant sous le caractère odieux d’un tyran, Etéocle, qui exerce alors la puissance. Les deux auteurs français, au contraire, ont donné à Etéocle des sentiments d’humanité, tandis que Polynice est présenté comme le type du tyran. On plaint Polynice dans Euripide ; on le hait dans les deux tragédies françaises.

Rotrou, dans le troisième acte, ayant épuisé les Phéniciennes d’Euripide, commence alors, au milieu de cet acte, le sujet de l’Antigone de Sophocle, qui conduit sa pièce jusqu’au dénoûment. Ce double élément refroidit l’action et détruit tout l’intérêt au moment où il devrait être le plus fort.

Malgré les nombreux défauts de l’Antigone de Rotrou, cette tragédie obtint un grand succès devant un public que la représentation du Cid avait rendu plus délicat, le parterre ne fut pas insensible aux beautés de détail dont Antigone est remplie. Rotrou s’y élève souvent à la hauteur des poëtes grecs ses modèles, dont il fut le premier interprète sur la scène française. Racine, dans sa préface de la Thébaïde, lui rend à cet égard une entière justice.

Antigone, tragédie d’Alfiéri, imitée de Sophocle. L’auteur italien a fait disparaître de son œuvre tous les personnages subalternes qui donnent tant de valeur au tableau du tragique grec. Il n’a introduit dans sa tragédie que les personnages absolument nécessaires à l’action : Créon, Hémon, Antigone ; mais on trouve dans cette œuvre des contrastes frappants et des traits admirables de dialogue.

Antigone, sorte de roman poétique et symbolique, de Ballanche, ou plutôt poëme en prose analogue aux Martyrs de Chateaubriand. Cet ouvrage, commencé en 1812, fut terminé par l’auteur en 1813, à Rome, sous les yeux de la noble exilée dont l’amitié avait rendu le calme à sa vie. (Mme  Récamier.) Antigone était déjà imprimée quand la Restauration arriva, et on voulut voir dans le caractère de la fille d’Œdipe le portrait de la fille de Louis XVI, la duchesse d’Angoulême.

Plus tard, on crut trouver dans Antigone le symbole d’une idée philosophique qui n’était certainement pas dans l’esprit de Ballanche. Dans ce sens, ce serait une œuvre sociale ; l’hymen incestueux d’Œdipe et de Jocaste signifierait l’absorption du peuple par la royauté ; Laïus représenterait le despotisme du passé, et Jocaste l’harmonie du passé et de l’avenir. Antigone, toujours dans la donnée de cette exégèse trop subtile, Antigone, cette héroïne de la piété filiale et fraternelle, que frappe le malheur, malgré son innocence, serait l’image de l’humanité déchue soumise à une expiation solidaire dont elle se relève par la souffrance.

Eschyle, dans sa tragédie des Sept chefs