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AÉROSCOPIE s. f. (a-é-ro-sko-pî — rad. aéroscope). Météor. Méthode pour faire des observations sur l’air ; art d’étudier l’atmosphère.

AÉROSITE s. f. (a-é-ro-zi-te). Minér. Variété d’argent rouge sombre.

AÉROSPHÈRE s. f. (a-é-ro-sfè-re — du gr. aér, air ; sphaira, sphère). Masse d’air qui entoure le globe terrestre.

AÉROSTAT s. m. (a-é-ro-sta — du gr. aér, air ; et staò, je me tiens). Appareil qui s’élève dans l’atmosphère, grâce à la légèreté spécifique du gaz dont il est rempli. Les aérostats sont souvent appelés ballons, en raison de leur forme. On leur donne le nom de montgolfières quand ils sont remplis d’air chaud : Un aérostat qu’on ne peut diriger est tout au plus un jouet d’enfant, bon pour divertir les rois, les vieilles femmes et les académies. (Ch. Nod.) Depuis le Consulat, l’usage de l’aérostat militaire a été abandonné. (Bardin.) La furie des vallons continue toujours ; chaque dimanche l’air est étoilé d’aérostats. (Th. Gaut.)

Encycl. I. Théorie des aérostats. La théorie des aérostats repose sur ce principe découvert par Archimède, qu’un corps plongé dans un liquide, perd une quantité de son poids égale au poids du volume du liquide qu’il déplace. Ce principe s’applique à toute espèce de fluide, aux gaz comme aux liquides, à l’air atmosphérique comme à l’eau. Appliqué à l’air, il peut s’énoncer ainsi : Tout corps plongé dans l’air éprouve une poussée de bas en haut égale en grandeur au poids de l’air déplacé. Il en résulte que tout corps dont le poids est égal à celui de l’air déplacé reste en équilibre sans monter ni descendre, comme les nuages suspendus dans l’atmosphère, que tout corps dont le poids est supérieur à celui de l’air déplacé tend à tomber, comme s’il était sollicité par une force unique égale à l’excès de son poids réel sur le poids de l’air déplacé ; enfin que tout corps dont le poids est inférieur à celui de l’air déplacé s’élève verticalement, emporté par la poussée, comme s’il était sollicité, en sens contraire de la pesanteur, par une force unique égale à la différence qui existe entre la poussée et son propre poids : tel est le cas de l’hydrogène, du gaz d’éclairage, de l’air chaud, de la fumée, etc.

II. Composition des aérostats. Un aérostat est un appareil qui s’élève dans l’air, comme la fumée, parce que son poids total est inférieur à celui de l’air qu’il déplace. Cet appareil est composé de deux parties essentielles : d’un ballon, à peu près sphérique, enveloppe renfermant un gaz spécifiquement plus léger que l’air, et d’une nacelle, sorte de corbeille d’osier suspendue au ballon et que le ballon emporte avec lui. Tout gaz dont la pesanteur spécifique serait notablement moindre que celle de l’air pourrait servir à gonfler un ballon. On a d’abord fait usage de l’air chaud ; aujourd’hui, on emploie exclusivement l’hydrogène ou le gaz d’éclairage. L’enveloppe doit être imperméable, elle est formée soit de taffetas verni, soit d’une feuille mince de caoutchouc placée entre deux feuilles de taffetas. À la partie inférieure est une ouverture pour l’introduction du gaz ; à la partie supérieure une autre ouverture garnie d’une soupape de métal, destinée à donner issue au gaz pour faciliter la descente. L’hémisphère supérieur du ballon est recouvert d’un filet à larges mailles portant circulairement un assez grand nombre de cordes, auxquelles est attachée la nacelle. C’est dans celle-ci que se tient l’aéronaute, avec tous les objets nécessaires au voyage, et une provision de lest, suffisante pour alléger le ballon quand on veut remonter dans des régions plus hautes.

