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— Relig. cathol. Tableau, gravure qui représente les mages ou les bergers adorant Jésus-Christ couché dans la crèche. V. les quatre articles suivants. || Adoration du pape, Hommage de respect et de soumission offert par les cardinaux au pape après son élection. || C’est aussi une manière extraordinaire d’élire le pape. L’élection est dite par adoration lorsque les deux tiers au moins des cardinaux, comme entraînés par un mouvement spontané, vont se prosterner aux pieds de l’un d’eux, le proclament souverain pontife sans aller au scrutin, et se rendent ensuite à l’adoration.

— Liturg. Adoration de la croix, Cérémonie qui se pratique le vendredi saint dans toutes les églises catholiques ; elle consiste à se prosterner devant la croix, en souvenir de Jésus-Christ crucifié. || Adoration perpétuelle, Pratique pieuse de plusieurs congrégations de femmes, laquelle consiste à adresser, soit au saint sacrement, soit au sacré cœur, des prières non interrompues ; récitées à tour de rôle par chaque membre de la congrégation. || On appelle aussi adoration perpétuelle une dévotion établie à Paris depuis peu d’années. Chacune des églises et des communautés religieuses de cette capitale consacre, à son tour, trois jours à célébrer en l’honneur de l’eucharistie un office solennel, avec prédications et exercices particuliers, en sorte que le saint sacrement est exposé et adoré d’un bout à l’autre de l’année, sans interruption.

Filles, religieuses de l’adoration, Religieuses de Saint-Benoît, qui se vouent à la pratique de l’adoration perpétuelle.

Encycl. Dans la théologie chrétienne, le mot adoration représente l’hommage que l’on doit rendre à Dieu et ne rendre qu’à lui seul. Les catholiques adorent l’eucharistie parce qu’ils croient à la présence réelle de Jésus-Christ sous les espèces du pain et du vin ; les protestants lui refusent l’adoration, parce qu’ils n’y voient qu’un symbole. Le culte des saints, celui des anges, celui des reliques, celui des images, celui même de la sainte Vierge, ne doivent pas être confondus avec l’adoration. Il est vrai que souvent l’ignorance et l’état intellectuel des populations ne permettent guère d’éviter cette confusion, qui devient ainsi, dans bien des pays catholiques, une cause d’idolâtrie véritable.

Chez les anciens, le mot adoration signifiait, à proprement parler, l’hommage rendu à quelqu’un ou à quelque chose, en levant à son intention la main vers la bouche pour la baiser. C’est ce qu’indique du reste l’étymologie (ad, vers ; os, la bouche). Ce mot n’exprimait pas nécessairement une idée de culte. C’est ainsi que nous voyons dans l’Écriture Abraham adorer le peuple d’Hébron, qui lui permettait de choisir une sépulture pour Sara ; Elisée se laisser adorer par la Sunamite, à laquelle il avait rendu son fils.

Adoration des Bergers (L’), tableau de Ribera, Musée du Louvre, no 553. Ribera n’est representé au Louvre que par une seule toile, son Adoration des Bergers, cédée à la France par le roi de Naples, comme compensation des tableaux que les troupes napolitaines avaient pris ou détruits dans l’église Saint-Louis-des-Français, à Rome. Cette toile, forte et charmante, mérite une place élevée dans l’œuvre de son auteur. Elle offre même un attrait à la curiosité, car elle appartient à l’époque où Ribera, s’inspirant du Corrège, adoucit, par une certaine grâce de style, une certaine suavité d’expression, la manière énergique et sombre qu’il avait empruntée à Caravage. « Rien de plus vigoureux et de plus vrai, dit Emeric David, que les figures des pâtres, qui, pleins de respect et d’émotion, s’inclinent pour adorer Jésus. La tête de Marie et celle de l’enfant manquent peut-être de dignité, mais ces défauts s’effacent lorsque l’on considère le berger le plus avancé, l’expression de son visage et les tons chauds de ses draperies vivement éclairées. Ni le Caravage ni aucun de nos plus habiles coloristes n’ont peint une figure plus mâle. Il existe une reproduction de ce tableau à l’Escurial, et une autre, dit-on, à Cordoue, dans la sacristie du couvent des Augustins.

