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noncéé, et on laisséensuite passer deux/.ou trdis jours pour donner au peuple le temps de s’assembler. Au jour ’fixé, le condamné est amené, attaché’àun poteau les bras étendus ; lapartie offensée (le marij quand il s’agit d’adultère) s’ay.ànce et. choisit le premier’morceau, ordinairement les, oreilles : les autres viennent’ensuite dans l’ordre que leur assigne là hiérarchie sociale, et coupent eux-mêmes les, morceaux qu’ils préfèrent. Quand chacun s’est servi, le chef de l’assemblée s’approche de la victime, lui coupe la tête et l’emporte ’ chez lui comme un trophée. C’est sur le lieu même du supplice que la chair du condamné doit être mangée ; le supplice est public pour les hommes, mais les femmes nedoivent-pas y, assister, la chair humaine leur étant interdite. Ces monstrueuses ’ exécutions se font Railleurs, paraît-il* avec le calmede la justice et non avec la fureur de la^-engeance. -, ;■ i ■, II, nous reste à parler du rapport que pré^ sente l’anthropophagie avec les sacrifices humains. Ces, deux pratiques se montrent, liées l’une k l’autre, « et si bien, dit M. Ch. Rénbuyier ; que cet antique rapport a laissé des traces jusque dans des cultes de formation très-avancée, et qu’au premier abord on croirait exempts de ;, toute barbarie.’» Dans tout sacrifice, il y a la manduçation de la victime.qui, consacrée

Sar l’acte du sacrifice et partagée, pour ainsi ire, ayec le dieu, devient un aliment précieux auquel l’imagination accorde toutes sortes" de propriétés bienfaisantes. La manduçation, de la’viçf, ime dans les sacrifices humains n’a-t-ellè point été souvent lépoint dèdëpàrt des habi-j tudes anthropophagiques ? En d’autres termes, n’est-ce pas en imaginant, en adorant.des dieux anthropophages que telle ou telle peuplade l’est devenue ? Une preuve, dit-on, que chez plus d’un peuple cette origine peut être assignée, au cannibalisme, se trouve dans les cérémonies religieuses des Taïtiens. A Taïti, on ne trouva point’l’usage de Yantropophagie, mais les sacrihees humains y existaient, et l’on put : remarquer.dans ces sacrifices l’oblation simulée de l’œil de la victiméhumaine au grand prêtre, qui ouvrait la bouche comme pour, la manger..La manduçation réelle avait évidemment dû précéder cette manduçation fictive, à Le simulacre de Xanthropophagie, dit M. de Quatrefages, s’était conservé là où l’anthropophagie avait pris naissance. » Nous croyons qu’on.peut voir dans les sacrifices humains tout aussi bien l’effet ■que la cause dé l’anthropophagie. L’homme se fait toujours des dieux a son image ; ses conceptions religieuses ne, sont autre chose que ses habitudes et ses passions idéalisées ; 1 homme anthropophage à dû naturellement se faire des dieux anthropophages..Nous ajouterons que si la religion n’a fias produit Yantropophagie, elle a dû’en proonger la durée, en lui donnant une sorte de consécration, en lui communiquant la stabilité, lalongévité propre aux institutions religieuses. On comprend que les sacrifices humains aient survécu h l’anthropophagie, et que celle-ci se soit conservée dans le culte, d’abord réelle, puis à l’état de fiction, longtemps après avoir disparu du régime habituel.

Terminons ce chapitrel’anecdote suivante : Un ^

de la Nouvelle-Calédonie, avoua que, dans un moment d’extrême nécessité, il avait mangé dé la chair humaine, et même qu’il n’avait pas trouvé cela mauvais. « Quelle horreur 1 s’écria quelqu’un, de la chair humaine ! — Sans doute, de la chair humaine, reprit le général". En avez-vous mangé, vous ? — Moi ? JamaisI

— Eh bienl ne parlez pas de ce que vous ne

un gi. umiiTopon, uumme ; pnuuus, cruiirwj. Qui craint, qui hait lès hôm’rries ; qui en a horreur ; syn.-exagéré de misanthrope. ANTHROPOPHOBIE s. f. { an-t-ro-po-fo-bî

— rad." antkropophobe). S’yh • exagéré de misanthropie.

