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Bout de planche mince qui sert à faire une couverture de toit.

AÏSSA-HOUA s. m. (a-i-sa-ou-a). Nom qu’on donne, en Algérie, à des hommes qui apprivoisent les serpents, et qui passent pour des sorciers : Cependant cette activité n’a rien de désordonné et de fiévreux, comme les convulsions épileptiques des aïssa-houa. (Th. Gaut.)

— En Algérie, Ordre religieux musulman, fondé par Sidi-Aïssa.

AISSAUGUE s. f. (è-sô-ghe). Pèch. Sorte de filet ayant une poche au milieu, en usage sur la Méditerranée. || On dit aussi assaugue et essaugue.

AÏSSE s. m. (a-i-se — du gr. aissò, je m’élance). Zool. Espèce d’arachnides appartenant au genre pénélope.

AISSÉ (Mlle), jeune et belle Circassienne, à laquelle des circonstances romanesques ont donné de la célébrité, née en 1693 ou 1694, morte à Paris en 1733, était fille d’un chef circassien dont la bourgade avait été pillée par les Turcs. Elle n’avait que quatre ans lorsqu’elle fut vendue au comte de Ferriol, ambassadeur de France à Constantinople, qui l’amena ensuite à Paris, lui fit donner de l’éducation, et la produisit dans les salons de la Régence, où sa beauté et son esprit la mirent à la mode. Elle sut cependant résister au régent mais elle ne put vaincre son inclination pour le chevalier d’Aydie, et une fille naquit de leurs amours. Elle eut néanmoins la force de briser ces relations, et mourut dans de grands sentiments de piété. Elle a laissé des Lettres très-intéressantes, qui contiennent de curieux détails sur Mmes du Deffant et de Tencin, et sur le monde au milieu duquel elle a vécu. Cette correspondance, publiée d’abord seule avec des notes de Voltaire, l’a été ensuite avec les lettres de Mmes de Villars, de La Fayette et de Tencin. La meilleure édition est celle de M. Ravenel, avec une notice de M. Sainte-Beuve, Paris, 1846.

AISSEAU s. m. (é-sô — rad. ais). Constr. Planchette mince qui sert à couvrir, comme la tuile. || Petite hache de tonnelier.

AISSELETTE s. f. (è-se-lè-te — rad. ais). Teehn. Chacune des pièces qui forment le fond d’une futaille.

AISSELIER s. m. (è-se-li-é — rad. ais). Constr. Nom que les charpentiers donnent à une pièce de bois destinée à former la charpente d’une voûte.

— Bras d’une roue, quand il excède la circonférence de cette roue.

AISSELIÈRE s. f. (è-se-liè-re). Techn. Chacune des pièces du fond d’une futaille.

AISSELLAIRE adj. (è-sèl-lè-re — rad. aisselle). Bot. Se dit des bourgeons qui sont fixés dans les aisselles de la dernière paire de feuilles. Axillaire est préférable.

AISSELLE s. f. (èss-sè-le — lat. axilla, même sens ; de axis, essieu, pivot). Cavité qui se trouve au-dessous de la jonction des bras avec l’épaule : Aissselle droite. Aisselle gauche. Au printemps, on arrose les vers à soie de vin et d’eau tiède ; ils sont couvés sous les aisselles des femmes. (Fén.)

— Archit. Partie de la voûte d’un four, prise depuis sa naissance jusqu’à la moitié de sa hauteur.

— Mar. Aisselles d’une ancre, Angles rentrants formés par la verge et les bras de l’ancre.

— Bot. Angle que fait la feuille avec la tige ou la branche qui la porte : C’est à laisselle des feuilles que naissent ordinairement les bourgeons.

Encycl. Anat. Le bord antérieur de l’aisselle est formé par la saillie des muscles grand et petit pectoral, le bord postérieur par celle du grand dorsal et du grand rond. Au fond se trouvent du tissu cellulaire, des ganglions lymphatiques nombreux, les vaisseaux axillaires et les nerfs du plexus brachial. La peau de l’aisselle est mince, plus ou moins garnie de poils à l’âge de la puberté, et pourvue de follicules qui sécrètent une matière alcaline très-odorante. Les maladies principales de l’aisselle sont : les abcès, les plaies des vaisseaux axillaires, l’anévrisme de l’artère de ce nom, l’engorgement et l’inflammation des ganglions lymphatiques à la suite d’affections diverses, par exemple, à la suite du cancer du sein, etc. Au point de vue de l’anatomie philosophique, l’aisselle est l’homologue de l’aine.