Adoration des Bergers (L’), tableau de Murillo, Madrid, Museo del Rey. Dans ce tableau règne une opposition parfaite entre le groupe tout céleste de Jésus et de sa mère, et le groupe tout humain des pâtres que l’ange amène à la crèche. Dans la représentation de ces hommes grossiers, des peaux qui les couvrent, des chiens qui les accompagnent, l’artiste déploie une vigueur et une vérité sans égales et le seul pinceau de Murillo pouvait jeter sur le milieu de la scène l’éclatant reflet d’une lumière d’en haut, pour arriver, par la dégradation des plus fines demi-teintes, jusqu’à l’obscurité de la nuit qui enveloppe les angles du tableau.

Adoration des Bergers, tableau de Raphaël, Musée de Berlin. Il est peint à la détrempe sur une fine toile de soie, entourée d’arabesques charmantes, la plupart en grisailles. Cette peinture ressemble beaucoup aux célèbres cartons de Hampton-Court, que Raphaël couvrit également de couleurs à la détrempe pour en faire des modèles de tapisserie ; mais ici le travail est plus fin et plus délicat, bien que la composition soit moins forte et moins sublime. Raphaël, dit-on, peignit cette Adoration des Bergers à Pérouse, avant d’aller à Florence ; on y trouve, en effet, tous les caractères de son premier âge et de son premier style. Elle occupait le maître-autel d’une chapelle appartenant a la famille Ancajini, à Ferentillo.

Adoration des Mages, tableau de Nic. Poussin. Le peintre a supposé l’étable formée par les ruines d’un antique édifice. La Vierge est assise, tenant l’enfant sur ses genoux, près d’une pierre carrée, qu’on pourrait supposer avoir servi d’autel. Trois groupes composent ce tableau : à gauche, sont la Vierge, Jésus et saint Joseph, au milieu, les rois et leur suite : dans le fond, les valets, les chameaux, les chevaux, cortège fastueux que, par respect, les mages ont laissé à l’écart. Les mouvements de tous les personnages sont aussi expressifs que les traits de leurs visages chaque figure est aussi belle par la naïveté de la pose que par la chaleur de l’expression. Il est à regretter que ce tableau ait été peint sur une toile teinte en rouge, pratique funeste mise en vogue par le Tintoret ; il paraît avoir été lavé plusieurs fois. Soit par la fatigue de ces lavages, soit par l’effet inévitable que produisent les impressions rouges, les ombres ont totalement disparu ; une partie des chairs a été emportée ; les figures se perdent dans le fond, et l’on peut voir, dans la gravure faite par le chevalier Avite, des ornements qui n’existent plus dans l’original. Ce tableau, récemment placé dans la galerie du Sénat, fut exécuté à Rome, en 1653, pour M. de Mauroy. Après la mort de cet amateur, il passa dans le cabinet de M. de Bois-Franc, et appartint ensuite à la maison des Chartreux de Paris, qui le placèrent dans la salle du chapitre.

Adoration du veau d’or (L’), tableau de Claude Gellée, Londres (Grosvenor-House). Ce tableau est loin de représenter l’aride et triste nature de la Judée ; il a, au contraire, tout le luxe de la nature italienne. Il offre un paysage plat d’immense profondeur, coupé de massifs d’arbres et de flaques d’eau. Sur une pelouse verdoyante est placé le veau d’or, encensé et adoré, non par le peuple juif, mais par un petit groupe de gens vêtus à la grecque, avec chlamydes et péplums. L’éclat du ciel, la savante dégradation des lignes et des plans, l’heureux contraste des ombres et des lumières, l’étonnante perspective aérienne, le choix des détails et la magie de l’ensemble font de cette toile un des chefs-d’œuvre de Claude Gellée.

ADORBITAL adj. et s. m. (a-dor-bi-tal — lat. ad, auprès, et fr. orbite). Anat. Qui forme l’orbite : L’os adorbital ou l’adorbital.

ADORÉ, ÉE (a-do-ré) part. pass. du v. Adorer. Qui est l’objet d’un culte religieux. Se dit proprement en parlant du vrai Dieu, et, par extens., en parlant des faux dieux, des idoles : Dieu veut être connu et adoré de ses créatures. (Mass.) Vénus est particulièrement adorée à Cythère, à Idalie, à Paphos. (Fén.) Dieu veut être adoré en esprit et en vérité. (J.-J. Rouss.) Plutarque rapporte que l’alouette était adorée à Lemnos. (B. de St-P.) La vache est adorée des brahmes. (B. de St-P.)

