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AIGRI, IE (è-gri). part. pass.  du v. Aigrir. Rendu, devenu aigre : Lait aigri. Vin aigri. Pâte aigrie.

— Fig. Rendu plus irritable, plus acerbe : Calmer les esprits aigris. Le roi a beaucoup d’ennemis ; ils sont puissants, ils sont aigris. (La Bruy.) Si vous le voyez, appliquez votre baume consolant sur son esprit, très-injustement aigri. (Volt.)

J’étais aigri, fâché, désespéré contre elle.
Molière.
      Thésée, aigri par mes avis,
Bornera sa vengeance à l’exil de son fils.
Racine.


AIGRIÈRE s. f. (è-gri-è-re — rad. aigre). Écon. rur. Mélange de lait aigri et de son pour la nourriture des cochons.

AIGRIETTE s. f. (e-gri-é-te — rad. aigre). Espèce de cerise légèrement aigre. On dit aussi aigriotte.

AIGRIN s. m. (è-grain — rad. aigre). Hortic. Nom que l’on donne à de jeunes poiriers et pommiers, à cause de l’aigreur de leurs fruits.

AIGRIOTTE s. f. (è-gri-o-te). V. Aigriette.

AIGRIR v. a. ou tr. (è-grir — rad. aigre). Rendre aigre : Le vin aigrit la pâte. Ils ont coutume de faire aigrir le lait de leurs animaux domestiques. (Brill.-Sav.) Le séjour de l’air dans un tonneau aigrit les meilleurs vins. (L.-J. Larcher.)

Un vase impur aigrit la plus pure liqueur.
Delille.

— Fig. Rendre plus grave, plus pénible, plus douloureux : Cela ne servira qu’à aigrir les affaires. (Acad.) Ils ont aigri les maux de l’Église, au lieu de les calmer. (Mass.) Les consolations indiscrètes ne font quaigrir les violentes afflictions. (J.-J. Rouss.) La solitude aigrit les remords de la conscience, tandis qu’elle console de l’injustice des hommes. (Mme de Staël.) Il voulut éviter daigrir encore la situation. (Balz.)

La douleur est injuste, et toutes les raisons
Qui ne la flattent point aigrissent ses soupçons.
Racine.
Tout réveillait en moi la plainte et le murmure,
Tout, par un poison lent, aigrissait ma blessure.
Dorat.


|| Indisposer, irriter : En contredisant de certaines opinions, nous choquons plusieurs personnes et nous les aigrissons. (Nicole.) Les bienfaits qui ne ramènent pas un ennemi ne servent qu’à laigrir. (Duclos.) Le luxe des grands corrompt le peuple dans l’abondance et laigrit dans la misère. (Boiste.) La ruse hypocrite aigrit toujours les peuples. (Lamenn.)

Si le mal vous aigrit, que le bienfait vous touche.
Racine.
Connaissez donc Titus, voyez toute son âme,
Le courroux qui l’aigrit, le poison qui l’enflamme ;
Il brûle pour Tullie.               Voltaire.
Je vous plains de servir sous ce maître farouche,
Que le mérite aigrit, qu’aucun bienfait ne touche.
Voltaire.


|| On dit de même : Les reproches ne faisaient quaigrir leur esprit. (Boss.) Plus on avance en âge, plus il faut écarter de son cœur tout ce qui pourrait laigrir. (Volt.) Une vie pénible a aigri son caractère. (Chateaub.) La douleur aigrit les âmes vulgaires. (Latena.) La souffrance, loin daigrir les grandes âmes, les élève. (A. de la Faye.)

Gagnons, persuadons, n’aigrissons point les cœurs.
M.-J. Chénier.

— v. n. ou intr. Devenir aigre : Cette pâte aigrit. Cette viande commence à aigrir. Le vin aigrit promptement dans les tonneaux où pénètre l’air.

