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— Art culin. Amortir les viandes, Les rendre plus tendres.

— Dans l’anc. imprim., Amortir les cuirs, Les faire tremper dans l’eau pour les rendre plus souples, afin de les monter plus facilement sur les balles.

— Mar. Ralentir la marche, la vitesse d’un bâtiment par une manœuvre, un moyen quelconque. || Neutral. Bâtiment qui amortit, Qui reste échoué pendant la marée basse.

S’amortir, v. pr. Perdre de sa vivacité, de son ardeur : La pluie étant survenue, le feu s’est amorti et n’a fait que peu de ravages. La fièvre s’amortit par la saignée. (Trév.) || Perdre de sa violence, de son éclat : La balle s’est amortie contre la cuirasse. Le coup s’est amorti contre les buffleteries. (Acad.) Ces couleurs se sont amorties avec le temps. (Acad.)

— Fig. : Ces sentiments sublimes se sont affaiblis, cette flamme divine s’est amortie. (J.-J. Rouss.) Tout ce feu extravasé de l’enfance s’amortit dans le cœur de la jeune fille. (Lamart.) La correspondance avec madame de Créqui commença, comme toutes les amitiés de J.-J. Rousseau, par être vive et presque passionnée : bientôt elle s’amortit. (St-Marc Gir.)

— S’éteindre, en parlant d’une rente, d’une pension, d’une dette : Les rentes viagères s’amortissent par la mort du titulaire.

Antonymes. Attiser, aviver, déchaîner, échauffer, embraser, enflammer, envenimer, exalter, exciter, fomenter, inciter, irriter, provoquer, réchauffer, soulever, stimuler, surexciter, susciter.

AMORTISSABLE adj.{a-mor-ti-sa-ble — rad. amortir). Qui est susceptible d’être amorti, éteint : Rente, pension amortissable.

AMORTISSANT (a-mor-ti-san) part. prés. du v. Amortir : Si les philosophes bouddhistes ont adouci l’homme, c’est en l’amortissant.

AMORTISSANT, ANTE adj. (a-mor-ti-san, an-te — rad. amortir). Qui amortit, en parlant d’une dette, d’une redevance, etc.

AMORTISSEMENT s. m. (a-mor-ti-se-man — rad. amortir). Action d’amortir ; état de ce qui est amorti : La saignée produit souvent l’ amortissement de la fièvre.

— Fig. : L’amortissement de l’imagination, de l’intelligence. L'amortissement des passions. L’amortissement d’une douleur. Bonaparte, en devenant consul, fut épouvanté de la cohue de solliciteurs qui encombraient ses antichambres. Il vit dès lors que le despotisme était facile ; il favorisa cette tendance et opéra l’amortissement des hommes et de leur capacité au moyen des bureaux, devenus la principale espérance d’une multitude de familles. (Ph. Chasles.)

— Financ. Extinction graduelle, rachat d’une rente, d’une pension, d’une redevance : L’amortissement de la dette publique. L’amortissement d’une rente viagère. L’amortissement devait donc aller rapidement par la décroissance des intérêts. (Balz.) L’amortissement des actions s’opère chaque année au moyen d’un tirage. (L.-J. Larcher.) || Fonds d’amortissement. Somme destinée à l’extinction d’une rente : L’Angleterre a un fonds d’amortissement avec lequel elle peut, dit-on, payer sa dette en trente-huit ans. (Napol. 1er.) || Caisse d’amortissement, Caisse fondée pour l’extinction graduelle de la dette publique, au moyen de fonds consacrés au rachat des rentes : Les financiers ne sont pas d’accord sur l’efficacité des caisses d’amortissement. (Encycl.)

— Archit. Toute œuvre qui finit le comble d’un bâtiment, et, par ext., Tout ornement de sculpture qui va en diminuant et qui termine quelque décoration : l’amortissement d’un édifice, d’un fronton. Les groupes placés sur les acrotères sont l’amortissement du fronton.

— Mar. État d’un navire amorti ou échoué pendant les mortes eaux. || État de la mer pendant les plus faibles marées.

— Anc. jurispr. Faculté donnée aux main-mortables de devenir propriétaires.