III. Force ascensionnelle des aérostats. Un aérostat s’élève dans les airs lorsque son poids total est inférieur à la poussée de l’air qui l’environne. On donne le nom de force ascensionnelle à la différence qui existe à chaque instant entre ces deux quantités. Réduit au ballon, l’aérostat aurait une force ascensionnelle égale à la différence qui existe entre le poids de l’air déplacé, et la somme des poids du gaz qu’il contient et de l’enveloppe. Or, le poids de l’air déplacé est proportionnel au volume de l’aérostat, c’est-à-dire au cube de son rayon ; il en est de même du poids du gaz intérieur, et, par suite, de la différence entre ces deux quantités ; d’autre part, le poids de l’enveloppe de taffetas est proportionnel à la surface du ballon, c’est-à-dire seulement au carré du rayon. On voit que la force ascensionnelle doit nécessairement croître avec les dimensions de l’aérostat, en d’autres termes, que celui-ci peut enlever des poids additionnels d’autant plus considérables qu’on lui donne un plus grand volume. Notons que, pour un même ballon, la force ascensionnelle est beaucoup plus grande si on l’a gonflé avec de l’hydrogène que si l’on a employé du gaz d’éclairage, la densité de l’hydrogène étant environ un quinzième de celle de l’air, tandis que celle du gaz en est la moitié. Aussi emploie-t-on des ballons de très-grandes dimensions quand on veut se servir de ce dernier gaz, comme on le fait pour les ascensions qui n’ont d’autre but que d’attirer des spectateurs ; dans les ascensions scientifiques, où l’on tient à s’élever très-haut dans l’atmosphère, on emploie exclusivement l’hydrogène. Il faut bien remarquer enfin que l’enveloppe doit toujours être assez vaste pour qu’au moment du départ le ballon ait acquis une force ascensionnelle suffisante bien avant d’être compIètement distendu. En effet, la densité des couches de l’atmosphère diminuant à mesure que l’on s’éloigne de la terre, il arriverait un moment où la pression de l’air extérieur cesserait de faire contre-poids à la force expansive du gaz enfermé, où, par conséquent, l’enveloppe finirait par éclater, quelque solide qu’elle fût, si elle ne pouvait augmenter de volume. Deux causes tendent à diminuer la force ascensionnelle d’un aérostat : la première est la raréfaction du milieu que le ballon atteint en s’élevant et la diminution de poussée qui résulte de cette raréfaction ; la seconde et la plus active est le phénomène d’endosmose, qui s’opère à travers l’enveloppe, quelque soin qu’on ait pris de la rendre imperméable, et en vertu duquel une quantité notable d’air extérieur ne tarde pas à pénétrer dans le ballon, en même temps qu’une partie du gaz intérieur s’échappe dans I’atmosphère. Lorsque l’aéronaute est arrêté par la diminution de la force ascensionnelle et qu’il veut continuer à s’élever, il décharge la nacelle d’une partie du sable qui lui sert de lest. Lorsqu’il veut arrêter le ballon ou opérer une descente, il ouvre, à l’aide d’une corde qui se rend dans la nacelle, la soupape qui ferme l’ouverture supérieure. Si la chute est trop rapide, ou si l’aérostat paraît devoir toucher terre en un lieu qui présente quelque danger, on peut diminuer la vitesse ou même rendre au ballon son mouvement ascensionnel en jetant une nouvelle quantité de lest, jusqu’à ce qu’il se trouve, par exemple, au-dessus d’une plaine où la descente ne présente pas d’inconvénient. Une ancre, placée à l’extrémité d’une longue corde, sert ordinairement à prendre un point fixe sur le sol et à amener peu à peu la nacelle jusqu’à terre. — Avant que l’aérostat abandonne la terre, on mesure la force ascensionnelle au moyen du dynamomètre ; on peut la déterminer a priori quand on connaît le volume du gaz introduit, le poids de l’enveloppe et des accessoires, et les conditions dans lesquelles se trouve l’air ambiant. Dans le cours de l’ascension, le baromètre permet de vérifier à chaque instant si le ballon s’élève, et d’évaluer avec une approximation suffisante la hauteur à laquelle on est parvenu.