— Par exag. Aimé, chéri, vénéré : Souverain adoré de son peuple. Femme adorée de son mari. Je n’aurais jamais fait si je voulais vous nommer tous ceux dont vous êtes aimée, chérie, adorée. (Mme de Sév.) Je ne me plains de rien, moi qui n’ai pas été choyée et adorée comme vous du ciel et de la terre. (G. Sand.)

Si jamais homme fut adoré parmi tous,
               C’est vous par moi.        V. Hugo.
Du magister fille adorée,
Par son bon cœur elle plaisait.
Béranger.


|| En poésie, s’applique à ce qui appartient à la personne ainsi adorée :

Je redemande aux cieux ta présence adorée.
Le Brun.
Sois mon appui, mon guide, et souffre qu’en tous lieux
De tes pas adorés je baise la poussière.
Lamartine.


|| Craint, flatté, adulé : Les favoris sont toujours adorés par les courtisans.

J’ai vu l’impie adoré sur la terre.      Racine.
Les monarques d’Asie, adorés par la crainte,
Habitaient d’un palais l’inabordable enceinte.
Delille.

— Substantiv. Femme aimée avec passion : Vous êtes mon adorée. L’adorée du jour est souvent la délaissée du lendemain. || S’empl. souvent par plaisanterie.

— Gramm. Adoré de, adoré par. Ces deux prép., de et par, ne s’emploient pas toujours indistinctement. Adoré de exprime un sentiment plus élevé, plus pur : Roi adoré de ses sujets. Dieu veut être adoré de ses créatures. (Mass.) Adoré par exprime un acte extérieur, souvent forcé : Alexandre était adoré par les Perses. Il n’est pas vraisemblable qu’Antinoüs, le mignon d’Adrien, fût adoré par les Égyptiens du même culte que Sérapis. (Volt.)

ADOREA s. f. (a-do-ré-a — mot lat. formé de ador, adoris froment pur). Antiq. rom. Récompense accordée à ceux qui avaient fait une action d’éclat, et qui consistait d’abord en blé, puis en toute sorte de produits végétaux. L’adorea ne fut en usage que dans les premiers temps de la république. || Par anal. Ce mot signifia Gloire militaire, triomphe.

ADOREMUS s. m. (a-do-ré-muss — mot lat. signif. adorons). Liturg. Nom d’une prière qui se chante dans les saluts.

ADORER v. a. ou tr. (a-do-ré — lat. adorare, même sens ; de ad, à ; os, bouche). Rendre à la Divinité le culte, les honneurs qui lui sont dus : Il ne faut adorer que Dieu. (Acad.) Toutes les créatures louent Dieu, tout ce qui sent le bénit, tout ce qui pense l’adore. (Lamenn.) Les juifs et les chrétiens n’ont jamais adoré qu’un seul Dieu. (Card. Gousset.) Les anciens juifs adoraient le même Dieu que nous adorons. (Ventura.)

Oui, je viens dans son temple adorer l’Eternel.
Racine.
Qu’on l’adore ce Dieu, qu’on l’invoque à jamais.
Racine.
J’adore un Dieu caché, je tremble et je me tais.
L. Racine.


|| Rendre aux faux dieux, aux idoles le culte qui n’est dû qu’à Dieu : Il est assez prouvé que les anciens Égyptiens n’adoraient pas les oignons et les crocodiles de la même façon qu’Isis et Osiris. (Volt.) On sculpte, on dore l’idole pour n’avoir pas à rougir d’adorer une bûche. (Mme Roland.) Il S’empl. absol. : Les Juifs adoraient à Jérusalem et les Samaritains à Samarie. (Acad.) L’homme qui n’adore pas ne vit qu’à demi. (Custine.) Faire le bien, c’est adorer. (J. Sim.)

Que ma raison se taise et que mon cœur adore !
Lamartine.

Adorer Dieu en esprit et en vérité, Lui rendre un culte intérieur et sincère : Pour ce qui est de l’obligation d’adorer Dieu en esprit et en vérité, il y a tant de vérités renfermées dans ce peu de mots que je m’y perds. (Boss.) || Adorer la bonté, la sagesse, les bienfaits, etc., de Dieu, Adorer Dieu relativement à sa bonté, à sa sagesse, etc. : J’adore la bonté de Dieu, je l’admire, j’y mets ma confiance. (Bourdal.) || Adorer la croix, les reliques, les vénérer, les honorer, d’une espèce de culte qui, par relation, a Dieu seul pour objet.