’ ÀNTHROPORAMA s. m.’ (an-tro-po-ra-ma ~ du çr. anthrôpos, homme ; orao, je vois). Lieu ou l’on voit réunis des êtres humains ; Une. fée, difforme, la fée Bancroche, semble avoir présidé à la naissance des myriades d’êtres qui parsèment Tanthroporamà de Paris. (Andrieux.)

anthroposgopie s. f. (an-tro-po-sko-pi

— du gr. anthrôpos, homme ; sfcopeâ, j’examine). Physiognomonie, art.de juger des inclinations d’un individu par "l’examen de son visagé : Lavater a basé son système sur Pan- TimoposcopiB-’les protubérances crâniennes ont paru préférables à l’auteur de la pkrénologie.

ANTHROPOSOMATOLOGIE S. f. (an-tropo-zo-ma-to-lo-jî—du gr. anthrôpos, homme ;

sàma, sâmatos, corps ; logos, discours), DiscqurSj.traité sur la structure du corps humain.

ANTHROPOSOMATOLOGIOUE adj. (antro-po-zo-ma-to-lo-ji-ke

— rad. anthroppsomatologie). Qui concerne l’anthroposomatologie, la science de la structure du corps humain. . ANTHROPOSOPHIErs.ff : j(an-tro-porzo-rî

— du gr. antlirdpos, homme ; sophia, science). Science de jl’humanité, connaissance de l’homme envisagé moralement ; Z/anthropoSOphie est, à proprement parler, le complément de l’anthropologie. ’ ; -,

ANTHROPOSOPHIQUE adj. (an-trO-pO-BOfir-ko,

— rad. anthroposophie).’-Qui concerne l’anthroposophio -.’Commentaires ;, discours, considérations anthroposqphiques.

.anthropothéisme s., iru (an-tro-po-têi-sme

— du gr. anthrôpos, homme : theos, dieu). Déification de l’humanité, de l’homme considéré d’une manière générale. Il L’anthropbthéisme est souvent désigné sous le

nom d’humanisme.

— Ëncycl. Le nom A’anihropothéisme peut s’appliquer h deux doctrines philosophiques modernes, à celle de Hegel et à celle d’Auguste Comté. Pour Hegel, le principe de toutes choses, l’auteur unique et tout-puissant ’du drame cosmique, c’est l’idée, l’esprit universel, h’esprit universel n’est d’abord que l’être pur ; à ce point initial, il ne se distingue pas du néant ; c’est en quelque sorte l’être infiniment réduit, infiniment dépouillé et pauvre, le minimum d’être : Mais il ne reste pas dans cet état ; il sort de l’abstraction ; il entre dans le devenir ; il s’enriqhit de propriétés ; il acquiert déterminations sur déterminations ; il parcourt toutes les formes et tous les degrés de la vie. Où vient-il aboutir ? à l’homme. Cela doit être, dit Hegel. En effet, le but du mouvement de l’esprit universel est d’arriver à la plejne possession de lui-même par la conscience et la liberté. Or, cette fin magnifique, terme des, contradictions et des synthèses, s’accomplit dans l’homme, et ne peut s’accomplir qu’en lui ; elle est l’ouvrage de la civilisation et surtout de la philosophie. En un mot, l’esprit universel, l’absolu, c’est, au point de départ, l’être pur identique au néant ; au point d’arrivée, .cest’ l’homme, l’homme que Thêgélianisme nous montre arrivant, après avoir traversé les formes imparfaites de la société civile et les symboles successivement épurés des arts et des différents cultes, à comprendre le fond de la politique de l’art et de la religion, qui est la liberté universelle et l’universelle identité. On peut’remarquer que l’idée de progrès fait de Y anthropothéisme la forme naturelle du panthéisme à notre époque.

Auguste Comte voit dans l’humanité l’Être suprême de l’avenir. Les dieux chimériques de toutes les religions qui ont précédé l’avénement du positivisme doivent céder là place à ce-vrai Grand-Être. En lui se résume l’ordre universel ; il est le dernier terme de toutes les conceptions positives, le moteur de chaque existence individuelle ou collective, l’unique centre désormais possible des bons et nobles sentiments. Cette conclusion de la philosophie positive, cette institution -d’une religion nouvelle, dont l’humanité estle dieu, fait contraste, Par son principe et son caractère réaliste, avec esprit nom’maliste et condillacien qui règne à la base et dans toutes les parties de l’édifice élevé par Auguste Comte. V. Cathéchisme positiviste, Cours de philosophie positive, . Positivisme.

anthropothéiste s. (an-tro-po-té-i-ste

— rad. anthropothéisme). Celui, celle qui déifie l’humanité, l’homme considéré d’une manière générale.