IV. Invention des aérostats. Presque tous les écrivains qui se sont occupés des aérostats n’en font remonter l’origine qu’à Ia fin du xviiie siècle. Sans diminuer la gloire des frères Montgolfier, qui ont attaché leur nom à cette invention, on ne doit pas oublier que, vers la fin du xviie siècle, ils avaient eu un précurseur dans le Portugais Gusmao. Celui-ci, voyant, dit-on, un jour de sa fenêtre un corps sphérique, très-léger, peut-être une bulle de savon, qui flottait dans les airs, s’était appliqué avec succès à produire en grand ce phénomène. Un jour, à Lisbonne, il s’éleva en ballon devant le palais du roi, en présence de la famille royale et de toute la cour ; mais l’inquisition, gardienne jalouse du statu quo intellectuel, vit un péril dans l’audacieuse découverte, et Gusmao, que le peuple appelait par dérision l’homme volant, dut s’expatrier pour fuir la persécution ; il mourut sans avoir pu donner suite à ses premiers essais et sans même en laisser le secret à ses contemporains. Plus tard, lorsque Cavendish eut découvert le gaz hydrogène, en 1766, le docteur Black conçut aussitôt l’idée qu’une vessie remplie de ce gaz, dont la pesanteur spécifique est si inférieure à celle de l’air, ne pouvait manquer de s’élever dans l’atmosphère ; mais il échoua dans ses expériences. Celles de l’Italien Cavallo (1782) n’eurent pas plus de résultat. Les deux frères Étienne et Joseph Montgolfier, fabricants de papier à Annonay (Ardèche), furent plus heureux. Ayant cru reconnaître que l’électricité est la principale cause qui retient les nuages, ils imaginèrent, en brûlant un mélange de laine et de paille mouillée, de produire un gaz ou air électrique plus léger que l’air, et par conséquent capable de s’élever dans l’espace, d’après le principe d’Archimède. Le 5 juin 1783, une enveloppe faite d’une toile d’emballage, doublée de papier, de forme à peu près sphérique, ayant environ 866 mètres cubes de capacité, ouverte par en bas, et portant suspendu à sa partie inférieure un réchaud où se formait, disait-on, le gaz Montgolfier, fut lancée solennellement sur la place publique d’Annonay. Elle s’éleva à environ 1,000 mètres et alla retomber à près d’une lieue de son point de départ. Cette expérience qui devait s’expliquer non par la production d’un gaz électrique, mais tout simplement par l’action de la chaleur sur l’air contenu dans l’enveloppe, frappa vivement l’attention des savants. Bientôt le physicien Charles l’imita en substituant l’hydrogène à l’air chaud, et le premier ballon qu’eût encore vu Paris s’éleva au Champ-de-Mars, salué par le canon, au milieu d’une foule immense qui couvrait les places, les avenues, les toits. Dans ces jours qui précédaient la grande Révolution, à cette époque d’ardente foi à la puissance de l’humanité, un spectacle si nouveau et si plein de promesses ne pouvait manquer d’exciter l’enthousiasme universel. « On ne pouvait, dit M. Figuier, se défendre des plus vives impressions. Beaucoup de personnes fondirent en larmes ; d’autres s’embrassaient comme en délire. » Étienne Montgolfier renouvela quelques semaines plus tard, à Versailles, en présence de la cour, l’expérience d’Annonay avec un aérostat gonflé d’air chaud qui s’éleva à un demi-kilomètre, emportant un mouton, un coq et un canard dans une cage suspendue à l’appareil. Ces animaux, envoyés en quelque sorte en éclaireurs dans l’espace, revinrent sains et saufs, témoignant de la possibilité des ascensions aérostatiques.

V. Ascensions aérostatiques. L’aérostat inventé, on pouvait s’attendre à voir bientôt l’homme (audax lapeti genus) confier sa vie à la frèle machine. Montgolfier avait trouvé dans Pilatre de Rozier un ardent collaborateur. Ils préparèrent ensemble une ascension à ballon captif, qui eut lieu sans aucun accident. Bientôt après, le 20 novembre 1783, Pilatre, enhardi par ce premier succès, se hasarda avec le marquis d’Arlandes sur un aérostat entièrement libre, et fit ainsi le premier voyage aérien. L’exemple est donné : le 1er décembre, un aérostat de 9 mètres de diamètre, gonflé d’hydrogène, muni d’une soupape, d’un filet, d’une nacelle, emporte Charles et Robert jusqu’à Nesles, à 36 kil. de leur point de départ. Dès lors les ascensions aérostatiques se muItiplient. Chaque ville a ses aéronautes. Le 7 janvier 1785, Blanchard, accompagné de l’Américain Jefferie, accomplit, au milieu de péripéties saisissantes, la traversée de Douvres à Calais. Le 15 juin de la même année, l’aventureux Pilatre de Rozier et Romain tentent une expédition semblable. Malheureusement, sous le ballon principal, rempli de gaz hydrogène, ils avaient eu l’idée de suspendre une montgolfière qui portait avec elle son foyer. C’était, suivant l’expression de Biot, un fourneau sous un magasin à poudre. Parvenu à une hauteur de 4 à 600 mètres, l’appareil prit feu, et les deux aéronautes trouvèrent la mort sur les falaises de Boulogne.