— Accepter avec soumission, se soumettre humblement : Ils adorent les jugements de Dieu. (Boss.) Ne laissez pas d’adorer la main qui nous l’enlève. (Fléch.) Adorons la main de Dieu qui nous frappe, et ayons confiance en lui. (De Noailles.)

Et le peuple, inégal à l’endroit des tyrans,
S’il les déteste morts, les adore vivants.
Corneille.
Je sais rendre aux sultans de fidèles services,
Mais je laisse au vulgaire adorer leurs caprices.
Racine.


|| Rendre un profond hommage, honorer en se prosternant : Dioclétien s’établit à Nicomédie, où il se fit adorer à la mode des Orientaux. (Boss.) L’Église commandait d’obéir à l’empereur, elle défendait de l’adorer. (L. Veuillot.)

Tout était adoré dans le siècle païen ;
Par un excès contraire, on n’adore plus rien.
L. Racine.


|| Par anal. et dans le même sens : On adore les princes, mais il est rare qu’on les aime. (Mme de Pompadour.)

— Par exag. Aimer éperdument, avec idolâtrie : Cette princesse se fait adorer de toute la cour. (Mme de Sév.) À seize ans je perdis ma mère ; je ne vous dirai pas combien je l’adorais. (E. Sue.) Il y a des pères qui n’aiment pas leurs enfants ; il n’existe point d’aïeul qui n’adore son petit-fils. (V. Hugo.) On n’adore la plupart des femmes que faute de les pouvoir aimer. (A. Karr.)

Heureuse la beauté que le poëte adore.
Lamartine.
Je te jure, à mon tour, de n’adorer que toi.
Lamartine.
Si tu rends à mes vœux le héros que j’adore,
Quel encens envers toi m’acquittera jamais !
Demoustier.


|| Admirer aveuglément : Adorer Racine, Corneille, Molière, etc. Madame Dacier était incapable d’apercevoir des défauts dans l’auteur qu’elle adorait. (Volt.) || Avoir un goût excessif pour une chose : Il adore la peinture. Elle adore la musique, le bal. Les enfants adorent les friandises. Le paganisme adorait le plaisir, le christianisme fit adorer la souffrance. (Le P. Félix.)

Il est une liqueur aux poëtes plus chère,
Qui manquait à Virgile et qu’adorait Voltaire.
Delille.


|| Courtiser assidûment et servilement : Mes enfants, tant qu’un homme est au ministère, adorez-le ; tombe-t-il, aidez à le traîner à la voirie. (Balz.)

Déjà de ma faveur on adore le bruit.
Racine.
D’adulateurs une cour importune
Venait en foule adorer sa fortune.
Voltaire.

— Prov. et fig. Adorer le veau d’or, Courtiser, flatter ceux qui n’ont d’autre mérite que leur fortune. Se dit par allusion au veau d’or que les Israélites adorèrent au pied du mont Sinai : Il n’y a plus de patrie, il n’y a plus de liberté pour les peuples qui ne songent qu’à adorer le veau d’or. (J. Janin.) V. Veau d’or. || Adorer le pape, Rendre au pape nouvellement élu le premier hommage public. V. adoration. || Adorer la croix. V. Adoration.

S’adorer, v. pr. S’aimer, s’idolâtrer soi-même : De tous les adorateurs d’idoles, il n’y en a point de plus insensé que celui qui s’adore lui-même. (Boiste.) L’homme fit Dieu à son image et s’adore lui-même dans sa religion (Ch. Dollfus.) || S’aimer l’un l’autre, réciproquement : Nous nous sommes adorés tant que nous avons été jeunes, nous nous aimons depuis que nous ne le sommes plus. (Picard.)

Syn. Adorer, honorer, révérer, vénérer. Rendre un culte, des hommages : On adore Dieu, on honore les saints, on révère les reliques et les images, on vénère la vieillesse. Adorer exprime un respect, un amour et une reconnaissance sans bornes ; honorer rend une idée plus faible et plus générale ; on révère ce qui a un caractère de sainteté ; vénérer exprime une idée de déférence respectueuse et renchérit sur honorer : Adorer Dieu comme sa fin et son principe. (Fléch.) Avec tout l’univers j’honorais vos vertus. (Rac. ) Le tombeau de sainte Geneviève fut révéré comme un sanctuaire. (Bourdal.) On vénère les personnes de piété en qui l’on croit reconnaître des élus.

