Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 1, part. 1, A-Am.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle du pied droit le blesse. « Remportez-la, dit-il, et rapportez-la moi demain matin ; je puis différer jusque-là mon départ. » Quelques moments après, le second cordonnier se présente. Cette fois, c’est la botte de gauche qui semble un peu trop étroite ; il faut la remettre sur la forme et la renvoyer le lendemain. Aussitôt que l’industriel est sorti, le cadédis lève le camp, parfaitement chaussé et à aussi bon marché que possible.

ADRESSE (SAINTE-), petit village de la Seine-Inférieure, 3 kil. du Havre. Séjour enchanteur. À peu de distance, deux phares magnifiques. Il a été popularisé dans ces derniers temps par nos romanciers. 978 hab.

ADRESSÉ, ÉE (a-drè-sé) part. pass. du v. Adresser. Envoyé à l’adresse de : Ces lettres m’ont été adressées par un oncle. Ce paquet m’était adressé de Nevers. Le roi les autorisa à lire toutes les dépêches qui lui étaient adressées. (Mignet.) Il est assez rare que les lettres adressées par la poste à un exilé lui parviennent. (V. Hugo.)

Ce beau nom que l’amour grava dans votre cœur
N’est point dans cette lettre à Tancrède adressée.
Voltaire.

— Par ext. Exprimé, proféré pour être entendu : Que peuvent signifier des compliments adressés à tout le monde ? Que l’oreille d’une mère soit bien attentive aux discours adressés à la poupée : ce qui lui a fait plus d’impression, sa fille le répétera à sa muette enfant. (Mme Campan.) || Dirigé vers :

Je fixe ses regards, à moi seul adressés.
Voltaire.


|| Lancé, dirigé contre : Cette épigramme, cette critique vous est évidemment adressée.

ADRESSER v. a. ou tr. (a-dré-sé — du fr. à et dresser, qui a signifié redresser, puis diriger, c’est-à-dire mettre à droit, locution exprimée aujourd’hui par notre mot redresser, et, par ext., diriger, conduire, porter vers ; ce qui donne une raison suffisante des deux acceptions du mot adresse : dextérité et indication). Faire parvenir, envoyer directement en quelque lieu : Adresser une lettre, un paquet à quelqu’un. Je vous prie de lui adresser à Genève, en droiture, les instructions que vous voudrez bien lui faire parvenir. (Volt.) J’ai connu un homme qui avait toujours été heureux, jusqu’au moment où je ne sais qui lui adressa en présent douze oignons de tulipe. (A. Karr.)

Montrons l’ordre cruel qui vous fut adressé.
Racine.


|| Diriger :

Où suis-je ? C’est ici qu’on adresse mes pas !
Voltaire.


|| Fig. Il a établi la raison dans la suprême partie de notre âme, pour adresser nos pas à la bonne voie. (Boss.)

— Par ext. Envoyer : Vous nous avez adressé un excellent ouvrier. On nous a adressés à vous pour ce que cherchons. (Mol.).

… La voici, mon bonheur me l’adresse.
Corneille.
                    On sait que le Destin
Adresse là les gens quand il veut qu’on enrage.
La Fontaine.

|| Recommander : Adresser un protégé. Oh ! le brave homme ! s’écria-t-il. Oui, certes, il fait bien de m’adresser ses amis. (P.-L. Cour.) || Donner : Au milieu des assauts que nous livrent les passions, la raison nous adresse toujours quelques conseils. (Laténa.) || Appliquer, porter, donner : Adresser à quelqu’un un soufflet, un coup de canne. Et le pauvre diable, qui se défendait comme un lion, meurt d’un coup de sabre que lui adresse mon lieutenant. (E. Sue.) || Dédier : Les commentaires qu’il adressa à Lucile. (St-Réal.) Le P. Maimbourg s’est fait un honneur d’adresser tous ses ouvrages au roi. (Bayle.) Inusité en ce sens aujourd’hui. || Proférer, exprimer, manifester dans une certaine intention  : Adresser des vœux, une demande, une question, des reproches. Il ne me trouve pas assez bien faite pour m’adresser ses vœux. (Volt.) Ils adressaient leurs ardentes prières à celui qui commande à la mer et à la foudre. (Lacép.) La plupart des reproches qu’on adresse à la religion ne sont mérités que par quelques-uns de ses ministres. (B. Const.) Il crut que je lui adressais un dernier adieu. (G. Sand.) Ces cris sont la prière qu’ils adressent à Dieu, et Dieu l’écoute. (Lamenn.)