VI. Applications des aérostats. Les savants avaient compris dès l’origine que les ballons pouvaient servir utilement aux progrès de la météorologie, en permettant d’observer, dans les hautes régions de l’atmosphère, les variations de la température, les oscillations de l’aiguille aimantée, l’intensité et la direction des courants d’air. Après les voyages d’essai entrepris par curiosité, vinrent les ascensions scientifiques. La première fut faite par Boulton, le 26 décembre 1784. Quelques années plus tard, en août 1804, Biot et Gay-Lussac s’élevèrent ensemble et recueillirent de nombreux renseignements sur la physique de l’air. Ils annoncèrent que les oscillations de l’aiguille aimantée et l’action de la pile n’éprouvent aucune modification dans les hautes régions de l’atmosphère, que la sécheresse croît avec l’élévation, et que la température, au contraire, décroît suivant une loi déterminée. Un mois après, Gay-Lussac partit seul, atteignit une hauteur de 7,000 mètres, et en rapporta des échantillons d’air atmosphérique, dans lesquels une analyse délicate ne découvrit aucun élément nouveau. En juin et juillet 1850, MM. Barral et Bixio firent deux ascensions scientifiques. Ils eurent à traverser un nuage composé de petites aiguilles de glace, aux arêtes vives, et aux facettes polies ; ils remarquèrent un prodigieux abaissement de la température dans les régions élevées. Dans les voyages aériens qu’il fit en 1852, M. Welsh reconnut que le thermomètre baissait d’abord en proportion de la hauteur, depuis le sol jusqu’à la région des nuages ; que, dans cette région, les variations de la température étaient irrégulières, et qu’enfin au-dessus des nuages le refroidissement reprenait une marche persistante et régulière.

La Révolution, qui tirait parti de tout, songea à utiliser les aérostats. Sur l’avis favorable d’une commission d’examen, présidée par Monge, et parmi les membres de laquelle figurèrent Berthollet, Fourcroy, Guyton-Morveau, le comité de salut public décida que les aérostats seraient employés, aux armées, comme moyen d’observation. L’aéronaute Coutelle fut chargé de mettre le projet à exécution ; il reçut le brevet de capitaine des aérostiers, avec l’ordre d’organiser une compagnie. L’aérostat militaire était retenu captif à une certaine hauteur, au moyen de cordes que dirigeaient à terre des conducteurs, comme cela se pratique pour les cerfs-volants, et de petits drapeaux de diverses couleurs, tenus par les observateurs placés dans la nacelle, indiquaient aux hommes d’en bas quand il fallait élever ou descendre le ballon. Pour le gonfler, on ne devait pas employer l’acide sulfurique, mais recourir au procédé de la décomposition de l’eau parce que le soufre, alors très-rare, était réserve à la confection de la poudre. Après diverses expériences faites dans le parc de Meudon, le corps des aérostiers reçut ordre de se rendre, avec ses appareils, à l’armée de Sambre-et-Meuse. Il figura d’abord à la défense de Maubeuge, puis à l’attaque de Charleroi, à la bataille de Fleurus, et enfin au siége offensif de Mayence. Dans toutes ces circonstances, le rôle du capitaine Coutelle était d’observer du haut de sa nacelle les forces, les dispositions et les mouvements de l’ennemi, et de les faire connaître au moyen de morceaux de papier attachés à de petits sacs de sable qu’il jetait à terre. Pendant la bataille de Fleurus, il resta plus de neuf heures en observation : « Certainement, dit-il lui-même, ce n’est pas l’aérostat qui nous a fait gagner la bataille ; cependant, je dois dire qu’il gênait beaucoup les Autrichiens, qui croyaient ne pouvoir faire un pas sans être aperçus, et que, de notre côté, l’armée voyait avec plaisir cette arme inconnue qui lui donnait confiance et gaieté. »

Une deuxième compagnie d’aérostiers fut organisée à l’époque de l’expédition d’Égypte ; mais elle ne put être employée, parce que les Anglais s’emparèrent du navire qui portait son matériel. Enfin sous le Consulat, l’usage de l’aérostat militaire fut abandonné. Les oscillations de la nacelle, la lutte du globe contre les vents, l’impossibilité de le maintenir à un point à peu près fixe dans l’espace, étaient des obstacles qui ne pouvaient être surmontés que par la ferveur et le dévouement des soldats de la Révolution.

L’aérostat avait été, presque à sa naissance, employé comme machine de guerre ; Arago eut l’idée de le faire servir à l’agricuIture. Il s’agissait de faire avorter les plus violents orages et d’empêcher la formation de la grêle, en soutirant l’électricité des nuages au moyen d’un aérostat captif armé de pointes. L’expérience demandait que l’aérostat paragrêle pût séjourner indéfiniment dans l’atmosphère. On comprend qu’il fallait d’abord trouver une substance propre à faire une enveloppe complètement imperméable, c’est-à-dire à travers laquelle l’échange des gaz ne pût s’opérer. Malheureusement ce problème n’a pu jusqu’ici être résolu.