Allus. hist. Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré, Paroles que saint Rémi adressa à Clovis en le baptisant. Après la bataille de Tolbiac, où la foi de Clovis en ses dieux avait été fortement ébranlée, Clotilde manda secrètement saint Rémi, évêque de Reims, en le priant d’insinuer au roi la parole du salut. Mis en présence du prélat, « Je t’écouterai volontiers, très-saint père, » dit Clovis.

L’évêque, transporté d’allégresse, ordonne qu’on prépare la piscine sacrée. On tend, d’un toit à l’autre, dans les rues et sur les parois de l’église, des voiles aux brillantes couleurs ; on orne les murailles de blanches draperies ; on dispose le baptistère ; l’encens fume, les cierges brillent, et le temple tout entier est rempli d’un parfum divin. Le cortège se met en marche, précédé par le crucifix et les saints Évangiles, au chant des hymnes, des cantiques et des litanies, et aux acclamations poussées en l’honneur des saints… Le vénérable pontife menait le roi par la main, du logis royal au baptistère… « Patron, s’écriait Clovis, émerveillé de tant de splendeur, n’est-ce pas là le royaume de Dieu que tu m’as promis ? — Non, répliqua l’évêque, ce n’est pas le royaume de Dieu, mais c’est la route qui y conduit. »

Le nouveau Constantin descendit dans la cuve où les catéchumènes, à cette époque, se plongeaient encore presque nus ; ce fut alors que saint Rémi prononça ces paroles célèbres : « Courbe la tête, fier Sicambre ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. » Le roi confessa donc le Dieu tout-puissant dans la Trinité, et fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et oint du saint chrême avec le signe de la croix du Christ. Et plus de trois mille de ses guerriers furent baptisés avec lui, ainsi que ses deux sœurs, qui étaient tombées dans l’hérésie des ariens. Ce grand événement arriva le jour de Noël de l’année 496.

Les paroles de saint Rémi ont enrichi notre littérature de deux locutions souvent employées : Courbe la tête, fier Sicambre, pour exprimer la soumission à une doctrine acceptée ou à un fait accompli ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré, c’est-à-dire renonce à tes opinions, à tes sentiments, pour adopter des opinions, des sentiments opposés :

« Qui est-ce qui empêche donc aujourd’hui notre prospérité de se développer et de porter ses fruits ? Permettez-moi de vous le dire, c’est que le propre de notre époque est de nous laisser séduire par des chimères, au lieu de nous attacher à la réalité.

« Messieurs, je l’ai dit dans mon Message : Plus les maux de la société sont patents, plus certains esprits sont enclins à se jeter dans le mysticisme des théories. »

Mais, en réalité, de quoi s’agit-il ? Il ne s’agit pas de dire : Adorez ce que vous avez brûlé, et brûlez ce que vous avez adoré pendant tant de siècles ; il s’agit de donner à la société plus de calme et plus de stabilité ; et, comme l’a dit un homme que la France estime et que vous aimez tous ici, M. Thiers : « Le véritable génie de notre époque consiste dans le simple bon sens. »        L. Nap. Bonaparte,

        Réponse à un toast du maire de Rouen.

« Qui sont-ils enfin ceux qui prétendent détruire ainsi, d’un trait de plume, nos vieilles admirations, les enseignements donnés à notre jeunesse, et jusqu’aux notions du beau et du juste ? À quel titre oseraient-ils nous dire, comme le pontife du Très-Haut disait au Sicambre qui s’est assis le premier sur le trône des Gaules : Brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé ? »

               Le duc de Broglie.

« Cette ode inspire un profond sentiment de tristesse. Rousseau rétracte ici les éloges pompeux qu’il avait prodigués jadis à quelques-uns de ses patrons, de ses protecteurs ; le poëte, aigri par l’adversité, oublié ou abandonné de ceux qu’il avait crus ses amis, reprend sa louange, et, dans des vers laborieux qui s’élèvent quelquefois jusqu’à l’éloquence, il flétrit ce qu’il avait encensé, il brûle ce qu’il avait adoré, il renie les seuls accords pindariques qu’ait eus sa muse. »

        Commentaire sur J.-B. Rousseau.