S’aigrir, v. pr. S’empl. dans le même sens : Boisson qui s’aigrit. Les nourritures végétales donnent un lait plus prompt à s’aigrir. (J.-J. Rouss.)

— Fig. S’irriter : Les esprits commençaient à s’aigrir. (Acad.) Je les prie de ne croire pas que, pour condamner leur erreur, je m’aigrisse contre leur personne. (Boss.) L’orgueil est toujours hautain, impatient, prêt à s’aigrir. (Fén.) Pygmalion suppose que les bons ne peuvent souffrir ses injustices ; la vertu le condamne ; il s’aigrit et s’irrite contre elle. (Fén.) Forcé de dévorer des affronts et des chagrins, Tibère s’était aigri dans le silence et dans la retraite. (La Harpe.) Son âme s’aigrissait rapidement dans cette position fausse et pénible. (G. Sand.)

Vous savez que sa bile assez souvent s’aigrit.
Molière.


|| S’aggraver, devenir plus vif : Des maux, des souffrances qui s’aigrissent. Son ressentiment s’en est aigri. Les affaires s’aigrissent de plus en plus. (Acad.) L’amour a cela de commun avec les scrupules, qu’il s’aigrit par les réflexions et les retours qu’on fait pour s’en délivrer. (La Bruy.)

AIGRISSANT (è-gri-san) part. prés. du v. Aigrir : Un mal, une douleur, une affliction, s’aigrissant, qui va s’aigrissant de jour en jour. Le progrès des ans, en quoi j’espérais, me fait voir que j’ai un mal incurable, et qui va s’aigrissant. (G. Sand.)

Et la gloire de Guise, aigrissant ses douleurs,
Ainsi que ses affronts, redoubla ses malheurs.
Voltaire.

AIGRISSEMENT s. m. (é-gri-se-man — rad. aigre). Action d’aigrir, résultat de cette action : Laigrissement du vin, du lait. || S’emploie rarem. au fig. : Laigrissement des esprits. Il prit un singulier plaisir au récit et à laigrissement de cette accusation. (Legoarant.)

AIGRON s. m. (é-gron). Ornith. Nom vulgaire donné, dans quelques parties de la France, au cormoran et au héron.

AIGU, UË adj. (è-gu — du lat. acutus ; formé de acuere, aiguiser). Terminé en pointe : Fer aigu. Flèche aiguë. L’arme de l’espadon est aiguë. (Lacépède.)


— Par anal. Clair et perçant, en parlant des sons, de la voix : Pousser des cris aigus. La marmotte fait entendre un sifflement si perçant, si aigu, qu’il blesse le tympan. (Buff.) Tout à coup un cri aigu vient frapper son oreille. (Csse Merlin.) || S’applique de même au vent : Assis sur une roche grisâtre, le front dans mes mains, j’écoutais le souffle aigu et plaintif des bises d’hiver, ou la voix aérienne de l’alouette. (Lamart.)

Un souffle aigu du nord, courant comme un frisson,
Durcit la neige en poudre et la pluie en glaçon.
Lamartine.

— Fig. Subtil, piquant, mordant : Trait d’esprit trop aigu. Pointe aigüe. Épigramme aigüe. Plus un mauvais mot est aigu, plus il pénètre en nos cœurs. (S. Franç. de Sales.) On associe dans la conversation les maximes et les saillies, la satire aigüe, l’adroite flatterie et la morale austère. (J.-J. Rouss.) On a pu remarquer parfois dans les pages graves de M. de Chateaubriand quelques mots aigus qui font mine de sortir du ton, et qu’un goût scrupuleux voudrait rabattre. (Ste-Beuve.) Les femmes savent toutes prêter les formes de l’affection aux raisonnements les plus aigus. (Balz.) || Cuisant, cruel, profond : Chagrin aigu. Ce qui rend les douleurs de la honte et de la jalousie si aigües, c’est que la vanité ne peut servir à les supporter. (La Rochef.) Notre âme a besoin d’être agitée par une douleur aigüe ou par un plaisir vif. (Mme Riccoboni.)

