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LXXIII
PRÉFACE.

classiques et celles des romantiques, des réalistes et des idéalistes. En esthétique, comme dans toutes les autres parties de la philosophie, le Grand Dictionnaire ne s’est mis à la remorque d’aucun système :

Nullius addictus jurare in verba magistri.

Nous avons donné à l’histoire de l’art des développements aussi étendus que possible. Au nom des principaux peuples de l’antiquité et des temps modernes, on trouvera le récit des alternatives de progrès et de décadence par lesquelles l’art a passé, depuis les origines les plus reculées jusqu’à l’époque contemporaine. Des articles spéciaux sont consacrés à l’historique des diverses branches de l’art et des genres qui en forment les subdivisions.

Pour la biographie des artistes, nous n’avons jamais négligé de recourir aux sources originales, et nous avons mis largement à profit les beaux travaux qui ont été publiés, depuis quelques années, tant en France qu’à l’étranger. C’est ainsi que nous avons pu rectifier l’orthographe de bien des noms, redresser une foule de dates, refaire même presque complètement, à l’aide de documents nouveaux, la vie de certains maîtres. Nous avons écrit avec un soin tout particulier la biographie des artistes contemporains : il nous a semblé qu’il ne suffisait pas de dresser le catalogue de leurs œuvres et de mentionner les succès officiels qu’ils ont obtenus ; nous avons tenu à exprimer sincèrement notre opinion sur le caractère particulier de leur talent, mais sans nous écarter jamais des bornes d’une critique bienveillante.

Les chefs-d’œuvre de l’art, comme les chefs-d’œuvre de la littérature, ont une sorte de personnalité : on les cite à chaque instant, sans prendre la peine de rappeler quels en sont les auteurs. Et vraiment est-il besoin de nommer Raphaël, Paul Véronèse, le Corrège, Michel-Ange, Puget, Rembrandt, Rubens, Le Sueur, Le Brun, Greuze, David, Gros, Ingres, Delacroix, Decamps, lorsqu’on cite la Belle Jardinière, les Noces de Cana, l’Antiope, les Fresques de la chapelle Sixtine, le Milon de Crotone, la Leçon d’anatomie, la Descente de croix, la Vie de saint Bruno, les Batailles d’Alexandre, l’Accordée de village, l’Enlèvement des Sabines, les Pestiférés de Jaffa, l’Apothéose d’Homère, le Massacre de Scio, la Ronde de Smyrne ? Certains chefs-d’œuvre même ne sauraient être désignés autrement que par leur titre, les auteurs nous étant inconnus : telles sont les immortelles figures que nous a léguées l’antiquité, comme l’Apollon du Belvédère, la Vénus de Médicis, la Vénus de Milo, Niobé et ses enfants ; tels sont la plupart des édifices des temps anciens et du moyen âge. Le Grand Dictionnaire a consacré des articles spéciaux à la description de toutes ces merveilles de l’art. C’est là encore une partie entièrement neuve. Indépendamment de l’intérêt qu’elle présente au point de vue artistique, elle a pour mérite d’ajouter des renseignements précieux aux définitions et aux notions générales contenues dans la partie purement encyclopédique. C’est ainsi que rien ne saurait mieux faire connaître ce qu’est l’atelier d’un grand peintre que la description des peintures dans lesquelles Miéris, Ostade, Craesbeke, Horace Vernet, ont représenté leur propre atelier. Et, d’un autre côté, n’est-il pas intéressant de rapprocher du récit historique de telle ou telle bataille le tableau que cette même bataille a inspiré à l’un de nos grands maîtres ?

Ce que nous avons fait pour les tableaux, pour les statues, pour les bas-reliefs célèbres, nous l’avons fait aussi pour les chefs-d’œuvre de l’architecture. Nous avons décrit les plus fameux, le Parthénon, le Colisée, les Pyramides, le Louvre, les Tuileries, le Panthéon, l’Arc de l’Étoile, celui du Carrousel, etc., sous leur titre particulier ; les autres, aux noms des villes qui les possèdent. Nous ne craignons pas de dire que, pour cette partie comme pour toutes celles qui se rattachent à l’étude de l’art général, le Dictionnaire universel est infiniment plus complet que tous les dictionnaires spéciaux.

Dans cette revue générale de tout ce qui se rapporte aux beaux-arts, nous ne pouvions oublier celui qui est pour nous la source des jouissances et des émotions les plus variées : la musique. Ce que nous avons fait pour la peinture, la sculpture et l’architecture, nous l’avons fait de même pour l’art des Palestrina, des Pergolèse, des Allegri, des Mozart, des Beethoven, des Haydn, des Lulli, des Rameau, des Gluck, des Grétry, des Piccinni, des Meyerbeer, des Rossini, des Donizetti, des Auber, des Gounod, etc., et il n’est pas une de leurs immortelles créations que nous n’ayons analysée.

Ainsi, nous avons entièrement parcouru le vaste cercle des connaissances humaines ; pour chaque branche, nous avons établi une statistique précise, qui embrasse tous les progrès des lettres, des arts et des sciences, jusqu’au moment où nous écrivons ; en sorte que le Grand Dictionnaire universel est l’image vivante, la photographie exacte, une sorte de grand-livre où se trouve consigné, énuméré et expliqué tout ce qui est sorti des inspirations du génie, de l’intelligence, des études, de l’expérience et de la patience de l’homme.

Après cet exposé du cadre immense que nous nous sommes tracé, et que, Dieu aidant, nous espérons remplir, est-il besoin d’indiquer l’esprit qui nous a constamment dirigé et soutenu dans l’exécution de notre œuvre, où l’on reconnaîtra, sinon le fruit du talent, du moins le résultat d’un infatigable dévouement à la science et au progrès ? Cet esprit se dévoile à chaque page, à chaque ligne ; nous n’avons pas cherché à abriter derrière des réticences obscures ou des euphémismes pusillanimes la pensée qui a présidé à la rédaction de tous nos articles, parce qu’elle est honnête, loyale et impartiale, et