AISSETTE s. f. (è-sè-te — rad. ais). Petite hache recourbée dont se sert le tonnelier pour creuser certaines pièces. On trouve aussi aisseau et aisceau.

AISTHÉTÈRE. V. Esthétère.

AISSIN s. m. (è-sain). MétroL Ancienne mesure de capacité pour les grains.

AISSON s. m. (è-son). Mar. Petite ancre à quatre bras ou anches.

AISUS s. m. (è-zuss). Entom. Espèce de papillon.

AISY s. m. (è-zi). Techn. Petit-lait provenant de la cuite des fromages de Gruyère, et qu’on a laissé aigrir, après y avoir mis de la nouvelle levure.

AITIOPOVANS s. m. pl. (è-ti-o-po-van). Géogr. Tribu qui habite les hauts plateaux de l’Abyssinie, et qui prétend descendre d’une colonie de gens libres venus du Nord.

AITON, célèbre horticulteur anglais, dont le nom entre dans l’expression greffe d’Aiton, espèce de greffe par approche, en usage pour les arbres résineux.

AITONIE s. f. (é-to-nî — de Aiton, n. pr.). Bot. Genre de plantes du cap de Bonne-Espérance, se rattachant plus ou moins à la famille des méliacées.

AÎTHE s. m. (è-tre — du lat. atrium, qui, chez les Romains, désignait un vestibule, une grande pièce d’entrée. Ce mot a passé dans la langue du moyen âge, où il s’est écrit successivement aitre, atre, estre, etre, signifiant cour, porche, parvis, vestibule, etc. Il est probable que la prononciation de ce mot l’a fait confondre dans la suite avec notre substantif verbal être, et aujourd’hui aîtres ou êtres ) signif. les différentes parties de la distribution d’une maison, c’est-à-dire, la cour, l’escalier, les corridors, les appartements et les pièces qui la composent : Je connais les aîtres ou les êtres de cette maison. Toutefois l’Académie n’admet que cette dernière orthographe). V. Êtres.

AIUNTAMIENTO s. m. V. Ayuntamiento.

AÏURU-CATINGA s. m. (a-iu-ru-ka-tain-ga). Ornith. Espèce de perroquet.

AIUS LOCUTIUS ou LOQUENS, Dieu de la parole. Une voix surnaturelle ayant annoncé à Rome l’approche des Gaulois, les magistrats, après la délivrance de la ville, déifièrent cette voix sous le nom d’Aius, et lui érigèrent un temple.

AIX, ch.-lieu d’arr. (Bouches-du-Rhône), à 28 kil. de Marseille et 762 kil. de Paris ; pop. aggl. 19,019 hab. — pop. tot. 27,659 hab. ; anc. cap. de la Provence. L’arrond. a 10 cant., 58 comm., 114,771 hab. Archevêché, cour d’appel, faculté de droit, siège de l’Académie, bibliothèque publique de 100,000 vol. Grande et belle ville ; superbe cathédrale, qui date du xie siècle, et ruines de bains romains. Commerce important de soie, d’huile d’olive, de vins et d’eaux-de-vie ; patrie de Tournefort, Vanloo, Adanson et Vauvenargues. Cette ville fut fondée, 123 ans av. J.-C., par le consul Sextius, qui la nomma Aquœ Sextiœ (Eaux de Sextius), à cause de ses eaux minérales. Le roi René d’Anjou y tenait sa cour. C’est dans les plaines de Pourrières, à 8 kil. d’Aix, que Marius détruisit l’armée des Teutons, l’an 102 av. J.-C. On voit encore les vestiges de son camp. On compte dans la ville quatre établissements d’eaux minérales : les Bains de l’Empereur, de la Reine de Hongrie, le Bain neuf et la Fontaine Elise. Ces eaux thermales, sulfurées sodiques, chlorurées, iodo-bromurées et ferrugineuses, sont connues dès l’époque romaine ; elles émergent d’un terrain où dominent les calcaires de transition. Leur densité est de 1,00349, et leur température de 55°.

AIX, île et ville fortifiée (Charente-Infér.), à l’embouchure de la Charente et au S.-E. de La Rochelle, dont elle défend l’entrée du port ; 456 hab.

AIX (les), ch.-lieu de cant. (Cher), arrond. de Bourges ; pop. aggl. 1,282 hab. — pop. tot. 1,594 hab. L’église paroissiale est un édifice remarquable.