Encycl. Anc. droit. L’amortissement était le droit qu’autrefois les gens dits de main-morte, c’est-à-dire les confréries, les églises, les communautés religieuses, etc., étaient tenus de payer pour obtenir la permission de posséder des immeubles. Les patentes par lesquelles on accordait cette faveur s’appelaient lettres d’amortissement. Le droit d’amortissement s’éleva jusqu’au tiers de la valeur de l’immeuble amorti. Quelques auteurs en attribuent l’origine à saint Louis ; d’autres le font remonter jusque vers la fin de la seconde race des rois de France. La Révolution abolit l’amortissement en même temps que les autres droits féodaux.

— Econ. polit. Au point de vue industriel et commercial, l’amortissement est un système d’épargne appliqué a la reconstitution des capitaux à fonds perdu, et au remboursement des emprunts privés. La théorie de l’amortissement repose tout entière sur l’action incessante de la composition des intérêts à un tau déterminé. Ce système qui, pour être efficace, exige le temps, la régularité des versements, la sécurité des placements, convient particulièrement aux êtres collectifs comme les communes, les sociétés industrielles et de travaux publics. Les compagnies de chemin de fer, de canaux, d’éclairage au gaz, etc., dont les concessions sont temporaires, recourent presque toutes à l’amortissement pour reconstituer leur capital pendant la durée de la concession. L’amortissement par annuités est en usage pour les prêts hypothécaires ; chaque année l’emprunteur paye, outre l’intérêt du capital qu’il doit, une somme pour l’amortissement de celui-ci dans un temps donné, vingt ou trente ans, par exemple. L’amortissement a d’autres applications que l’analyse économique met en lumière. Les outils, les machines s’usant par l’emploi qu’on en fait, le propriétaire doit retenir une certaine somme sur les produits de ces objets pour être en mesure de les renouveler, en un mot, pour reconstituer peu à peu ce capital destiné à disparaître.

Le capital qu’un fermier dépense en améliorations sur le domaine qu’il a loué doit également se trouver reformé à l’expiration du bail, au moyen d’une partie, régulièrement capitalisée, des profits annuels.

— Financ. En langage financier, on entend par amortissement l’ensemble des institutions et des opérations qui ont pour but d’éteindre une dette publique. Dans un sens restreint, il s’applique au système de remboursement qui repose sur l’emploi de l’intérêt composé. Ce système consiste à créer un fonds d’amortissement, et à le grossir incessamment des valeurs rachetées, de telle sorte que celles-ci restent comme auparavant à la charge du budget jusqu’à l’entière extinction de la dette.

Les uns attribuent l’invention de l’amortissement à un Génois du XVIe siècle, Amaldo Grimaldi ; les autres aux frères Pàris et au contrôleur général Machaut, sous Louis XV. « C’est au docteur Price, dit M. Gustave Dupuynode, que revient surtout l’honneur d’en avoir exposé les merveilles ; il en fit, dans son Traité sur les annuités reversibles, comme une mine inépuisable, comme une toison d’or de nouvelle sorte. Les trésors publics ressemblaient vraiment sous sa plume à la poche du Juif-errant ; on avait beau y puiser, ils se remplissaient toujours. Pitt s’empara de l’idée d’amortissement, et, parmi les hommes de gouvernement, il a contribué plus que tout autre à faire croire à ce décevant mirage. » En France, les premières tentatives d’amortissement remontent à 1765 ; mais c’est seulement en 1816 qu’on fonda la Caisse d’amortissement, en lui allouant une dotation annuelle de 20 millions de francs. En 1817 cette somme fut doublée. En 1825, il fut décidé que les sommes affectées à l’amortissement ne pourraient pas être employées au rachat des fonds publics dont le cours serait supérieur au pair. En 1832, on répartit l’actif de la caisse d’amortissement entre les rentes 5, 4 1/2 et 3 0/0, proportionnellement au capital nominal de chaque espèce de rente ; en même temps on arrêta qu’à l’avenir tout emprunt serait doté d’un fonds d’amortissement égal au moins au centième du capital nominal des rentes composant cet emprunt. De 1816 à 1848, l’amortissement fonctionne sans interruption ; après la révolution de Février, il dut être suspendu. Repris en 1859 avec 40 millions destinés au rachat journalier de rentes, il cessa de nouveau de fonctionner dès 1860 ; sa dotation est devenue une ressource ordinaire du budget, destinée à couvrir chaque année une partie de notre déficit.

En Angleterre, le système d’amortissement, après plusieurs modifications successives, fut complètement abandonné, en 1829, par l’acte de George IV établissant que la dette serait rachetée avec l’excédant des revenus sur les dépenses du royaume.