Adresser la parole à quelqu’un, Lui parler directement : Oui, monsieur, le roi m’a fait l’honneur de m’adresser la parole ; il m’a dit : Tu es un sot. Vous leur adressez la parole, ils ne vous répondent pas. (La Bruy.) Lorsque cette boisson commença à échauffer son cerveau, il adressa la parole à un esclave, qui était assis sur une pierre au soleil. (B. de St-P.)

— Neutral. et passiv. Bien adresser, mal adresser, Toucher ou ne pas toucher l’endroit où l’on vise, et fig. Rencontrer bien ou mal. Vient-il demander ce que je lui dois ? il serait mal adressé.

Notre amoureux ne se pressait pas tant,
Bien adresser n’est pas petite affaire.
La Fontaine

S’adresser, v. pr. Être adressé : Le paquet s’adresse à vous, mais il doit s’y trouver une lettre pour moi. (Acad.) || Aller trouver quelqu’un, avoir recours directement à lui pour demander ou obtenir quelque chose : C’est à vous seul que je m’adresse pour obtenir cette grâce. (Pasc.) Anne d’Autriche s’adressa à cette compagnie pour avoir la régence illimitée. (Volt.) J’espère que vous ne me ferez pas l’injure de vous adresser à d’autres qu’à moi. (Alex. Dum.)

À l’auteur de mes maux il faut que je m’adresse.
Racine.
Au factotum tu n’as qu’à t’adresser.
La Fontaine.

— Fam. Vous vous adressez mal, à qui pensez-vous vous adresser ? Se dit à quelqu’un qui se méprend, qui fait une demande, une proposition peu convenable.

— S’attaquer à quelqu’un : Prudemment, on ne doit point s’adresser aux personnes puissantes, de peur de succomber sous leur crédit. (St-Evrem.) || Parler directement à quelqu’un, lui adresser la parole : Quand je dis vous, je m’adresse presque à tous les hommes. (Mass.) Mon père, dit-elle d’une voix affaiblie, en s’adressant au religieux, je touche au moment de la mort. (Chateaub.)

Narcisse s’adressant à la voix fugitive :
« Approchons-nous. » Docile à cet ordre si doux
La nymphe, avec transport, répète : « Approchons-nous. »
Malfilatre.

Être adressé directement, personnellement : C’est à vous que ce compliment, que ce reproche s’adresse. L’éloge est suspect lorsqu’il s’adresse à la prospérité. (Chateaub.) Camille est au-dessus des autres femmes, ceci ne s’adresse pas à elle. (Balz.)

C’est à vous, s’il vous plaît, que ce discours s’adresse.
Molière.
Ce qu’ils disent s’adresse à tous, tant que nous sommes.
La Fontaine.


|| Se diriger, être dirigé : s’adressent tes pas ? (Mol.) Tout le monde courant çà et là pour ses affaires, on ne sait où s’adresse le chemin de chacun. (Perrot d’Abl.)

Je vois qu’en m’écoutant vos yeux ici s’adressent.
Racine.
     C’est à toi que, dans cette guerre,
Les flèches des méchants prétendent s’adresser.
Racine.

— Fig. Être fait pour agir sur : S’adresser à l’imagination. S’adresser à l’amour-propre. S’adresser aux passions. L’expression s’adresse à l’âme comme la forme s’adresse aux sens. César s’adresse plus constamment à la seule raison ; Napoléon parle davantage à l’imagination et à l’âme. (Dam.-Hinard.) Les sciences naturelles s’adressent à notre orgueil. (M.-Brun.) Il ne donnait pas dans les lieux communs de la conversation par où se sauvent les imbéciles ; il s’adressait aux plus intimes intérêts de la vie. (Balz.) L’instruction ne s’adresse qu’à l’esprit. (Dupanl.) La prose ne s’adresse qu’à l’idée ; le vers parle à l’idée et à la sensation. (Lamart.)