AIXE, ch.-lieu de cant. (Haute-Vienne), arrond. de Limoges ; pop. aggl. 1,709 hab. — pop. tot. 3,119 hab. Ruines d’un ancien château qui fut le refuge de Henri le Vieux, roi d’Angleterre.

AIX-EN-OTHE, ch.-l. de cant. (Aube), arrond. de Troyes ; pop. aggl., 1,444 hab. — pop. tot., 2,623 hab.

AIX-LA-CHAPELLE, ville d’Allemagne, dans la Prusse rhénane, qui fut la résidence favorite de Charlemagne, et où les empereurs d’Allemagne se firent couronner jusqu’en 1531. Sources thermales déjà célèbres au temps des Romains ; 52,000 hab. Nombreuses fabriques de drap, produits chimiques, couleurs, cuirs ; l’importation annuelle des laines dépasse 9,000,000 de francs ; fabrication considérable d’épingles, d’aiguilles et de dés à coudre. Deux traités fameux y ont été conclus : celui de 1668 (2 mai), entre la France et l’Espagne, qui assura la Flandre à la France, et celui de 1748 (18 octobre), qui termina la guerre de la succession d’Autriche. Le congrès d’Aix-la-Chapelle, en 1818, délivra la France de l’occupation étrangère.

Monuments : La cathédrale, aussi appelée Münster ou Dôme. Commencée en 796, sous Charlemagne, qui la dédia à Notre-Dame, cette église est un des plus beaux monuments de l’ancienne architecture, bien qu’elle ait été construite à diverses époques et jusque dans les temps modernes. « Si l’on aborde par la façade cette historique et fabuleuse église, dit M. V. Hugo, voici comme elle se présente : un portail du temps de Louis XV en granit bleu, avec des portes de bronze du viiie siècle, adossé à une muraille carlovingienne qui surmonte un étage de pleins cintres romains. Au-dessus de ces archivoltes, un bel étage gothique richement ciselé, où l’on reconnaît l’ogive sévère du xive siècle ; et pour couronnement une ignoble maçonnerie en briques, à toit d’ardoise, qui date de ce siècle. Si l’on arrive à la cathédrale par le chevet, l’effet est tout autre, la haute abside du xive siècle vous apparaît dans toute son audace et dans toute sa beauté, avec l’angle savant de son toit, le riche travail de ses balustrades, la variété de ses gargouilles, la sombre couleur de la pierre, et la transparence vitreuse de ses immenses lancettes… Entre l’abside et le portail, dans une espèce de trou où toutes les lignes de l’édifice s’écroulent, se cache, à peine relié à la façade par un joli pont sculpté du xive siècle, le dôme byzantin, à frontons triangulaires, qu’Othon fit bâtir au xe siècle au-dessus du tombeau même de Charlemagne. » On remarque principalement dans la cathédrale la magnifique lampe circulaire, en cuivre et en argent, donnée au xiie siècle par Barberousse ; le tombeau de Charlemagne ; le fauteuil de marbre trouvé dans ce tombeau, et qui a servi au couronnement des empereurs mais surtout un grand nombre de reliques, et notamment un jupon de laine de la Vierge Marie, les langes de l’Enfant Jésus, le drap que Jésus avait sur la croix autour des reins et le mouchoir qui enveloppait la tête de Jean ; ces grandes reliques sont exposées tous les sept ans, ainsi que les petites reliques, dont les principales sont la ceinture de Marie, le saint suaire de Jésus, renfermés dans des caisses dorées ou argentées et dans des vases magnifiquement ciselés. Charlemagne avait reçu une partie de ces reliques, en 799, de Jean, patriarche de Jérusalem ; une autre partie lui fut donnée en 806, par Haroun-al-Raschid ; enfin le reste lui fut envoyé de Constantinople. Le sarcophage, dans lequel reposait autrefois Charlemagne, est enfermé actuellement dans une armoire. C’est un magnifique cercueil en marbre de Paros, sur la face antérieure duquel est sculpté, du ciseau le plus magistral, l’enlèvement de Proserpine. « Ce bas-relief est un poëme, » dit M. V. Hugo. On n’est pas d’accord sur la destination primitive de ce précieux marbre, et sur l’emploi qu’il reçut en passant de l’Italie dans le monde barbare.