L’amortissement est une institution aujourd’hui condamnée par la plupart des économistes ; il est devenu évident qu’elle n’a jamais été qu’une fiction, et, selon l’expression de M. Dupuynode, qu’un rouage inutile, trompeur et dispendieux ; qu’au lieu de réduire les dettes, elle a constamment et partout servi à les augmenter, grâce aux illusions qu’elle a créées. Que signifie, en effet, ce travail de Danaïdes : amortir tandis que l’on ne cesse d’emprunter ? N’est-ce pas un plaisant commerce que celui qui consiste à racheter fort cher des rentes anciennes, dans le même temps où l’on est obligé d’en émettre de nouvelles que l’on vend à bas prix ? On a calculé qu’en Angleterre, de 1793 à 1813, la perte causée par la différence entre les sommes payées pour les rentes amorties et les sommes reçues pour la même quantité de rentes émises, pouvait s’élever à 14 millions de livres sterling. « L’amortissement, dit M. E. Pereire, dans l’Encyclopédie nouvelle, a eu certes une valeur organisatrice au moment où il a été établi ; c’était un leurre, si l’on veut, mais il a eu pour effet important de faciliter la transition des emprunts temporaires aux emprunts perpétuels, qui sont l’expression de la confiance la plus grande, c’est-à-dire du crédit le plus étendu. Maintenir la caisse d’amortissement lorsqu’elle a porté tous ses fruits, lorsqu’il est constant qu’il n’y a non-seulement aucun avantage à la conserver, mais encore que ses opérations occasionnent de fortes pertes à l’État, c’est de la déraison, c’est de l’aveuglement. »

AMOS, un des douze petits prophètes ; était un berger de la ville de Thécué, et prophétisait sous les rois Osias et Jéroboam, vers le milieu du IXe siècle av. J.-C.

AMOSE s. f. (a-mo-ze — altération de mimosa). Bot. V. Inga.

AMOU, ch.-lieu de cant. du dép. des Landes, arrond. de Saint-Sever ; pop. aggl. 902 hab — pop. tot. 1,834 hab. Eglise gothique, dont le clocher est le plus beau du département.

AMOUILLANT (a-mou-llan ; Il mll.), part. prés. du v. Amouiller.

AMOUILLANTE. adj. f. (a-mou-llan-te ; Il mll. — rad. amouiller). Art vétér. Se dit d’une vache qui vient de vêler ou qui est près de vêler.

AMOUILLE s. f. (a-mou-lle ; Il mll. — rad. amouiller). Nom vulgaire du premier lait fourni par une vache venant de vêler.

AMOUILLÉ (a-mou-llé ; II mll.) part. pass. du v. Amouiller.

AMOUILLER v. n. ou intr. (a-mou-llé ; ll mll. — rad. mouiller). En parlant d’une vache, Être près de vêler, venir de vêler : Une vache qui amouille, qui est sur le point d’amouiller.

AMOUR s. m. (a-mour — lat. amor, même sens ; formé de amare, aimer). Sentiment qui porte l’âme vers ce qui est beau, grand, vrai, juste, et en fait l’objet de nos affections et de nos désirs : L’amour persuade, console, anime, possède toute l’âme, et fait vouloir le bien pour le bien même. (Fén.) L’amour rend les hommes généreux, sincères, obligeants. (B. de St-P.) L’amour chez l’homme est un sentiment moral. (Ballanche.) L’amour est une chose sainte et auguste. (Ballanche.) L’amour, dans le sens universel du mot, est le principe créateur de toutes choses. (Bautain.) L’amour doit gouverner la terre. (Senancour.) L’intelligence détermine les actes ; l’amour les sollicite. (Lamenn.) L’amour est le génie de la raison. (Toussenel.) L’amour est la participation du fini à l’infini qui crée. (Toussenel.) L’amour est une inspiration de Dieu. (A. Karr.) L’amour est le sentiment de l’harmonie entre le besoin du bonheur et l’objet du bonheur. (E. Alletz.) L’amour est l’acte suprême de l’âme et le chef d’œuvre de l’homme. (Lacord.) L’amour est au-dessus de la mort, comme le ciel est au-dessus de l’océan. (Lacord.) L’amour guide nos actes les plus ardents. (Lacord.) L’amour est l’aspiration sainte de la partie la plus éthérée de notre âme vers l’inconnu. (G. Sand.)