ANTHROPOTHÉRAPIE S. f. (an-trO-pO-té ra-pî — du-gr. anthrôpos, homme ; therapeia, traitement). Thérapeutique des maladies do l’homme. " l

anthropotomie !}. f. (an-tro-po-tc-mîdu gr. anthrôpos, homme ; tome, section). Anat. Dissection, anatomie du corps humain.

ANTHROPOTOMIQUE adj. (an-tro-po-tomi-ke

— rad. anthropotomie). Qui concerne l’anthropotomio.

ANTHROPOTOMISTE s. m. (àn-tro-po-tomi-ste

— rad. anthropotomie). Celui qui dissèque des corps humains : C’est aussi l’arbitraire et l’empirisme gui président à la détermination et à la description des diverses parties de l’être, par exemple à celle des os de la tête humaine, telle qu’elle est encore considérée le plus souvent par les anthropotomistes, (J. Geoff. StrHU.) ■ ANTHURE s. m. (an-tu-re-du gr. anthos, fleur ; aura, queue). Bot. Pédoncule très-allongé qui. porte un faisceau de fleurs, il Genre de plantes de la famille des aroïdées. formé, aux dépens des pothos, et renfermant un grand nombre d’espèces appartenant aux régions tropicales de l’Amérique, et dont plusieurs sont cultivées dans nos serres.

ANTHOS s. m. (an-tuss). Ornith. Nom scientifique du pipït.

— Crust. Genre de crustacés isopbdes, renfermant une seule espèce, dont la patrie est inconnue.

ANTHUSINÉ, ÉE adj. (an-tu-zi-né — rad. anthus). Ornith. Qui ressemble à l’antnus ou pipit.

— s. f. pi. Soùs-faraille d’oiseaux, dont le type est Vanthus ou pipit, alouette des, prés, espèce de bergeronnette.

ANTHYDRIASE s. f. (an-ti-dri-a-ze — du

fr. anti, contre ; hudàr, eau). Méd. Nom onné au système diététique qui considère comme nuisible et dangereuse la médication par l’eau chaude.

ANTHYDROPIQUB adj. et s. m. (an-ti-dropi-ke

— du gr. anti, contre, et’ hydropique). Méd. Se dit des moyens employés contre l’hydropisie.., ., ., ;.

ANTHYLLIDE s. f. (an-till-li-de — du gr. anthullis, plante indéterminée). Bot. Genre de la famille des légumineuses et de la tribu des lotées, renfermant une vingtaine d’espèces, qui habitent pour la plupart les régions voisines de la Méditerranée.

ANT

, -r- Encycl. Calice persistant, pélatoïdetubuleuXj’à deux lèvres peu distinctes ; ailes adhérentes à la carène ; étamines monadelphes ; style subulé, arqué ; stigmate en forme de tête ; légume court, ovoïde ou oblong, renfermé dans le calice et contenant une ou deux graines : tels sont les caractères qui distinguent le genre anthyllide. La principale espèce est 1 anthyllide vulnéraire, désignée vulgairement sous le nom de trèfle jaune. C’est une belle plante qui croît dans les pâturages des montagnes, sur les coteaux arides, sablonneux ou pierreux de toute la France. Elle y forme de larges touffes recherchées des bestiaux, surtout des moutons et des bêtes à cornes. Son nom de vulnéraire vient des propriétés cicatrisantes que lui attribuent les- gens de la campagne.

À NTHYPNE s. f. (an-thi-pne — du gr. anti, contre ; ’ upnos, sommeil) ; Èntom. Genre de coléoptères pentamères lamellicornes, formé aux dépens des hannetons, et renfermant deux espèces, qui se tiennent comme endormies dans les fleurs.

ANTHYPNOTIQUE adj. et s. m. V. Anti-

HYPNOTIQUE.

ANTHYPOCONDRIAQUE adj. et s., m. (anti-po-kon-dri-a-ke

— de anti, contre, et hypocondriaque). Méd. Se dit des remèdes proposés pour guérir l’hypocondrie. Il Ou, dit aussi antihypocondriaque.

ANTHYPOPHORE s. f. (an-ti-po-fo-redu gr. anti, contre ; upophora, objection). Rhétor. Figure qui consiste à s’adresser à soi-même, pour les détruire immédiatement, les objections que sans doute ne-.manquerait pas d’opposer 1 adversaire. On la nomme plus ordinairement prolepse, antéoccupation, anti-

i. V. Anti-

ANTHYSTÉRIQTJE adj. et

HYSTÉRIQUE.

ANTI, préfixe qui entre dans un grand nombre de mots. Y. Ant.