— Pathol. S’applique aux douleurs vives, aux maladies à marche rapide : Douleurs aigües. Affection aigüe.

— Hist. nat. Se dit, en parlant des animaux et des plantes, de toutes les parties qui sont terminées en pointe.

— Géom. Angle aigu, Angle qui mesure moins de quatre-vingt-dix degrés, c’est-à-dire qui est plus petit que l’angle droit.

— Gramm. Accent aigu, Accent incliné de droite à gauche, et qui se place sur la plupart des é fermés. || E aigu, L’é qui est surmonté d’un accent aigu : C’est un é aigu qu’il faut ici, et non un è grave. Dans événement, les deux premiers é sont aigus.

— Prosod. Dans la langue espagnole, Vers aigus, Vers qui unissent par des mots accentués sur la dernière syllabe.

— Anc. musiq. Notes aigües, Expression par laquelle on désignait l’étendue des notes comprises depuis le la, sur la cinquième note de la basse, jusqu’au sol, sur la dernière ligne du violon. || Substantiv. L’aigu, Son très-élevé de l’échelle musicale. Il s’oppose au mot grave : Monter du grave à l’aigu.

Encycl. Le mot aigu a une double application en médecine. On dit douleur aiguë par opposition à douleur sourde ; maladie aigüe, par opposition à maladie chronique. Une douleur est aiguë lorsqu’elle est intense, vive, pénétrante, comme si elle était produite par un instrument pointu. On appelle maladies aigües celles dont l’invasion est brusque et qui parcourent promptement leurs périodes. On les subdivise assez souvent, selon leur durée, en subaigües, aiguës, suraiguës, et l’on donne le nom de chroniques à celles qui se prolongent au delà du quarantième jour. La distinction des maladies en aiguës et en chroniques doit être tirée surtout de la nature et de l’intensité des symptômes qu’elles présentent. Ajoutons qu’une maladie aiguë peut devenir chronique, et qu’une maladie chronique peut présenter des phases aiguës.

Antonymes. Émoussé, épointé, mousse, obtus. — Grave ou bas (son), sourd (bruit), chronique (maladie).

AIGUADE s. f. (è-ga-de — rad. aigue, eau). Mar. Provision d’eau douce que fait un vaisseau en relâchant sur un point. || Lieu où se trouve l’eau que les embarcations vont chercher pour les besoins et pour l’approvisionnement de ce bâtiment. Aiguade est beaucoup plus usité en ce sens que dans le premier. || Faire aiguade. Approvisionner un bâtiment. On dit plutôt aujourd’hui : Faire de l’eau.

AIGUADIER s. m. (è-ga-dié — rad. aigue, eau). Employé chargé de la surveillance et de la distribution des eaux d’un canal entre les propriétaires riverains.

AIGUAGE s. m. (è-ga-je — rad. aigue, eau). Anc. administr. Droit que l’on payait pour faire venir de l’eau dans son jardin, dans son pré.

AIGUAIL s. m. (è-ga-ill ; l mll. — rad. aigue). Rosée du matin qui demeure par petites gouttes sur les feuilles et sur les brins d’herbe : Laiguail des fleurs. Laiguail des prés.

            Ma fille, à quelle fin
Voulez-vous aujourd’hui vous lever si matin ?
Le soleil n’a pas bu l’aiguail de la prairie.
Racan.


|| Vieux. C’est le même mot qu’aigail.

Aiguail est encore employé en termes de chasse : Laiguail ôte le sentiment aux chiens.

AIGUAROLLE s. f. (è-ga-ro-le — rad. aigue). Nom donné, dans le midi de la France, à une petite ampoule pleine d’eau.

AIGUAYANT (è-ghè-ian) part. prés. du v. Aiguayer.

AIGUAYÉ, ÉE (à-ghè-ié) part. pass. du v. Aiguayer : Cheval aiguayé. Linge aiguayé.