ADRETS (François de Beaumont, baron des), capitaine du xvie siècle, fameux par sa cruauté, né en 1513, au château de la Frette, près de Grenoble, mort en 1587. Une injure des Guises le jeta en 1562 dans le parti de Condé et des protestants. Il souleva le Dauphiné, prit Valence, Lyon, Grenoble, Vienne, Orange, etc. signalant ses triomphes par le carnage et la dévastation, détruisant les églises et frappant les populations d’une terreur dont le souvenir n’est pas encore éteint. La tradition rapporte qu’à Montbrison et dans d’autres villes, il obligeait les prisonniers à sauter du haut d’une tour sur la pointe des piques de ses soldats. On dit aussi que, comme Montluc, dont il semble l’émule, il marquait son passage aux arbres des chemins en y suspendant les cadavres de ses victimes. Le parti protestant rougit enfin de la solidarité de sang que lui imposait ce monstre, et le remplaça, comme lieutenant de Condé, par Soubise. Sa puissance dans le Lyonnais et le Dauphiné avait duré neuf mois. Plus tard il passa au parti catholique et devint dès lors le fléau des protestants, après en avoir été le déshonneur. Lui-même disait qu’il voulait défaire les huguenots qu’il avait faits. Il mourut odieux à tous les partis.

ADRIA, ville de la Vénétie ; 10,000 hab. Ruines remarquables. Elle a donné son nom à la mer Adriatique, qui la baignait autrefois, et dont elle est aujourd’hui éloignée d’environ 20 kil.

ADRIANA ou VILLA ADRIANA, nom donné à une villa célèbre située à environ 6 kil. de Tivoli, dont elle n’est séparée que par une forêt d’oliviers. Ce n’est plus aujourd’hui qu’une ruine magnifique, qui appartient au duc de Braschi. L’empereur Adrien, dit-on, en traça lui-même le périmètre, et fit construire des monuments exactement calqués sur ceux qu’il avait admirés dans ses voyages. On y voyait le Lycée, l’Académie, le Prytanée, le Pœcile d’Athènes, le Sérapéon de Canope, la vallée de Tempé, des thermes, des théâtres, des temples, et, au milieu, un magnifique palais impérial, auquel étaient réunies de vastes casernes pour les prétoriens. On croit que cette villa fut ruinée par Totila. Pendant des siècles, elle ne cessa d’être pillée par les Romains. Aujourd’hui, ces ruines étonnent par leur étendue ; elles ont été longtemps une mine d’objets d’art pour les musées de l’Europe. Les monuments dont on croit retrouver les traces sont un théâtre grec, le Pœcile, des bains, un temple des stoïciens, des temples de Diane et de Vénus, le palais impérial, les casernes des prétoriens, une naumachie, le Sérapéon, l’Académie et la vallée de Tempé, avec un ruisseau qui figure le Pénée.

ADRIANA s. f. (a-dri-à-na). Bot. Genre d’euphorbiacées, dédié à Adrien de Jussieu, à qui l’on doit une savante monographie de la famille des euphorbiacées.

ADRIANÉES s. f. pl. (a-dri-a-né — lat. Adrianus, Adrien). Antiq. rom. Jeux institués en l’honneur de l’empereur Adrien, et qui se célébraient tous les cinq ans. || Nom donné à de petits édifices dans lesquels l’empereur Adrien avait permis aux chrétiens de se réunir.

ADRIANI (Jean-Baptiste), historien florentin, né en 1513, mort en 1579. Il a écrit une Histoire de son temps, qui s’étend de 1536 à 1574, et qui fait suite à celle de Guichardin. De Thou et Bayle en font l’éloge.

ADRIANITE s. m. (a-dri-a-ni-te — lat. Adrianus, Adrien). Hist. ecclés. Membre d’une secte qui avait adopté les erreurs de Simon le Magicien. || Membre d’une autre secte fondée au xvie siècle par Adrien Hamstedius. Ces adrianites avaient embrassé la doctrine des anabaptistes ; ils prétendaient en outre que le corps de Jésus-Christ a été formé seulement de la substance de sa mère.

ADRIATIQUE (mer) ou Golfe de Venise, grand golfe de la Méditerranée, qui s’étend sur une longueur de 750 kil. entre la Turquie d’Europe, l’Autriche et l’Italie ; affl. : le Pô, l’Adige et le Rubicon ; ports sur ses côtes : Trieste, Venise, Ancône et Fiume. Ses eaux sont plus salées que celles de la Méditerranée. Marées sensibles dans quelques localités, et particulièrement à Venise.