ANTI s. m. (an-ti). Titre donné par ellipse à un genre de satires dirigées contre une personne, une doctrine, un système, un ouvrage, etc. Ce mot est invariable au pluriel : Vous ne trouverez dans la plupart de nos anti que des traits de colère, des déclamations de chagrin, des effusions de bile. (Bailiet.)

— Encycl. Devant le titre d’un ouvrage ou le nom d’un auteur, le mot anti exprime une idée de réfutation, de contrepartie, de contre-batterie, souvent aussi de satire personnelle. Ce genre de satire était fort en usagedans les derniers siècles de la république romaine. César lui-même, au milieu de tous les embarras de l’empire, et k la veille de la bataille de Munda, ne dédaigna pas de composer contre le grand vaincu d’Utique une satire de ce genre, qu’il intitula l’Anli-Caton. De nos jours, le genre satirique implique délicatesse, enjouement du style et de la pensée, raillerie fine et de bon goût ; autrefois, surtout au xvne et au xviiic siècle, dans les controverses religieuses et littéraires, les anti étaient le terrain habituel de l’injure, de la calomnie, de la colère brutale, enfin des plus mauvaises passions. Le savant et très-irritable Ménage, piqué de quelques critiques que Bailiet s’était permises contre lui dans ses Jugements des savants (1685), répondit par un Ânti-Baillet. Ce dernier en prit occasion de publier : Des satires personnelles, Traité historique et critique de celles qui portent le titre d Anti, 168D, : 2 vol. in-12. Prosper Marchand, dans son Dictionnaire historique, au mot Anti-Garasse, donne une longue liste de « divers anti mémorables, dont Bailiet n’a fait aucune mention, ou dont il n’a dit qu’un mot en passant. » 11 cite entre autres un Courrier véridtgueou AntiMousset, journal opposé par un anonyme, aux attaques calomnieuses du rédacteur du Mercure historique et politique contre la France, journal qu’il donne, mais à tort, comme le premier anti-périodique ■ car on voit dès 1649 une Anti-Gazette, qui, il est vrai cependant, n’était guère qu’un pamphlet. Enfin, La Monnoye À fait de curieuses remarques sur les anti. Ce mot a passé aussi dans les luttes de la presse périodique : Y Anti-Gazette, 1649, contre la Gazette deRenaudot ;ÏAnfi-.Feirt7te, 1754, contre l’Année littéraire ; et dans la Révolution : l’Anti-Brissot, l’Anti-Brissoiin, YAnii-Marat, Y Anti-Fédéraliste, Y Anti-Royaliste, etc.

Nous allons donner, par ordre alphabétique, la liste des anti les plus connus, en accompagnant d’une analyse ceux qui ont eu quelque retentissement à l’époque de leur apparition. "La plupart de ces pamphlets ont paru anonymes ou pseudonymes ; ■ nous rétablirons les noms des véritables auteurs chaque fois que des renseignements authentiques nous le permettront :

Aotî-Bo.sicon, titre de deux satires publiées à Londres, en 1521, contre le grammairien Robert Whitinton, auteur de plusieurs ouvrages de philologie et de critique. L’esprit de cet écrivain était railleur, mordant et entaché de pédantisme. Il attaquait tous ses confrères par des épigrammes énigmatiques publiées . sous le faux nom de -Bossus. Mais il.harcelait particulièrement Guillaume Lilly et Guillaume Horman. L’Anft’-jBoîtt’con est une réponse faite en vers élégiaques par les deux savants attaqués ; il comprend deux opuscules. Dans le premier, Lilly avertit le lecteur, par une pièce

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de vers, que son critique a pris le faux nom de Bossus, sans doute a cause d’une fontaine de l’Ours qui était en ce tomps-là, à Londres, près le port Belin, et mie le peuple nommait ta fontaine Bossa ; le taux Bossus est donc le digne époux de l’ours Bossa, etc.

M. Brunet, le très-savant et très-laborieux auteur du Manuel du libraire, fait remarquer que ces deux opuscules sont rares et des plus