Qui fait exactement ce que ma loi commande
A pour moi, dit ce Dieu, l’amour que je demande.
Boileau.

— Souvent le mot amour est accompagné d’un adjectif qui en détermine la nature : Amour divin. Amour terrestre. L’amour divin est la source de toutes les vertus. (Mass.) L’amour purement humain est une effervescence passagère. (Lacord.) L’amour individuel correspond au droit, l’amour universel au devoir. (Lamenn.) L’amour divin ne se sert de son flambeau que pour nous éclairer, et l’amour profane n’allume le sien que pour nous aveugler. (S. Dufour.) || Ce complément peut consister de même dans un substantif précédé de la prép. de : L’amour de Dieu. L’amour du prochain. L’amour de la patrie. L’amour de la liberté. L’amour de la vertu, de la gloire. L’amour des richesses, des plaisirs. L’amour du vin, de la bonne chère. L’amour de Dieu fait naître toutes les vertus. (Boss.) N’estimez dans les hommes que l’amour du devoir. (Mass.) L’amour immodéré de la vérité n’est pas moins dangereux que tous les autres amours. (La Rochef.) L’amour de la démocratie, c’est l’amour de l’égalité et de la frugalité. (Montesq.) L’amour de la patrie conduit à la bonté des mœurs, et la bonté des mœurs mène à l’amour de la patrie. (Montesq.) Si je n’avais pas l’amour du travail et de la gaieté, il y a longtemps que je serais mort de désespoir. (Volt.) Le désir est une espèce de mésaise que l’amour du bien-être met en nous. (Vauven.) L’amour du travail est la vertu de l’homme en société. (Mme Roland.) Le principal mobile de la révolution française était l’amour de l’égalité. (Mme de Staël.) L’amour de la liberté est aussi légitime que l’amour de soi. (Laténa.) L’amour de la gloire n’est qu’une vanité ennoblie par le but. (Laténa.) L’amour des lettres est la source de nos plus douces jouissances. (Beauchêne.) L’amour de la vérité ne se fait sentir que par le commerce qu’on entretient avec elle. (De Gérando.) L’amour de l’étude est toujours agréable. (J. Droz.) L’amour seul sait dompter l’amour de l’argent. (Pètiet.) Je n’ai qu’une passion, l’amour de la liberté et de la dignité humaine. (A. de Tocqueville.) Rien de plus rare chez les hommes que l’amour de la vérité. (Lamenn.)

L’amour de la vertu n’a jamais d’yeux pour l’âge.
Corneille
C’est l’amour des grandeurs qui vous rend importun.
Corneille

|| S’empl. aussi avec la prép. pour : Avoir de l’amour pour ses enfants, pour sa famille, pour la justice, pour la vérité. Il étend sur eux l’amour infini qu’il a pour son fils. (Boss.) Il sentait renaître son courage et son amour pour la vertu. (Fén.) || Le même complément peut indiquer celui, celle qui éprouve l’amour : L’amour des pères, des mères. L’amour d’une sœur, d’un enfant. L’amour des peuples. Il comptait sur l’amour des soldats. Les pères craignent que l’amour naturel des enfants ne s’efface. (Pasc.) Ses vertus lui méritaient la vénération et l’amour de tous les peuples. (Boss.)

— Dans ce dernier cas, l’idée se rend plutôt au moyen d’un adjectif équivalent au complément substantif, et l’on dit alors : Amour paternel, amour maternel, amour filial, amour fraternel, amour conjugal, amour patriotique, et mieux, de la patrie, etc. Nous allons envisager séparément ces cinq applications du mot amour, qui tiennent une si large place dans notre langue, et qui sont comme les pivots sur lesquels repose l’expression de nos rapports de famille et de société :

Amour paternel, maternel, Sentiment de tendresse, de dévouement, que les pères, les mères ont pour leurs enfants : C’est l’amour paternel qui lui a inspiré ses traits les plus éloquents. L’amour maternel est le mobile le plus fort et le plus constant du cœur de la femme. (Bautain.) L’amour maternel contient tous les sentiments affectueux. (Mme Bachi.) L’amour maternel est au cœur de l’enfant ce que le soleil est à une rose ; pour l’ouvrir, il n’a qu’à le regarder. (Le P. Félix.) L’amour maternel existe dans le cœur de toutes les femmes. (J. Sim.) L’amour paternel est à la fois le sentiment le plus digne d’un cœur généreux et la plus douce jouissance de l’homme sensible. (Alibert.) L’amour maternel seul est inépuisable et ne vieillit jamais. (Descuret.) || Peut se dire aussi des animaux : L’animal le plus timide, le plus pusillanime devient audacieux lorsqu’il s agit de garantir ou de défendre l’objet de son amour. (Mirab.)