AIGUAYER v. a. ou tr. (è-ghè-ié — rad. aigue). Baigner, laver dans l’eau.

Aiguayer un cheval, Le faire entrer dans la rivière jusqu’au ventre, et l’y promener pour le laver et le rafraîchir. || Aiguayer du linge, Le laver et le remuer quelque temps dans l’eau avant de le tordre.

Homonyme. Egayer.

AIGUAYEUR s. m. (è-ghè-ieur — rad. aigue). Antiq. rom. Agent de l’administration des aqueducs, spécialement chargé d’établir les prises d’eau.

AIGUE s. f. (è-ghe — du lat. aqua, eau ; mot très-ancien dans notre langue, où il a revêtu successivement les formes suivantes : aigue, aiwe, aive, awe, eve, ieve, iave, eave, eaue, et enfin eau. L’ancienne forme aigue nous est restée dans plusieurs noms de villes : Aiguesmortes, Aigueperse, Chaudesaigues, etc., et dans plusieurs mots de la langue usuelle, comme aiguière, aiguade, etc.). Vieux mot qui signifiait Eau, et qui est encore usité dans quelques parties de la France.

AIGUÉ, ÉE (è-ghé) part. pass. du v. Aiguer. || Vin aigué, Vin mêlé d’eau.

AIGUEBELLE, ch.-lieu de cant. (Savoie), arrond. de Saint-Jean-de-Maurienne ; pop. aggl. 1,006 hab. — pop. tot. 1,117 hab. Les Français et les Espagnols y battirent les troupes du duc de Savoie en 1742.

AIGUEFONDE, commune du dép.  du Tarn, arrond. de Castres ; pop. aggl. 502 hab. — pop. tot. 2,017 hab.

AIGUE-MARINE s. f. (è-ghe-ma-ri-ne — de aigue, et marine). Variété d’émeraude commune, qui est verte comme l’eau de mer. Les aigues-marines qui existent dans le commerce de la joaillerie viennent presque toutes de la Russie et du Brésil. Les plus belles sont celles de la couronne d’Angleterre, et de la collection des pierres gravées de la Bibliothèque Impériale de Paris.

— Par compar. Qui est d’une couleur tirant sur le vert, comme l’aigue-marine : Qui l’emportera des yeux de jais de Soudja-Sari, ou des prunelles daigue-marine de Musidora ? (Th. Gaut.)

Aigue-marine orientale. Nom donné improprement à une variété de topaze.

AIGUEPERSE, ch.-l. de cant. (Puy-de-Dôme), arrond. de Riom ; pop. aggl., 2,620 hab. — pop. tot., 2,697 hab. Église Notre-Dame, qui faisait partie d’un couvent de bénédictins vers le milieu du xiiie siècle ; Ste-Chapelle, fondée en 1475 par Louis Ier de Bourbon ; statues remarquables de saint Louis et de la reine Blanche. Dans les environs, source d’eau minérale gazeuse. Patrie du chancelier de L’Hospital et du poëte Delille.

AIGUER v. a. ou tr. (è-ghé — rad. aigue). Vieux mot qui signif. Mélanger d’eau : Aiguer le vin. || Arroser d’eau : Aiguer un pré.

AIGUESMORTAIN, E s. et adj. (è-ghe-mor-tain, è-ne). Géogr. Habitant d’Aiguesmortes ; qui appartient à cette ville ou à ses habitants : Un Aiguesmortain, une Aiguemortaine. La population aiguesmortaine.

AIGUESMORTES, ch.-l. de cant. (Gard), arrond. de Nîmes ; pop. aggl., 3,014 hab. — pop. tot., 3,865 hab. Saint Louis transforma Aiguesmortes, simple village, en une ville munie d’un bon port. C’est de là qu’il s’embarqua en 1248 et 1269 pour ses pieuses expéditions. Par suite des atterrissements du Rhône, son chenal, long de 6,200 mètres, est à peu près comblé aujourd’hui. En 1538, François Ier et Charles-Quint y eurent une entrevue.