L’Hôtel de ville (Rathhaus). Ce monument s’élève auprès de la cathédrale, et, comme elle, il est composé de plusieurs autres édifices. « Des deux côtés d’une sombre façade à fenêtres longues, étroites et rapprochées, qui date de Charles-Quint, se dressent, dit M. V. Hugo, deux beffrois, l’un bas, rond, large et écrasé ; l’autre haut, svelte et quadrangulaire. Le second beffroi est une belle construction du xive siècle. Le premier est la fameuse tour de Granus (fondateur d’Aix-la-Chapelle) qu’on a peine à reconnaître sous l’étrange clocher dont elle est coiffée. Au bas de la façade se développe un vaste escalier, qui rappelle celui de la cour du Cheval-Blanc, à Fontainebleau. » C’est sur cet emplacement, dans cette tour romaine peut-être, qu’est né Charlemagne. L’intérieur de l’édifice est fort beau, et l’on remarque surtout la grande salle du troisième étage, dite la salle impériale, qui a 54 mètres de long sur 20 de large, et est ornée de fresques par Rethel. À l’étage inférieur sont les salles du conseil municipal et des mariages. C’est dans la grande salle impériale que se tinrent les congrès de 1748 et de 1818. La restauration de l’hôtel de ville se fait avec le produit des jeux de hasard.

AIX-LES-BAINS, ch.-lieu de cant. (Savoie), arrond. d’Albertville, près du lac du Bourget ; pop. aggl. 3,059 hab. — pop. tot. 4,253 hab. Sources thermales déjà renommées sous les Romains ; arc de Campanus, monument d’ordre toscan élevé au iiie siècle ; restes d’un temple de Diane, dont la cella mesure 10 mètres 70 centimètres de long ; bains romains et piscine antique ; château d’Aix-Sommarina, qui date du xvie siècle, bel escalier gothique.

AIXOIS, OISE s. et adj. (ek-soa, oa-ze — rad. Aix). Géogr. Habitant de la ville d’Aix ; qui appartient à cette ville ou à ses habitants.

AIXOLÉNIA s. f. (èk-so-lé-nia — du gr. aïx, chèvre). Astr. Un des noms de la constellation de la Chèvre.

AIZENAY, commune du dép. de la Vendée, arrond. de Napoléon-Vendée ; pop. aggl. 977 hab. — pop. tot. 3,800 hab.

AÏZOÏDÉ, ÉE adj. (a-i-zo-i-dé — rad. aïzoon). Bot. Qui ressemble à l’aïzoon.

— s. f. pl. Groupe de plantes qui renferme les familles des ficoïdées, des tamariscinécs, des amarantacées, des atriplicées et des phytolacées.

AÏZOON s. m. (a-i-zo-on — du gr. aeizòon, joubarbe). Bot. Genre de plantes grasses appartenant à la famille des ficoïdées, et renfermant environ quinze espèces, dont plusieurs croissent sur les bords de la Méditerranée ou dans les régions voisines. En Espagne et aux Canaries, on les brûle pour en retirer la potasse, qu’elles renferment en grande quantité.

AÏZOONIE s. f. (a-i-zo-o-nî — du gr. aeizòon, joubarbe). Bot. Genre de plantes de la famille des saxifragées.

AÏZOOPS s. m. (a-i-zo-opss — du gr. aeizòon, joubarbe ; opsis, apparence). Bot. Subdivision du genre drabe.

AIZYS s. m. (è-zi). Agric. Dans le départem. du Nord, Nom que l’on donne au blé niellé.

AJACCIO, ch.-lieu du dép. de la Corse et port de mer sur la côte occidentale de l’ile, à 240 kil. de Toulon et 1,028 kil. de Paris ; pop. aggl. 12,006 hab. — pop. tot. 14,098 hab. L’arrond. a 12 cant., 74 comm., 61,451 hab. Évêché ; maison où naquit Napoléon 1er, le 15 août 1769 ; citadelle bâtie en 1554 ; cathédrale construite par les soins de Grégoire XIII, surmontée d’une coupole élégante qui rappelle l’architecture italienne au xvie siècle ; commerce de corail, de vins, huiles, oranges, citrons, etc.

AJAIN, commune du dép. de la Creuse, arrond. de Guéret ; pop. aggl. 214 hab. — pop. tot. 2,012 hab.

AJAN (Côte d’), contrée orientale de l’Afrique, bornée au N. par l’Adel, à l’E. par la mer des Indes, au S. par le Zanguebar ; 150,000 hab. Une partie de ce pays n’est qu’un désert aride et stérile, où errent seulement quelques autruches. Les côtes sont habitées par des Arabes mahométans, et l’intérieur par des nègres fétichistes. On en tire de l’or, de l’ambre gris, de l’ivoire, de la myrrhe et d’autres aromates.