ADRIEN (P. Ælius Adrianus), empereur romain, né a Rome, l’an 76, d’une famille originaire d’Espagne, mort à Baïa d’un excès de table, en 138. Adopté par Trajan, son cousin, il lui succéda en 117, déjà célèbre par ses services et ses talents. D’une activité infatigable, Adrien fit face de tous côtés aux barbares, repoussa les Alains, les Sarmates, les Daces, soumit deux fois les Juifs révoltés, et consacra une partie de son règne à visiter les provinces de l’empire, corrigeant les abus, diminuant les impôts, et marquant son passage par la construction de monuments magnifiques et par l’exécution de vastes travaux d’utilité publique, tels que la muraille élevée contre les incursions des Calédoniens, dans la Grande-Bretagne, les arènes de Nîmes, le pont du Gard, le pont St-Ange, son propre mausolée (aujourd’hui le château St-Ange, etc.). En même temps, il réformait l’administration, adoucissait le sort des esclaves, publiait l’Édit perpétuel, compilation judiciaire qui régit l’empire jusqu’au temps de Justinien, protégeait les sciences et les arts, qu’il cultivait lui-même avec succès, et modérait les persécutions contre les chrétiens. On lui reproche cependant avec raison ses cruautés contre les juifs, ses folles superstitions, son goût pour la magie, les débauches auxquelles il se livra dans ses dernières années, et ses faiblesses pour son favori Antinoüs, dont il fit un dieu après sa mort. La vie de ce prince ne fut pas non plus exempte de crimes, et il sacrifia d’illustres personnages à ses soupçons.

ADRIEN Ier, pape de 772 à 795. Secouru par Charlemagne contre Didier, roi des Lombards, il le créa patrice de Rome.

ADRIEN Il, pape de 867 à 872. Il prononça la déposition du patriarche Photius, auteur du schisme grec.

ADRIEN III, pape en 884. Son pontificat dura un an à peine.

ADRIEN IV (Nicolas Breakspear), le seul pape anglais, élu en 1154, fit brûler Arnaud de Brescia, et soutint contre Frédéric Barberousse des luttes qui furent l’origine des longs démêlés entre l’Église et l’Empire au sujet des investitures.

ADRIEN V, pape en 1276. Ne régna qu’un mois.

ADRIEN VI, né en 1459, à Utrecht, d’une famille d’artisans, avait été précepteur, puis ministre de Charles-Quint, qui le fit nommer pape en 1522. Son règne ne dura qu’un an. Il se distingua par son savoir et son inépuisable charité, mais déplut aux Romains par l’austère simplicité de sa vie, et échoua dans son projet de réconcilier Charles-Quint et François Ier.

ADRIEN (saint), martyr à Nicomédie, vers l’an 306. Il était officier dans l’armée de Galère, et il se convertit en voyant l’héroïsme des chrétiens, contre lesquels il combattait. L’Église l’honore le 8 sept. || Trois autres personnages de ce nom ont été également canonisés : 1o  saint Adrien, martyr à Césarée vers 309 ; honoré le 5 mars ; 2o  saint Adrien, qui alla prêcher la foi dans la Grande-Bretagne, et qui y mourut en 720 ; honoré le 9 janv. ; 3o  saint Adrien, évêque de St-André en Écosse, martyr vers l’an 874 ; honoré le 4 mars.

Adrien, opéra en trois actes, paroles d’Hoffmann, musique de Méhul, représenté pour la première fois sur le théâtre de la République et des Arts, le 16 prairial an vii (1798). Le poëme reproduit à peu près l’Adriano de Métastase. La musique est digne du génie de Méhul. Les chœurs sont admirables ; le style général de l’ouvrage est noble et soutenu ; le récitatif, écrit à la manière de Gluck, est toujours parfaitement approprié aux situations. Malheureusement ces situations n’étaient guère en harmonie avec les idées républicaines de l’époque. Les répétitions de l’opéra d’Adrien avaient commencé dès l’année 1792 ; la commune de Paris les fit cesser, sous le prétexte que le poëme était écrit dans des principes royalistes ; on allégua même que les chevaux qui devaient traîner le char d’Adrien avaient appartenu à Marie-Antoinette. Le peintre David, consulté, répondit que la commune de Paris brûlerait l’Opéra plutôt que d’y voir triompher des rois. Au bout de sept années, ces préventions n’avaient pas encore disparu, et l’opéra d’Adrien eut de la peine à se soutenir, malgré les grandes beautés qu’il renfermait.