AIGUIÈRE s. f. (è-ghiè-re — rad. aigue). Vase fort ouvert, avec anse et bec, et dans lequel on met de l’eau pour divers usages : Aiguière d’argent, de cristal, de porcelaine. À table, il était près de moi, me versant à boire et me présentant après dîner laiguière et la coupe en cristal. (Scribe.) Un autre laquais apporta une magnifique aiguière d’or et lava la figure de son maître. (E. Sue.) Benvenuto ne dédaignait pas de modeler des aiguières et des armures. (E. Sue.) Vous n’avez pas encore vu, je crois, monseigneur, cette aiguière d’argent d’une forme nouvelle ? (Alex. Dum.) Vous eussiez dû m’arroser le visage ou réserver l’eau de votre aiguière pour mes liserons. (G. Sand.)

Une eau tiède remplit cette aiguière champêtre.
De Saint-Ange.
Est-ce qu’elle a laissé, d’un esprit négligent,
Dérober quelque aiguière ou quelque plat d’argent ?
Molière.
. . . . . Sur ses mains, dans l’aiguière d’argent,
Par une jeune esclave une eau pure est versée.
A. Chénier.


|| Quand l’aiguière était un objet d’art, orné de peintures ou de ciselures remarquables, on la désignait par le nom du sujet représenté.Ainsi, l’on appelait aiguière des Centaures et des Lapithes, un vase représentant le combat des Centaures contre les Lapithes.

— Agric. Dans l’ancien Berri, Rigole dans les champs.

— Blas. Dans l’écu, l’aiguière est placée de profil, l’anse tournée à senestre.

AIGUIÉRÉE s. f. (è-ghi-é-ré — rad. aiguière). Ce que contient une aiguière pleine : Je lui jetai une aiguiérée d’eau par le nez. (Baron.)

AIGUILLADE s. f. (è-ghi-lla-de ; ll mll. — rad. aiguille). Gaule armée d’une pointe, dont on se sert pour piquer les bœufs attelés. C’est ce qu’on appelle ordinairement aiguillon.

AIGUILLANT (è-ghi-llan ; ll mll.) part. prés. du v. Aiguiller.

AIGUILLAT s. m. (è-ghi-lla ; ll mll. — rad.&nbsp.aiguille). Ichthyol. Nom vulgaire de quelques espèces de squales, notamment du squale acanthias.

AIGUILLE s. f. (è-gu-i-lle ; ll mll. — du lat. acicula, dimin. de acus, pointe). Petite tige ordinairement d’acier, déliée, pointue par un bout, arrondie et percée par l’autre, pour y passer du fil, de la laine, de la soie : Pointe d’une aiguille. Tête d’une aiguille. Chas, trou d’une aiguille. Enfiler une aiguille. Ouvrage à l’aiguille. Chaque aiguille, quelle que soit sa dimension, passe entre les mains de cent vingt ouvriers avant d’être entièrement terminée. (Encycl.) Elle tira son aiguille avec prestesse. (Balz.) J’appris, comme toutes les filles d’artisans, à tirer laiguille. (G. Sand.) On eût dit qu’à la voir tirer son aiguille, il comptait chaque point comme un moment de son bonheur. (G. Sand.) La nuit, des milliers de jeunes filles luttent contre le sommeil, la maladie, le froid et la faim, pour tenir encore leur aiguille dans leurs doigts raidis par quinze heures de travail. (Ledru-Rollin.) Jamais on ne la voyait tenir une aiguille ; elle passait les journées à sa toilette, et les soirées sur un sofa. (A. de Musset.) Un homme qui perdrait continuellement son sang par la piqûre d’une aiguille n’en mourrait pas en une heure, mais il pourrait en mourir en quelques jours. (Proudh.) Laiguille est un petit outil qui n’enrichit pas. (Feydeau.)