Anii-Calïta, satire violente contre les calvinistes, contenant deux défenses catholiques de la vérité du saint-sacrement et digne sacrifice de l’autel, contre certains faux écrits sortis de la boutique des sacramentaires calvinistes, hérétiques, mis au vent, et semez par certains lieux de ce roiaume, au scandale des fidélles et pusilles ; avec un traité de nature et grâce fait par manière de dialogue pour appaiserla conscience peureuse à la mort ; Paris, 1551 et 15GS, in-8<>, par Pierre Doré, docteur en théologie de l’ordre des frères prêcheurs. Ce bon moine, que Rabelais tourna en ridicule sous le sobri âuet de notre maître Doribus, -avait quelque lose de plaisantet de comique dans sa manière d’écrire, comme on le voit par ces titres de plusieurs autres de ses ouvrages : L’Arbre de vie appuyant les beaux lys de France, te Collège de sapience fondé en l’université de vertu, le Cerf spirituel exprimant le saint désir de l’âme vers son Dieu, L’Anatomie et mystique description des membres et parties de notre Sauveur J.-C, la Conserve de grâce avec un doux chant consolatif de l’âme dévote, la Tourterelle de viduité, te passereau solitaire, les Neuf médicaments du chrétien malade. Mais voici un titre qui l’emporte certainement sur tous les autres : Les Allumettes du feu divin pour faire ardre (brûler) les cœurs en l’amour et crainte de Dieu.

Ant’i-Caton (l’), pamphlet de Jules César. Cicéron avait osé, tandis que César était maître de Romo, faire lire ï éloge de Caton d’Utique à ses concitoyens, éloge où le grand orateur de la république payait hautement le tribut de son admiration k l’un des derniers Romains. Il y avait certes du courage a braver en face le ressentiment du tout-puissant dictateur, qui avait élevé un trône sur les débris de la république. Aussi l’éloquent panégyriste disait-il spirituellement que c’était la solution de son problème d’Archimède. Cet apothéose de l’homme oui avait préféré la mort au triste spectacle se l’asservissement de sa patrie, ne manqua pas de déplaire au vainqueur de Pompée ; toutefois, César eut la générosité, l’esprit plutôt, de ne faire appel qu’à sa plume, la plume, éloquente aussi, qui avait écrit les Commentaires. Il sentait déjà, comme l’a exprimé si heureusement un souverain de notre époque, que c’est l’opinion publique qui remporte toujours la dernière victoire, et, pour l’éclairer, il ne dédaigna point de descendre dans la lice avec Cicéron. Telle fut l’origine de YAnti-Caton, gros pamphlet en deux livres, au témoignage de ceux qui ont pu-le voir et le lire, car il n’est point parve

uii’ie voir ei le me, u*u n i» ov rvu* p<*| ’ •* jusqu’à nous. La gloire littéraire de Césai pu souffrir de ce naufrage, mais sa dign d’homme et sa considération personnelle, dé j ;

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tout-puissant pamphlétaire pouvait l’appuyer de la hache de ses licteurs.’Les excès où César se laissa emporter dans cette polémique furent affligeants et doivent faire rougir les admirateurs même les plus fanatiques de sa gloire et de son génie. La jalousie du pouvoir, "ambition, sont-elles donc les passions les plus basses et les plus impitoyables ? Peut-être, Cicéron ayant exagéré outre mesure les qualités et les vertus de son héros, César éprouva-t-il le besoin de ramener cette éloquence au niveau de la vérité. Mais l’élan de la passion le fit descendre trop bas, et si le grand orateur fut excusable d’avoir trop élevé le piédestal sur lequel il plaçaitle type de l’austérité républicaine, c’est légitimement que César souleva l’indignation de tous les gens de bien en le traînant pour ainsi dire dans la boue. Du demi-dieu de Cicéron il fit un Thersité, et pis encore. À travers les sarcasmes de l’auteur des Commentaires, rabaissé au métier de sophiste et de rhéteur, on distinguait trop les éclats de colère du dominateur Se Rome, irrité qu’un homme a principes inflexibles eût osé se soustraire héroïquement à sa vengeance, ou peut-être à sa clémence insultante. Était-ce donc une raison pour quêter partout d’infâmes calomnies, inventer des mensonges, confier un énorme pamphlet de toutes les haines et de tous les venins 1 On se fera une idée de l’esprit dans lequel César avait composé sa réponse au panégyrique de Càton, d’après ce qu’en rapporte Plutarque a propos de la mort d’un frère que Caton chérissait tendrement. Caton, institué héritier avec la fille de son frère, fit faire à ce dernier de magnifiques funérailles, mais à ses frais particuliers, sans rien porter en compte aux dépens de la suecession. « Et, malgré ce désintéressement, dit l’éminent historien, il s’est trouvé un homme pour écrire que Caton avait passé dans un tamis les cendres du mort, pour en retirer l’or qui avait été fondu par le feu ; tant cet auteur se croyait permis de tout faire, non-seulement avec l’épée, mais encore avec la plume, sans avoir à en rendre compte, et sans craindre la