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XLVII
PRÉFACE.

Les partisans de la liberté absolue trouvent des adversaires qui rempliraient un volume de preuves à l’appui de leur thèse. Ce volume, beaucoup l’ont déjà écrit. Mais que n’écrirait-on pas aussi à l’appui de la thèse contraire ?… Nous n’entendons pas que le pouvoir se dessaisisse de ses droits et qu’il abandonne ses devoirs ; il a besoin de protéger et de se protéger lui-même. Mais à quoi doivent tendre ses efforts ? À donner de plus en plus à la société la conscience de ses propres dangers et la force de les prévenir. Il faut habituer peu à peu l’enfant à marcher seul. »

Sur certaines questions qui lui paraissent diviser encore les esprits modérés, M. Block n’hésite pas à donner la parole ici à M. Pour, plus loin à M. Contre. C’est ainsi que l’auteur de l’article Concordat, M. Gaston de Bourges se prononce contre la séparation de l’Église et de l’État, « idéal qui ne serait, suivant lui, susceptible d’être atteint que si la religion pouvait se restreindre dans le domaine purement spirituel, si le culte ne s’exerçait que dans le for intérieur, par des aspirations intimes et solitaires ; si, en un mot, il n’existait pas de matières mixtes ; » tandis que l’auteur de l’article Culte, M. Michel Nicolas, nous représente le régime des concordats comme « entretenant une lutte continuelle entre les deux parties contractantes, lutte qui épuise sans utilité les forces de chacune d’elles et empêche l’État de se consacrer tout entier à sa mission, qui est de travailler à l’accroissement de la fortune publique, en l’occupant sans cesse des questions qui n’y ont pas de rapport, et l’Église de remplir en paix son œuvre, qui est de consoler, d’édifier et de spiritualiser, en détournant son attention vers des projets de pouvoir terrestre. »

L’orthodoxie économique du Dictionnaire général de la politique est sévère ; le libre échange y règne sans partage ; on n’a pas permis à la Protection de s’y faire entendre comme on avait fait au Régime des concordats ; vous y chercheriez vainement les arguments par lesquels des hommes tels que Frédéric List, Carey, Proudhon, ont combattu la liberté absolue du commerce international. Quant aux systèmes socialistes, si vous tenez à les juger en connaissance de cause, vous ne vous contenterez pas délire les articles Association et Socialisme.

Dans la liste que M. Block adonnée de ses collaborateurs, nous remarquons les noms de MM. Barthélémy Saint-Hilaire, Batbie, Baudrillart, Michel Chevalier, Ambroise Clément, Augustin Cochin, Ch. Dollfus, Dupont-White, Dupuit, Duvergier de Hauranne, Floquet, Franck, J. Garnier, Guizot, Horn, Janet, E. Laboulaye, L. de Lavergne, Montégut, F. Morin, Nefftzer, de Parieu, H. Passy, Ch. de Rémusat, L. Reybaud, H. de Riancey, Saint-Marc Girardin, Jules Simon, Suin, Wolowski.


OUVRAGES BIOGRAPHIQUES

Dictionnaire historique de Moréri. La première édition, intitulée Grand Dictionnaire historique, ou Mélange curieux de l’Histoire sacrée et profane, parut à Lyon en 1674. C’est une œuvre incomplète, sans doute, mais qui n’en doit pas moins être rangée parmi les publications les plus utiles du XVIIe siècle, car elle a ouvert la voie aux encyclopédies qui parurent depuis et qui s’inspirèrent de son plan. On avait bien déjà l’ouvrage de Juigné, publié en 1644, mais il était loin de présenter un cadre aussi étendu, et, relativement, aussi bien rempli que celui de Moréri. Ce dernier, dans son imperfection même, a donc mérité de servir de type aux œuvres de ce genre, et c’est pour combler les lacunes qu’il présente, que Bayle a entrepris son fameux Dictionnaire critique, qui devait se transformer sous sa plume en une œuvre éminemment originale. Voici le jugement que le célèbre philosophe portait sur son devancier :

« J’entre dans les sentiments d’Horace à l’égard de ceux qui nous montrent le chemin. Les premiers auteurs de dictionnaires ont fait bien des fautes, mais ils ont mérité une gloire dont leurs successeurs ne doivent jamais les frustrer. Moréri a pris une grande peine, qui a servi de quelque chose à tout le monde, et qui a donné des instructions suffisantes à beaucoup de gens. Elle a répandu la lumière dans des lieux où d’autres livres ne l’auraient jamais portée. »

On a reproché vivement à Moréri d’avoir mêlé mal à propos, dans sa nomenclature, la mythologie à l’histoire ; ce reproche n’est nullement fondé. Outre qu’il devient parfois très-difficile de tracer une ligne de démarcation entre un personnage historique et un personnage mythologique, l’ordre alphabétique est toujours le plus clair s’il n’est pas le plus logique. Qu’importe de rencontrer Bacchus à côté de Bachaumont ? Est-ce que la même anomalie apparente ne se produit pas constamment sur les rayons de nos bibliothèques ? Le Contrat social et les billevesées du P. Hardouin reposent côte à côte. Il en est des livres comme des pièces d’un jeu d’échecs, qui, après avoir combattu les unes contre les autres sur l’échiquier, dorment paisiblement ensemble dans la boîte commune.

Doué d’une vaste érudition, Moréri laisse peut-être beaucoup à désirer sous le rapport du goût et de la critique ; mais on