AJAR s. m. (a-jar). Molt. Nom donné par Adanson à une coquille du genre cardite.

AJAX, nom de deux héros grecs, les plus vaillants, après Achille, de ceux qui s’illustrèrent devant Troie :

Ajax, fils d’Oïlée, était roi de Locres. Homère le représente comme le plus fier de tous les Grecs, adroit à tirer de l’arc et à lancer le javelot, et surpassant à la course tous ceux qui osaient lui disputer le prix. Troie ayant été prise, il entra dans le temple de Minerve, et, de ses mains encore fumantes, il enleva Cassandre, prêtresse de la déesse, après lui avoir fait violence dans le temple même. Appréhendant la vengeance de Minerve, il prit la fuite ; son vaisseau, assailli par une tempête, échoua, et Ajax, luttant contre la destinée se réfugia sur la pointe d’un rocher, d’où il défiait encore les dieux, en levant contre le ciel un poing menaçant. Neptune indigné frappa le rocher de son trident, et Ajax fut englouti dans les flots.

Ajax, fils de Télamon, roi de Salamine, conduisit devant Troie une flotte de douze vaisseaux. Ayant été désigné par le sort, il lutta contre Hector dans un combat singulier, entre les deux armées. Ils combattirent un jour tout entier, et se séparèrent après s’être fait de mutuels présents. La valeur du bouillant Ajax allait jusqu’à défier les dieux. Un jour qu’une divinité tutélaire de Troie avait enveloppé d’un nuage les deux armées pour favoriser la fuite des Troyens :

« Grand dieu, rends-nous le jour et combats contre nous, » s’écria le fils de Télamon. Après la mort d’Achille, il disputa les armes du héros à Ulysse, qui l’emporta sur lui par son artificieuse éloquence. (V. Disputer.) Irrité de ce que les Grecs estimaient plus les conseils et les discours que le courage et la vaillance, il fut pris tout à coup d’une folie furieuse, et se jeta pendant la nuit au milieu des troupeaux de l’armée, qu’il égorgea, les prenant pour des guerriers. Le jour ayant éclairé son erreur, il se tua de désespoir pour échapper à l’humiliation d’avoir servi de risée à tous les Grecs.

Le nom d’Ajax est resté synonyme de Guerrier intrépide, bouillant et impétueux :

« Si M. de Villèle, toujours maître de lui, était l’Ulysse de la tribune, M. de la Bourdonnaye, le chef de la contre-opposition de droite, emporté, plein de saillies, en était l’Ajax. »             A. Nettement.

« Lorsque nous serons courbés sous le poids des années, nous raconterons à nos enfants étonnés cet abri, ce repos, ces joies du bivouac, quand, à la fin des journées remplies par des marches surhumaines et charmées seulement par des périls sans cesse renaissants, un signal de l’Ajax de notre épopée nous permettait de faire halte où nous étions, de nous jeter sur un sol détrempé par les pluies ou chargé de frimas, de fermer la paupière sous le ciel brûlant des Castilles ou sur les neiges glacées de la Moscovie. »            Salvandy.

Deux autres circonstances de la vie des Ajax : Ajax menaçant le ciel et Ajax appelant la clarté du jour pour combattre, ont également enrichi la langue d’allusions expressives et poétiques :

« Vous voyez en moi, me dit le bibliomane, le plus malheureux des hommes ! Ce volume, c’est le Virgile de 1679, en grand papier, dont je pensais avoir l’exemplaire géant, et il l’emporte sur le mien d’un tiers de ligne en hauteur. Des esprits ennemis ou prévenus pourraient même y trouver la demi-ligne. Un tiers de ligne, grand Dieu !

« Un tiers de ligne ! » répéta-t-il en menaçant le ciel d’un poing furieux, comme Ajax. »                 Ch. Nodier.

« La poésie contemporaine n’avait pas, il y a quinze ou vingt ans, d’adversaire plus violent et plus hautain que M. Gustave Planche. Aucun Ajax, envahi déjà sur son rocher par les vagues inévitables, ne montrait un poing plus furieux à Jupiter.       A. Vacquerie.


« Du plus loin qu’il voyait poindre l’image de Roger, Claude retombait dans son ombre ; son front se voilait, ses yeux s’éteignaient dans leur orbite, et ce diable de nez, comme le poing d’Ajax défiant les dieux, se remettait à menacer le ciel.            J. Sandeau.

« Nous aspirons tous à la primauté. Mais voici ce qui arrive : Quand l’homme, ainsi enivré de lui-même, regarde autour de lui,