VII. Navigation aérienne. À peine l’expérience eut-elle montré que l’on pouvait élever et soutenir dans l’air des machines capables de porter des hommes, que, sans s’arrêter à d’autres applications, toutes les préoccupations, tous les vœux, toutes les espérances, se tournèrent du côté de la navigation aérienne. Rien de plus séduisant, il faut en convenir, rien de plus propre à enflammer l’imagination, qu’une telle extension de notre puissance. La navigation aérienne changerait les conditions économiques et sociales de l’humanité. « Toute ville, tout village, chaque usine, dit M. BIerzy, jouirait des avantages d’un port de mer. Les canaux, les routes deviendraient inutiles et rendraient à l’agriculture la surface qu’ils occupent. Les vaisseaux (s’il en restait encore), surpris par la tempête, seraient enlevés par leur grand mât en pleine mer et reconduits au port ; ils seraient transportés par-dessus les chaînes des montagnes. La guerre ne se ferait plus que par en haut, au moyen de bombes formidables qu’on laisserait tomber d’aplomb sur les armées et les places fortes ; mais il n’y aurait plus de guerres, car les frontières seraient effacées, les peuples communiqueraient en quelques heures d’un antipode à l’autre, et, par un contact incessant, se fondraient en une seule famille. L’intérieur des continents inaccessibles n’aurait plus de mystères, etc. » Du reste, cette espérance d’imiter l’oiseau, comme on avait imité le poisson n’était pas nouvelle. Il semble que de tout temps l’homme ait songé à s’affranchir des liens de la pesanteur qui l’attachent au sol, et vu dans le champ infini des airs un domaine à conquérir. Les noms de Dédale et d’Icare sont fameux dans la mythologie. Nous voyons au xiie siècle l’Anglais Guillaume de Malmesbury, au xve l’Italien J. B. Dante, les Français Besnier, Bernoin, Bacqueville, Alard au xviie, rêver et tenter l’emploi de grandes ailes analogues à celles des oiseaux. En 1670, le P. Lana, de la compagnie de Jésus, proposait un bateau aérien consistant en une nacelle armée d’un mât et d’une voile. Quatre sphères ou globes en cuivre privés d’air et ayant 1/68 de ligne d’épaisseur étaient chargés de supporter la nacelle au moyen de câbles. « Je ne vois, disait le P. Lana, aucune difficulté qui puisse s’opposer à la réussite de mon invention, si ce n’est celle-ci, qui me semble l’emporter sur toutes les autres : Dieu ne permettra peut-être jamais qu’une telle machine puisse réussir en pratique, afin d’empêcher plusieurs conséquences qui porteraient la perturbation au milieu des sociétés humaines. Quel est celui qui ne voit qu’aucune ville ne serait désormais à l’abri des surprises, puisque l’on pourrait à chaque instant diriger le navire tout droit au-dessus de la place et y mettre pied à terre avec ses compagnons ? » Le P. Galien, en 1755, décrivit de son côté un vaisseau destiné à naviguer dans l’air, et à transporter au besoin une armée avec tous ses appareils de guerre et ses provisions de bouche, jusqu’au milieu de l’Afrique ou dans d’autres pays non moins inconnus. « Ce vaisseau, disait-il, serait plus long et plus large que la ville d’Avignon, et sa hauteur ressemblerait à celle d’une montagne bien considérable. » — L’invention des aérostats avait fait faire un pas considérable à la question ; la navigation aérienne, si longtemps un rêve, semblait entrer dans la science ; on avait le véhicule ; il ne s’agissait plus que de le diriger. L’ambition de frapper le premier à un but qui paraissait si rapproché, fit entrer dans la lice tous ceux qui crurent saisir quelques-uns des secrets de l’art maritime, du vol des oiseaux, de la natation des poissons, etc. Le nombre est grand des projets, des essais, qu’on a vus éclore depuis cette époque. Après ceux de Guyton-Morveau, de Meusnier, vinrent ceux de M. Transon, de M. Delcourt, de M. Giffard, etc. — La machine de Guyton-Morveau est une des premières qui furent proposées pour résoudre le problème. L’appareil de direction consistait en un taillevent, un gouvernail et deux rames. — Meusnier voulait se rendre maître du mouvement vertical de l’aérostat, en imitant la vessie natatoire du poisson, qui se gonfle ou s’affaisse