Anecdotes. Un religieux, voulant consoler une dame vénitienne qui avait perdu son fils unique, lui rappelait l’obéissance d’Abraham, quand Dieu ordonna à ce patriarche d’immoler son enfant. « Ah ! mon père, répondit-elle avec impétuosité, Dieu n’aurait jamais commandé ce sacrifice à une mère ! » Jamais l’amour maternel n’avait fait entendre un cri aussi éloquent.

Henri IV jouait un jour avec ses enfants, qui s’étaient placés à cheval sur son dos, et qu’il promenait sur le tapis dans une posture peu royale. Survient l’ambassadeur d’Espagne : « Êtes-vous père, monsieur l’ambassadeur ? lui demanda le Béarnais, et, sur sa réponse affirmative : alors, ajouta-t-il, je puis finir le tour de la chambre. »

Parmi des naufragés qui luttaient sur un mince radeau contre les horreurs de la faim et la fureur des vagues, se trouvait une jeune mère allaitant son enfant. Les privations et les angoisses ayant tari son lait, elle s’ouvrit les veines pour nourrir de son sang ce petit être chéri, et lui sauva la vie au prix de la sienne.

Zaleucus avait donné aux Locriens les lois les plus sages et les plus salutaires. Son propre fils ayant été convaincu d’adultère, devait, en vertu des lois, être privé des deux yeux ; mais toute la cité, en considération du père, voulut faire grâce au fils de la punition. Zaleucus résista quelque temps. À la fin, cédant aux prières de tout le peuple et au cri de l’amour paternel, il commença par se crever un œil, puis en creva un aussi à son fils.

L’amour de l’eider pour ses petits est une des merveilles de la maternité. Quand son nid, qui se compose de plantes maritimes, est achevé, c’est le plus touchant des spectacles que de voir l’eider s’arracher son duvet de dessous le ventre et en remplir le nid pour coucher et couvrir ses petits. Et, quand l’homme a volé ce nid, la mère recommence sur elle la cruelle opération ; puis, quand elle s’est plumée, qu’elle n’a rien à arracher que la chair, le père lui succède et il s’arrache tout à son tour ; de sorte que le petit est vêtu d’eux, de leur dévouement et de leur douleur.

Montaigne, en parlant d’un manteau dont s’était servi son père, et que lui-même aimait à porter en mémoire de lui, dit ce mot touchant, que rappelle ce pauvre nid : « Je m’enveloppais de mon père. »

— 2° Amour filial, Affection mêlée de respect que les enfants ressentent pour leurs parents :

… Il convertit ces ténèbres en jour.
Et la crainte servile en filial amour.
Boileau
L’une et l’autre seront chez la race nouvelle
De l’amour filial le plus parfait modèle.
Ducis

Anecdote. A Rome, un vieillard avait été condamné à mourir de faim. Sa fille obtint la faveur de le visiter tous les jours. Au bout d’une semaine, les geôliers, étonnés de voir cet homme encore plein de vigueur, bien que sa fille fût fouillée avec soin à chaque visite, les observèrent tous deux pendant une de leurs entrevues. Ils s’aperçurent alors que la fille présentait le sein à son père, lui rendant ainsi la vie qu’elle en avait reçue. Instruit de ce trait touchant d’amour filial, les magistrats romains firent mettre le prisonnier en liberté.

— 3° Amour fraternel, Affection que l’on éprouve pour un frère ou une sœur : L’amour fraternel dépend beaucoup de l’amour filial qui lui-même n’est produit que par l’amour paternel. (B. de St-P.)

Anecdotes. Si l’on en croit Hérodote, deux frères, habiles architectes, furent chargés par un roi d’Égypte de lui construire un édifice pour enfermer ses trésors. Ces deux frères, au moyen d’une pierre mobile qu’ils avaient su artistement disposer, venaient chaque nuit puiser au trésor royal. Le prince, qui s’apercevait d’une sensible diminution, et qui ne pouvait découvrir par quel moyen on arrivait jusqu’à ses richesses, fit tendre dans l’in-