La vertu qui convient aux mères de famille,
C’est d’être la première à manier l’aiguille.
Ponsard
Une aiguille ! fi donc ! Quelle dame aujourd’hui
      Ne se tiendrait déshonorée
De se voir une aiguille entre les doigts fourrée ?
Nulle n’en veut porter, pas même en son étui.
Ducerceau.

— Sert à spécifier le travail manuel de la femme : Vivre de laiguille, de son aiguille. Cette pauvre femme a élevé tous ses enfants avec son aiguille. Cette pauvre femme n’a d’autre bien que le produit de son aiguille. (Scribe.)

Pour le théâtre ayant quitté l’aiguille.
Béranger.

— S’emploie dans une foule de comparaisons et de locutions proverbiales : De fil en aiguille, D’une chose à une autre, de propos en propos : Et de fil en aiguille, il lui demanda depuis quand ils avaient Destin dans leur troupe. (Scarr.) C’est ainsi que nous sommes arrivés de fil en aiguille à parler de l’inconnu. (Balz.) || Raconter de fil en aiguille, Raconter avec ordre, longuement et minutieusement : Madame me pria de lui conter de fil en aiguille (ce fut son terme) le détail de cette célèbre matinée. (St-Sim.) || Disputer sur la pointe d’une aiguille, Élever des contestations sur des minuties, des subtilités. || Chercher une aiguille dans une botte de foin, Chercher, parmi beaucoup d’autres, une chose difficile à trouver, à cause de sa petitesse.

Chercher l’esprit dans un drame,
Le bon sens dans un roman,
La raison chez une femme,
L’honneur chez un charlatan,
Ah ! c’est chercher une aiguille
Dans une botte de foin.      Désaugiers.


|| Ne savoir pas faire un point d’aiguille, Se dit d’une fille maladroite ou paresseuse. || Ne pas faire, n’avoir pas fait un point d’aiguille, N’avoir rien fait : Il était presque midi, et je n’avais pas encore fait un point d’aiguille. (Le Sage.) || C’est un homme qu’on ferait passer par le trou d’une aiguille, Se dit d’un homme extrêmement timide, d’un poltron. || Fournir quelqu’un de fil et d’aiguilles, Le pourvoir de tout, même des plus petites choses.

— Nom donné, dans les arts et métiers, à un grand nombre de petits instruments que leur forme rapproche plus ou moins de l’aiguille ordinaire : Aiguille à passer, Aiguille sans pointe, dont se servent les femmes pour passer un lacet, un cordonnet dans des œillets, dans une coulisse. || Aiguille à passer les bouts, Aiguille qui porte un gros fil replié en boucle pour embrasser et tirer dans l’étoffe les bouts de chenille et autres. || Aiguille à tricot, aiguille à tricoter, Longues tiges d’acier ou de fer poli, émoussées par les deux bouts, dont on se sert pour tricoter des bas, etc. : Le fuseau, le rouet, laiguille à tricoter, n’ont plus d’emploi. (Ch. Ballot.) || Aiguille à tapisserie, Aiguille émoussée, largement fendue, et dont la grosseur est proportionnée à celle du canevas qu’on emploie. || Aiguilles à reprises, aiguilles camuses, à tranchefiles, Nom que l’on donne aux aiguilles de tailleurs ou à coudre, en raison de leur longueur et de leur grosseur. || Aiguilles à insectes, Petites tiges très-effilées dont on se sert pour fixer des insectes dans les collections. || Aiguille à empointer, Carrelet long et fort, dont on se sert pour arrêter avec de la ficelle ou du gros fil les plis des pièces d’étoffes. || Aiguille à emballer, Aiguille ronde vers la tête et en fer de lance fort allongé vers la pointe. || Aiguille à matelas, Aiguille qui sert aux matelassiers et aux tapissiers pour piquer les matelas. || Aiguille