Adrienne Lecouvreur, drame en cinq actes et en prose, par MM. Scribe et Legouvé, représenté pour la première fois au Théâtre-Français, le 14 avril 1849. La scène se passe à Paris, au mois de mars 1730. Le sujet est l’amour qu’une grande dame, la princesse de Bouillon, ressent pour Maurice, comte de Saxe, fils naturel du roi de Pologne et prétendant au trône de Courlande. Le jeune homme vient de revenir à Paris ; il va rendre ses devoirs à la princesse de Bouillon, qui, le trouvant froid et contraint, soupçonne une rivale. Un bouquet lié par un fil d’or que porte Maurice la confirme dans ses soupçons. En effet, ces fleurs ont été envoyées au héros le matin même par Mlle Adrienne Lecouvreur, jeune actrice de la Comédie-Française, qu’il a protégée à la sortie d’un bal masqué contre l’insolence de quelques fats, et qui lui sait le gré le plus tendre de cette héroïque conduite. La princesse feint de croire que les fleurs lui sont destinées et le comte de Saxe, n’osant la désabuser, lui abandonne le bouquet. Cependant, la princesse, qui veut à tout prix sortir de son incertitude, charge l’abbé de Chazeuil, son complaisant, de découvrir la femme qu’aime le comte. Celui-ci se décharge de la commission sur le prince de Bouillon lui-même, qui, par suite d’un malentendu, croit trouver cette femme dans la Duclos, sa maîtresse, actrice du Théâtre-Français, qui a donné par écrit un rendez-vous à Maurice pour le compte de la princesse elle-même. Le prince vient pour la surprendre dans la petite maison qu’il lui a meublée rue Grange-Batelière ; mais c’est sa femme qui s’y trouve pour traiter avec Maurice du rachat d’une lettre de change de 70,000 livres, lettre au moyen de laquelle la Russie veut le faire emprisonner, et l’empêcher ainsi d’aller reconquérir la Courlande. La grande dame n’est sauvée que grâce à la générosité d’une inconnue, Adrienne Lecouvreur, qui lui remet dans l’ombre une clef de la part du comte de Saxe, et protège son évasion. Elle s’enfuit donc, mais non sans avoir pressenti dans sa libératrice la rivale qu’elle cherchait, dont elle n’a pu apercevoir le visage, mais dont elle a entendu la voix. Toutefois un hasard va la lui faire reconnaître : la grande tragédienne est invitée à aller réciter quelques vers dans une soirée que doit donner Mme de Bouillon ; elle s’y rend, et se croyant abandonnée par son amant, qu’elle voit assidu auprès de la princesse, elle trahit son amour en jetant à la face de cette dernière ces vers de Phèdre à Œnone, qui marquent sa rivale comme autant de fers rouges :


………… Je sais ses perfidies,
Œnone ! … et ne suis point de ces femmes hardies,
Qui, goûtant dans le crime une honteuse paix,
Ont su se faire un front qui ne rougit jamais !


Mme de Bouillon a reconnu la voix qu’elle cherche, et il s’ensuit entre la grande dame et la comédienne une scène d’ironie et de rage, où, sous des formes insolemment polies, elles se déchirent mutuellement le cœur.

La comédienne sort victorieuse du salon de la princesse, dont la vengeance ne se fait point attendre. Elle renvoie à sa rivale le bouquet du premier acte, imbibé d’un poison subtil. La malheureuse femme croyant trouver dans cet envoi une preuve du mépris de celui qu’elle aime, le couvre de baisers et de larmes, et y respire la mort. Sur ces entrefaites, arrive le comte de Saxe, délivré de prison par la délicate générosité d’Adrienne. Il vient se justifier et tomber à ses pieds ; mais il n’a que le temps de recevoir ses adieux et son dernier soupir. Adrienne meurt dans les bras de son amant après une admirable agonie, qui remplit à elle seule tout le cinquième acte.

Cette pièce parfaitement construite ne renferme aucune scène inutile ; tout y est prévu, et l’action marche sans entrave, jusqu’au dénoûment. Malgré ces qualités, ce drame n’a dû son succès qu’à l’incomparable talent de Rachel, qui s’essayait pour la première fois dans le drame et dans la prose. La grande actrice semblait s’être incarnée dans la tragédienne du xviiie siècle, et les habitués du Théâtre-Français se rappellent encore avec quel charme elle y récitait la fable des Deux Pigeons, et avec quelle fiévreuse énergie elle déclamait les vers brûlants de Phèdre.

ADROGATION s. f. (a-dro-ga-si-on — lat. adrogatio, même sens ; de adrogare, adopter) Dr. rom. Action d’adopter pour fils une personne qui n’était pas sous la puissance paternelle. || Se disait aussi de l’agrégation d’un plébéien dans l’ordre des patriciens.

ADROGÉ, ÉE (a-dro-jé) part. pass. du v Adroger. Pris en adoption.

— s. m. Celui qui avait été adopté : Il fallait que l’adrogé appartint au sexe masculin et fût pubère. (Encycl.)

ADROGEANT (a-dro-jan) part. prés. du v. Adroger.